Séance du 9 juin 1999
ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
399, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à l'épargne et à la sécurité financière. (Rapport n°
401 [1998-1999]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le président
de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les
sénateurs, je ne présenterai pas à nouveau ce projet de loi relatif à l'épargne
et à la sécurité financière que vous examinez en nouvelle lecture, mais
rappellerai simplement quelles étapes successives ont conduit au débat qui nous
réunit aujourd'hui.
Lors de la première lecture au sein de la Haute Assemblée, le débat avait
permis d'améliorer très sensiblement le texte, mais avait également mis en
évidence de réelles divergences politiques.
Les améliorations techniques ont porté principalement sur le volet sécurité
financière du projet de loi et ont bien marqué la qualité des travaux de la
Haute Assemblée, particulièrement des réflexions de M. le rapporteur général.
Je citerai quelques-unes de ces améliorations.
La transposition de la directive européenne dite « post-BCCI » visait à
renforcer les échanges d'informations entre les autorités prudentielles
européennes entre elles ainsi qu'entre ces autorités et les commissaires aux
comptes. Un nouveau dispositif de quatorze articles additionnels a été ajouté
au projet de loi, imposant de nouvelles conditions d'agrément, aménageant les
règles du secret professionnel, renforçant le rôle des commissaires aux
comptes. Le Gouvernement est d'autant plus heureux de cette transposition de la
directive que le Sénat s'est inspiré à la fois des travaux interministériels et
de la large concertation menée avec les professionnels.
Par ailleurs, sur l'initiative notamment du groupe socialiste et du groupe
communiste républicain et citoyen du Sénat, et avec le plein accord de M. le
rapporteur général, un certain nombre de précisions importantes ont été
apportées au texte, s'agissant des sociétés de crédit foncier : l'introduction
de la notion de quotité de financement pour les prêts cautionnés permet ainsi
d'accroître la sécurité de ces derniers, mais aussi d'en harmoniser les
conditions de mise en oeuvre avec celles qui sont applicables aux prêts
hypothécaires ; en outre, des garanties et précisions ont été apportées sur le
fonctionnement des sociétés de crédit foncier, particulièrement en ce qui
concerne le lien pérenne qui doit être maintenu entre ces filiales et leur
société mère.
Enfin, troisième et dernier exemple d'amélioration technique, le Sénat a
préservé avec soin l'équilibre des dispositions relatives aux fonds de garantie
des dépôts de l'assurance, apportant souvent des précisions utiles comme la
radiation automatique et donc la liquidation des établissements ayant bénéficié
de l'intervention des fonds de garantie.
Telles sont les améliorations techniques essentielles apportées par le
Sénat.
Mais le débat de première lecture dans cette enceinte a également mis en
évidence des divergences politiques manifestes, si marquées qu'elles
expliquent, à mon sens, l'échec de la commission mixte paritaire.
Ces divergences politiques portent principalement sur la partie du texte
relative aux caisses d'épargne. J'en donnerai quatre exemples, qui montrent la
véritable divergence existant entre la volonté de banalisation des caisses
d'épargne exprimée par la majorité sénatoriale et la volonté du Gouvernement de
conserver, lorsque cela est possible, le meilleur des caractéristiques
spécifiques.
Le premier exemple porte sur la suppression du dividende social, c'est-à-dire
de la fraction du résultat affectée à ces missions d'intérêt général qui sont
si importantes qu'elles sont définies dans l'article 1er du projet de loi sur
les caisses d'épargne.
Dans son projet initial, le Gouvernement suggérait une possibilité
d'affectation d'une partie du résultat des caisses d'épargne à des projets
d'économie locale et sociale. L'Assemblée nationale est allée plus loin, en
posant le principe d'une affectation obligatoire égale au tiers des sommes
disponibles après mise en réserve. Cela marquait véritablement une volonté de
donner un contenu fort et concret à ces missions d'intérêt général des caisses
d'épargne, mais le Sénat a rejeté cette disposition.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, me
permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il n'est ni
équitable ni conforme à la vérité de dire que nous avons voté contre le
dividende social ! Nous avons voté, en première lecture, contre le principe
d'un plancher pour ce dividende social et, ce faisant, nous nous sommes bornés
à rétablir le texte initial du Gouvernement, avant la première lecture à
l'Assemblée nationale.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que vous
exagérez, pour les besoins de votre démonstration, la portée de nos désaccords
!
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Pour une fois que nous vous soutenions, monsieur
le secrétaire d'Etat !
(Sourires.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, je reviendrai sur ce point
dans la suite de mon intervention.
Le deuxième exemple sur lequel, peut-être, vous n'aurez pas la même
appréciation que moi concerne la suppression par le Sénat du versement de 18,8
milliards de francs de capital social des caisses d'épargne au fonds de réserve
pour les retraites.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ça, c'est vrai !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement considère que la création de ce fonds
de réserve et que ce premier versement sont des bases essentielles pour
consolider les régimes de retraite par répartition.
Le Sénat s'est inscrit dans une perspective différente, alors que le
Gouvernement cherche à sauvegarder les régimes de retraite par répartition et
compte tirer le plein enseignement de la mission qui avait été confiée au
commissaire général au Plan, M. Charpin.
Le troisième exemple est la volonté exprimée par le Sénat d'appliquer le droit
commun du travail au réseau des caisses d'épargne, où, vous l'avez noté, aucun
accord social n'a été conclu depuis plus de six ans. Le texte proposé par le
Gouvernement, et adopté par l'Assemblée nationale, vise à concilier
l'efficacité et la réactivation du dialogue social, en respectant les
spécificités des caisses d'épargne grâce au maintien d'une commission paritaire
nationale de dialogue et de négociation des accords sociaux.
Le dernier exemple porte sur l'indexation semestrielle automatique du taux du
livret A sur l'inflation. Votée par le Sénat en première lecture, cette
indexation marque une volonté de banalisation du livret A qui s'inscrit en
contradiction avec l'engagement contenu dans la déclaration de politique
générale du Premier ministre en juin 1997 de bien maintenir la spécificité de
l'épargne réglementée.
J'en viens maintenant, pour ne pas prolonger ce débat, aux fruits de la
deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui a tiré profit des nombreux
amendements adoptés par le Sénat, notamment sur la partie relative à la
sécurité financière. C'est, je crois, un exemple de bon travail
parlementaire.
Sur des points tout à fait important, des compromis - qui, je l'espère, sont
acceptables par tous - ont été trouvés. J'en citerai trois.
Le premier concerne - j'y reviens, monsieur le rapporteur ! - le dividende
social, qui figure à l'article 6 du projet de loi.
L'Assemblée nationale a rétabli le plancher de versement, que vous condamniez,
mais elle a préservé le plafond de versement qui avait été adopté par le Sénat
en première lecture et qui était égal au montant de la rémunération versée aux
sociétaires.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Vous voyez que nous pouvons nous rejoindre !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Grâce à cette bonne coopération entre l'Assemblée
nationale et le Sénat, le dividende social évoluera ainsi dans une sorte de
corridor défini par ce plancher et ce plafond.
Le deuxième exemple concerne le capital social des caisses d'épargne, qui
figure aux articles 21 et 24 du projet de loi.
De longs débats ont eu lieu sur le niveau le plus opportun et le plus objectif
de ce capital social, et M. Raymond Douyère, rapporteur du projet de loi à
l'Assemblée nationale, a fait adopter un dispositif innovant qui, vous le
savez, comprend deux points : au maintien du capital social à 18,8 milliards de
francs, égal à la somme des dotations statutaires actuelles des caisses
d'épargne, il a ajouté la fixation d'une clause de rendez-vous dans quatre ans,
à l'issue de la période de placement, assortie d'un plancher de 15,9 milliards
de francs.
Ce dernier chiffre n'a pas été choisi au hasard, puisque M. le rapporteur
l'avait évoqué en première lecture comme correspondant à la moyenne haute du
ratio capital sur fonds propres des banques mutualistes.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce dispositif harmonieux concilie, d'une part, la
réalité économique du réseau des caisses d'épargne et, d'autre part, les
différentes contraintes mises en avant au cours du débat, s'agissant notamment
des conditions de placement des parts sociales dans le public. Là aussi,
j'espère que ce dispositif recueillera un accord relativement large.
Le dernier exemple est celui du régime des indemnités de remboursement
anticipé, que les spécialistes appellent IRA.
En première lecture, le Sénat avait, de façon très opportune, souhaité
améliorer la situation de nos concitoyens victimes de ce que l'on pourrait
appeler des accidents de la vie. Ce nouveau dispositif a été précisé par
l'Assemblée nationale en des termes sur lesquels, je l'espère, nous pourrons
tous nous retrouver : il s'agit de supprimer toute indemnité de remboursement
anticipé en cas de vente du bien financé par le prêt à la suite d'une mutation
professionnelle, du chômage ou du décès de l'emprunteur.
Tels sont les trois points sur lesquels le débat parlementaire a permis, me
semble-t-il, de dégager de bonnes solutions.
Il reste effectivement des divergences concernant des points sur lesquels le
Gouvernement comme la majorité de l'Assemblée nationale ont réaffirmé leurs
choix en revenant au texte adopté par l'Assemblée nationale en première
lecture.
Le texte a ainsi été parfois précisé, notamment - mais pas seulement - à la
demande du groupe communiste, pour bien marquer notre attachement à la
spécificité du livret A, à la fixation d'un tarif préférentiel pour la première
part sociale acquise, ou encore au respect des droits sociaux acquis
individuellement par les salariés des caisses d'épargne en matière de
retraite.
Je tirerai de cet exposé liminaire deux conclusions.
Tout d'abord - je l'ai déjà indiqué et je le rappelle - en reprenant les mêmes
amendements qu'en première lecture, vous confirmez bien qu'il existe des
divergences de fond qui expliquent
a posteriori
l'échec de la commission
mixte paritaire. J'espère, au demeurant, que nous n'allons pas reprendre tout
le débat de première lecture - mais je suis à votre disposition.
Ensuite, la conclusion la plus importante est que ce texte a été préservé dans
son dispositif général. Il a été enrichi par le débat parlementaire et il sera
voté - c'est très important - avant la fin de la session, ce qui permettra,
d'une part, d'assurer le succès de la réforme des caisses d'épargne et, d'autre
part, de réaliser l'adossement en cours du Crédit foncier.
Ce texte, bien sûr, n'est pas parfait. Il peut encore être amélioré et, au nom
du Gouvernement, j'y suis tout à fait disposé !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lorsque nous avons achevé la première
lecture de ce texte après l'avoir très sensiblement modifié, l'Assemblée
nationale a poursuivi son travail et, à l'issue de la nouvelle lecture au
Palais-Bourbon, il ne reste plus que cinquante articles en discussion.
La commission des finances a déposé un certain nombre d'amendements à
l'occasion de cette nouvelle lecture. Mais ce nombre est limité, ce qui
démontre, monsieur le secrétaire d'Etat, que des convergences non négligeables
sont apparues.
Ces convergences ne sauraient masquer pour autant les différences d'approche
qui subsistent entre les deux assemblées et leur majorité respective, puisque
la commission mixte paritaire a échoué. A ce sujet, vous nous avez donné,
monsieur le secrétaire d'Etat, une explication
a posteriori
. Pour avoir
vécu de l'intérieur les travaux de cette commission mixte paritaire, je me suis
demandé pourquoi un tel désaccord était apparu...
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est parce que l'accord n'a pu se faire !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... sur un article qui venait de faire l'objet d'un exposé
des deux rapporteurs montrant bien qu'une solution semblait possible. Quoi
qu'il en soit, les discussions ont été interrompues et le film s'est, en
quelque sorte, cassé.
Nous comprenons, nous aussi
a posteriori,
que la majorité de
l'Assemblée nationale a préféré négocier avec le Gouvernement plutôt qu'avec le
Sénat. C'est naturellement son droit. Mais vous comprendrez à votre tour,
monsieur le secrétaire d'Etat, que le Sénat ne puisse se comporter en greffier
d'un accord passé entre la majorité de l'Assemblée nationale et le Gouvernement
!
Nous serons donc amenés, pour des raisons de principe, à proposer à nos
collègues de rétablir les positions que nous avions prises en première lecture
sur les dispositions qui font encore l'objet d'un désaccord.
Je vais rapidement reprendre les trois volets principaux de ce projet de loi,
à savoir les caisses d'épargne, la sécurité financière et les obligations
foncières.
Pour ce qui est des caisses d'épargne, l'Assemblée nationale est revenue, sur
un certain nombre de points, à son texte de première lecture, notamment en ce
qui concerne la structure du sociétariat à trois niveaux, que la commission des
finances du Sénat persiste, elle, à considérer comme inutilement complexe. Mais
il est vrai aussi que l'Assemblée nationale a fait un pas sérieux en notre
direction sur le montant des versements des caisses en contrepartie de la
cession de leur capital.
La commission mixte paritaire, avant de se séparer dans les conditions
auxquelles j'ai fait allusion, avait ainsi eu le temps de constater son accord
sur un certain nombre d'articles.
J'examinerai en premier lieu les accords qui sont intervenus au cours de la
commission mixte paritaire, même s'ils sont officieux, puisque, chacun le sait,
une commission mixte paritaire réussit globalement ou échoue globalement.
Quels sont les cinq points sur lesquels nous avons constaté, en commission
mixte paritaire et en marge de celle-ci, des convergences, ou la volonté
d'aboutir à une version commune entre les deux assemblées ?
A l'article 1er, sur les missions des caisses d'épargne, nous avons notamment
précisé que les projets d'intérêt général devaient être financés sur les
résultats des caisses et non pas sur l'ensemble de leurs ressources. C'est plus
qu'une nuance, on en conviendra.
A l'article 6, qui concerne l'affectation des résultats et que vous avez fort
bien exposé, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons concilié nos approches -
un plancher d'un côté, un plafond de l'autre - pour créer ce que vous avez
appelé, d'une jolie expression, un « corridor » du dividende social.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a souscrit à notre volonté de
transparence, qui conduira les caisses à devoir publier dans une annexe à leur
rapport d'activité la teneur et le chiffrage de tous les projets d'économie
locale et sociale financés à ce titre.
S'agissant des articles 10 et 21
bis
relatifs à la participation des
caisses d'épargne dans la nouvelle caisse nationale, nous souhaitions en rester
à une majorité simple. L'Assemblée nationale nous a presque rejoints,
puisqu'elle a maintenu la clause des 60 %, mais pendant une période
transitoire, pour aboutir ensuite à 51 %, c'est-à-dire une vision très proche
de celle que nous avions développée.
Sur l'article 19
bis
, qui régit les dispositions fiscales propres aux
opérations intragroupe, en particulier le principe de non-soumission des
opérations internes à la TVA, l'Assemblée nationale s'est ralliée à notre
vision des choses.
Sur l'article 22, concernant la dévolution des fonds centraux, nous avons, en
commission mixte paritaire, trouvé une voie médiane tenant compte de la
position des uns et des autres.
Je ferai un sort particulier, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'article 21,
c'est-à-dire à la question épineuse du capital social des caisses d'épargne,
que vous avez vous-même évoquée dans votre exposé.
C'est sur cet article que la commission mixte paritaire s'est séparée.
Pourtant, je persiste à dire qu'elle n'était pas loin, sur ce point - sans
doute aurait-elle eu d'autres divergences sur d'autres articles ! - d'aboutir à
un compromis.
Ce compromis s'est concrétisé lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée
nationale, qui a rétabli, certes, sa rédaction, mais qui, tout en maintenant un
capital initial égal à la somme des dotations statutaires, à savoir 18,8
milliards de francs, a prévu que les caisses d'épargne verseraient au fonds de
mutualisation le produit exact de la cession des parts sociales et des
certificats coopératifs d'investissement - je dis bien « le produit exact » -
et non pas la somme prédéterminée de 18,8 milliards de francs.
Une clause de rendez-vous, que vous avez évoquée, a été instaurée. Fixant le
rendez-vous au 1er décembre 2003, elle conduira à examiner à cette date si
lesdits versements des caisses d'épargne seront ou non inférieurs à la somme de
15,9 milliards de francs.
Vous avez rappelé que ces 15,9 milliards de francs résultaient de la méthode
qui a été employée par le Sénat et vous avez laissé entrevoir qu'un dialogue,
intervenant au plus tard le 1er décembre 2003, pourrait éventuellement
permettre d'en rester à cette somme.
Nous saluons cette avancée. Nous la jugeons toutefois encore quelque peu
insuffisante et, en vue de clarifier le débat, en vue, notamment, de recueillir
vos réponses, monsieur le secrétaire d'Etat, en vue de décider l'Assemblée
nationale à mener une réflexion complémentaire, nous proposons encore, à ce
stade, d'en revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture
pour les articles 21 et 24.
Cette rédaction a trois effets sécurisants significatifs pour les caisses
d'épargne.
En premier lieu, c'est la garantie que le capital social ne dépasse pas un
chiffre correspondant à la moyenne constatée dans les autres réseaux
mutualistes.
En deuxième lieu, cela conduit à constater que les certificats coopératifs
d'investissement sont émis au profit des caisses d'épargne et non pas au profit
de l'Etat par l'intermédiaire du fonds de réserve pour les retraites.
En troisième lieu, cela suppose que les caisses disposent bien d'un délai de
huit ans pour placer leur capital.
Nous continuons à considérer que la modalité d'organisation en groupements
locaux d'épargne ou société locales d'épargne - peu importe le titre ! - n'est
pas pertinente.
Nous proposons, par amendement, une marge d'autodétention de 10 % du capital
social pour faciliter la diffusion dans le public des certificats coopératifs
d'investissement.
Nous considérons également que l'affectation du produit des cessions de parts
au fonds de réserve pour les retraites n'est pas acceptable puisqu'il s'agit
d'amorcer très petitement un mouvement dont on ne nous indique pas les vraies
finalités économiques,...
M. Jean-Louis Carrère.
Ils sont fâchés de ne pas en avoir eu l'idée !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... un mouvement dont on ne précise pas l'ordre de grandeur
souhaitable, un mouvement dont on ne sait pas s'il doit aboutir à un fonds
permettant de résoudre des difficultés conjoncturelles ou de traiter un
problème structurel.
Nous ne voulons pas, quel que soit notre attachement à la sécurité des régimes
par répartition,...
M. Jean-Louis Carrère.
Je comprends !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... attachement qui est au moins aussi grand que le vôtre,
monsieur Carrère, que, pour employer des termes triviaux, l'on mette la charrue
avant les boeufs !
M. Jean-Louis Carrère.
Vous n'avez plus de charrue !
M. le président.
Monsieur Carrère, je vous en prie !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Nous, nous sommes demandeurs d'un vrai débat sur les
retraites, un débat qui aboutisse à de vraies solutions, et non d'un médicament
distillé au goutte à goutte qui ne s'insère dans aucune thérapie dûment
explicitée.
(M. Jean-Louis Carrère s'esclaffe.)
M. Jean Chérioux.
Nous voulons une ordonnance !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Voilà, en d'autres termes, les raisons pour lesquelles la
commission des finances reste sur sa position.
Enfin, dernier point, nous maintenons notre désaccord sur l'agrément à la
nomination du président du directoire de la caisse nationale, qui nous semble
ne plus se justifier.
Donc, outre la question du capital social - de ce point de vue, nous observons
la convergence avec l'Assemblée nationale, mais nous demandons quelques
précisions - demeurent, il ne faut pas se le cacher, trois divergences de fond
avec les députés : le sociétariat, l'affectation du produit des cessions de
parts et l'agrément du ministre.
La seconde partie du texte, relative à la sécurité financière, n'a,
malheureusement, pas pu être abordée en commission mixte paritaire. Si tel
avait été le cas, nous serions très vraisemblablement parvenus à un accord
global, car le consensus prévalait ; l'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté
sans modification 25 articles sur 44 et, pour le reste, n'a adopté
essentiellement que des amendements techniques ou rédactionnels, dont beaucoup
ne suscitent pas d'observation particulière de notre part.
Quelques désaccords d'ordre technique subsistent - nous y reviendrons - qui
auraient sans doute pu être levés dans une commission mixte partitaire normale,
notamment aux articles 33 et 35, sur la nomination des commissaires du
Gouvernement, et, de façon plus symbolique, à l'article 34
bis
, fruit de
l'imagination de M. Christian Cuvilliez, qui a souhaité créer un haut conseil
du secteur financier public et semi-public, initiative d'autant plus étonnante
que ce conseil englobe, notamment, le réseau des caisses d'épargne, alors que
ce dernier, dans son nouveau statut, sera un réseau mutualiste, donc privé,
même s'il demeure chargé de missions d'intérêt général.
Nous ne voyons pas de justification à cette espèce de nouveau « machin »
bureaucratique autre que cosmétique vis-à-vis d'une partie de la majorité
plurielle de l'Assemblée nationale !
Désaccord encore, plus technique, à l'article 49, sur le fonds de garantie des
assurés, un peu plus prononcé, à l'article 51
bis
, sur le fonds de
garantie des cautions, ainsi qu'à l'article 52, sur le crédit d'impôt en termes
de contribution des institutions financières.
Sur la plupart des autres sujets, nettement majoritaires donc, l'Assemblée
nationale a adopté les positions du Sénat, partageant, en particulier - je le
souligne, car c'est important - la volonté que nous avons eue de renforcer les
systèmes de surveillance et de garantie et de bien faire figurer dans la loi le
principe de la sanction des dirigeants et des entreprises défaillants,
c'est-à-dire des entreprises au profit desquelles les nouveaux fonds de
garantie seront appelés à intervenir.
Ce dispositif est de nature à lutter contre ce qu'il est maintenant convenu
d'appeler l'aléa moral, l'aléa d'irresponsabilité des dirigeants financiers.
Enfin, je dirai quelques mots du titre IV, relatif aux sociétés de crédit
foncier.
Là aussi, de manière globale, l'Assemblée nationale a donné son accord aux
principales modifications introduites par les Sénat.
Toutefois, deux désaccords subsistent.
Le premier porte sur le titre. Nous persistons à dire que l'expression «
obligations sécurisées » est plus conforme à la réalité économique du produit.
En effet, il n'y aura pas que des actifs de nature foncière qui serviront à
gager ces émissions de nouveaux produits financiers.
Le second désaccord, plus substantiel, porte sur l'article 62. Nous persistons
à considérer comme dangereux que des crédits à des établissements publics non
garantis par une collectivité publique puissent figurer dans les actifs
susceptibles d'être refinancés par des obligations foncières.
En dernier lieu, nous avons observé que l'Assemblée nationale avait récrit
l'article 64
bis,
relatif aux indemnités pour remboursement anticipé.
Elle a ainsi limité l'interdiction de toute indemnité aux seuls cas de vente de
biens immobiliers motivés par la mobilité professionnelle, le décès ou la
cessation forcée d'activité. Après en avoir débattu, la commission des finances
s'est ralliée à cette position.
Je terminerai en relevant que, malgré l'échec de la commission mixte
paritaire, un peu paradoxalement peut-être, mais non moins réellement,...
M. Jean-Louis Carrère.
On peut donc espérer un vote conforme !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Souhaitez-vous m'interrompre, mon cher collègue ?
M. le président.
Monsieur Carrère, de deux choses l'une : soit vous demandez à interrompre
l'orateur et, s'il y consent, vous vous exprimez ; soit vous attendez
tranquillement que votre tour de parole vienne, et il viendra !
M. Jean-Louis Carrère.
Je vous ai déjà expliqué, monsieur le président, que les leçons, ça suffisait
!
M. le président.
Monsieur Carrère, je suis là pour faire respecter le règlement, et je le ferai
respecter, que cela vous plaise ou non !
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Même si la commission mixte paritaire a échoué, disais-je,
paradoxalement, le bicamérisme a bien fonctionné lors de l'examen de ce projet
de loi sur l'épargne et la sécurité financière.
Je crois pouvoir dire que les travaux très approfondis menés par la commission
des finances et les très nombreuses auditions auxquelles elle a procédé ont
permis d'influencer très sensiblement ce qui devrait être la rédaction finale
de ce texte.
Le travail s'est, dans l'ensemble, bien déroulé. Il a montré que les navettes
sont utiles et que l'approche de la Haute Assemblée et de sa commission des
finances, grâce à l'expertise accumulée sur ces sujets, peut être profitable à
l'oeuvre d'élaboration de la loi.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques
indications que je tenais à donner, au nom de la commission, au moment où
s'ouvre cette nouvelle lecture devant le Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur
ce texte, encore une fois, la navette parlementaire aura démontré toute sa
valeur et sa pertinence. Tant dans notre Haute Assemblée qu'auprès de nos
collègues de l'Assemblée nationale les débats auront été de haute tenue et les
observations des uns et des autres auront permis de conforter les conceptions,
de préciser les dispositions et d'enrichir les propositions
gouvernementales.
La discussion engagée sur le statut et les missions des caisses d'épargne a
permis de comprendre que la nécessaire modernisation de ces établissements ne
pourra se faire sans tenir compte des spécificités liées à leur histoire, à
leur culture et à leur action.
Je laisserai le soin à mon collègue et ami Jean-Louis Carrère d'intervenir
plus longuement sur ce sujet pour m'en tenir à quelques considérations touchant
au deuxième volet de ce texte : la sécurité financière.
Quelque riches qu'aient été les débats au cours de la première lecture, quatre
points méritent, à mon sens, une attention particulière.
Concernant l'article 37, tout d'abord, je ne peux que me féliciter que le
Gouvernement ait accepté, ainsi que nous le lui avions demandé lors de la
première lecture, de ne pas adopter de position figée concernant la
rémunération des parts sociales du secteur coopératif. Il nous semble en effet
tout à fait sage de laisser la concertation avec les professionnels de ce
secteur se poursuivre afin de favoriser l'émergence d'un consensus sur ce
dossier. La modernisation de ce secteur ne pourra se faire sans la
participation des professionnels et nous ne pouvons qu'approuver la démarche
pleine de sens du Gouvernement.
L'article 49, et plus particulièrement le texte proposé pour le deuxième
alinéa de l'article L. 423-2 du code des assurances, avait provoqué un débat
animé dans notre assemblée. Je ne rappellerai pas les objections que nous
avions alors formulées quant à l'opportunité d'une deuxième délibération en cas
de saisine du fonds de garantie des assurés.
Le Gouvernement, par la voix du ministre des finances, nous avait exprimé son
souhait de permettre, par cette disposition, une concertation toujours
renouvelée. Ces intentions sont, à n'en pas douter, tout à fait louables et
nous ne remettons pas en cause leur bien-fondé.
Il n'en reste pas moins vrai qu'il n'est pas dans les habitudes de la
commission de contrôle des assurances de trancher de façon précipitée et que
l'octroi de quinze jours supplémentaires ne devrait pas révolutionner de
manière fondamentale ses débats.
En revanche, le risque existe, à nos yeux, que cette procédure ne permette aux
professionnels de l'assurance de faire pression sur la commission de contrôle
afin de l'amener à trancher systématiquement dans le sens d'un non-engagement
des fonds.
D'aucuns ont comparé cette démarche à celle qui sous-tend la deuxième
délibération parlementaire. Mais, mes chers collègues, cette délibération ne
prend son sens que si le Gouvernement souhaite faire revenir les parlementaires
sur un vote précédemment acquis, et cette démarche ne saurait être appliquée à
la commission de contrôle.
Nos craintes se sont malheureusement trouvées confirmées à la lecture d'un
communiqué émanant de l'AGEFI en date du 7 juin, qui note avec satisfaction que
« la commission de contrôle des assurances voit sa marge de manoeuvre réduite
pour solliciter le fonds de garantie ».
Nous ne saurions, à l'inverse de cette position, considérer cette conséquence
comme un succès. Même si l'amendement, qui d'ailleurs ne nous est pas étranger,
adopté par l'Assemblée nationale souligne que la saisine par le ministre d'une
commission arbitrale doit se faire dans l'intérêt des assurés, il nous semble
tout de même que toute pression exercée sur la commission de contrôle ne peut
que limiter son indépendance et contraindre la portée de ses missions en faveur
des assurés.
Sur cette question, j'en appelle à la plus grande vigilance du
Gouvernement.
Le règlement du dossier Mutua Equipement fait l'objet de l'article 51
bis
, ce dont nous nous félicitons.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif législatif qui a été adopté à ce sujet
et qui est tout à fait pertinent en la matière, mais plutôt sur les engagements
pris de façon conjointe par le Gouvernement en faveur des victimes de cette
escroquerie.
Dans l'attente de leur indemnisation, un gel d'impôts devait leur être
accordé. Or il apparaît que certaines directions des impôts n'appliquent pas
encore à l'heure actuelle cette modalité, considérant que les requérants ne
répondent pas aux critères fiscaux traditionnellement retenus en matière de
revenu. En outre, il leur est souvent répondu qu'un éventuel gel ne saurait
courir jusqu'au terme de leur indemnistation.
Je profite donc de la présence de M. le secrétaire d'Etat au budget pour
l'inviter à donner les instructions qui s'imposent en la circonstance afin de
mettre fin à toute forme d'ambiguïté sur la question. Je le remercie par avance
de saisir cette occasion pour établir le bilan et les perspectives de
l'ensemble du dispositif d'indemnisation.
Enfin, pour conclure ce propos, j'évoquerai l'article 64
bis,
qui avait
provoqué, lors de la première lecture, une certaine agitation.
Je me félicite que nos collègues de l'Assemblée nationale se soient prononcés
pour un dispositif équilibré. La voie choisie souscrit à l'idée d'une mobilité
professionnelle parfois nécessaire à certains emprunteurs, sans que ceux-ci
soient, comme c'était le cas jusqu'à présent, injustement pénalisés lors des
remboursements anticipés de leur emprunt. En définitive, cette modalité, dont
la portée consumériste se révèle tout à fait bénéfique, est néanmoins
suffisamment encadrée pour ne pas bouleverser les professionnels du secteur
bancaire, parmi lesquels les établissements de crédit foncier astreints à une
gestion rigoureuse de leur actif-passif.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Eh oui !
M. Bernard Angels.
Ce texte, mes chers collègues, ne prendra tout son sens que s'il respecte tout
à la fois l'activité professionnelle liée à la banque et à l'assurance, mais
aussi les usagers de ces réseaux. C'est dans la concorde et le respect qu'il
trouvera son équilibre futur et sa portée réformiste.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voici donc saisis en nouvelle lecture de ce projet de loi relatif à
l'épargne et à la sécurité financière, alors que le Sénat avait témoigné d'une
très grande bonne volonté lors de la commission mixte paritaire en acceptant
des compromis qui auraient permis d'afficher un accord des deux chambres dans
un domaine qui exige le consensus. Mais il ne fallait surtout pas
qu'apparaisse, sur un point essentiel - le niveau du capital des caisses
d'épargne - que le Sénat pouvait avoir vu juste !
Alors, nous nous sommes séparés sur un désaccord - qui a déjà été longuement
commenté - et il nous est proposé, dans une version plus complexe qui nous
revient de l'Assemblée nationale, une formule qui est à peu près celle du
Sénat, laquelle serait d'ailleurs meilleure. Que de temps perdu pour une simple
question d'apparence politique !
Pour et sur l'essentiel, nous sommes d'accord avec le projet de réforme des
caisses d'épargne. L'idée même de la transformation des caisses d'épargne en
sociétés coopératives ne vient-elle pas du Sénat ? En effet, c'est dans le
rapport présenté, au nom de la commission des finances, par son président,
Alain Lambert, voilà deux ans et demi à peu près, qu'a été pour la première
fois avancée l'idée d'un support coopératif pour les caisses d'épargne.
Nous soutenions cette idée.
Vous l'avez reprise et vous avez eu raison, comme vous avez eu raison
d'affirmer le rôle social des caisses d'épargne. En effet, c'est sur un projet
social qu'elles ont été constituées au siècle dernier et c'est selon des
modalités sociales empruntées au principe de gestion participative qu'elles
fonctionnent depuis toujours.
Quand le projet de loi précise les modalités de l'affectation des résultats en
prévoyant une attribution obligatoire aux projets de développement locaux ou à
des projets sociaux, c'est d'une certaine manière superfétatoire, car il impose
aux caisses d'épargne ce qu'elles s'imposent depuis toujours elles-mêmes avec
ce qu'elles ont appelé le « principe du dividende social ».
Je comprends mal l'âpreté des débats sur ce sujet, comme si le législateur
imposait aux centres communaux d'action sociale de faire du social !
Ce n'est pas parce que les caisses d'épargne se sont donné naturellement un
caractère social qu'elles ne doivent faire que cela ; leur rôle premier demeure
la finance et l'intermédiation financière.
Avant de redistribuer des résultats dans la sphère locale, ce que, je le
répète, elles font depuis toujours, les caisses d'épargne doivent veiller à
rester compétitives, en mesure de combattre la concurrence et de croître en
investissant, c'est-à-dire en constituant des réserves appropriées.
Même si la nouvelle mouture de l'article 6 est plus satisfaisante que celle
que nous avait transmise l'Assemblée nationale en première lecture, il n'en
reste pas moins que cette volonté de brider les affectations sociales
d'établissements qui n'ont jamais eu à subir d'injonction pour participer
beaucoup plus que d'autres au développement local est pour le moins
surprenante, je dirai même vexatoire.
Il reste, monsieur le secrétaire d'Etat, que le groupe des Républicains et
Indépendants, au nom duquel je m'exprime, ne comprend toujours pas la nécessité
de créer un échelon intermédiaire dans le fonctionnement des caisses d'épargne.
C'étaient les groupements locaux d'épargne, les GLE, en première lecture ; ils
se sont mués en sociétés locales d'épargne, les SOLE, en nouvelle lecture, sans
doute pour affirmer que les caisses d'épargne doivent être bien implantées dans
leur secteur local ; mais ils apparaissent comme un élément de complication et
de lourdeur dans l'organisation des caisses d'épargne. A une époque où la
croissance et les alliances entraînent des échanges de participations, on
conçoit mal que les organes dirigeants des caisses d'épargne soient obligés de
passer par une structure sans réelle signification pour s'affirmer sur leur
territoire.
Le groupe des Républicains et Indépendants est pour la simplicité et
l'efficacité et, je le répète, il ne saisit toujours pas pourquoi le dogme des
sociétés locales d'épargne doit primer pour satisfaire, prétendument, au bon
fonctionnement des caisses d'épargne.
Je reviens sur le niveau du capital, pierre d'achoppement de la commission
mixte paritaire et point sur lequel le Gouvernement semblait intransigeant, en
s'appuyant sur la force d'un argument formel : le niveau atteint par les
dotations statutaires.
En première lecture, nous avons été nombreux, avec M. le rapporteur, à
affirmer le caractère arbitraire d'un critère aléatoire ; mais le Gouvernement
n'a pas voulu plier. Nous nous fondions pourtant sur des raisonnements
rationnels en mettant en avant la situation des banques mutualistes
concurrentes ou la capacité des caisses d'épargne à rémunérer un tel niveau de
capital. C'était indiscutable.
Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, s'il est finalement
beaucoup plus proche de celui que nous souhaitions, n'en reste pas moins
alambiqué et complexe. Certes, il fait droit à notre argumentation mais il
laisse planer des incertitudes.
Pourquoi, alors que le Gouvernement a fait montre de sa capacité d'adaptation,
ne pas aller jusqu'au bout et accepter la rédaction simple de la Haute
Assemblée ?
Bref, monsieur le secrétaire d'Etat, faites encore un effort et votre texte
pourra atteindre la semi-perfection du consensus !
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui ne désespère jamais de son
prochain, est prêt à participer à une rédaction plus consensuelle de ce texte.
Il se peut que nous y parvenions ; peu de choses, en fait, nous séparent. Il y
avait entre nous, il y a encore quelque temps, un malentendu de trois milliards
de francs, il s'est dissipé sur l'essentiel. Une simple incertitude subsiste
que nous souhaiterions voir réduite. Nous attendons un effort de votre part.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - M. le président de
la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
nouvelle lecture de ce projet de loi portant sur l'épargne, la sécurité
financière, mais aussi le devenir des caisses d'épargne présente certaines
caractéristiques sur lesquelles il nous semble utile de revenir.
Tout d'abord, je souhaiterais donner à nouveau notre position de fond quant
aux attendus du projet de loi en lui-même.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi portait en effet sur trois
questions pour le moins assez différentes.
La première était la mise en oeuvre d'une réforme du réseau des caisses
d'épargne assez largement inspirée du rapport Douyère et qui n'était pas
exempte de contradictions quant à ses objectifs.
La deuxième était l'ensemble des dispositions assez largement inspiré par une
« harmonisation » européenne, relatives aux règles prudentielles appliquées au
fonctionnement des établissements de crédit, des compagnies d'assurances ou
encore des entreprises d'investissement.
La troisième question était relative au devenir du Crédit foncier de France et
à l'ouverture d'un nouveau marché des obligations foncières assorti d'un
système de garanties spécifiques, assez directement inspiré du mode de
fonctionnement des
Pfand briefe
allemands.
Le projet de loi se trouvait donc, dans son essence, à la croisée des
chemins.
En ce qui concerne la première question, il s'agissait en fait de créer une
nouvelle catégorie juridique d'établissements de crédit, à mi-chemin entre
l'objet originel des caisses d'épargne, à savoir collecter l'épargne des plus
modestes sans visée lucrative, et la banalisation pure et simple du réseau,
qu'illustre assez spectaculairement la réforme déjà ancienne du réseau des
caisses de Crédit agricole, dont quelques-uns des aboutissements se traduisent
par l'absorption d'Indosuez et par la position de chef de file assumée par la
Caisse nationale de crédit agricole dans la privatisation du Crédit
lyonnais.
Il est tout à fait clair que la ligne de partage sur ce projet de loi s'est
dessinée, dans les deux assemblées, en fonction de l'orientation que chacun
souhaitait donner à cette réforme des caisses d'épargne, la majorité
sénatoriale optant en particulier assez nettement pour la «
banalisation-dissolution » de l'objet social des caisses d'épargne.
On notera que cette orientation de la droite sénatoriale concerne d'ailleurs
autant la définition des missions du réseau que les conditions de diffusion du
capital des caisses ou encore les critères d'affectation du résultat ou de
rémunération des pertes sociales, sans parler, évidemment, de la modification
du niveau de rémunération du livret A, principal « produit » du réseau.
Quant au fond, voici donc une attaque systémique du réseau des caisses
d'épargne qui porte à la fois sur son fonctionnement interne et sur son
environnement, illustrant le choix idéologique déjà ancien opéré, en matière de
crédit, par la majorité de la commission des finances : celui du
tout-marché.
Le prochain débat sur les orientations budgétaires nous permettra d'ailleurs
de nous exprimer sur cette question.
L'obsession du marché, comme des déficits, ne vous conduit-elle pas, mes chers
collègues, à ne voir crédits et investissements que sous un angle créateur en
partant de potentialités reconnues ?
Pouvons-nous dire, de notre point de vue, que le texte, une fois accomplie la
navette et constaté l'échec de la commission mixte paritaire, nous convienne
?
Le débat mené dans notre Haute Assemblée a montré notre souci d'intégrer la
question de la mutation éventuelle du réseau des caisses d'épargne dans un
cadre plus large, celui de la constitution d'un pôle financier public mettant
le crédit au service du développement de l'emploi et de la formation.
Lors de l'examen du texte, nous avons donc décliné les caractères fondamentaux
de ce que nous pourrions appeler le pôle financier public.
Pardonnez-m'en, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous sommes dans
l'obligation de constater que, si quelques avancées ont pu être réalisées en
nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, nous sommes encore loin du compte.
Nous le sommes encore plus dans un schéma où la dernière grande banque
nationalisée, le Crédit lyonnais, est en voie de privatisation par simple
soumission au diktat de la Commission de Bruxelles, qui vient pourtant de
montrer, sur un certain nombre de sujets, qu'elle était relativement mal placée
pour indiquer la voie à suivre, tout comme la Banque européenne, avec son souci
exclusif de définir des taux ne servant qu'à alimenter les marchés
financiers.
Nous ne pouvons par ailleurs que constater que le caractère spécifique du
réseau des caisses d'épargne - à but non lucratif - n'a pas été maintenu à
l'issue du débat parlementaire, alors même qu'il constituait une donnée
essentielle du problème, le texte ayant cependant pris en compte nombre de
propositions émergeant soit de l'intersyndicale du réseau des caisses, soit de
notre groupe.
Faut-il vous rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en région
Rhône-Alpes, par exemple, la fermeture de trente et une caisses est prévue ?
Ces établissements ne répondent plus aux critères de rentabilité, tout en
demeurant, jusqu'à ce jour, à but non lucratif. Malheureusement, il en sera
certainement de même dans d'autres régions.
Permettez-moi d'ailleurs de souligner que, si l'on peut apprécier la mise en
oeuvre du principe d'utilisation sociale du résultat des caisses d'épargne, on
peut aussi se demander si une telle obligation ne devrait pas être appliquée à
d'autres établissements de crédit.
L'une des véritables questions qui nous sont en effet posées avec la
discussion de ce projet de loi portant sur l'épargne et la sécurité financière
est celle de l'utilisation de l'argent.
Il est inscrit dans la loi qu'à défaut de préserver le caractère non lucratif
des caisses d'épargne on a dû concéder la mise en place d'une règle spécifique
d'utilisation et d'affectation des résultats, ce qui était d'ailleurs une
revendication de l'intersyndicale du réseau.
Pour autant, ce principe nous semble devoir être transféré à l'ensemble des
établissements de crédit, à tout le moins, afin qu'ils intègrent clairement la
priorité du développement de l'emploi et de la formation, seule manière de
résoudre la contradiction qui traverse l'ensemble de nos établissements de
crédit entre abondance de la ressource et persistance de l'exclusion bancaire,
face visible de l'exclusion sociale pure et simple de millions de nos
compatriotes.
La sécurité de notre système de crédit dépendra, sur la durée, de la capacité
que nous aurons de relancer les usages les plus vertueux du crédit, au profit
de l'emploi et de la formation, en lieu et place des gâchis financiers que nous
ne cessons de constater, notamment depuis que le secteur bancaire s'est «
banalisé » dans la foulée de la loi de 1984, des lois de privatisation de 1986
et 1993 et des injonctions de la technocratie bruxelloise.
Echapper à cette spirale des montages financiers les plus hasardeux et les
plus spéculatifs, qui fait de la rentabilité sur fonds propres et de
l'exclusion bancaire des petits comptes ou des petites entreprises ses outils
ou ses objectifs, impose sans doute d'autres solutions que celles qui sont
définies dans ce projet de loi.
La constitution du pôle financier public que nous avons défendu lors de la
lecture du projet de loi au Sénat répondait à cette attente sociale : faire
valoir d'autres critères d'efficacité du crédit, tout simplement parce que
celui-ci doit être un atout de notre développement économique et social et non
l'inverse.
Dans ce contexte, le débat sur la sécurité financière prend, bien entendu, un
autre relief.
Si l'on peut en particulier admettre la nécessité de mettre en place des
outils de régulation du secteur financier dans son ensemble, on ne peut le
faire qu'en gardant en mémoire les effets désastreux de la libéralisation
bancaire, qui ont pu être mesurés ces dernières années.
Rappelons que la facture du krach de l'immobilier a tout d'abord été payée sur
les deniers publics, sous la forme d'allégements fiscaux multiples, divers et
variés, que vous avez votés, messieurs de la majorité sénatoriale, en faveur
des sociétés immobilières. Et je ne reviendrai pas ici sur la gestion, pour le
moins discutable, des actifs du CDR qui a marqué les années 1995 à 1997,
nonobstant les difficultés majeures du Crédit lyonnais.
Est-ce à dire que les dispositifs de sécurisation mis en place sont à la
hauteur des enjeux ?
Que l'on ne s'y trompe pas : dès lors que l'ensemble du secteur du crédit
demeurera marqué par la seule logique des critères de rentabilité dérivés de
l'application du ratio Cooke, les mécanismes de sécurisation risquent de devoir
servir à de multiples reprises, d'autant que la faiblesse des moyens liés au
mouvement des taux d'intérêt pèse sur les décisions prises et favorise
notamment les investissements les plus destructeurs d'emplois et les plus
consommateurs de valeur ajoutée.
Là encore, une réorientation s'impose et elle passe par une impulsion du
pouvoir politique, sous toutes les formes appropriées, dans la stratégie de
diffusion du crédit dans notre pays.
Cette impulsion politique serait-elle d'ailleurs inconcevable, alors même que
se prolonge la bataille entre la BNP et Société générale-Paribas, bataille dont
l'emploi risque d'ailleurs de faire les frais, et pas seulement celui des
salariés des trois banques ?
A quoi peut en effet servir un rapprochement entre établissement si rien ne
change dans la distribution du crédit, si nos banques ne font qu'accompagner
restructurations industrielles, plans de liquidation d'activité ou
externalisation des productions ?
C'est bien pourtant ce qui risque de se produire dans cette course à la «
masse critique » recherchée par le P-DG de la BNP.
La même observation vaut pour la mise en oeuvre du marché des obligations
foncières.
Si cette partie du projet de loi offre une solution honorable à la
transformation du Crédit foncier de France, ne risque-t-elle pas de priver, à
l'avenir, notre pays d'un outil de développement d'une véritable politique
d'accession sociale à la propriété ?
Nous ne suivrons évidemment pas notre rapporteur dans la logique qui marque
l'essentiel de ses amendements et qui n'est que la déclinaison, sans autre
variation que celle de l'opportunité, des dogmes du libéralisme en matière
financière.
Nous serons donc amenés à rejeter le texte issu des travaux du Sénat si les
amendements de notre rapporteur étaient adoptés.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Je voudrais tout d'abord dire à mon collègue M. Bourdin qui, s'adressant à
nous voilà quelques instants, regrettait le retard de la réforme nécessaire du
groupe des caisses d'épargne : que ne l'avez-vous faite ! Que n'avez-vous
demandé au Président de la République de permettre qu'elle soit réalisée et
engagée par le précédent gouvernement ! Dans le même temps, pourquoi
regretteriez-vous que l'on retienne une bonne idée : la transformation des
groupes des caisses d'épargne en sociétés coopératives ?
Mon orthodoxie ou, plutôt, mon ouverture politique m'incline à reprendre vos
bonnes idées... quand parfois vous en avez !
M. Joël Bourdin.
Il faut continuer !
M. Jean-Louis Carrère.
Le plus difficile est de les voir poindre en ce moment !
Mais pas de blessure inutile...
Nous abordons la dernière lecture de ce texte. Je ne reprendrai pas les
arguments que j'ai développés lors de mon intervention en première lecture, au
nom de mon groupe. Je rappellerai simplement que deux préoccupations nous
animaient dans cette réforme du statut des caisses d'épargne.
En premier lieu, la réforme devait permettre à ce grand réseau bancaire de
l'économie sociale de poursuivre son adaptation et son développement, dans le
contexte de modification profonde du métier bancaire et de l'environnement
concurrentiel en Europe, en France, et dans le monde, sans s'y diluer.
En second lieu, la modernisation du statut ne devait pas remettre en cause la
tradition sociale et la vocation d'intérêt général de ce réseau.
Comme la majorité des Français et des Françaises, le groupe socialiste est en
effet très attaché au maintien des spécificités de ce réseau, car il est de
l'intérêt de tous que subsiste et se développe une banque différente, tournée
vers l'intérêt général, le développement de l'épargne populaire, l'appui aux
projets locaux, l'intervention dans le domaine social, bref une autre
conception de la banque de proximité.
Le projet de loi initial répondait largement à ces préoccupations, même si
nous avions plusieurs améliorations à proposer ou inquiétudes à dissiper. Les
débats parlementaires et la navette ont permis, je le crois, d'améliorer
l'équilibre du projet, au-delà de la position idéologique de banalisation
totale du réseau adoptée malheureusement par la majorité du Sénat.
Ainsi, la définition des missions spécifiques d'intérêt général que devront
remplir les caisses d'épargne est maintenant assez complète et reflète bien nos
préoccupations pour ce grand réseau social. L'ajout de l'Assemblée nationale
énonçant noir sur blanc que les caisses d'épargne ont une utilité économique et
sociale spécifique est d'ailleurs significatif, même s'il est vrai que le
caractère normatif de cet énoncé peut être discuté.
L'organisation et les fonctions des structures locales destinées à fédérer le
sociétariat ont été améliorées, comme leur dénomination, heureusement modifiée
de GLE en SOLE, monsieur Bourdin, même si cette dénomination peut se prêter à
jeux de mots.
En fait, je trouve le raccourci saisissant lorsque le seul argument, qui
était, voilà quelques jours, qu'il fallait supprimer les GLE, est maintenant
qu'il faut supprimer les SOLE parce qu'il s'agit d'une étape ou d'un enjeu
intermédiaire qui va poser des problèmes administratifs et qui va compliquer
les choses !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
M. Jean-Louis Carrère.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne réussira cette réforme que si
les salariés et les futurs sociétaires se l'approprient, et les futurs
sociétaires issus des milieux populaires qui épargnent et qui sont des clients
des caisses d'épargne ne se l'approprieront que s'ils s'approprient la
structure intermédiaire qui leur permet de faire entendre leur voix au sein de
ce réseau. Ce n'est ni plus compliqué ni plus idéologique que cela !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Qu'ils s'approprient le tout, ce sera plus simple !
M. Jean-Louis Carrère.
L'un des apports les plus importants de la navette est l'assurance d'une
réelle affectation des résultats au financement des projets d'économie locale
et sociale : un équilibre entre les différents objectifs recherchés me semble
avoir été trouvé avec la définition d'un plancher et d'un plafond. D'aucuns
diraient d'un « corridor » !
Nos débats ont également permis de préciser le cadre des futurs partenariats,
notamment le rôle de la Caisse des dépôts dans la Caisse nationale.
Les débats ont longuement porté sur les modalités de constitution du capital
social des caisses d'épargne. Là encore, je crois que le temps passé n'a pas
été vain. Je serais tenté de dire, même si, je le reconnais, l'idée existait -
elle était dans cette maison, mais n'était-elle pas ailleurs ? Je ne revendique
pas le fait de l'avoir eue avant certains, pourtant, je l'ai eue moi aussi -
que l'important est qu'elle figure dans le texte, qu'on en revienne au projet
présenté par le rapporteur Douyère et que ce texte soit finalement adopté. Car
l'objectif est que les caisses d'épargne en tirent profit !
Enfin, le maintien du dialogue social est une donnée essentielle du succès de
la réforme. Le projet rapprochait les caisses d'épargne du droit commun de la
négociation sociale, tout en maintenant les accords déjà conclus.
J'observe que la commission des finances allait encore plus vers le droit
commun. Je vous le dis tout net, pour ma part, j'aurais souhaité que perdure en
l'état l'originalité du système du dialogue social des caisses d'épargne, sous
réserve d'un garde-fou obligeant la conclusion d'accords afin d'éviter une
situation de blocage absolu, comme celle que nous avons connue pendant les six
dernières années.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cela n'était donc pas le
statu quo !
M. Jean-Louis Carrère.
Peut-être que la sagesse l'aurait emporté ! Il arrive que la sagesse l'emporte
sur la loi !
Nous aurions préféré rester plus proches du mode actuel. Mais je pense qu'il
faut retenir comme très positif l'engagement clairement explicité du maintien
des droits sociaux, notamment pour les retraites.
Une nouvelle lecture est l'occasion, me semble-t-il, d'apporter les derniers
réglages à un projet de loi. Je regrette par conséquent la position fermée,
voire - je vais risquer le mot, monsieur le rapporteur - quelque peu
capricieuse de la commission des finances, qui redépose les amendements qu'elle
avait adoptés ou fait adopter en première lecture. Selon toute vraisemblance,
le projet voté par le Sénat en nouvelle lecture sera par conséquent à peu de
choses près le même que celui qui a été adopté en première lecture, ce qui,
monsieur Bourdin, me semble gravement compromettre l'éventualité d'un vote
conforme. Nous ne pourrons donc que refuser d'adopter ce texte une nouvelle
fois, ce qui me navre !
Le groupe socialiste ne proposera que trois modifications.
La première concerne le dispositif de création, d'implantation et de
désignation des administrateurs des SOLE, qui demeure entièrement piloté, aux
termes du texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, par les directoires
des caisses d'épargne. Il est fondamental et d'essence démocratique, monsieur
le secrétaire d'Etat, que les COS, qui sont les seuls véritables détenteurs de
la légitimité du fait de leur élection, aient leur mot à dire dans ces
créations. Nous demandons par conséquent qu'ils puissent pour le moins être
consultés.
En effet - et je parle en présence d'un collègue président de COS - si ce
texte ne prenait pas en compte une telle demande, si les directoires avaient
seuls l'apanage de cette mise en oeuvre, vous risqueriez de provoquer à
l'intérieur des caisses des conflits préjudiciables aux avancées de cette
réforme. Je ne demande pas que les COS se substituent aux directoires, je
souhaite qu'ils soient consultés !
Le deuxième point d'ajustement concerne l'élection des membres des nouveaux
COS.
Sur proposition de notre groupe, avec l'accord du ministre, le Sénat avait
repoussé le délai maximal de treize mois à deux ans et prévu qu'il fallait que
50 % des parts sociales aient été acquises. L'Assemblée nationale, en nouvelle
lecture, est revenue à son texte.
Je pense qu'il y a une incompréhension.
Il faut élire le plus vite possible les membres des COS. Mais il faut aussi
que la majorité des parts sociales au moins aient été placées, je veux dire
vendues. Sinon, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle légitimité pour ces
nouveaux organismes ?
Il convient donc de repousser, me semble-t-il, la date limite pour tenir ces
élections. Vingt-quatre mois, cela peut vous sembler un report trop important.
Mais, entre vingt-quatre mois et treize mois, il y a le temps de la
négociation, en espérant que les caisses auront pu placer les 50 % de parts
sociales qui me paraissent correspondre à la base minimale nécessaire à la
légitimité d'un COS.
Le troisième et dernier point d'ajustement porte sur la composition de la
Fédération.
Le texte initial du Gouvernement avait prévu que la fédération regrouperait
l'ensemble des caisses d'épargne, représentées chacune par deux membres de leur
conseil d'orientation et de surveillance, dont le président, et par le
président de leur directoire.
Par souci de simplification, l'Assemblée nationale avait réduit la
représentation des COS à leur seul président. Si ce souci de simplification
peut se comprendre, il nous a semblé que la représentation des COS n'était pas
suffisamment assurée au sein de cet organe, qui aura pour principales missions
la représentation, la concertation et la coordination des actions du réseau, en
un mot la détermination de ses orientations politiques. C'est pour cette raison
que je plaide en faveur du retour à la proposition initiale du Gouvernement.
La proposition que j'avais faite initialement est, toute réflexion faite,
encore insuffisante, et le mieux est donc de revenir au texte initial, qui
garantit, au-delà de la présidence, la présence significative des élus du COS
en nombre représentatif.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, laissez-moi vous féliciter et
féliciter le Gouvernement d'avoir mené à bien, pour l'instant, cette importante
réforme des statuts. Bien sûr, je ne vous cacherai pas qu'elle ne nous
satisfait pas totalement, mais ne suis-je pas trop immergé dans ce réseau pour
m'en extraire en tant que législateur ?...
C'est maintenant aux salariés, ainsi qu'aux déposants, futurs sociétaires, de
poursuivre la modernisation engagée, pour faire de ce réseau la grande banque
différente à vocation sociale, pôle d'intérêt public de référence, que
l'opinion publique souhaite, que nos clients souhaitent et que nous souhaitons
tous.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur
le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion
générale, et avant que M. le secrétaire d'Etat réponde, je souhaiterais dire
quelques mots, que son propos introductif m'a d'ailleurs inspirés.
Je partirai des deux principales conclusions qu'il a tirées.
La première visait à expliquer
a posteriori,
comme l'a souligné M. le
rapporteur, l'échec de la commission mixte paritaire. La seconde tendait à
reconnaître la qualité du débat parlementaire et l'amélioration du texte que
permet la navette parlementaire. Nous souscrivons à ces conclusions.
S'agissant du premier point, à savoir l'échec de la commission mixte paritaire
- après tout, nous écrivons l'histoire des caisses d'épargne cet après-midi...
- je voudrais verser ma modeste contribution en vous faisant une confidence !
C'est la première fois que, personnellement, j'assiste à une commission mixte
paritaire qui échoue parce que ceux qui y siègent sont d'accord ! J'ai en effet
remarqué qu'ils l'étaient. Mais, pour des motifs que l'on imagine, il a fallu
constater un désaccord, qui n'était que formel.
Cela veut dire que le Gouvernement - je le dis tout net, mais sans aucune
méchanceté - est contraint par une majorité qui n'est pas homogène, contrainte
à mon avis pénalisante pour les textes que nous votons et contraire à l'intérêt
des textes que nous adoptons...
M. Jean-Louis Carrère.
Vous nous en racontez de belles !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... en l'occurrence à l'intérêt
des caisses d'épargne, sujet dont nous parlons cet après-midi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat, en tout cas sa majorité, a vraiment
abordé ce texte sans préoccupation idéologique.
Il l'a fait avec des idées simples, qui visaient à donner les meilleures
chances possible de succès aux caisses d'épargne, lesquelles occupent une place
utile dans le paysage bancaire, en créant un nouveau statut, le moins éloigné
possible du droit commun.
Chers collègues de l'opposition sénatoriale, à chaque fois que vous avez
accepté, pour rechercher un minimum de consensus au sein de votre majorité,
d'introduire des dispositions qui n'étaient pas utiles, vous avez selon moi, et
je le dis encore franchement, affaibli d'autant - sans que vous le vouliez en
revanche, je vous en donne acte volontiers - les chances de réussite des
caisses d'épargne.
Pour que ces dernières prospèrent, il leur faudra passer de bonnes alliances.
Mais un statut trop éloigné du droit commun effarouchera les partenaires
potentiels. Une chose nous rassemble : c'est le souhait sincère de donner aux
caisses d'épargne les meilleures chances, mais nous divergeons sur les moyens
d'atteindre cet objectif.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous semblez craindre que l'on ne confonde la
politique menée par le Gouvernement et la majorité qui le soutient avec celle
que souhaite la majorité du Sénat. Mais je vous rassure : nous ne mènerions pas
du tout la même politique !
(M. le secrétaire d'Etat sourit.)
M. Jean-Louis Carrère.
Sarkozy, Bayrou et les autres...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
S'agissant du présent projet de
loi, nous aurions veillé - et nous nous étions donné la peine de déposer, voilà
deux ans, une proposition de loi sur ce sujet - à ce que le statut des caisses
d'épargne soit le moins éloigné possible du statut de droit commun, afin que
celles-ci aient les meilleures chances de réussite.
Cela dit, j'ai bien aimé la conclusion de notre collègue M. Angels, qui est
toujours pondéré dans ses appréciations. Il a parlé de concorde et de respect.
Nous abordons effectivement cette nouvelle lecture dans un tel état d'esprit et
l'idée de donner aux caisses d'épargne les meilleures chances possible ne nous
quittera pas !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Comme M. le rapporteur l'a dit dans son propos
liminaire, et comme M. le président de la commission des finances vient de le
rappeler, ce texte est un modèle, ou en tout cas la preuve que le travail
parlementaire enrichit les projets présentés par le Gouvernement.
Après ce constat de « respect », de « concorde » - les termes de M. Angels
sont effectivement excellents - je ferai un certain nombre de remarques
ponctuelles et brèves.
Monsieur le rapporteur, à propos du fonds de réserve vous avez dit : je refuse
le mouvement tant que je ne sais pas où je vais. Il s'agit là, me semble-t-il,
d'une attitude un peu frileuse, qui conduit à ne prendre aucun risque.
Nous, nous savons d'où nous partons : du fait que les régimes de retraite par
répartition sont menacés par un choc démographique en 2005 ; et nous savons où
nous voulons aboutir : à la consolidation de ces régimes.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Comme tout le monde !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le fonds de réserve est une première étape précieuse -
le projet de loi qui les dote d'une somme importante en prend acte - pour
consolider les régimes de retraite par répartition. Vous avez peut-être un
autre sentiment ; je le respecte mais je ne le partage pas.
Par ailleurs, vous avez ironisé sur la création du Haut Conseil du secteur
financier public et semi-public, dont Mme Beaudeau, avec beaucoup de
conviction, a affirmé qu'elle ne procédait pas d'une décisions d'opportunité,
comme vous le pensez, mais répondait à une conviction de fond, à savoir que,
dans notre pays, le financement de l'emploi et le développement de la
solidarité supposent l'existence d'un pôle public fort.
Vous vous êtes demandé si des organismes qui ne sont pas de droit public
pouvaient être incorporés dans un tel conseil. Je vous répondrai qu'il arrive
que des entreprises purement privées assurent des fonctions de service public
et que M. Séguin avait proposé, dans un moment d'imagination, de nationaliser
les sociétés de distribution d'eau, au motif qu'elles exercent une mission de
service public.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cela n'a rien à voir !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ma dernière remarque sera un peu taquine ; elle porte
sur votre innovation sémantique.
L'expression « obligations foncières » remonte à 1852 ; vous voulez y
substituer l'expression « obligations sécurisées », qui fleure un peu
l'anglo-saxon et contre laquelle M. Druon émettrait, à mon avis, quelques
objections.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous sommes moins conservateurs
que vous !
(Sourires.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
M. Angels, pour sa part, a développé une réflexion
solide et constructive.
Je voudrais le rassurer sur deux points.
Tout d'abord, existe-t-il un risque que le fonds de garantie refuse
d'intervenir ? La réponse que je vous apporte au nom du Gouvernement, monsieur
Angels, est négative, puisque la commission de contrôle des assurances peut
confirmer sa décision à l'issue d'une seconde délibération. Dans ce cas, le
fonds est obligé d'intervenir.
Vous m'avez également demandé s'il existait un risque de confusion des rôles.
Je crois que non, parce que l'intervention du ministre - c'est lui qui demande
cette seconde délibération - est tout à fait légitime dans la mesure où, comme
vous le savez, le code des assurances définit son rôle comme celui d'une
autorité prudentielle.
Vous vous êtes demandé s'il ne fallait pas s'accorder quinze jours de
réflexion pour, éventuellement, trouver une solution plus favorable aux
assurés. Il faut en effet se donner le temps de la réflexion car, comme vous
l'avez souligné, l'important, ce sont les assurés.
Votre deuxième interrogation a porté sur le cas ponctuel de la société de
cautions Mutua-Equipement.
Avant de répondre à votre question relative au comportement des services
fiscaux, je rappellerai qu'en première lecture l'Assemblée nationale a créé
avec effet rétroactif un fonds de garantie des cautions, qui pourra donc
intervenir au profit des victimes de cette société.
Quant aux services fiscaux, ils ont, je vous le confirme, reçu instruction de
porter une attention particulière aux situations individuelles liées à cette
affaire et de prendre toutes les décisions nécessaires, y compris,
éventuellement, l'octroi de délais de paiement exceptionnels.
Si vous jugez nécessaire qu'un rappel soit fait aux services fiscaux, je m'y
emploierai, je vous le promets.
Je rappelle par ailleurs que le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie a engagé des procédures judiciaires pour préciser les
responsabilités.
J'en viens aux questions de Mme Beaudeau.
J'ai déjà répondu à celles qui concernent le Haut Conseil du secteur financier
public et semi-public.
Je ne commenterai pas la vaste fresque des risques qui résulteraient d'un
libéralisme complètement débridé. Je crois que Mme Beaudeau a bien souligné -
ce qui constitue une réponse au président de la commission des finances - qu'il
ne s'agissait pas d'opportunité, qu'il y allait d'une question de fond.
Il y a ceux qui sont partisans - et je respecte leur position - d'une
banalisation complète des caisses d'épargne et ceux qui estiment nécessaire de
trouver le moyen de conserver à ces établissements une certaine spécificité, ne
serait-ce qu'à propos du livret A, dont a parlé Mme Beaudeau.
Il ne s'agit pas d'en faire des organismes à but non lucratif ; il s'agit
d'engager ces organismes à faire plus de résultats, et cela non pour le plaisir
de faire des profits mais pour exercer un rôle de solidarité accrue.
M. Carrère a bien souligné, dans son intervention, que si les idées
appartiennent à tout le monde, il faut rendre hommage, monsieur le président
Lambert, à ceux qui lancent ces idées. Ainsi, les réformes des caisses
d'épargne qui ont été effectuées en 1983, 1991 et 1999 l'ont été par la même
majorité. Je ne pense pas que ce soit une pure coïncidence. Comme M. Carrère
l'a expliqué, nous avons un véritable projet humain et social efficace, et nous
ne cherchons aucunement à mettre au point une construction juridique abstraite.
Je pense que cela répond à la question posée par M. Bourdin sur les fameuses
SOLE, c'est-à-dire cet échelon proche du terrain, mais aussi des clients et des
actionnaires...
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit : « des
actionnaires » !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
C'est un lapsus ! Je voulais dire : « des détenteurs
de parts ». Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de m'écouter avec autant
d'attention ; j'en ai ici la preuve.
Quoi qu'il en soit, il est très important qu'existe cette relation de
proximité, que M. Carrère a fort bien commentée.
Monsieur le rapporteur, vous aviez proposé de créer des sections locales
d'épargne ; c'est exactement la même chose sauf qu'elles n'ont pas la
personnalité juridique.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
C'était plus simple !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Bourdin, je vous rappellerai que le président
du directoire des caisses d'épargne, que votre commission a auditionné,
souhaite que cette organisation, qui vous paraît compliquée - les constructions
humaines sont parfois un peu compliquées - soit mise en place.
M. Carrère a évoqué le dépôt d'amendements que je crois judicieux mais que je
ne commenterai pas en cet instant.
Enfin, M. le président Lambert a évoqué le caractère non homogène de la
majorité.
Je me réjouis du fait que, ayant à préparer l'intervention qu'il devait
prononcer aujourd'hui, il n'ait pu regarder la télévision lundi soir : il
aurait été obligé de constater où étaient les véritables difficultés en matière
d'homogénéité !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il ne s'agissait pas des mêmes sujets.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
La majorité est au Sénat !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Plus sérieusement, je dirai, monsieur le président de
la commission, que la majorité plurielle est solide ; elle l'a montré par beau
temps, elle l'a montré aussi quand l'orage a grondé, comme cela a été le cas
récemment.
Je vous remercie donc de la sollicitude que vous portez à la majorité
plurielle, mais l'expérience des crises partagées montre que cette majorité est
solide et qu'elle va durer encore longtemps !
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte ou un chiffre identique.
Article 1er