Séance du 25 mai 1999
M. le président. « Art. 15 bis A. - Après l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1511-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 1511-6 . - Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de compétences à cet effet peuvent, dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu'ils demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'ils attendent, créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications au sens de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, pour les mettre à disposition d'exploitants de réseaux de télécommunications titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications qui en feraient la demande.
« Ces collectivités et établissements ne peuvent pas exercer les activités d'opérateur au sens du 15° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications.
« La mise à disposition s'effectue par voie conventionnelle dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et à des tarifs assurant la couverture des coûts correspondant à cette mise à disposition. Elle ne doit pas porter atteinte aux droits de passage que sont en droit d'obtenir les opérateurs autorisés.
« La décision de création ou d'extension d'une infrastructure de télécommunications ne peut intervenir qu'à l'issue de la mise en oeuvre d'une procédure de publicité permettant de constater la carence définie au premier alinéa et d'évaluer les besoins des opérateurs susceptibles d'utiliser les infrastructures projetées.
« Les dépenses et les recettes relatives à la construction, à l'entretien et à la location des infrastructures mentionnées au premier alinéa sont examinées, de façon prévisionnelle lors de la décision de création ou d'extension, par les organes délibérants qui doivent avoir connaissance notamment des besoins des opérateurs qui ont été identifiés dans le cadre de la procédure de publicité visée au précédent alinéa. Elles sont ensuite retracées au sein d'une comptabilité distincte. Le tarif de la location est calculé sur une durée d'amortissement des investissements liés à la création ou l'extension de ces infrastructures qui n'excède pas huit ans. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 99, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de suprimer cet article.
Par amendement n° 26, MM. Gérard Larcher, Belot et Revet, proposent au nom de la commission spéciale, de rédiger comme suit l'article 15 bis A :
« Il est inséré, dans le livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales, un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« INFRASTRUCTURES
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS
« Chapitre UNIQUE
« Mise à disposition des infrastructures
de télécommunications
«
Art. L. 1531-1.
- Dans le respect du principe de la liberté du
commerce et de l'industrie, les collectivités territoriales, ainsi que leurs
groupements et leurs établissements publics exerçant une compétence en la
matière, peuvent mettre à disposition de tout exploitant autorisé d'un réseau
de télécommunications qui en ferait la demande tout ou partie de leurs
infrastructures de télécommunications, dans des conditions objectives,
transparentes et non discriminatoires.
« Les collectivités, groupements et établissements mentionnés à l'alinéa
précédent peuvent également installer ou faire installer des infrastructures de
télécommunications à cette fin.
« Cette mise à disposition donne lieu à la conclusion d'une convention.
« Les collectivités, groupements et établissements visés ci-dessus ne peuvent
être titulaires d'une autorisation prévue à l'article L. 33-1 du code des
postes et télécommunications. »
Par amendement n° 103, M. Hérisson propose de rédiger comme suit l'article 15
bis
A :
« Après l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article L. 1511-6 ainsi rédigé :
«
Art. L. 1511-6.
- Les collectivités territoriales ou les
établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de
compétence à cet effet peuvent créer des infrastructures destinées à supporter
des réseaux de télécommunications au sens de l'article L. 32 du code des postes
et télécommunications, pour les mettre à disposition des exploitants autorisés
de télécommunications.
« Ces collectivités et groupements ne peuvent pas exercer les activités
d'opérateur au sens du 15° de l'article L. 32 du code des postes et
télécommunications.
« La mise à disposition s'effectue par voie conventionnelle, dans des
conditions objectives, transparentes et non discrimatoires et à des tarifs
assurant la couverture des coûts de cette mise à disposition. Elle ne doit pas
porter atteinte aux droits de passage que sont en droit d'obtenir les
opérateurs autorisés.
« Les dépenses et les recettes relatives à la construction, à l'entretien et à
la location des infrastructures mentionnées au premier alinéa sont examinées,
par les organes délibérants, de façon prévisionnelle, lors de la décision de
création ou d'extension de ces infrastructures. Elles sont ensuite retracées au
sein d'une comptabilité distincte. Le tarif de la location peut notamment être
calculé en fonction de la durée d'amortissement des installations. »
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 99.
M. Gérard Le Cam.
Cet amendement prévoit la suppression de l'article 15
bis
A, bien que
la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale soit mieux cadrée et moins
susceptible de dérives que le texte retenu par le Sénat en première lecture sur
l'initiative de notre collègue M. Hérisson.
L'adoption en l'état de la version préconisée par le Sénat aurait eu pour
effet de transformer les collectivités territoriales en véritables opérateurs
de télécommunications. Non seulement les collectivités locales étaient placées
en situation de concurrence avec l'opérateur public France Télécom, mais aussi
elles entraient en compétition les unes avec les autres, pour le plus grand
dommage des villes de petite et moyenne importance.
Selon les auteurs des différents amendements portant sur cette importante
question, quelle qu'en soit l'origine, la mise à disposition par les
collectivités locales d'un réseau de télécommunications à haut débit répond à
une double préoccupation : combler une carence des acteurs du marché et
répondre à des besoins qui sont apparus dans de grandes villes telles que Nancy
ou Toulouse.
Or les besoins exprimés sont pour l'essentiel très localisés, ponctuels et de
surcroît conjoncturels dans un domaine en pleine effervescence technologique.
Par conséquent, est-il véritablement utile de légiférer sur des aspects
relativement marginaux sans qu'il y ait eu, par ailleurs, de réflexion globale
et approfondie sur le cadre juridique nécessaire à la fourniture d'une
transmission à haut débit ?
La révision de la directive Télécom devra être l'occasion pour le gouvernement
français de proposer à nos partenaires européens l'insertion de ce service dans
les dispositions du service universel.
Sur ce point précis, madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous faire le
point de la réflexion et des intentions du Gouvernement pour éviter une
déréglementation complète du marché des télécommunications ?
J'observe, en outre, que le présent article répond davantage au souci de
rendre certains pôles urbains plus attractifs pour les investisseurs privés
qu'à celui de pallier un manque généralisé sur le territoire.
Par ailleurs, j'insiste sur un argument déjà avancé par notre groupe en
première lecture, si carence et insuffisance il y a, n'est-il pas souhaitable
de donner à France Télécom, dont le capital reste majoritairement public, la
possibilité d'investir de façon à répondre aux besoins et aux attentes
exprimées ? N'est-ce pas là une mission de service public à part entière ?
En tout état de cause, nul ne peut nier qu'une telle disposition aura pour
résultat de déséquilibrer le territoire au profit des grandes villes qui auront
les moyens d'installer un réseau à haut débit pour le confier, moyennant un
tarif modéré, aux opérateurs privés.
Dans ce cadre, l'opérateur France Télécom, déjà fortement ébranlé par la
libéralisation du secteur intervenue en 1998, serait soumis à une pression
supplémentaire sur le marché intérieur, qu'il a déjà fortement délaissé pour
privilégier sa stratégie à l'international.
Enfin, cet article, malgré des précautions juridiques certaines, introduit une
rupture d'égalité entre les usagers selon qu'ils résident en zones fortement
urbanisées ou en zones rurales, par exemple.
Parce que cet article ne répond pas aux interrogations et aux attentes que je
viens d'énoncer, pas plus d'ailleurs que l'amendement n° 26 de la commission,
nous persistons dans notre demande de suppression de l'article 15
bis
A.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
L'article 15
bis
A a été introduit dès la première
lecture par le Sénat sur l'initiative de certains de nos collègues, parmi
lesquels MM. Hérisson, Trucy, Michel Mercier et Joyandet. Nos collègues
souhaitaient remédier à la situation de blocage juridique dans laquelle se
trouvent les collectivités locales qui ont construit ou projettent de faire
construire des boucles locales de télécommunications à hauts débits inactives,
infrastructures dites « de fibres noires », afin de les louer à des opérateurs
de télécommunications de façon transparente et non discriminatoire.
En effet, cette intervention a été contestée, il faut le dire, par l'opérateur
historique France Télécom, et la jurisprudence n'est pas encore définitivement
fixée, le Conseil d'Etat ne s'étant pas encore prononcé dans ce domaine. En
attendant, des villes comme Nancy et Toulouse, ainsi que le conseil général du
Tarn et soixante-seize communes de la périphérie parisienne regroupées dans le
syndicat SIPPEREC, voient leurs projets bloqués.
La légitimité de cette intervention est pourtant désormais largement reconnue.
Elle l'a été tout d'abord par M. le Premier ministre, lors d'une conférence de
presse tenue le 19 janvier dernier. D'ailleurs, le président du Sénat
l'appuyait lui-même à l'occasion de la fête de l'Internet.
Elle l'a été ensuite par de très nombreux acteurs, qu'il s'agisse des
collectivités locales, des opérateurs ou des personnalités qualifiées au sein
du régulateur.
La légitimité de cette intervention a encore été reconnue par le Conseil de la
concurrence, qui a émis un avis favorable sur cette question et a posé des
principes que l'amendement du Sénat a tout simplement repris.
Enfin, cette intervention a été également reconnue légitime par le commissaire
européen à la concurrence - il n'est pourtant pas connu pour être un chantre de
l'interventionnisme public - ainsi que par le rapporteur du texte à
l'Assemblée nationale, M. Duron, qui a affirmé que l'opérateur historique ne
présentait pas toujours des offres satisfaisantes en termes de délais, de prix
ou de caractéristiques techniques pour les hauts débits, qui ne font pas partie
du service universel, et qui a reconnu qu'il y avait un réel besoin que le
législateur se devait de satisfaire.
En première lecture, l'amendement que nos collègues ont proposé était donc,
nous semble-t-il, équilibré. Il répondait à trois objectifs : reconnaître
expressément cette liberté aux collectivités locales ; améliorer l'exercice de
l'action territoriale en renforçant la sécurité juridique tant des
collectivités locales que des élus - point très important auquel la Haute
Assemblée, comme vous le savez, monsieur le président, est particulièrement
attentive - et participer à l'aménagement du territoire, surtout dans les
villes petites et moyennes où les boucles locales uniquement privées ne sont
pas nécessairement rentables.
Là encore, l'amendement du Sénat nous paraissait et nous paraît encore
équilibré, car il reprend les conditions fixées par le Conseil de la
concurrence et interdit aux collectivités de devenir elles-mêmes des
opérateurs.
L'Assemblée nationale a adopté, pour sa part, une rédaction restrictive. En
effet, elle n'a pas adopté la rédaction alternative proposée par le
Gouvernement et elle a durci les conditions d'exercice de ce droit
d'intervention, à telle enseigne que l'ancien président de la commission
supérieure du service public des Postes et Télécommunications, notre collègue
député Jean Besson, se demandait en séance si l'amendement n'avait pas été
rédigé par les adversaires de ce nouveau droit reconnu par M. le Premier
ministre aux collectivités locales, tant il comporte de risques de contentieux
! Notre collègue estimait que cette rédaction permettait de bloquer pour de
longues années tout projet.
En effet, l'obligation d'une tarification fondée sur un amortissement des
infrastructures en huit ans - retenez bien ce chiffre, mes chers collègues -
est à la fois arbitraire et discriminatoire. Les premiers contacts montrent que
ce délai a été calibré pour ôter toute viabilité au projet.
Autre préoccupation majeure, les risques de contentieux abondent. Ainsi, les
notions de « prix abordables » et d'« exigences de qualité » vont donné lieu à
coup sûr à des contestations de la part de l'opérateur dominant, et donc à des
recours qui, naturellement, retarderont ou bloqueront les projets.
De même, les modalités de la procédure de publicité ne sont pas définies et il
n'est fait référence à aucune procédure de type loi Sapin. Là encore, le risque
de contentieux futurs est grand, au point que l'on pourrait presque se demander
si la situation de blocage actuelle, qui, à un moment ou à un autre, finira par
être dénouée, au terme de certaines décisions, n'est pas préférable à ce qui
résulterait de la rédaction qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Nous avons entendu dire parfois que ce que l'on appelle la « fibre noire »
serait réservé aux régions denses, aux grandes agglomérations, aux villes
puissantes. Permettez-moi de dire ici la préoccupation du conseil général du
Tarn : si une infrastructure est aujourd'hui considérée comme un investissement
pérenne, il faut vingt ans pour en permettre l'amortissement. Voilà une
préoccupation empreinte de réalisme ! Pour autant, il ne faut pas se le cacher
des pressions ont été exercées pour que cet amendement n'ait plus de sens au
sortir des débats parlementaires.
Madame la ministre, de deux choses l'une : soit on a le courage d'interdire
l'accès à la fibre noire aux collectivités locales, soit on leur autorise, de
façon encadrée, un accès à cette technologie, leur imposer des conditions qui
ôtent toute fiabilité aux investissements correspondants.
D'ailleurs, nous pouvons nous poser la question de savoir si la limitation à
huit ans du délai d'amortissement n'est pas constitutionnellement contraire au
principe de libre administration des collectivités. C'est l'un des points sur
lesquels nous ne manquerions pas de nous pencher, le cas échéant, parce qu'il
ne paraît pas acceptable que le pouvoir de décision des collectivités
territoriales soit, sur un sujet aussi essentiel, ainsi encadré.
Il s'agit donc là, mes chers collègues, d'une décision importante. En effet,
pour reprendre une image parfois évoquée par Jean François-Poncet, il ne suffit
pas de dire : « Marchons ! Marchons ! » pour avancer ! Nous sommes là face à un
choix. On nous dit qu'il faut marcher ; créons les conditions de cette
mobilité-là !
Voilà pourquoi cet amendement n° 26, qui sera sans doute encore amélioré par
l'amendement n° 103 que nous proposera notre collègue Pierre Hérisson, nous
paraît important. Il est indépendant de toute pression. Il ne considère que
l'intérêt de l'accession d'une partie du territoire à ces techniques. Je vous
demande donc, mes chers collègues, de soutenir la position de la commission
spéciale.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Pierre Hérisson.
Cet amendement, qui tend à simplifier le dispositif proposé, se justifie par
son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 99 et 103 ?
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 99, je rappellerai simplement
que l'article 15
bis
A ne remet aucunement en cause le service public
des télécommunications défini par la loi de réglementation des
télécommunications du 26 juillet 1996.
En effet, les infrastructures de fibres noires sont destinées à transporter
des communications à haut débit qui ne sont pas incluses dans le service
universel des télécommunications. C'est le point réglementaire.
J'évoquais d'ailleurs, tout à l'heure, le syndicat intercommunal SIPPEREC,
dans la région d'Ile-de-France ; je pourrais aussi donner la position de
l'AVICAM, dont le président, maire-adjoint de Rennes, est favorable à cette
nouvelle liberté pour les collectivités locales.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 99.
Quand à l'amendement n° 103, il s'inspire de la rédaction proposée par le
Gouvernement tant en première lecture au Sénat qu'en nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale et permet de faire converger un certain nombre de points
de vue. Pour faire avancer les choses, la commission retire donc son amendement
n° 26 au profit de cet amendement, dont l'esprit est le même. Sur ce sujet, ce
serait passer à côté d'une chance importante que de ne pas avancer les uns vers
les autres, car il s'agit bien d'un levier essentiel pour un certain nombre de
collectivités locales.
M. le président.
L'amendement n° 26 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 99 et 103 ?
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le
Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, et ce pour des motifs
rigoureusement opposés.
Ainsi que M. le rapporteur l'a rappelé tout à l'heure, le Premier ministre
avait annoncé, lors du comité interministériel consacré à la société de
l'information, le 19 janvier dernier, son intention d'autoriser les
collectivités locales, en cas de carence des opérateurs, à réaliser des réseaux
de fibres optiques non activés. Le Sénat avait adopté, contre l'avis du
Gouvernement, un article qui n'encadrait pas suffisamment cette possibilité.
Le texte voté par l'Assemblée nationale a durci le dispositif de sorte que
l'encadrement de la possibilité offerte aux collectivités soit effectif et
n'entraîne pas de conséquences dommageables, non seulement en termes de
concurrence entre les différents opérateurs, mais également en ce qui concerne
le contenu du service universel et l'évolution de la péréquation tarifaire.
Cela dit, à la place des élus locaux, il n'est pas certain que je me
précipiterais pour faire usage de ce dispositif. En effet, le recours à des
technologies aussi efficaces et beaucoup moins coûteuses peut raisonnablement,
semble-t-il, être envisagé à court terme. J'ai en effet entendu avec beaucoup
d'intérêt, lors de l'examen en nouvelle lecture de ce texte à l'Assemblée
nationale, le plaidoyer en ce sens de M. Félix Leyzour, ce qui ne change rien à
l'avis défavorable du Gouvernement sur ces deux amendements.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Madame le ministre, ce n'est pas de l'encadrement, c'est de
l'enfermement ! Vous venez de sonner le glas pour ces collectivités-là !
Ne nous cachons pas derrière les mots : huit ans, cela signifie que ce n'est
pas possible ! Plus les collectivités ont des territoires peu denses, moins
elles ont de moyens financiers, et plus cela devient impossible pour elles.
Je ne savais pas que l'opérateur historique France Télécom était terrorisé par
le conseil général du Tarn ! Si l'on en est là alors que de grands enjeux
mondiaux sont en train de se jouer, par dessus les Allemands, avec Olivetti et
les sociétés italiennes de télécommunications, il y a de quoi s'inquiéter pour
notre opérateur historique, dont je suis un fidèle affidé et qui a pourtant
démontré sa capacité à relever d'autres défis que ceux-là ! Au moment des défis
mondiaux de télécommunications, le temps des tremblements me semble dépassé.
Cessons d'avoir peur de Villetaneuse ou du Tarn en matière de
télécommunications ! Ce sera, à mon avis, plus raisonnable !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 99.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Le groupe socialiste n'est favorable à aucun des amendements déposés à
l'article 15
bis
A.
L'amendement n° 26 de la commission, que M. le rapporteur vient de retirer,
visait à un retour pur et simple au texte adopté par le Sénat en première
lecture ; je dois d'ailleurs reconnaître à notre collègue Gérard Larcher une
ténacité tout à fait remarquable !
Comme en première lecture, nous n'aurions pu que le repousser, car, selon
nous, il offrait aux collectivités locales une liberté d'action beaucoup trop
large. Les limites à leur intervention étaient très tenues : respect de
conditions objectives, transparentes et non discriminatoires pour la mise à
disposition de l'infrastructure de télécommunications et interdiction pour les
collectivités locales d'être opérateurs de réseaux de télécommunications.
Cette disposition mettait ni plus ni moins à bas le dispositif de régulation
du secteur des télécommunications, ainsi que le système de péréquation
tarifaire au coeur du service universel des télécommunications, en faisant des
collectivités locales des acteurs directs du marché des télécommunications et
des concurrents de l'opérateur en charge du service universel. Après tout, il
était assez étonnant de voir le Sénat aussi interventionniste !
L'amendement n° 103 reprend le texte de l'amendement proposé par le
Gouvernement en nouvelle lecture. Nous devrions donc y être favorables.
Malheureusement, il ne le reprend que partiellement, car il y manque une
précision d'importance. Le texte du Gouvernement autorisait les collectivités
locales à n'intervenir qu'en cas de carence ou d'insuffisance du marché. En un
mot, il n'en faisait pas des concurrents directs des acteurs du marché. Cette
absence change beaucoup de choses ! En outre, la rédaction proposée par le
Gouvernement n'était pas satisfaisante, les notions de carence et
d'insuffisance - c'est vrai, monsieur le rapporteur ! - n'étant pas très bien
définies.
Reconnaissant ce problème, le Gouvernement s'est rallié à l'amendement des
députés, qui, lui, apporte une solution à cette question.
L'amendement n° 99 prévoit enfin de supprimer l'article 15
bis
A, à
savoir le texte adopté par l'Assemblée nationale. Nous ne pensons pas qu'il ne
faille pas légiférer sur cette question. Les attentes des collectivités locales
sont réelles et légitimes.
Nous devons y répondre avec un double souci : sécuriser l'intervention des
collectivités locales, notamment sur le plan financier, et ne pas porter
atteinte à l'économie du service universel. Le texte issu de l'Assemblée
nationale répond à ces préoccupations.
Tout d'abord, il limite l'intervention des collectivités à la création des
seuls réseaux à haut débit. C'est un élément fondamental, car le haut débit
n'appartient pas au périmètre du service universel, aux termes de la loi de
1996. Cette précision n'était pas apportée par l'amendement n° 26 de la
commission ; elle ne l'est pas plus par l'amendement n° 103 de M. Hérisson.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale définit ensuite les conditions de
constatation de la carence du secteur marchand : il faut que l'offre de
services ou de réseaux à haut débit ne soit pas fournie « à un prix abordable »
ou ne réponde pas « aux exigences techniques et de qualité » attendues par les
collectivités locales. Une procédure de publicité doit consacrer cette
carence.
L'article 15
bis
A ménage ensuite les deniers publics : la décision de
création ou d'extension de ces infrastructures inertes doit être prise par les
organes délibérants des collectivités locales en connaissance des besoins
exprimés, en exigeant la présentation de comptes prévisionnels, en imposant que
les tarifs de mise à disposition couvrent les coûts et en limitant à huit ans
la durée d'amortissement des investissements pour le calcul du tarif de
location des fibres.
Sur ce point, les objections présentées par M. Gérard Larcher, rapporteur de
la commission spéciale, présentent, je le reconnais, une certaine cohérence.
J'aimerais donc que le Gouvernement m'indique les raisons pour lesquelles il a
retenu un délai d'amortissement de huit ans, et s'il ne pense pas que ce délai
peut être un peu court.
M. Alain Gérard.
Très bien !
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Monsieur Bellanger, je vous remercie d'abord d'avoir reconnu
la cohérence des objections que j'ai présentées. Cette cohérence remonte
d'ailleurs à 1989, époque à laquelle, avec M. Faure, nous nous étions penchés
sur l'avenir du secteur des télécommunications et de la poste, un projet de loi
ayant été adopté à cet égard en 1990.
Ce dont nous parlons ne relève pas du service universel, mes chers collègues,
et il n'y a donc pas d'atteinte à ce dernier dans ce débat. Le service
universel vit grâce à un fonds auquel contribuent les opérateurs à concurrence
de 4 milliards de francs. Il englobe les téléphones fixes, les cabines,
l'annuaire universel et le service de renseignements.
Par ailleurs, le délai de huit ans équivaut - tous les experts vous le diront
- à un dépôt de bilan ! Aucun amortissement n'étant possible dans ce délai, les
collectivités locales ne peuvent donc s'engager avec la sécurité financière
nécessaire. Et il s'ensuit également une insécurité juridique.
Si je peux comprendre le sentiment des uns et des autres, je crois que le
délai de huit ans rend inopérant la mesure que nous votons, et il entrave donc
les collectivités locales qui voudraient bouger.
Pourquoi le conseil général du Tarn souhaite-t-il se relier à Toulouse en
réalisant, dès l'an 2000, cent trente et un kilomètres ? Pour mettre en réseau
ses hôpitaux en vue de la télémédecine, pour mettre en réseau ses points
universitaires et pour donner des leviers aux entreprises performantes.
Réellement, madame le ministre, il y a à cet égard une volonté d'aménagement
et de développement économique sur le territoire.
S'agissant des nouvelles techniques, le Gouvernement aurait dû, tout à
l'heure, accepter notre amendement traitant des technologies terrestres,
hertiziennes et satellitaires. Nous savons en effet que, à une échéance qui
n'est pas encore tout à fait connue, de nouvelles techniques constitueront un
élément complémentaire permettant la couverture du territoire.
Pourquoi empêcher les collectivités de s'équiper aujourd'hui en
infrastructures à haut débit ? Il y a là un véritable enjeu et, dans le
dialogue qui s'est instauré entre l'Assemblée nationale et le Sénat, nous
devons dire la vérité aux collectivités locales.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 99, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
bis
A est ainsi rédigé.
Article 15 bis B