Séance du 30 juin 1999
PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Discussion d'une proposition de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition
de loi (n° 429, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relative au pacte civil de solidarité. [Rapport n° 450 (1998-1999) et
avis de la commission des finances.]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de formuler quelques brèves
remarques après les rappels au règlement auxquels je viens d'assister. Ensuite,
j'exposerai les raisons pour lesquelles il est important que le Sénat puisse se
prononcer en nouvelle lecture sur le pacte civil de solidarité.
Je tiens à dire à M. Laffitte, même s'il n'est pas en cet instant présent dans
l'hémicycle, que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour.
M. Henri de Raincourt.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il appartient, d'abord et avant tout, au Gouvernement
de déterminer l'ordre du jour prioritaire, comme la Constitution lui en fait le
devoir. Il ne tient qu'au Sénat de faire en sorte que le projet de loi sur
l'innovation et la recherche, qui est, en effet, important, puisse être examiné
par le Sénat le plus rapidement possible.
Mme Luc, tout comme le Gouvernement, tient au PACS, et elle a raison.
M. Paul d'Ornano.
Et nous, non !
M. Henri de Richemont.
Pas nous !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Quant à M. Claude Estier, il a bien fait de rappeler
les accords qui avaient été passés parce que je ne crois pas, même si en effet
le Sénat est souverain...
M. Henri de Richemont.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... que les conclusions de la conférence des présidents
« comptent pour du beurre ».
M. Henri de Richemont.
C'est le peuple !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cela dit, toute cette discussion me semble quelque peu
« hors sujet ».
Permettez-moi enfin de dire simplement que je préfère être qualifiée de
marxiste-léniniste que d'homophobe.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Henri de Richemont.
Un million de morts !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nous avons à nous prononcer...
M. Henri de Richemont.
Et les goulags !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... sur un texte important. Aussi devons-nous essayer
d'éviter, autant que faire se peut, les vociférations, qui n'ont pas beaucoup
de sens.
M. Josselin de Rohan.
Et les injures !
M. Henri de Raincourt.
Adressez-vous la leçon à vous-même !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cette proposition de loi déjà été votée deux fois par
l'Assemblée nationale et rejetée deux fois par la majorité sénatoriale - mais
elle est, nous le savons, dans l'opposition.
M. Philippe Marini.
C'est une tare d'être dans l'opposition, peut-être ?
Mme Nicole Borvo.
C'est un fait !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis tout aussi disponible cet après-midi que je
l'aurais été ce matin pour aborder cette troisième lecture.
J'ajoute que jamais le Gouvernement n'a pensé que le Sénat allait adopter ce
texte par acclamations, monsieur Larché.
M. Michel Caldaguès.
Nous n'avons pas de mandat impératif.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous avez suffisamment fait valoir vos objections pour
que nous ne soyons pas bercés, ne fût-ce qu'un instant, de cette illusion...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
On pourrait
en avoir l'impression.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Quant à la méthode du Gouvernement, je conçois qu'elle
suscite une certaine envie dans l'opposition.
(Sourires sur les travées
socialistes.)
M. Henri de Richemont.
Ce n'est pas vrai !
M. Josselin de Rohan.
Oh non !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Croyez, en tout cas, que nous avons bien l'intention de
continuer d'employer cette méthode qui est la nôtre et qui consiste tout
simplement...
M. Henri de Richemont.
... à ne rien faire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... à faire avancer les textes que nous jugeons
prioritaires, ceux pour lesquels nous avons été élus en 1997.
Pour ma part, j'ai tout mon temps. Je souhaite donc, pour la bonne tenue de
nos débats - et de nos relations, car je n'ai qu'à me féliciter du travail
accompli par le Sénat sur les textes que je présente, certes, il y a toujours
des exceptions, mais je constate qu'il est possible de travailler avec vous -
que nous puissions passer à la nouvelle lecture de la proposition de loi
relative au pacte civil de solidarité, sur laquelle mon intervention sera brève
puisque nous en avons déjà débattu au fond à deux reprises.
Ce texte arrive au terme de son processus parlementaire, puisqu'il s'agit de
la sixième lecture. Vous ne pouvez pas dire que le Gouvernement n'a pas laissé
toute sa place au débat parlementaire !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est une proposition de loi !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'était normal s'agissant d'une proposition de loi
portant sur une question de société, de surcroît extrêmement importante,
puisqu'elle concerne près de cinq millions de nos concitoyens.
Le Sénat a manifesté, depuis le début - c'est son droit - une conception
totalement différente de la situation et des moyens permettant de trouver une
solution aux problèmes que l'absence de législation entraîne pour ces cinq
millions de nos concitoyens qui ne veulent pas, ou ne peuvent pas se marier.
Cette approche l'a conduit, en première lecture, à supprimer le pacte civil de
solidarité et à lui substituer le concubinage.
L'Assemblée nationale a rétabli le texte supprimé par le Sénat, non sans avoir
pris en compte un certain nombre d'observations techniques pertinentes
formulées par votre commission des lois, mis un terme aux discriminations en
effet inadmissibles frappant les personnes de même sexe vivant en couple et
pris en compte, par conséquent, le concubinage.
En déposant à nouveau aujourd'hui une question préalable, vous entendez une
fois encore ne pas entrer dans cette logique de confrontation des points de
vue.
J'exprimerai les mêmes regrets que ceux que j'avais émis lors de la précédente
lecture.
Constatant qu'il examine un texte identique à celui qu'il a précédemment
rejeté, M. le rapporteur de la commission des lois reprend en grande partie les
arguments qu'il avait déjà mis en avant lors du précédent examen de cette
proposition de loi.
Le pacte civil de solidarité « représenterait » des dangers pour le mariage
et les familles ; il « constituerait » une source de nombreuses difficultés
pratiques et juridiques, se révélant ainsi totalement inapplicable.
M. Alain Gournac.
Vive la famille !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai amplement répondu à ces arguments, qui, selon moi,
s'apparentent en réalité à des prétextes tendant à masquer la nécessité sociale
de la proposition de loi.
Je rappelle que le pacte civil de solidarité est un contrat conclu entre deux
adultes pour organiser, à partir de mécanismes juridiques connus, comme
l'indivision ou la solidarité, la vie commune de ses membres et accorder un
certain nombre de droits.
Le pacte civil de solidarité n'organise aucun statut comparable au mariage.
M. Alain Gournac.
Heureusement que nous étions là !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il ne comporte aucune dimension parentale, qu'il
s'agisse de la procréation médicalement assistée ou de l'adoption, pas plus
qu'il n'affecte d'ailleurs les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
En termes financiers, il n'a pas d'incidence sur les politiques familiales,
qui sont principalement axées sur l'enfant.
C'est donc dans un contexte d'incompréhension entre le Gouvernement et le
Sénat, qu'il nous faut bien constater, que s'achève aujourd'hui, dans cette
enceinte, l'examen de la proposition de loi sur le pacte civil de
solidarité.
Je déplore bien évidemment ce climat d'incompréhension. Je crois qu'un
objectif aussi simple que celui qui consiste à remédier aux difficultés
pratiques quotidiennes de tant de nos concitoyens méritait un autre traitement
de la part de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac.
Vive la famille !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Allouche.
Pas trop vite, Patrice !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, une fois encore, le
pacte civil de solidarité revient devant nous.
Madame le garde des sceaux, je voudrais m'adresser à vous.
J'ai pour vous beaucoup d'estime et de considération. J'admire votre capacité
de travail, vos compétences à la tête d'un ministère difficile, votre
pugnacité. Toutefois, en ce qui concerne le PACS, je ne vous comprends plus.
Nous sommes sur deux planètes différentes
(Mme le garde des sceaux opine en
souriant)...
M. Christian Bonnet.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... nous avons deux conceptions de la société
différentes,...
Mme Danièle Pourtaud.
C'est bien vrai !
M. André Lejeune.
Il y a ceux qui sont au Moyen Age et ceux qui sont au xxe siècle !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... et je vais m'efforcer de vous démontrer que ce n'est pas
nous qui avons tort.
C'est justement une approche trop rapide, trop simpliste du problème qui
explique peut-être ce désaccord, parce que trop de personnes parmi celles qui
siègent dans cet hémicycle n'ont pas lu le texte relatif au PACS, ne l'ont pas
examiné, étudié.
Mme Danièle Pourtaud.
Le professeur Gélard va nous expliquer !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Pourquoi pas ? De temps en temps, il est bon de faire des
cours !
M. Josselin de Rohan.
Certaines personnes ont beaucoup à apprendre !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je dirai, en préliminaire, que l'émotion face au sida n'est
ni de droite ni de gauche.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La dénonciation des discriminations, que nous avons tous
relevées, à l'égard des couples homosexuels, elle non plus n'est pas le
privilège de la gauche.
Au terme de ce débat, je retire une impression de gâchis.
Gâchis, à cause de l'hypocrisie des auteurs de la proposition de loi, qui ont
caché la finalité exacte du PACS.
M. Josselin de Rohan.
Parfait !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Cette finalité, on la connaît maintenant : il faut donner un
statut aux couples homosexuels,...
M. Josselin de Rohan.
Voilà !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... et tout le reste n'est que de l'habillage.
M. Michel Caldaguès.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Gâchis, parce que l'Assemblée nationale a refusé tout débat.
Lorsque nous avons récrit la proposition de loi à partir du concubinage, et
avec des ouvertures, notamment sur la possibilité de signer des contrats, nous
avions tendu la main à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Rien
n'en est ressorti !
(Mme Dinah Derycke proteste.)
Il était donc normal que, face à ce refus
absolu de la totalité de nos propositions, nous fassions état de ce désaccord,
à l'origine duquel nous n'étions pas,...
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... et que nous votions, en deuxième lecture, une motion
tendant à opposer la question préalable. On ne pouvait pas faire autrement, à
moins de maintenir le texte que nous avions adopté en première lecture, mais
là, excusez-moi de le dire, nous entrions non pas dans un dialogue, mais dans
un dispositif relevant de la flibusterie !
De plus, l'Assemblée nationale, et dans une large mesure aussi la presse, n'a
rien relevé de ce que nous proposions en matière fiscale. Sur ce point, le
silence fut total. Or, après tout, le vrai problème était aussi là : c'était un
problème fiscal. Nous avons tenté de mettre fin à des discriminations et de
remettre en cause des abus de l'Etat en matière fiscale, ainsi lorsque l'on
crée dans notre pays des impôts confiscatoires sur les successions.
Ce fut aussi un gâchis parce que le travail préliminaire a été bâclé à
l'Assemblée nationale, parce qu'il n'a pas du tout ou insuffisament été tenu
compte des expériences étrangères, que l'on a dénaturées, transformées et
présentées sous un angle qui n'était pas le bon.
Au Sénat, nous avons fait l'inverse. Nous avons procédé à près de
quatre-vingts auditions. Nous nous sommes livrés à une étude comparative des
systèmes étrangers et nous avons constaté que la voie dans laquelle la
proposition de loi de l'Assemblée nationale nous engageait n'avait jamais été
explorée et que, en tout état de cause, même si les arguments de Mme le garde
des sceaux étaient des arguments dont il fallait tenir compte, elle comportait
beaucoup plus de dangers à venir que de satisfactions dans le temps présent.
Enfin, ce fut un gâchis parce que ce texte que nous examinons une ultime fois
ici est un défi à la fois à notre conception du droit et à ma propre conception
de la raison.
Tout d'abord, c'est un défi à la conception du droit car le PACS met en place
un véritable imbroglio sur le plan juridique. Cet imbroglio juridique apparaît
tout d'abord à travers l'extraordinaire complexité des situations personnelles
qui vont être mises en place et qui vont faire de nous le champion toutes
catégories de la complexité en matière de vie privée.
La première remarque que je ferai, c'est que, en règle générale, le
législateur n'a pas à se préoccuper de la vie privée de ses concitoyens. Les
seuls pays qui le font, ce sont les dictatures.
M. Philippe François.
Effectivement !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Dans une démocratie, la vie privée relève en réalité du choix
personnel.
M. Michel Caldaguès.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous n'avons aucun jugement, ni les uns ni les autres, à
porter à l'égard du comportement sexuel de nos concitoyens.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Ce n'est pas notre affaire, ce n'est pas celle du législateur
!
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Bien évidemment, on nous objectera que le mariage crée des
discriminations. Mais le mariage, c'est autre chose. Le mariage, c'est un
fondement de la société. Je citerai d'ailleurs simplement Staline... pour faire
plaisir à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Vous êtes à court d'arguments !
M. Josselin de Rohan.
Et à Mme Guigou, la néostalinienne, ne l'oublions pas !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Le mariage, disait-il, est la cellule de base de la
société.
C'est très important, car le mariage, contrairement à la liberté individuelle
prévalant pour les choix de chacun en matière de vie privée, est une
institution, qui est protégée et garantie par la loi et par la Constitution. La
jurisprudence du Conseil constitutionnel est là pour le prouver.
Mme Hélène Luc.
Qui vous dit le contraire ? Le problème n'est pas là !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Par conséquent, en temps normal, dans une démocratie, le
législateur ne se préoccupe pas de la vie privée, de la vie en couple, de telle
ou telle forme de couple.
Bien sûr, le législateur doit veiller à gommer ou à faire disparaître les
discriminations. C'est ce qu'ont souligné la cour constitutionnelle canadienne
et la cour constitutionnelle espagnole, dans des arrêts récents. En effet,
après avoir mis en parallèle la situation des personnes mariées et celle des
personnes qui ne l'étaient pas, ces jurisprudences soulignaient que le mariage
devait tout de même bénéficier d'un certain nombre de prérogatives juridiques
en tant qu'institution indispensable.
Après cette remarque préliminaire, je suis obligé de constater que le PACS va
nous mettre face à sept situations différentes de vie privée, faisant de nous,
comme je le disais tout à l'heure, le champion toutes catégories en matière de
situations individuelles.
Tout d'abord, et naturellement, il y aura le célibataire. Attention ! être
célibataire, cela n'exclut pas d'avoir une vie sexuelle.
(Rires sur les
travées du RPR.)
Mais lui ne demandera rien à l'Etat ni à la société. Le
célibataire a un statut de célibataire et, par conséquent, il sera considéré,
au regard du fisc, de la sécurité sociale et du droit du travail comme étant un
célibataire.
Ensuite, il y aura les personnes vivant en union libre, et je suis obligé de
faire une distinction entre celles-ci et celles qui vivent en concubinage,
puisque ce dernier figurera désormais dans le code civil. Il importe en effet
de distinguer l'union libre du concubinage dans la mesure où les personnes
concernées ne voudront pas se reconnaître dans la définition du concubinage
contenue dans le texte qui nous revient. Je reviendrai ultérieurement sur cette
définition du concubinage, qui est mauvaise et qui n'est pas celle que, nous,
nous avions proposée. Nous avions tenu compte, en effet, de vos observations,
madame le garde des sceaux, observations d'ailleurs diffusées dans la presse
avant de l'être ici.
M. Christian Bonnet.
C'est classique !
M. Philippe Marini.
Ce n'est pas correct !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'union libre, qui était la même chose que le concubinage, va
s'en distinguer.
L'union libre, ce sont deux personnes, de même sexe ou de sexe différent, qui
vivront ensemble sans rien demander à l'Etat. Elles seront différentes du
célibataire car elles vivent en couple.
Puis, il y aura les concubins, mais les concubins nouvelle manière. Cette
fois, pour être concubins, il faudra réunir la continuité et la stabilité.
Alors ça, c'est une trouvaille !
(M. Josselin de Rohan sourit.)
Certes,
c'est la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais les rédacteurs de
l'Assemblée nationale ne se sont pas rendu compte qu'en inscrivant cette
définition dans le code civil ils rendront impossible la mission des notaires,
des maires, des magistrats qui délivrent des certificats de concubinage et qui
seront conduits à dire : « Je suis désolé, le code civil exige la continuité et
la stabilité. Prouvez-moi que votre concubinage est stable et continu. » - ce
qui, je le précise, n'est pas le cas à l'heure actuelle. Donc, dorénavant, nous
aurons des concubins qui devront attendre, on ne sait combien de temps,
peut-être six mois... un an... deux ans... le bon vouloir des uns et des
autres... Ou alors, par une circulaire interprétative, Mme le garde des sceaux
conseillera aux uns et aux autres de prévoir un délai raisonnable, qui pourrait
être très court. Mais c'est une nouveauté : on impose la continuité et la
stabilité pour être reconnus comme concubins, donc pour pouvoir bénéficier
d'avantages qui, actuellement, sont immédiatement donnés à des personnes qui se
présentent comme telles !
Donc, avec le texte qui est présenté, vous aggravez la situation actuelle du
concubinage.
Mais, attention ! il y a pis. En réalité, nous allons créer maintenant trois
sortes de concubins.
La première, c'est le concubin normal,...
Mme Nicole Borvo.
« Normal », quel jugement de valeur !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... celui que je viens de décrire, distinct de celui qui vit
en union libre, lequel ne demande rien.
Quelles seront les deux autres sortes de concubins ? Eh bien ! ce seront les
concubins qui seront en même temps partenaires d'un PACS et mariés. En effet,
désormais, la législation le permettra : le concubinage n'exclura ni la
signature d'un PACS avec un autre partenaire ni, bien entendu, la possibilité
d'être concubin et marié.
Vous me rétorquerez que, dans les faits, cela existe déjà. Dans les faits, il
existe naturellement des hommes, ou des femmes, qui ont deux foyers. Mais, en
réalité, que sommes-nous en train de faire ? Avant, le législateur fermait les
yeux et cela n'avait pas d'effet juridique réel. Désormais, il y aura des
effets juridiques ! En d'autres termes, la loi autorisera légalement la
polygamie, avec le mariage d'un côté et le concubinage de l'autre, ou le PACS
d'un côté et le concubinage de l'autre.
Vraiment, il était difficile de donner une aussi mauvaise définition du
concubinage que celle qu'a donnée l'Assemblée nationale !
Il fallait reprendre le texte que nous avions élaboré...
M. Henri de Raincourt.
Voilà une idée qu'elle est bonne !
(Rires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... et qui avait tenu compte des observations de Mme le garde
des sceaux : il réglait, précisément, le problème des gens mariés et il ne
posait aucune condition de stabilité ou de continuité. En réalité, la solution
que nous proposions était la bonne.
Et puis, on ne s'arrête pas là ! Il existe deux autres catégories : d'une
part, les partenaires du PACS - nous y reviendrons de façon plus approfondie
ultérieurement - d'autre part, les personnes mariées.
Désormais, nous aurons sept catégories, alors que, jusqu'à maintenant, nous en
avions trois. Il était vraiment difficile de faire mieux que ce qu'a fait
l'Assemblée nationale dans ce domaine !
Et puis, en dehors du fait que la situation actuelle des concubins est
maintenant aggravée, que cela posera des problèmes réels, que cela entraînera
la dualité entre le concubinage et le PACS d'un côté, entre le concubinage et
le mariage d'un autre côté, le plus grave, c'est le PACS lui-même.
Le PACS se présente comme un contrat. Il a la couleur du contrat, il a l'odeur
du contrat, il a la forme du contrat, mais, comme le
Canada dry,
ce
n'est pas un contrat.
(Sourires.)
C'est n'importe quoi d'autre, et je vais vous le
démontrer.
Tout d'abord - et, sur ce point, la jurisprudence du Conseil constitutionnel
est précise - la liberté contractuelle est une liberté fondamentale en
démocratie. Le code civil énonce, pour vous comme pour moi, les personnes qui
peuvent contracter et celles qui ne le peuvent pas. Or, bizarrement, on prévoit
dans le PACS des empêchements à contracter qui en font un contrat dérogatoire
aux règles générales de consentement.
Ainsi sont exclus de la possibilité de signer un PACS - j'en comprends
éventuellement les motifs - les mineurs émancipés. En revanche, ces mineurs
émancipés ont le droit de signer un bail, un contrat de travail, etc. Je
pourrais multiplier à l'infini les contrats qu'un mineur émancipé peut
conclure.
On exclut également du PACS les majeurs sous tutelle. Or, les majeurs sous
tutelle, je le rappelle, ont le droit de se marier. Quelles raisons justifient
cette exclusion ?
Un sénateur de l'Union centriste.
La précipitation !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Et puis, on élimine les parents et alliés jusqu'au troisième
degré. Alors là, bizarrement, on a pioché délibérément dans ce qui se passe en
ce qui concerne le mariage ! On a purement et simplement calqué sur le PACS les
dispositions en vigueur pour le mariage, lequel est non pas seulement un
contrat, mais une institution.
Les motivations, on les connaît : le Gouvernement a eu peur que, par le biais
des fratries, ne se développe une possibilité de reconnaissance de l'inceste.
Je partage cette préoccupation.
Mais le PACS, bizarrement, dans le texte qui nous est parvenu, est totalement
désexué. Il n'est à aucun moment question dans le PACS - et c'est là
l'hypocrisie de départ - de vie sexuelle commune.
Oh ! je sais bien qu'il y a eu tout un débat pour savoir s'il était nécessaire
d'avoir une résidence commune. On a abouti à un domicile commun. A la limite,
qu'est-ce qu'un domicile commun ? C'est une boîte aux lettres ! Mais les
personnes ne sont pas obligées de vivre sous le même toit, comme l'a d'ailleurs
rappelé de nombreuses fois M. Michel, rapporteur de ce texte à l'Assemblée
nationale.
En plus, comme chacun le sait, le PACS est destiné non pas seulement aux
couples homosexuels, aux concubins hétérosexuels, mais aussi à toute une série
de personnes qui, tout simplement, verront des avantages matériels inéluctables
à vivre ensemble : il y aura une déclaration de revenus commune, et donc une
fiscalité commune. En fait - il faut le savoir ! - on est en train d'ouvrir la
porte à toute une série de gens qui adhéreront au PACS uniquement par intérêt
fiscal !
Dès lors, en réalité, les interdictions qui ont été prévues n'ont aucune
raison d'être, et leur constitutionnalité est, à mon avis, douteuse.
Le deuxième élément concerne l'enregistrement. Quel est l'esprit tordu qui a
inventé l'enregistrement du PACS auprès du greffe du tribunal d'instance ? Cela
obligera à mettre en place des registres dans tous les tribunaux d'instance,
cela obligera à mettre en place un état civil
bis
partout ! Je me
demande d'ailleurs dans quelle mesure c'est conforme aux règles intéressant les
fichiers informatisés. En tout état de cause, on va instaurer un dispositif
dont le coût n'a jamais été chiffré. Combien faudra-t-il recruter de greffiers
supplémentaires dans les tribunaux ? Personne n'est capable de nous le dire
!
On met donc en place une espèce d'« usine à gaz », qui induira de surcroît -
je l'avais signalé précédemment - des délais d'acheminement du PACS d'un greffe
de tribunal à un autre, ce qui ne sera pas sans poser des problèmes, notamment
en cas de dénonciation de celui-ci par voie unilatérale.
Le troisième élément, c'est qu'il ne s'agit pas d'un contrat comme les autres
en ce qui concerne les obligations des cocontractants. Quelles sont les
obligations des partenaires dans le PACS ? Ce point est intéressant : ils se
doivent aide mutuelle et matérielle. Quelle est la définition juridique de ces
notions ? Quelle est la valeur normative de l'aide mutuelle et matérielle ? Je
n'en sais rien ! Bien évidemment, il appartiendra aux tribunaux de l'apprécier.
Bonjour le contentieux !
Mais attention : on a étendu ce principe, en disant que les deux personnes
doivent participer aux frais du logement commun, à raison de leurs capacités
évidemment.
Mais qui vérifiera la portée réelle des engagements des uns ou des autres ?
L'enregistrement a lieu au greffe. Qui vérifiera le contenu du PACS ? Personne
! On pourra mettre à l'intérieur du PACS n'importe quelle clause contraire à
l'ordre public, contraire à des interdictions que nul ne pourra vérifier
puisque le contenu même du PACS n'est soumis à aucun contrôle, sauf peut-être
quand on arrivera devant le juge.
Après tout, si l'une des deux personnes n'a pas un centime à consacrer à
l'entretien du logement commun, pas un centime pour venir en aide à son
partenaire, si elle fait des dettes et que c'est toujours l'autre qui les paie
du fait de la responsabilité solidaire, pourquoi ne pas envisager des clauses
parfaitement illicites à l'intérieur des PACS ? Par exemple : tu n'as pas
d'argent, mais tu feras le ménage
(Rires sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants),
ou tu feras les courses...
M. André Lejeune.
Non !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... ou tu feras la cuisine,...
M. André Lejeune.
Non !
M. Patrick Gélard,
rapporteur.
... ou tu feras les lits !
(Nouveaux rires sur les mêmes
travées.)
Mais alors c'est de l'esclavage !
M. André Lejeune.
Vous ne la faites jamais, la cuisine ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Si !
(Rires sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Robert Bret.
Et le ménage ?...
Mme Nicole Borvo.
Encore la vie privée ! Aïe, aïe, aïe !
M. le président.
On écoute l'intervenant !
M. Michel Duffour.
Maintenant, c'est la vie privée de M. Gélard !
(Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc.
C'est risible !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En ce qui concerne les droits des tiers, le PACS est un
contrat opposable aux tiers créanciers. Comment les tiers créanciers seront-ils
au courant du PACS ? Bien sûr, me direz-vous, les partenaires du PACS vont
eux-mêmes déclarer à leur banquier, à leur épicier, à leur marchand de voitures
qu'ils sont partenaires dans un PACS. Oui ou non ! Ils sont parfaitement libres
de le faire ! A quel moment le créancier sera-t-il mis au courant si les deux
partenaires du PACS ne veulent pas le lui dire ?
Je pourrais continuer ainsi en parlant, par exemple, du régime des biens,
certes légèrement amélioré grâce aux critiques que nous avions émises, mais qui
reste encore un régime tout à fait difficile à mettre en oeuvre et à gérer.
Le régime de l'indivision viole de plus la traditionnelle règle en matière
d'indivision : « nul n'est tenu de rester dans l'indivision ». Là, le PACS
oublie complètement cette règle, prévoyant que, une fois qu'on est partenaire
dans un PACS et qu'on n'a pas prévu préalablement ce qu'il en est, on reste
dans l'indivision.
Le PACS est également dérogatoire en matière d'attribution préférentielle.
Pourquoi donner à un partenaire du PACS l'attribution préférentielle d'un fonds
de commerce, de telle ou telle chose ? Ah ! On a éliminé l'agriculture. Mais ce
droit de préférence n'a aucune justification pour un simple contrat d'aide
mutuelle.
Enfin,
last but not least
, la dissolution du PACS.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
Elle est contraire à toutes les règles
contractuelles.
M. Lucien Lanier.
Voilà !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Est mise en place la possibilité de dénonciation unilatérale
du PACS pour simple bonne volonté ou bon vouloir de l'un qui en a assez de
l'autre. Dans la mesure où le délai de trois mois est respecté, cela ne donnera
naturellement lieu à aucune dommages et intérêts puisque, par opposition au
concubinage qui, lui, doit être stable et continu, le PACS n'a aucune
obligation de durée. Nous sommes donc devant une espèce de contrat qui,
véritablement, accumule les inconvénients, sans trancher les vrais problèmes
intéressant les couples dans leur vie commune, telle la gestion de leur
domicile commun.
On a mis en place quelque chose qui s'apparente à une usine à gaz et qui se
révélera invivable dans la pratique.
Le Sénat avait prévu tout autre chose : il avait prévu que les concubins, d'un
même sexe ou de sexes différents, pouvaient établir par voie contractuelle
leurs propres règles de vie en commun. Là, on nous impose un cadre rigide qui
satisfera si peu de monde que, une fois que l'on aura été partenaire d'un PACS,
on ne recommencera plus ! J'en suis vraiment convaincu !
Mais je vous ai dit aussi, mes chers collègues, que le PACS n'était pas
seulement un imbroglio juridique. Dans une certaine mesure, c'est aussi un défi
à la raison et, contrairement à ce qu'a affirmé de nombreuses fois devant nous
Mme le garde des sceaux, le PACS est en réalité le camouflage d'un mariage
bis
.
Tout d'abord, il est le camouflage d'un mariage
bis
dans la forme. En
effet, on instaure avec le PACS un véritable état civil
bis.
Les amendements déposés par le groupe communiste républicain et citoyen et
visent à ce que le PACS soit conclu devant l'officier d'état civil présentaient
une logique.
Mme Nicole Borvo.
Oui !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Evidemment, si tel avait été le cas, les choses auraient été
nettes, claires ; le PACS était bien un second mariage !
C'est ce que n'a pas voulu le Gouvernement !
Alors, on a inventé une espèce de truc pas possible, avec l'intervention des
greffes des tribunaux d'instance. Or, en matière contractuelle, quel est celui
qui enregistre normalement les contrats ? C'est le notaire ! Pourquoi ne pas
avoir fait appel au notaire ? C'eut été la logique la plus simple. Le notaire
aurait pu tenir, lui aussi, les registres et vérifier le contenu du contrat.
M. Claude Estier.
Le notaire, cela coûte cher !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Non, quatre cents francs ! Un mariage coûte plus cher que
cela, en réalité, vous le savez aussi bien que moi ! Il suffisait que le garde
des sceaux prenne une disposition. Quatre cents francs, c'est à la portée de
tout le monde, surtout si l'on veut solenniser une union avec un partenaire.
Mme Nicole Borvo.
Le problème n'est pas là ! Vous le savez très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Par ailleurs, les avantages fiscaux sont directement imités
de ceux dont bénéficient les personnes mariées ! L'imposition commune,
l'imposition sur la fortune... - je pourrais multiplier les exemples dans ce
domaine - sont la transposition exacte et complète du dispositif applicable au
mariage ; et on nous dit que le PACS n'a rien à voir avec le mariage ! Mais on
transpose tout simplement les avantages reconnus aux gens mariés dans ce
contrat d'un type nouveau qu'est le PACS !
C'est là que le problème nous interpelle : en réalité, le PACS, comme vous le
savez tous, n'est qu'une étape, qu'un début avant l'arrivée de nouvelles lois
qui vont exiger de nouveaux avantages...
M. Michel Caldaguès.
Bien sûr !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... de nouveaux privilèges et créer, cette fois-ci, de
véritables discriminations à l'égard de ceux qui n'en seront pas
partenaires.
Il suffisait d'écouter les slogans qui étaient lancés lors d'une récente
manifestation. En réalité, les choses étaient claires : « Le PACS, cela ne
suffit pas ! », « Le PACS, ce n'est qu'une étape...
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... ce que nous voulons, c'est autre chose, c'est le mariage
! »
A ce moment-là, pourquoi, comme le proposait l'un de nos collègues avec un
certain sens de l'humour, ne pas supprimer le mariage, laisser tout simplement
les différentes Eglises le pratiquer en tant que sacrement,...
Mme Nicole Borvo.
Qui empêche les gens de se marier, monsieur Gélard ? J'aimerais bien qu'on
réponde à cette question !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... mais abandonner ce rôle que l'Etat a reconnu à
l'institution ?
Voilà toute une série de remarques que je voulais faire.
M. Josselin de Rohan.
Très bonnes !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
J'en viens aux nombreuses discriminations qu'entraîne le
texte.
M. Robert Bret.
Prenez votre temps, monsieur Gélard !
M. Guy Allouche.
Poursuivez votre résumé !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je signale que mon résumé tient en deux pages !
(Exclamations.)
Mme Hélène Luc.
Cela va être long, jusqu'à minuit !
Mme Nicole Borvo.
Il faut du talent !
M. Henri de Raincourt.
Il est excellent !
M. Jean-Claude Carle.
Très brillant !
M. Dominique Braye.
C'est percutant ! C'est performant ! Bravo !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendant et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Après ces compliments, veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Merci, monsieur le président !
Plusieurs sénateurs socialistes.
Bis !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Si vous voulez que je recommence mon propos au début, je le
peux !
(Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Philippe Marini.
Oui, recommencez !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas très sérieux, quand même, compte tenu du problème que nous
traitons !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Si, c'est très sérieux !
Mme Hélène Luc.
Non, pour le public, ce n'est pas sérieux !
M. Robert Bret.
C'est à l'image du Sénat !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est parfaitement sérieux ! Vous n'avez pas écouté du tout
mon propos, madame Luc, et vous avez eu tort. En réalité, tout ce que j'ai dit,
vous ne voulez pas l'entendre : votre point de vue est fait. Ce que vous
voulez, c'est le mariage tel qu'il était pratiqué à l'époque de Lénine, et
c'était une monstruosité !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. Claude Estier.
Est-ce que vous croyez ce que vous dites ?
M. Robert Bret.
Il est homophobe !
Mme Hélène Luc.
Vous êtes en train de pratiquer la dérision, et ce n'est pas sérieux, je le
répète.
M. le président.
Madame Luc, veuillez ne pas interrompre l'orateur, je vous prie. C'est à
croire que vous ne voulez pas que l'examen de ce texte soit achevé d'ici à ce
soir !
M. Claude Estier.
Il est bien temps de dire cela !
M. Robert Bret.
C'est à M. Gélard qu'il faut dire cela !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Avant d'être interrompu...
M. Henri de Raincourt.
Par qui ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Pas par vous, mon cher collègue !
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Avant d'être interrompu, je disais que le texte qui nous
parvient crée de nouvelles discriminations.
M. Henri de Richemont.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il crée de nouvelles discriminations d'abord à l'égard des
célibataires qui seront en droit, en mesure d'exiger, eux aussi, un certain
nombre d'avantages fiscaux qui leur sont actuellement refusés. Or les avantages
fiscaux consentis aux nouveaux partenaires du PACS devront être payés par le
contribuable.
Là encore, j'attire votre attention sur un élément considérable et important :
nous n'avons jamais pu obtenir de la part du ministère des finances ou des
services du budget une estimation de ce que coûtera le PACS.
Des chiffres ont circulé : 8 millions de francs...
M. Dominique Braye.
Non : 8 milliards !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Oui, 8 milliards de francs, voire 12 milliards de francs. On
n'en sait rien ! Qui paiera ?
M. Josselin de Rohan.
Nous ! Toujours les mêmes !
Mme Nicole Borvo.
Vous êtes bien placés pour dire cela !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Et cela se fera au détriment de quelle catégorie ?
M. Dominique Braye.
La famille !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Ce sera, comme toujours, en effet, au détriment de la famille
!
Mme Nicole Borvo.
Et les couples qui n'ont pas d'enfants ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
J'en viens à des éléments tout à fait importants contenus
dans le PACS, notamment aux discriminations à l'égard des enfants de ceux qui
seront partenaires du PACS.
Mme Nicole Borvo.
Et les couples mariés sans enfants ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Les enfants auront des avantages fiscaux, en matière de
succession, inférieurs à ceux du partenaire du PACS.
M. Henri de Raincourt.
C'est dégoûtant !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En effet, il y aura 300 000 francs d'exonération fiscale pour
l'enfant, contre 375 000 francs pour le partenaire.
Les enfants, à moins qu'il en soit décidé autrement par écrit, ne toucheront
plus l'allocation décès. Les enfants, en outre, n'auront pas le droit de
préférence, alors que le partenaire du PACS l'aura.
On est en train, pour protéger le partenaire du PACS, progressivement, de
mettre en place des atteintes envers ceux qui sont les descendants normaux, à
savoir les enfants de ceux qui ont accepté de signer un PACS.
On nous engage dans une voie qui n'est pas la nôtre. Pour nous, pour
l'instant, la société est toujours fondée sur un certain nombre de valeurs,
dont la famille et le mariage font partie.
M. Dominique Braye.
Voilà !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Notre préoccupation constante a été d'effacer les
discriminations inadmissibles à l'égard de certains de nos concitoyens.
Il n'était pas normal, en effet, que quelqu'un qui bénéficiait d'un
appartement s'en voie du jour au lendemain chassé en raison d'une jurisprudence
excessive de la Cour de cassation.
M. Michel Caldaguès.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il n'était pas normal qu'un certain nombre d'avantages
reconnus aux concubins ne soient pas étendus à ceux qui ne sont pas
hétérosexuels. Nous avions d'ailleurs proposé une telle extension.
M. Henri de Richemont.
C'était très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Mais aller dans un autre sens, mettre en place un
sous-mariage qui ne veut pas dire son nom mais qui, en réalité, est bien cela,
puisque ce n'est qu'une étape vers autre chose que l'on va exiger dans les mois
et les semaines qui viennent, eh bien ! nous ne pouvons pas suivre cette
logique.
Cela dit, il fallait sans doute organiser une réflexion préalable. Nous
l'avons fait au Sénat, mais elle n'a pas eu lieu à l'Assemblée nationale. Il
fallait peut-être, effectivement, que l'on envisage tout le problème de la
famille dans son ensemble, et Mme le garde des sceaux a mis en place une
commission sur ce point.
Où était l'urgence dans cette affaire ? Il suffisait d'adopter une simple
disposition mettant fin aux discrimination qu'avait mises en place la Cour de
cassation !
Les vrais problèmes n'ont pas encore été abordés, mais nous devrons le faire
un jour et nous pourrons à ce moment là les étudier avec beaucoup plus de
sérénité, et régler de la même façon l'avenir des couples homosexuels.
Voilà ce que je voulais vous dire. En réalité, on a voulu nous engager dans
une discussion qui n'était pas mûre, qui ne correspondait pas à ce qu'attendent
nos concitoyens.
Votre but essentiel est de satisfaire les revendications de certains groupes
de pression, revendications qui, si elles sont légitimes, ne correspondent,
dans l'état actuel des choses, ni à l'intérêt général de la société ni à un
simple intérêt économique.
(Applaudissements prolongés sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Robert Bret.
Il s'est échauffé la nuit dernière !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
ministre, mes chers collègues, alors que nous voici presquer arrivés au terme
du parcours législatif de ce texte...
M. Serge Lagauche.
Presque !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... il me semble utile de revenir sur un certain
nombre de problèmes de fond et sur quelques questions de méthode.
Je commencerai par les questions de méthode avant d'aborder les problèmes de
fond.
Tout d'abord, madame le ministre, comment ne pas s'étonner qu'un gouvernement,
par ailleurs si fier - on l'évoquait tout à l'heure - de sa fameuse méthode ait
pu, dans un domaine aussi sensible que celui de la famille, manifester,
notamment vis-à-vis du Parlement et des formations politiques, aussi peu de
sens de la concertation et autant d'esprit de système ?
Je conçois, madame le ministre, que cet après-midi soit un peu pesant ou
désagréable pour vous et que les propos que vous entendez - et qui ne vous
empêchent d'ailleurs pas de parcourir votre courrier
(Rires sur les travées
du RPR)
- soient l'expression à vos yeux désagréable du bicamérisme ou de
certaines différences qui existent au sein de nos assemblées.
Néanmoins, madame le ministre, croyez bien que nous sommes ici pour exercer
nos mandats, pour faire notre devoir. Et ce devoir suppose que nous exprimions
ce que nous avons à dire, comme nous l'avons fait, au demeurant, lors de
l'examen d'autres textes - par exemple la nuit dernière -...
Mme Nicole Borvo.
Avec talent !
M. Josselin de Rohan.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... sur des sujets aussi essentiels et fondamentaux
que la politique sociale ou la gestion des collectivités locales, la politique
conventionnelle entre les caisses de sécurité sociale et un certain nombre de
professionnels de santé.
Mme Nicole Borvo.
Vous n'allez pas refaire le débat sur la CMU, monsieur Marini !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Sur tous sujets, il serait absolument
invraisemblable que l'on taxe ceux qui ont travaillé dans des conditions
vraiment très difficiles toute la nuit de manoeuvres d'obstruction.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye.
C'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je crois en effet qu'il aurait fallu, mes chers
collègues - je le dis pour un certain nombre d'entre vous - assister à ce débat
pour constater que, sur les cent vingt amendements qui ont été examinés et qui,
pour beaucoup, posaient de vraies questions de gestion ou de principe, nous
n'avons fait que notre devoir en faisant fonctionner l'institution
parlementaire comme elle doit fonctionner.
M. Josselin de Rohan.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
S'agissant - et j'en reviens à notre sujet -...
M. Robert Bret.
Heureusement !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... d'une question de société à ce point
fondamentale, à savoir la création, à côté du mariage, d'un nouveau cadre
juridique, est-il vraiment concevable et responsable de faire débattre comme on
le fait le Parlement à marche forcée, sans prendre le temps de la réflexion et
du dialogue ?
S'agissant de la réflexion, le moins que l'on puisse dire, madame le ministre,
est que l'on a légiféré au pas de charge, comme en témoigne le peu de temps qui
a séparé les différentes lectures par chacune de nos assemblées.
En ce qui concerne le dialogue, je crois vraiment que, sur ce sujet, qui est
un sujet grave et même assez fondamental par certains aspects, on a atteint le
« degré zéro » de l'écoute de la part du Gouvernement, qui est manifestement
muré dans ses certitudes...
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Dominique Braye.
Il n'écoute toujours pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... et qui a choisi de faire plaisir à certaines
catégories sans écouter - ni même entendre - tout ce qui se passe à l'extérieur
du chemin qu'il s'est tracé.
M. Claude Estier.
Et vous, vous ne faites jamais plaisir à certaines personnes ?
Mme Hélène Luc.
Quel mépris, monsieur Marini !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Permettez-moi de vous poser quelques questions à ce
sujet : a-t-on pris la peine d'écouter - je ne parle naturellement même pas des
sénateurs, qui sont des « ringards »
(Sourires) -...
Mme Danièle Pourtaud.
Pas tous !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... ce que disent un certain nombre de sociologues,
en particulier Mme Irène Théry, à qui vous aviez pourtant commandé un rapport ?
A-t-on pris la peine de l'écouter ?
Comment a-t-on pu ne pas lire les journaux ? Je pense ici à une psychologue
qui s'est exprimée il y a quelques mois dans un article particulièrement
éclairant de l'hebdomadaire
Elle.
M. Josselin de Rohan.
Celui que lit en ce moment Mme la ministre !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Probablement !
Comment a-t-on pu ignorer toutes les prises de position émanant de secteurs
très variés de l'opinion publique, en tout cas d'origines idéologiques très
différentes ?
Comment a-t-on pu ignorer toutes ces prises de position dès lors qu'elles
mettaient en doute l'opportunité d'une réforme aussi inutile que dangereuse
?
Enfin, comment a-t-on pu, tout au long des débats - notamment à l'Assemblée
nationale -, rester aussi peu attentif aux arguments avancés par l'opposition,
en particulier à toute l'analyse juridique qui a été réalisée au sein de notre
Haute Assemblée, sous la responsabilité de la commission des lois ?
Comment peut-on rester sourd à cette démonstration, en particulier à cette
énumération si parlante des sept situations juridiques dans lesquelles peuvent
se trouver nos concitoyens en fonction des choix de vie qu'ils vont pouvoir
faire ?
Mes chers collègues, on a vu, à l'occasion de la discussion de ce texte, le
Gouvernement ne même pas prendre la peine de répondre aux objections ou aux
suggestions qui lui étaient faites...
M. Dominique Braye.
Quel mépris !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... et ne sortir d'un silence que certains d'entre
nous auraient pu, à la limite, trouver méprisant que pour caricaturer les
positions que nous avions exprimées, les positions de ceux qui avaient un très
grand tort : celui de ne pas penser comme vous, madame le garde des sceaux. En
quelque sorte, nous étions en délit d'opinion, et vous nous le faisiez
sentir.
Faire de bonnes lois, c'est souvent légiférer peu et, en tout cas, sans
précipitation. Alors, madame le ministre, puisque c'est la dernière fois que ce
texte revient dans notre enceinte,...
M. Claude Estier.
Heureusement !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... permettez-moi, avec quelque solennité, de poser
à nouveau la question : où était l'urgence, sinon dans la volonté idéologique
de satisfaire telle ou telle clientèle,...
M. Dominique Braye.
Absolument !
Mme Dinah Derycke.
Vous pouvez parler !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... ou plutôt d'aller au-devant de désirs qu'elle
ne manifestait peut-être même pas à ce point ?
La réponse que nous avons préconisée en première lecture, sur l'initiative de
la commission des lois, soutenue par la commission des finances, était une
réponse raisonnable et, pour ma part, je m'y reconnais toujours.
Il n'était pas question pour nous de créer un statut particulier, qui ne
pouvait s'analyser que comme un sous-mariage, une union au rabais de nature à
susciter plus de confusion et de risque d'abus plutôt susceptible que d'offrir
de véritables garanties pour les intéressés.
Il s'agissait, pour nous nous nous en sommes expliqués longuement de tenir
compte des réalités, en offrant à la fois plus de sécurité et plus de liberté à
nos concitoyens, et ce indépendamment des convictions personnelles de
chacun.
En ce qui concerne un grand nombre des membres de la majorité sénatoriale, qui
ont fait l'effort de s'associer à la démarche de la commission des lois, je
puis vous assurer que des discussions ont eu lieu et, après réflexion, nombre
d'entre nous ont considéré que l'intérêt public commandait de se rallier à la
position ainsi défendue, qui était une position à la fois complète mais
complexe et qui n'a pas toujours été présentée, voire comprise, comme elle
aurait dû l'être.
Ce que nous voulions, c'était, d'abord, offrir plus de sécurité à nos
concitoyens, en renforçant la jurisprudence, en complétant la protection
juridique que la loi apporte déjà à la plupart de ceux qui, pour mieux, ont
choisi de partager une communauté de vie en dehors des liens du mariage. Mais
nous voulions aussi offrir la possibilité à tout un chacun d'exercer une
véritable liberté de tester, par l'instauration du legs électif, et favoriser
le soutien aux proches, à commencer par les jeunes adultes encore rattachés au
foyer, ainsi que, d'une façon générale, la solidarité privée.
Toutes ces avancées que préconisait la commission des finances, saisie pour
avis, n'ont, à la vérité, madame le ministre, fait l'objet d'aucune objection
valable, n'ont donné lieu à aucune vraie discussion, ne se sont vu opposer
aucun argument. Nous étions simplement en dehors du chemin que vous aviez tracé
!
Au discours pragmatique du Sénat a été apportée une réponse dogmatique.
Enfermés dans leurs oeillères idéologiques, les promoteurs du PACS se sont
montrés, en toutes circonstances, sûrs d'être porteurs de la vérité, convaincus
d'être ceux qui apporteraient à tous la formule magique qui offrirait aux
Français à la fois plus de droits et moins de devoirs, plus de liberté et moins
de contraintes.
Le plus grave, dans tout cela, c'est que, par cette attitude, on sème
l'illusion d'une société sans engagements, d'une société dont les membres
s'uniraient ou se sépareraient à tout moment, sans préavis et sans raison. On
crée une confusion de valeurs qui est très menaçante, voire meurtrière, à
terme, pour la société, pas tant pour la nôtre que pour celle de nos enfants et
des générations à venir, car engager la société sur cette voie, c'est la
conduire progressivement à une transformation de nature que nos successeurs,
les générations à venir, auront à assumer.
C'est bien l'ordre social tout entier qui est en cause dans cette affaire, et
pas seulement l'institution du mariage ! Je sais bien que les idées mêmes
d'ordre et d'institution peuvent être insupportables à certains au sein de cet
hémicycle. Mais, ce qui est fondamental, c'est que l'on « désinstitue » la
différence des sexes, en faisant en sorte que la société reconnaisse un cadre
unique quel que soit le sexe des intéressés.
C'est une évolution structurelle, substantielle : nous passons en quelque
sorte d'une société à une autre. Sur le plan des valeurs, c'est une mutation à
laquelle nombre d'entre nous ne peuvent, à l'évidence, souscrire.
Comme beaucoup de mes collègues au sein de cette assemblée, je pense en effet
qu'il ne faut pas tout mélanger, qu'il ne faut pas tout mettre sur le même
plan, madame le ministre. Il y a bien une hiérarchie des valeurs, et donc des
fonctions, entre le mariage, institution de l'Etat républicain, et l'union
libre, qui est un choix de vie personnel.
Pour nous, il est essentiel que le législateur, que nos codes, en particulier
le code civil, continuent à bien marquer cette hiérarchie des valeurs et des
fonctions.
Une fois de plus, nous sommes invités, sur l'initiative du Gouvernement et sur
celle de la majorité de l'Assemblée nationale, à intervenir dans un domaine,
celui de la vie privée, où l'Etat aurait, au contraire, intérêt à se faire plus
discret, à se faire le plus léger possible.
En proposant de se contenter de reconnaître certaines situations de fait, le
Sénat, suivant sa commission des lois, a voulu respecter la liberté de chacune
et de chacun de vivre sa vie privée comme il l'entend, sans être encouragé à
telle ou telle conduite, à telle ou telle préférence de comportement, sans être
encouragé à l'afficher ou, d'ailleurs - vous me pardonnerez ce jeu de mots ! -
à la faire ficher, tant il est vrai qu'il y a quelque danger - Patrice Gélard
l'a montré, tout à l'heure, dans son exposé - pour les libertés publiques, dans
le système que vous allez mettre en place, au travers de la mise sur fichier
des personnes qui ont un certain comportement.
Malheureusement, nous risquons de nous trouver entraînés vers une législation
dont nous récusons les principes et les fondements.
Pour nous, le couple, dès lors qu'il n'est pas compris dans un projet
familial, relève essentiellement de la vie privée de chacun, et il n'appartient
pas à l'Etat, sous prétexte d'aide fiscale, en quelque sorte de « soulever le
toit de la maison » pour voir ce qui se passe à l'intérieur et de s'immiscer
dans la vie privée et dans les choix individuels des uns et des autres.
Pour la majorité sénatoriale, comme d'ailleurs, j'en suis persuadé, pour
l'immense majorité de nos concitoyens, le couple, s'il ne se réduit pas à la
famille, ne peut être conçu et traité complètement en dehors d'elle.
Or, c'est bien là l'une des pierres angulaires de ce débat, ou du moins l'une
de ses phases critiques : vous cherchez, de manière constante, à dissocier la
famille du couple en prétendant nous faire légiférer sur le couple tout en
ignorant la famille et les enfants.
Mme Nicole Borvo.
C'est quoi une famille ?
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Certes, vous ne manquez pas de nous annoncer que
vous attendez les résultats de la réflexion sur le droit de la famille que vous
avez demandé de mener à un groupe de travail présidé par un professeur de droit
à l'université de Lille. Peut-être eût-il d'ailleurs été utile d'attendre le
résultat de cette réflexion, plutôt que de soumettre à un débat prématuré cette
question du pacte civil de solidarité qui doit se replacer dans une conception
d'ensemble de la famille, de la vie, de ce que nous voulons transmettre aux
générations à venir.
En fait, le Gouvernement nous a montré où sont réellement ses vraies
priorités, et non pas seulement en fin de session parlementaire, en négligeant
les besoins concrets des familles au profit de ceux que revendique la petite
minorité qui profitera effectivement des dispositions du pacte civil de
solidarité.
Malheureusement, il y a fort à parier que les mesures de solidarité
élémentaire que la commission des finances, avec le soutien de la commission
des lois, vous a proposées, madame le ministre, et sur lesquelles elle ne
manquera pas de revenir brièvement, seront repoussées parce que vous avez
choisi une voie en refusant d'ouvrir le dialogue avec ceux qui pouvaient vous
proposer une alternative.
M'étant quelque peu étendu, mes chers collègues, sur les questions de méthode,
je veux maintenant aborder le fond du problème dont la commission des finances
est saisie pour avis, à savoir les aspects fiscaux du dispositif.
L'Assemblée nationale et le Gouvernement ont écarté d'un revers de la main,
sans en débattre, nos propositions, alors que certaines, comme l'aménagement du
régime de la tontine, par exemple, n'avaient d'autre objet que de répondre aux
demandes de certaines catégories, notamment des concubins, désireuses d'assurer
leur sécurité immobilière ou mutuelle, et ne consistaient, sur ce point précis,
qu'à actualiser partiellement un seuil fixé par une législation ancienne.
Ces propositions, complétées par le legs électif, auquel j'ai déjà fait
allusion, étaient de nature à satisfaire bien des personnes beaucoup plus
sûrement que le régime particulier des droits de succession mis en place par le
présent projet.
Quant à l'argument, que j'ai entendu s'exprimer à l'Assemblée nationale, fondé
sur la fraude fiscale que pourrait notamment engendrer le mécanisme de la
tontine, il me semble curieux dans la bouche de ceux qui sont sur le point de
mettre en place un instrument d'optimisation fiscale massive sans chercher
aucunement à éclairer le Parlement sur son coût pour les finances publiques.
A cet égard, j'ai le sentiment, madame le ministre, que l'on s'écarte vraiment
des voies normales de la discussion parlementaire. Le consentement des chambres
est en effet sollicité dans un mouvement émotionnel. On met de côté ceux qui ne
raisonnent pas droit. On leur dit que, puisqu'ils sont politiquement
minoritaires, leurs arguments ne comptent pas.
Or, il conviendrait seulement de répondre tout à fait tranquillement et
factuellement aux questions qui se posent, et notamment à deux questions que
j'ai déjà posées lors des lectures précédentes et que je suis obligé de poser
de nouveau, car je n'ai eu, pour toute réponse, qu'un silence assourdissant ou,
au mieux, un discours dans une langue de bois de la plus belle qualité.
Première question : combien cela va-t-il coûter ? Cette question, qui vous
paraîtra peut-être surprenante ou impure, vous pardonnerez au représentant de
la commission des finances de la trouver, pour sa part, tout à fait logique et
normale !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est son devoir de la poser !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je parle sous le contrôle de mon président, qui m'y
encourage !
Seconde question : à qui vont profiter les avantages fiscaux dont est assorti
- dont serait assorti, si, par malheur, il devait voir le jour - le pacte civil
de solidarité ?
J'en reviens à ma première question : combien coûte le pacte civil de
solidarité ?
Il est véritablement inacceptable, madame le ministre, que le rapporteur de
l'Assemblée nationale puisse s'exprimer en ces termes : « L'évaluation est
illusoire ; mieux vaut s'abstenir de brandir des chiffres sans contenu. »
Un sénateur du RPR.
Bravo !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
A la limite, c'est tout à fait le style de propos
que tenait l'un de vos prédécesseurs au banc du Gouvernement,...
M. Josselin de Rohan.
Questiaux !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... en déclarant qu'elle n'était pas « le ministre
des comptes » - à l'époque, on ne disait pas « la » ministre. Ces propos sont
de même nature.
M. Josselin de Rohan.
Quand on aime, on compte pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
De minimis non curat
!
La question ne peut être éludée. Or il est toujours possible d'évoquer, même
si c'est avec la prudence nécessaire, des fourchettes de coûts. C'est d'autant
plus nécessaire que cette obligation de chiffrage découle nettement, à mon sens
- je le maintiens après analyse - sinon de la lettre, du moins de l'esprit de
l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
C'est un point, mes chers collègues, qu'il faudra faire valoir, car si cette
ordonnance ne vise effectivement pas les propositions de loi, chacun sait que
le texte dont nous débattons a été entièrement repris à son compte par le
Gouvernement, ne serait-ce que parce que celui-ci a systématiquement levé les
gages, ce qui, en termes de procédure budgétaire, est la preuve que le
Gouvernement a fait ce texte sien.
Pour ce qui me concerne, j'estime que ce texte aurait dû être examiné selon
les prescriptions issues de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Je le
répète : c'est un point qu'il faudra faire valoir en temps utile.
A cet égard, trois mois après ma première lettre demandant au secrétaire
d'Etat au budget de mettre les informations et les moyens techniques
nécessaires à la disposition de la commission des finances, je n'ai toujours
pas reçu de réponse à mon courrier, qui, pourtant, précisait le cadre des
éléments dont nous avions besoin pour estimer les dépenses susceptibles de
résulter de la mise en oeuvre du PACS.
Je n'ai donc, mes chers collègues, et j'en suis sincèrement désolé, aucun
chiffre à vous donner, aucun élément en réponse à la première question que j'ai
posée.
Après un constat aussi insatisfaisant, je me dois de passer à la seconde
question : à qui vont profiter les avantages fiscaux dont est assorti le PACS
?
Nous nous sommes déjà exprimés dans le rapport pour avis de première lecture.
Je crois l'avoir démontré de façon nette : le PACS profite d'abord aux couples
aisés dont les deux membres présentent de fortes disparités de revenus.
Pour éluder la question - ce que vous faites - il ne suffit pas de dire : « Le
régime fiscal du PACS n'est pas autonome. Il ne fait que reproduire les
avantages et les défauts du système fiscal français. » Cette réponse n'en est
pas une. C'est de la langue de bois ! C'est ce que l'on peut répondre à tout
argument de nature fiscale concernant quelque impôt que ce soit, en quelque
situation que ce soit.
Or, ce qui nous occupe ici, c'est autre chose. Faire des avantages consentis
aux familles l'origine du caractère prétendument inégalitaire du régime fiscal
français, c'est méconnaître les principes de base de notre politique
familiale.
Au demeurant, la majorité sénatoriale a tenu récemment, sur l'initiative de
ses présidents de groupe, à réaffirmer les valeurs et un certain nombre de
mesures indicatives auxquelles elle tient en matière de politique familiale.
Cela était particulièrement bienvenu.
Mais je ne veux pas me référer seulement à l'excellente proposition de loi sur
la politique de la famille que nous avons votée voilà seulement quelques
jours.
M. Claude Estier.
En avez-vous évalué le coût ?
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je suppose que vous êtes intervenu dans ce débat,
monsieur le président du groupe socialiste, pour dire vos craintes et
appréhensions à ce sujet.
M. Claude Estier.
Vous parlez toujours de la non-évaluation des projets !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Monsieur Estier, l'objet de cette proposition de
loi est de fixer un cap et de préciser des objectifs. S'agissant du PACS, c'est
tout autre chose !
Mme Dinah Derycke.
Pas vraiment !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Cette proposition de loi, je le répète, a été
reprise à son compte par le Gouvernement.
Les dispositions de l'ordonnance organique de 1959 s'appliquent, à mon avis, à
la seconde mais pas à la première puisque nous n'avons pas les moyens
techniques - seul le pouvoir exécutif en dispose - pour aller au bout des
évaluations auxquelles il faudrait sans doute procéder en matière de politique
familiale.
Mais je me référerai encore à autre chose. Je suis tombé tout récemment sur un
pamphlet relatif aux couples homosexuels, qui posait la question en ces termes
: « L'aide apportée à la famille signifie quelque chose. La famille a un rôle
de procréation, d'éducation, qui fait d'elle le fondement de la société.
Qu'apporte le couple homo à la société ? Quel est son rôle, qui justifierait
la reconnaissance de l'Etat et la délivrance par lui de facilités nouvelles ?
La question doit être posée. » Elle l'est d'ailleurs en des termes
particulièrement modérés.
Le quotient familial, mes chers collègues, n'est pas un avantage que l'on
octroierait aux familles ; il tend simplement à compenser les charges
supplémentaires assumées par les familles dans l'intérêt même de la société.
Le quotient conjugal, auquel donne implicitement accès le système du quotient
familial, n'est, à cet égard, que l'effet d'une présomption de projet familial
dont on peut faire bénéficier tout couple marié.
Accorder à des couples sans projet familial - ce qui manifestement est le cas
de la quasi-totalité ; voire de la totalité des couples homosexuels - le
bénéfice de l'imposition commune, c'est offrir une rémunération publique à une
affection privée,...
Mme Dinah Derycke.
C'est scandaleux de dire cela, et ce n'est pas juste !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... dont l'Etat n'a pas à connaître et qui ne
débouche sur aucune fonction sociale justifiant l'aide de la collectivité. Mes
chers collègues, c'est bien là le fond des choses.
Quant à la prétendue neutralité de l'extension aux signataires d'un PACS des
avantages fiscaux accordés aux couples mariés, il faut sans doute rappeler que,
si l'on a toutes les raisons de croire que peu nombreuses sont les personnes
qui se marient pour des raisons fiscales, eu égard aux conséquences financières
d'une rupture, on n'en a guère au contraire pour le PACS, qui peut se dissoudre
unilatéralement, par simple signification d'huissier, sans même que pèse une
véritable obligation de cohabiter entre les signataires.
Ma conviction, en tant que rapporteur pour avis, est que le pacte civil de
solidarité n'est en définitive qu'un simple instrument d'optimisation fiscale,
qui se résout en une sorte de communauté réduite, le cas échéant, à la feuille
d'impôt commune.
Mais le fait que le principal attrait du PACS soit constitué par des avantages
fiscaux ne devrait pas suffire à assurer, à mon sens, le succès de la
formule.
Reprenant un instant, et au risque de choquer, la froide logique de
l'économiste, je dirai que ce texte vise à proposer à nos concitoyens un
nouveau produit juridique intermédiaire entre le mariage et l'union libre. Au
demeurant, je ne fais que rejoindre par l'angle économique et fiscal
l'argumentation juridique de M. le rapporteur, Patrice Gélard.
Pour ma part, et bien que l'on en ait encore accru l'attrait fiscal en
supprimant le délai de carence pour le bénéfice du régime préférentiel en
matière successorale, j'aurais tendance à dire que le nouveau régime a peu de
chance d'intéresser les tenants de l'union libre, qui est bien souvent un état
transitoire.
Dans cette perspective, le PACS ne pourra vraiment se développer, me
semble-t-il, qu'au détriment du mariage et donc de la société : la stabilité
des couples, chacun le sait, ne se décrète pas, mais nul ne doute que, de même
que la mauvaise monnaie chasse la bonne, les mauvaises formules finiront par
chasser la bonne, c'est-à-dire le mariage sur lequel repose le développement
équilibré des enfants et de la famille.
Dès lors que le pacte civil de solidarité présentera presque autant
d'avantages sur le plan fiscal que le mariage, le risque existe que ce dernier
ne soit effectivement délaissé au profit d'une formule plus souple et beaucoup
plus contestable, et, d'ailleurs, une simple revue de presse montre que les
articles du type « Le PACS, mode d'emploi » commencent à apparaître et à se
répandre, et se multiplieront dans tous les journaux de large diffusion le
jour, que je souhaite le plus tardif possible, de son adoption définitive.
M. Josselin de Rohan.
Eh oui ! Il y a là un marché pour Lefebvre !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Sans doute ! Il y a certainement d'excellents
conseillers fiscaux qui doivent étudier toutes les ressources de la formule
!
J'en arrive à ma conclusion.
Mes chers collègues, il y aura sans doute des couples modestes qui
bénéficieront du nouveau régime : certaines personnes âgées qui y trouveront le
moyen de rompre leur solitude et de marquer une communauté de vie sans perdre
leur pension de réversion, ou certains couples dont l'un des membres sera au
chômage. Mais alors, pourquoi ne pas leur donner le bénéfice du quotient, et
tout de suite, sans délai de carence, lorsqu'ils ont des enfants ensemble, car
cela vaut bien un engagement déposé au greffe du tribunal d'instance ?
Il y aura toutes sortes de situations, mais, dans l'ensemble - et je voudrais
que vous puissiez nous prouver le contraire - les principaux bénéficiaires de
l'imposition commune demeureront des couples aux ressources élevées ou, en tout
cas, des couples dont l'un des membres aura des ressources élevées et des
couples marqués par une forte disproportion de ressources entre les
participants.
En cumulant le dispositif du concubinage et le PACS, le Gouvernement et sa
majorité dévoilent, pour ainsi dire, la nature profonde de cette législation :
un instrument essentiellement fiscal, qui ne devrait apporter que peu
d'avantages juridiques par rapport à ses avantages en matière d'impôts.
Dans ces conditions, mes chers collègues, madame le ministre, je suppose que
vous ne serez pas surpris d'apprendre que, les mêmes causes produisant les
mêmes effets, la commission des finances, qui a réexaminé ce sujet, a décidé à
la majorité de se joindre à la question préalable déposée par la commission des
lois.
Mes chers collègues, cette législation, qui est mauvaise, est essentiellement
un instrument d'optimisation fiscale. C'est aussi un levier pour la
transformation insidieuse de la société dans laquelle nous vivons. C'est une
mécanique à la fois exagérément complexe, inopportune et dangereuse.
Pour l'ensemble de ces raisons, il faut évidemment tout faire, mes chers
collègues, pour que cette législation ne voie jamais le jour !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier.
Elle verra le jour !
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Prends ton temps !
M. le président.
N'écoutez pas les mauvais conseils de votre collègue, madame Derycke !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
C'est un excellent conseil !
Mme Dinah Derycke.
Je n'en aurai garde, monsieur le président, car mon intention, justement,
n'est pas de ralentir nos travaux !
Madame la ministre, je crois que vous avez raison : tous les arguments ont
déjà été échangés, le débat a eu lieu et, contrairement à ce qui a pu être dit,
nous nous sommes écoutés mutuellement.
Aujourd'hui, au terme du débat, je serai donc brève, puisque, comme je l'ai
déjà dit, je n'ai pas pour intention de retarder nos travaux.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
La proposition de loi que nous examinons à nouveau aujourd'hui a pour finalité
de procéder à la nécessaire adaptation de notre droit à l'évolution des moeurs
tout en mettant fin aux injustices et aux discriminations qui persistent. Elle
crée donc un nouveau statut juridique pour les couples hétérosexuels ou
homosexuels qui ne veulent ou ne peuvent se marier, mais qui souhaitent établir
un lien de solidarité et aspirent à une reconnaissance sociale.
Le groupe socialiste soutient avec vigueur ce texte, et ce pour deux raisons
fondamentales.
La première tient à la conscience d'appartenir à une société suffisamment
adulte et mature pour reconnaître et intégrer. Il nous apparaît intolérable
qu'à l'aube du xxie siècle des discriminations fondées sur la sexualité
perdurent ; il nous apparaît intolérable qu'à l'aube du xxie siècle notre
société puisse ignorer des liens amoureux parce qu'ils ne sont pas consacrés
par le mariage.
La seconde raison pour laquelle nous voulons que ce texte soit adopté au plus
vite tient à ce que cette loi nous semble être un acquis pour notre société,
pour son organisation, pour son fonctionnement.
Face à la précarisation des situations, face au repli sur soi et à
l'égocentrisme qui se développent, favoriser la stabilité des unions,
encourager la solidarité entre deux personnes, quel que soit leur sexe, deux
personnes qui partagent un projet de vie, présente un intérêt évident pour la
collectivité.
Un député de l'opposition a accusé la majorité de céder à « un réflexe
idéologique qui privilégie l'absolu libertaire et individualiste ». Nous venons
encore de l'entendre dire à cette tribune, voilà quelques minutes.
Le PACS a, tout au contraire, vocation à encourager la solidarité entre deux
personnes vivant en couple. Il constitue une réponse concrète, pragmatique et
non idéologique aux difficultés et aux aspirations d'une partie de nos
concitoyens, et ce sans réduire aucunement les droits et les libertés des
autres.
Répétons-le une fois de plus : le PACS n'a pas été conçu pour concurrencer,
voire pour condamner le mariage. D'autres pays ont adopté un statut similaire
sans que le mariage en pâtisse.
Répétons-le une fois de plus : les dispositions de ce texte ne portent
nullement atteinte à la famille.
Qu'édifier ainsi une nouvelle construction juridique ne soit pas chose aisée,
c'est évident. Mais là est bien le sens de notre mission législative : nous
élaborons, nous améliorons, nous votons des lois pour une meilleure
organisation sociale. C'est ainsi d'ailleurs que la proposition sénatoriale
relative au concubinage a été prise en compte et votée à l'Assemblée
nationale.
C'était une proposition de notre commission des lois qui a été entendue. Cette
proposition n'a pas été rejetée, comme cela a été dit ; elle a été reprise par
l'Assemblée nationale, qui l'avait estimée utile.
M. Charles Descours.
Ce n'est pas souvent ! Sur la CMU, l'Assemblée n'a pas retenu grand-chose.
Mme Dinah Derycke.
Il est vrai que votre définition du concubinage demeurait partielle. Les cinq
mots « quel que soit le sexe », qui auraient suffi pour mettre fin à des
décennies de discrimination, n'ont pas trouvé grâce à vos yeux.
Ce faisant, vous espériez dissimuler vos dissensions quant à l'homosexualité
et à sa reconnaissance. Et si les propos homophobes n'ont pas eu cours au
Sénat, certaines interventions étaient cependant imprégnées de cet état
d'esprit regrettable.
En deuxième lecture, vous avez renoncé en partie à la mission qui vous a été
confiée par vos électeurs, en déposant une question préalable qui vous
permettait d'esquiver le débat, de botter en touche. Vous refusez à nouveau de
discuter aujourd'hui, bien qu'on ne s'en rende pas compte, puisque voilà déjà
deux heures que la discussion est engagée et que nous allons rester encore
quelques heures sur ce texte pour dire finalement qu'il n'y a pas lieu d'en
délibérer.
Hier, à cette même tribune, le président du Sénat a rappelé que notre premier
métier consiste à examiner et à voter les lois. Dommage qu'il n'ait pas été
entendu sur tous les bancs de notre assemblée !
M. Charles Descours.
Il déplorait aussi la procédure d'urgence !
Mme Dinah Derycke.
Non seulement vous refusez le débat, mais vous usez depuis hier de manoeuvres
dilatoires et, disons-le, dérisoires pour que la proposition de loi ne puisse
être définitivement adoptée avant la fin de cette session, fixée ce jour à
minuit,...
M. Charles Descours.
C'est un procès d'intention scandaleux, madame Derycke !
M. Serge Lagauche.
Voyons, monsieur Descours !
Mme Dinah Derycke.
... et ce malgré l'engagement pris par M. Poncelet.
Par votre comportement, mes chers collègues de la majorité, vous rendez un
bien mauvais service à notre assemblée !
Je rappelle que le Gouvernement avait accepté d'alléger l'ordre du jour de nos
travaux avant les élections européennes, étant entendu que nous rattraperions
ensuite notre retard.
Ces procédés ne font pas honneur à notre assemblée et ne contribueront pas à
réhabiliter son image.
M. Charles Descours.
Enfin !
Mme Dinah Derycke.
Tous les efforts et les moyens les plus modernes de communication n'y
changeront rien, notre image sera, une fois de plus, dévaluée.
M. Charles Descours.
Quand on modifie totalement la fiscalité locale de la première à la deuxième
lecture, on ne peut pas dire que c'est du bon travail parlementaire, madame
Derycke !
M. Joseph Ostermann.
Elle n'était pas là !
Mme Dinah Derycke.
Il sera temps ensuite de vous déclarer surpris, choqués, si la presse, demain,
vous égratigne !
Mais revenons-en au texte.
Il s'agit non pas, comme vous le prétendez, monsieur le rapporteur, d'une
divergence de langage, mais, plus profondément, d'une conception différente des
principes républicains rappelés dans notre devise : liberté, égalité,
fraternité.
M. Dominique Braye.
Les grands mots !
Mme Dinah Derycke.
En quoi le fait d'accorder une liberté supplémentaire à certains de nos
concitoyens serait-il attentatoire aux libertés des autres, qui ne sont
nullement remises en cause ?
Comment l'égalité pourrait-elle se réaliser si le législateur ne veillait à
l'inscrire à la fois dans le droit et dans la vie quotidienne ?
Peut-on parler de fraternité et laisser subsister des discriminations à
l'égard d'une partie de notre population ?
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas ce qui a été dit !
Mme Dinah Derycke.
Les différences d'approche que nous avons sur ce qu'il est convenu d'appeler «
les questions de société » découlent de cette divergence d'interprétation. Ce
n'est donc pas un problème de langage.
Oui, le groupe socialiste veut le PACS. Nous l'avons montré en première et en
deuxième lecture, et nos amendements, repris dans l'esprit si ce n'est à la
lettre par les députés de la majorité, ont contribué à améliorer le texte.
Parce que nous croyons que le PACS peut améliorer la vie d'une partie non
négligeable de notre population, parce que nous sommes convaincus que notre
rôle, notre mission est d'adapter notre législation à l'évolution des moeurs,
nous ne voterons pas, bien entendu, la question préalable.
Ce texte ne sera pas adopté avant la fin de cette session parlementaire, c'est
un fait. Vous avez réussi, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale.
Piètre victoire !
M. Dominique Braye.
Ce sont les députés socialistes qui n'étaient pas là lors de la première
lecture ! Ce n'est pas notre faute !
Mme Dinah Derycke.
Mais nous ne doutons pas, pour notre part, que, dès la rentrée, dès la
prochaine session, ce texte sera définitivement adopté.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Mme Derycke a utilisé le terme « liberté » : le PACS
ouvrirait une liberté nouvelle. Mais, la liberté, elle existe ! Sa liberté,
chacun la choisit !
Ce qui est grave, c'est d'assortir automatiquement au mot « liberté » le mot «
droits ».
Les droits et les libertés, ce n'est pas tout à fait la même chose ! Moi, je
suis pour toutes les libertés, mais je n'en dirai pas autant des droits.
En réalité, vous créez avec le PACS des droits nouveaux, fiscaux et
financiers, réservés à une catégorie. Vous créez donc des discriminations entre
ceux qui usent d'une liberté dont chacun devrait pouvoir user, la liberté
sexuelle.
M. Dominique Braye.
C'est donc une atteinte à la liberté !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, depuis
midi, par le biais de communiqués - et certains sont bien organisés en matière
de communication ! - on nous reproche de retarder le débat.
Je me permets donc de rappeler qu'une certaine motion d'irrecevabilité a été
votée à l'Assemblée nationale parce qu'un certain nombre d'élus n'étaient pas
présents ! S'ils croyaient vraiment en ce texte, ils auraient dû être présents.
Tout cela a beaucoup retardé le texte.
M. Claude Estier.
C'est ancien !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est ancien, mais cela compte quant au délai !
M. le président.
Il y a prescription !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Non, ce n'est pas prescrit, d'autant que l'on s'est permis de
présenter pratiquement la même proposition au cours de la même session, ce qui
est normalement constitutionnellement interdit.
Mais tout cela n'a pas d'importance...
M. Claude Estier.
C'était pour aller plus vite !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... puisqu'il faut faire passer ce texte symbolique !
Je démontrerai que ce texte n'est guère juridique et qu'il pose de multiples
problèmes.
Il n'empêche qu'il faut faire passer ce texte symbolique pour répondre...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... à une demande.
M. Jean-Jacques Hyest.
... à une promesse ou, plus exactement, parce que des groupes de pression qui
font beaucoup de bruit le demandent et qu'on veut leur donner satisfaction.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
De surcroît, si on nous annonce dès à présent que la discussion de ce
texte ne pourra être achevée avant la fin de la session, est-ce forcément à
cause du Sénat ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Non ! C'est peut-être parce que certains députés de la majorité ne seraient
pas en mesure d'être présents ce soir, comme cela s'est déjà produit...
M. Claude Estier.
C'est petit, ce que vous dites là !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il faut modérer quelque peu ces propos.
M. Claude Estier.
Ce n'est pas digne de vous, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest.
Voyons, monsieur Estier, j'ai trop connu l'obstruction parlementaire.
M. Simon Sutour.
Ah bon ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais oui, cela existe !
(Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
Mme Danièle Pourtaud.
C'est un aveu !
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous sommes très modérés ! Je ne ferai que rappeler dans cette enceinte que,
quand une majorité veut un texte, certains s'y opposent violemment. Tous se
souviennent certainement d'un certain débat où l'opposition avait dépassé -
largement à mon avis - les limites du convenable s'agissant d'un débat
parlementaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A chacun son tour !
M. Charles Descours.
Bien sûr...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et les nationalisations !
Mme Hélène Luc.
Il faut avoir la franchise de ses opinions, monsieur Hyest, et vous ne l'avez
pas !
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais si ! Je vais d'ailleurs expliquer que je suis contre le texte.
Le Sénat, en première lecture - mais c'est un dialogue difficile à nouer avec
vous et, surtout, avec les députés de la majorité - était d'accord pour mettre
fin à une discrimination.
Mme Nicole Borvo.
Il faut l'écrire dans le texte !
M. Jean-Jacques Hyest.
Qu'on l'écrive ou pas, cela ne compte pas beaucoup !
Pour ma part, j'étais favorable à ce qu'on l'écrive, pour reconnaître que les
couples homosexuels devaient avoir les mêmes droits que les concubins.
Mme Nicole Borvo.
Vous n'avez pas été suivi !
M. Jean-Jacques Hyest.
Si, j'ai été suivi, puisque le texte correspondait à ce que nous voulions.
Curieusement, l'Assemblée nationale a modifié le texte du Sénat. Si elle
s'était contentée d'ajouter « de même sexe ou de sexe différent », je pense que
nous aurions été parfaitement d'accord. Mais elle exige des concubins des
engagements supérieurs à ceux qu'elle exige de ceux qui contractent un PACS.
C'est curieux !
Je vous rappelle que le texte de l'Assemblée nationale est très précis : « Le
concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant
un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe
différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »
Si vous rapprochez cette définition de celle du PACS, à savoir qu'« un pacte
civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques
majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune »
; vous vous apercevrez que les exigences à l'égard des concubins sont plus
importantes qu'à l'égard de ceux qui concluent un PACS. Paradoxe !
Notre rapporteur l'a bien démontré, nous allons nous retrouver avec un nombre
considérable de catégories, chacune ayant des droits et des obligations
différents.
Madame le garde des sceaux, le texte adopté en première lecture ne comportait
aucune obligation contractuelle. Certaines ont été ajoutées. Ainsi, quand on
veut se « dépacser » - c'est le terme qui sera désormais utilisé - il suffit
d'envoyer une lettre recommandée. Madame le garde des sceaux, vous aviez même
imaginé qu'un jour on puisse envisager une procédure de même type pour le
mariage !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Non ! Ne dites pas n'importe quoi !
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous l'aviez écrit et dit !
M. Dominique Braye.
C'est intéressant d'entendre cela ! On vous croit.
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous êtes revenue sur cette formule ; je m'en réjouis beaucoup !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous dites n'importe quoi !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne dis pas n'importe quoi. Vous aviez imaginé que l'on pourrait divorcer
sans intervention du juge.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est incroyable !
M. Jean-Jacques Hyest.
Non, ce n'est pas incroyable du tout !
C'est intéressant parce que cela se situe dans la même ligne de pensée.
Le pacte civil de solidarité est un contrat sans engagement et - je l'ai dit,
mais je le répète parce que je crois que c'est utile - en fait, on a hésité
entre deux voies.
Effectivement, c'est un contrat qui n'avait pas besoin de définition, puisque
l'on peut passer des contrats tous les jours dès lors qu'ils ne sont pas
contraires à l'ordre public. On pouvait très bien permettre à des concubins de
passer des contrats pour régler les problèmes. Il est donc choquant, je le
reconnais, que la Cour de cassation ne l'ait pas admis, notamment en matière de
logement et pour un certain nombre de situation de la vie commune, pour les
concubins homosexuels. C'est cela que nous demandions et que demandait une
majorité de ceux qui se trouvaient dans cette situation. Ces problèmes-là n'ont
donc pas vraiment été réglés.
En revanche, on a donné des droits nouveaux sans contrepartie à ceux qui
concluraient un pacte civil de solidarité.
Ce n'est pas la peine d'évoquer la sécurité sociale. On peut même déjà
supprimer l'article relatif à ce point, car la couverture maladie universelle
existe maintenant !
Mais le fait d'accorder au conjoint les mêmes droits qu'aux gens mariés pose
d'énormes problèmes, auxquels je vous rends attentifs - mais M. le rapporteur
de la commission des finances l'a dit - particulièrement en matière de
succession. Comment admettre en effet que les enfants légitimes passent après
ceux qui seraient bénéficiaires d'un PACS ? C'est vraiment détruire un petit
peu vite ce que doit être et ce que doit rester la famille !
Madame la garde des sceaux, vous avez - et je m'en réjouis - lancé une
concertation sur la famille. Sur ces aspects-là au moins, on aurait pu attendre
les résultats de cette concertation avant de prendre des dispositions qui sont
certainement avantageuses pour ceux qui concluront un PACS. Il est vrai que le
PACS est si peu intéressant sur le plan juridique qu'il fallait sans doute
accorder de tels avantages : c'est la carotte fiscale qui permettra de dire
ensuite que le PACS est une réussite !
J'ai noté que les estimations du nombre de personnes susceptibles de passer un
tel contrat sont variables. Le chiffre de 2,5 millions a été avancé. S'il
s'agit de 2,5 millions de couples, cela représente 5 millions d'individus. Je
n'en ai pas vu autant. Ils doivent être très inégalement répartis sur le
territoire français. Bien entendu, les groupes de pression qui sont les
promoteurs du PACS annoncent le chiffre élevé, mais je ne suis pas du tout sûr
qu'il corresponde à la réalité.
En effet, les couples hétérosexuels veulent bien souvent vivre leur
concubinage sans que cela soit déclaré au greffe du tribunal, et sans en
attendre d'avantages. Beaucoup de jeunes, notamment, qui choisissent de vivre
ensemble avant de se marier, n'ont pas nécessairement envie de passer un PACS.
C'est pourtant ce qu'ils devront maintenant faire pour obtenir certains
avantages. Ces méthodes sont pour le moins curieuses.
Ce texte est mauvais en termes juridiques. Il accorde des avantages sans
contrepartie, ce qui est choquant dans une République qui proclame
l'égalité.
De surcroît, il n'empêchera pas, à mon avis, les groupes de pression qui les
ont obtenus de continuer à réclamer ce qu'ils voulaient au départ : le mariage
homosexuel...
M. Dominique Braye.
... et l'adoption !
M. Jean-Jacques Hyest.
... et, bien entendu, j'allais y venir, mon cher collègue, l'adoption, qui se
raccorde aux droits de la famille.
Madame le garde des sceaux, vous avez affirmé - je tiens compte de vos
affirmations - que jamais le PACS n'entraînera de modification de l'adoption et
de la procréation médicalement assistée. Pourtant, on a tout de même entendu
récemment un certain nombre de groupes, bruyants, décidés à continuer le
combat. Je suis certain que, pour leur faire plaisir, nous tomberons un jour ou
l'autre dans ce travers qu'ont connu, hélas ! certains pays d'Europe du Nord.
J'espère qu'il n'y aura pas alors de majorité pour le faire !
Je suis affligé que ce débat ait été mené uniquement à partir de promesses
électorales idéologiques. J'espère qu'il n'en sera plus ainsi.
Pour conclure, madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous citer un
article qui a été publié au mois de janvier dernier, et nullement écrit par des
personnes qui partagent des valeurs dites traditionnelles ou qui appartiennent
à des groupes de pression bruyants. Ce sont des personnes qui réfléchissent :
des philosophes, des historiens, des psychanalistes, et qui se disent de
gauche.
Elles évoquent dans cet article la manière de régler les problèmes
effectivement rencontrés par les homosexuels et le déni de justice dont ils
sont victimes. Personnellement, je déteste toute forme de racisme. Or
l'homophobie en est une. Mais je crois que ce qui concerne la vie privée relève
de la liberté des personnes.
Selon cet article, doit-on mettre en oeuvre « des recours à la culpabilité ou
des chantages à l'excommunication, alors que s'y jouent des bouleversements
fondamentaux dans l'organisation des structures imaginaires et symboliques de
toute société ?
« Faut-il que, sous prétexte de ne pas faire perdre la face à la gauche, on
fasse passer en force un texte de loi mal reçu parce que, pour l'essentiel, mal
pensé ?
« Des experts l'ont clairement montré », il était « possible, par des réformes
juridiques et fiscales étendues aux couples homosexuels », de régler le
problème. C'est ce que nous avons fait !
« Devons-nous accepter sans discussion, sous peine de nous voir traités
d'homophobes, ... qu'au nom de ces nécessaires réformes soit imposée une
nouvelle forme d'union légale, compromis boiteux entre désir de reconnaissance
institutionnelle et désir de libre choix individuel, mêlant les couples qui ne
veulent pas se marier avec ceux qui ne le peuvent pas ? ...
« Doit-on accepter sans discussion cette innovation juridique consistant à
autoriser la rupture unilatérale d'un contrat sans aucune contrepartie ?
Faut-il faire comme s'il allait de soi qu'un choix de vie sexuelle doive faire
l'objet d'une reconnaissance institutionnelle ? Doit-on trouver normal que
toute différence soit traitée comme une discrimination et que ceux qui
choisissent ou assument de vivre une différence exigent en même temps que
celle-ci soit neutralisée au nom de l'égalité ? »
On ne peut pas mieux dire, et c'est exactement le problème qui nous est
posé.
Madame le garde des sceaux, vous aurez raison... la majorité aura raison. Mais
je suis sûr que la société française pâtira de ce mauvais coup porté à la
famille et aux valeurs de la société, qui doivent demeurer.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voilà réunis une fois de plus pour nous prononcer sur cette proposition de loi
relative au PACS parce qu'une fois de plus la majorité gouvernementale ne peut
se résoudre à se ranger à la position sage, raisonnable et pragmatique de notre
Haute Assemblée.
M. Claude Estier.
La réciproque est vraie !
M. Dominique Braye.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens quand même à rappeler que ce
débat était faussé dès son origine et que les moyens employés pour faire entrer
ce PACS dans le circuit législatif ont été plus que douteux sur le plan
réglementaire.
Ce débat était faussé car le contrat d'union civile ou le pacte de solidarité
- peu importe l'appellation - était d'abord et avant tout le fruit d'une
revendication d'une infime partie de la population française, à savoir la
communauté homosexuelle, et encore ne s'agissait-il même pas de la totalité de
celle-ci.
M. Philippe Darniche.
Très bien !
M. Dominique Braye.
C'est un projet corporatiste par excellence, madame le ministre. Mais cela ne
vous a pas empêché de le reprendre dans votre programme électoral !
Débat faussé encore quand la fusion de trois propositions de loi est inscrite
à l'ordre du jour de la commission des lois de l'Assemblée nationale le 23
septembre dernier, sans qu'il n'ait été procédé à aucune audition ni à aucune
concertation avec les commissaires de l'opposition, comme le prévoit pourtant
le règlement du travail en commission. Méthode bien commode, certes, pour
éviter d'affronter la réalité, mais méthode anti-démocratique par
excellence.
Mais enfin, madame le ministre, sur un sujet de société de cette importance,
compte tenu des réflexions dont votre famille politique avait pris
l'initiative, et compte tenu aussi des promesses inscrites à votre programme
avant les élections législatives de 1997, nous attendions, au minimum, que le
Gouvernement, élu sur cette promesse, s'engage assez pour déposer un projet de
loi.
Question de courage politique et question d'honnêteté vis-à-vis des Français !
Le projet de loi aurait ainsi pu faire l'objet de consultations officielles :
du Conseil d'Etat, sinon du Conseil économique et social, mais peut-être ne
vouliez-vous pas prendre ce risque ?
La preuve que votre position était risquée, c'est que vous avez dû faire face
à une situation inédite dans notre histoire parlementaire, d'autant plus
inédite que vous jouissez à l'Assemblée nationale d'une confortable majorité.
Une mobilisation insuffisante de vos troupes, c'est très étonnant pour une
majorité, a permis à l'opposition d'adopter une exception d'irrecevabilité sur
ce texte le 9 octobre dernier.
M. Gérard Cornu.
Eh oui ! Il a tout à fait raison.
M. Dominique Braye.
Je passe sur les manoeuvres pitoyables auxquelles le président de séance a dû
avoir recours pour repousser le plus longtemps possible le moment du vote de
cette motion, en attendant désespérément des renforts qui ne sont jamais venus.
Elles ne sont manifestement pas à la hauteur de cette éminente fonction.
L'adoption de cette motion de procédure devait en théorie renvoyer cette
proposition de loi dans les oubliettes du Parlement. Cet énorme camouflet
politique, madame le ministre, aurait pu vous inciter à plus de modestie, ou du
moins à écouter plus, ne serait-ce que l'opinion des parlementaires de votre
bord et à comprendre pourquoi ils avaient été si nombreux à « se faire porter
pâles » précisément le jour où vous aviez tant besoin d'eux pour contrer
l'opposition.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
C'est alors qu'entrent en jeu les moyens douteux auxquels je faisais
référence plus haut.
Alors que l'article 84, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée nationale
dispose que : « Les propositions repoussées par l'Assemblée nationale ne
peuvent être reproduites avant un délai de un an », cinq propositions de loi -
oui, cinq, mes chers collègues - relatives au pacte civil de solidarité sont
déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale dans les jours qui suivent
cette Berezina parlementaire.
Une nouvelle proposition de loi, très similaire à celle qui avait été
repoussée le 9 octobre, est alors déposée par la commission des lois. Les
similitudes entre les deux propositions de loi sont telles que l'opposition, à
juste titre, a relevé la violation des dispositions du règlement de l'Assemblée
nationale cité plus haut et saisi, comme l'a rappelé M. Hyest, le Conseil
constitutionnel.
Les moyens douteux ont alors continué puisque le Gouvernement, au lieu de
dégager le temps nécessaire à un débat de cette importance, a choisi de
multiplier les niches de discussions, y compris les samedis et les dimanches,
jusque fort tard dans la nuit, et ce au beau milieu de la discussion de la loi
de finances ! Au total, ce furent plus de 62 heures de discussion jusqu'à
l'adoption du texte, le 9 décembre 1998.
M. Claude Estier.
Ce n'est donc pas dans la précipitation !
M. Dominique Braye.
C'est alors que le Sénat a été saisi à son tour, monsieur Estier, de cette
proposition de loi et qu'il a entrepris un énorme travail de concertation et de
réflexion, qui n'avait malheureusement pas été fait à l'Assemblée nationale. Ce
travail a abouti, nous le savons, à la position de notre commission des
lois.
Cette position est sage parce que issue d'une double exigence. Pour faire face
à des situations nouvelles, il fallait indéniablement améliorer le droit sans
pour autant porter atteinte aux valeurs qui forment le socle de notre
société.
M. Xavier Darcos.
Dieu merci !
M. Dominique Braye.
C'était un pari difficile, d'autant plus difficile que les débats, tant à
l'Assemblée nationale que dans notre hémicycle, ont été souvent passionnés,
pour ne pas dire excessifs.
Comment, d'ailleurs, pouvait-il en être autrement ? C'est même tout à
l'honneur de l'opposition de l'Assemblée nationale et de la majorité
sénatoriale que d'avoir débattu avec tant de passion sur un tel sujet. C'est
bien ce qu'attendaient de nous l'immense majorité des Français, couples mariés
et concubins hétérosexuels et homosexuels, mais aussi célibataires.
En effet, cette proposition de loi n'est pas un texte anodin. Elle touche à
l'essence même de la nature humaine et au fondement de notre société, comme l'a
rappelé notre collègue M. Marini. C'est la vie des personnes unies en couple
qui est concernée, c'est la place du couple par rapport à la société qui est en
jeu. C'est bien pourquoi un débat d'une telle ampleur ne pouvait trouver sa
solution dans les seules limites d'une discussion parlementaire.
Il y a actuellement 12 millions de couples mariés dans notre pays, ce qui
représente, logiquement, 24 millions de Français. Si l'on y ajoute, en mettant
de côté les enfants et les adolescents, les célibataires qui, un jour,
choisiront de se marier et les vieillards veufs, on peut tout de même dire que
le mariage représente, qu'on le veuille ou non, un fait majoritaire dans notre
société.
L'urgence politique n'est donc pas, à l'évidence, de satisfaire une
minorité.
Combien, en effet, parmi les deux millions et demi de couples non mariés
attendent le PACS ?
En revanche, il me semble urgent de redéfinir une véritable politique
familiale, car c'est une question essentielle pour l'avenir démographique,
l'avenir économique et l'avenir social de notre pays.
M. Claude Estier.
Ce que vous n'avez pas fait quand vous étiez au pouvoir !
M. Jean Chérioux.
Heureusement que vous êtes là !
M. Dominique Braye.
Le Sénat, monsieur Estier, en la personne de nos éminents collègues
rapporteurs, MM. Patrice Gélard et Philippe Marini, a su pourtant affronter et
gagner ce pari difficile en proposant une solution médiane, raisonnable et
dénuée de tout préjugé, tant idéologique que religieux, qui a pour
caractéristique de s'appuyer sur notre droit civil pour conforter
l'institution, qui est l'une des clefs de voûte de notre société. Vous l'avez
compris, j'ai nommé la famille.
Cette solution réside dans l'affirmation de la primauté du mariage républicain
- nous n'insisterons d'ailleurs jamais assez sur cet adjectif,...
Mme Nicole Borvo.
Qui empêche les gens de se marier ?
M. Dominique Braye.
... n'en déplaise à Mme Borvo - en même temps que dans une définition légale
du concubinage.
Je ne reprendrai pas tous les arguments d'un débat qui a déjà été long et
dense.
(Mme Derycke s'exclame.)
Mais je tiens à expliquer à nouveau puisque,
apparemment, nos intentions ont été mal comprises
(Exclamations sur les travées socialistes)
car manifestement mal
transmises, donc mal interprétées, voire caricaturées...
M. Jean Chérioux.
Dénaturées !
M. Dominique Braye.
... ou dénaturées, comme le déclare mon collègue Jean Chérioux,...
Mme Dinah Derycke.
Ce n'est pas vrai !
M. Dominique Braye.
... ce qui motive notre groupe, d'une part, à refuser le PACS et, d'autre
part, à proposer une définition légale du concubinage.
Sans être homophobes, comme voudraient nous qualifier les excessifs d'un bord
(Exclamations sur les travées socialistes)...
Mme Dinah Derycke.
Pas nous !
M. Dominique Braye.
... ni, à l'inverse, bradeurs des valeurs familiales, comme le font les
outranciers de l'autre bord, termes qui dénotent, vous en conviendrez, un égal
excès de la part de ceux qui les utilisent, j'ai la conviction qu'il est
capital de tenir un discours d'opposition au PACS. C'est, en effet, la seule
position constructive et réaliste, en un mot, une position nuancée.
Voltaire disait joliment de Marivaux que, pour aborder le sujet délicat et
douloureux de l'homosexualité, il pesait des oeufs de mouches avec des balances
en ailes de papillons. Je dirai donc : rassemblons nos oeufs de mouches et nos
ailes de papillons...
Mme Nicole Borvo.
Oh là là !
M. Robert Bret.
C'est un poète !
M. Dominique Braye.
... pour réfléchir ensemble aux conséquences de cette proposition de loi.
C'est manifestement du terrorisme intellectuel que de vouloir nous empêcher
d'y apporter un surcroît de réflexion en nous taxant soit d'homophobie, soit de
ringardise, soit encore, à l'inverse, de légèreté.
Nous récusons le PACS, d'abord et avant tout, parce qu'il ne tient pas la
route sur le plan juridique, comme nous l'a démontré brillamment notre collègue
M.Gélard. A lui seul, cet argument suffirait à l'invalider.
Le PACS, notre rapporteur au fond l'a amplement démontré lors de précédents
débats et encore aujourd'hui même, qui se veut à la fois contrat et pacte, à
mi-chemin entre le droit des biens et le droit des personnes, n'est finalement
ni l'un ni l'autre. Ce n'est qu'un lien précaire entre deux personnes, une
insécurité juridique en quelque sorte, permise et garantie par le droit, ce qui
est quand même, vous en conviendrez, un comble.
Vous même, madame le ministre, qui parlez au sujet de ce pacte d'un contrat en
soulignant bien que ce n'est pas une institution, n'êtes pas en accord avec la
définition qu'en donne M. Michel, rapporteur de la commission des lois de
l'Assemblée nationale, qui, lui parle d'une convention solennelle. Vos
positions sont donc pour le moins confuses et nous attendions de votre part,
pour un projet qui, paraît-il, vous tient tant à coeur, davantage de clarté et,
manifestement, davantage de rigueur.
Votre PACS, parce que effectivement il faut vous l'attribuer, vous êtes
incapable de le définir clairement. Vous vous contentez, comme l'ont fait
certains parlementaires de votre majorité pour expliquer leur vote positif, de
dire à son sujet que c'est nouveau. Je trouve, excusez-moi du terme, que c'est
un peu court et un peu léger. Même les agences publicitaires ont abandonné cet
argument pour qualifier les produits qu'elles souhaitaient promouvoir. Sans
doute parlera-t-on, à la suite de l'adoption du PACS, de l'apparition d'un
OJNI, c'est-à-dire un objet juridiquement non identifié, car il est
incontestable que c'est une aberration du point de vue légal et du point de vue
juridique.
M. Gérard Cornu.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Si le PACS devait être un contrat, vous deviez, madame le ministre, en toute
rigueur, l'intégrer dans le livre III du code civil...
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Dominique Braye.
... réservé exclusivement aux contrats et non dans le livre Ier, qui traite
exclusivement des personnes, notamment du mariage...
M. Jean Chérioux.
Et de la famille.
M. Dominique Braye.
... et de la famille naturellement.
Si le PACS est vraiment un contrat, pourquoi déroge-t-il autant au droit
commun des contrats, en particulier en ce qui concerne la capacité et la
dénonciation ? Pourquoi, en effet, des règles spécifiques qui excluent du PACS
les mineurs émancipés et les fratries, alors que rien ne les exclut par
ailleurs de la capacité contractuelle ?
C'est manifestement la porte ouverte à des injustices flagrantes, et nous
sommes persuadés que le PACS ne sera pas en mesure d'assurer la protection des
personnes. En effet, il ne donne aucun droit au partenaire qui s'est vu
signifier la dénonciation du pacte. La rupture unilatérale est ouverte à tout
moment. Vous légalisez ainsi, huissier à l'appui, madame le ministre, le retour
à la répudiation.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Dominique Braye.
Croyez-vous que ce soit un progrès ? Croyez-vous que ce soit à l'honneur de
votre Gouvernement et en tout cas de notre Parlement ?
C'est également la porte ouverte à de nombreuses fraudes puisque, par
définition, et cela doit demeurer un principe fort de notre République, l'Etat
de droit n'a pas vocation à surveiller la vie privée, comme l'a rappelé encore
notre collègue Patrice Gélard.
Je veux citer en particulier les possibilités de fraude fiscale ouvertes par
ces nouvelles dispositions.
Prévoyez-vous, madame le ministre, de placer des inspecteurs du fisc devant la
porte de chaque maison, pour contrôler la réalité du lien qui unit les
signataires d'un PACS ?
Des possibilités de fraude existent. J'en veux aussi pour preuve la
disposition qui veut - et c'est un comble qu'une loi de la République prévoie
noir sur blanc un tel cas ! - que le partenaire étranger d'un Français, même en
situation irrégulière, se voie attribuer une carte de séjour une fois le PACS
signé.
Quand je pense que déjà aujourd'hui, mes chers collègues, notre société est
désarmée face aux mariages blancs, qu'en sera-t-il demain avec les possibilités
beaucoup plus nombreuses et plus larges qu'ouvrent les PACS blancs ? C'est en
tout cas une véritable aubaine, madame le ministre, pour tous les malfrats qui
vivent de l'immigration illégale.
C'est pour toutes ces raisons, qui sont des raisons parfaitement objectives,
je le répète, que la majorité sénatoriale a rejeté le PACS. Il n'en demeure pas
moins - et nous sommes tous d'accord, mes chers collègues, pour faire ce
constat - qu'il existe des situations de fait - des homosexuels vivent
ensemble, ainsi d'ailleurs que des hommes et des femmes, je ne vous apprendrai
rien sur ce point - qui sont aujourd'hui ignorées du juge, faute d'un droit
adéquat.
Cette ignorance, dont toute une jurisprudence abondante, notamment celle de la
Cour de cassation, s'est fait l'écho, est lourde de conséquences négatives en
termes de garantie des droits. Elle aboutit même, nous le reconnaissons tous, à
des injustices, puisqu'elle restreint par exemple, la possibilité de legs à la
personne de son choix, puisqu'elle ne garantit pas suffisamment le droit au
maintien dans les lieux du survivant en cas de décès du titulaire d'un bail.
Entendons-nous bien, mes chers collègues : il n'est pas question ici de
décider qui a droit ou non à la reconnaissance légale de l'amour. « Il n'y a
qu'un amour », nous rappelait Mauriac.
Qui le conteste ? Notre coeur, si complexe, nous appartient et ce n'est pas
une loi qui va le contraindre dans un sens ou dans un autre. Mais pourquoi
vouloir faire intervenir la loi à tout moment dans la vie de nos concitoyens,
même dans ce qui regarde le plus profond de leurs coeurs ?
Au fond, ce ne sont pas les lois qu'il faut réformer, mais les esprits qu'il
faudrait faire évoluer par la pédagogie et l'apprentissage de la tolérance.
M. Claude Estier.
C'est bien vrai !
M. Dominique Braye.
Vaste programme, madame le garde des sceaux !
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Dominique Braye.
Aucun texte ne brime aujourd'hui les homosexuels ni les concubins. Si la
situation a doucement évolué pour les concubins depuis une trentaine d'années,
nous reconnaissons qu'il n'en est pas de même aujourd'hui pour les
homosexuels.
Une loi comme le PACS ne changera rien à leur situation ni à la manière dont
il seront regardés. Il a fallu beaucoup de temps pour que les divorcés ou les
couples vivant en concubinage ne soient plus stigmatisés. Je crains même que
votre loi ne produise l'effet inverse de celui qui était recherché ; j'en suis
même presque sûr puisqu'elle mettra dans le domaine public ce qui était
auparavant dans le secret des coeurs, en opérant, du même coup, une crispation
des esprits d'un côté comme de l'autre.
Le peuple français dans son ensemble ne souhaite pas être contraint ; les
réactions qui nous parviennent de la France entière et de tous les milieux,
depuis plus d'un an, sont là pour nous le signifier.
Il convenait pourtant de mettre de l'ordre dans un enchevêtrement de
situations de fait, qui sont autant de situations humaines douloureuses, et
d'introduire, autant que faire se peut, protection et sécurité, là où le vide
juridique n'engendrait que vulnérabilité et précarité. Il fallait donner enfin
les moyens au juge de s'appuyer sur un droit adéquat plutôt que de le
contraindre dans les bornes étroites d'un droit devenu inadapté.
C'est ce que la majorité sénatoriale s'est efforcée de faire au terme d'un
long et patient travail d'écoute et de réflexion, dont je remercie tout
particulièrement nos excellents rapporteurs, MM. Gélard et Marini, ainsi que
l'éminent président de la commission des lois, M. Jacques Larché.
Je crois certes à l'utilité de la modernisation du droit, qui doit répondre,
au moment adéquat, aux évolutions sociales, mais en introduisant la nuance
capitale, qu'évoquait récemment le chef de l'Etat lorsqu'il disait, et je le
cite : « Respectueuse des chois de chacun, la loi ne peut pour autant se faire
l'auxilaire de tous les arrangements de la vie privée, ni les placer tous sur
le même plan. Ce serait méconnaître la portée de sa mission. La loi n'est pas
la servante du bonheur individuel. Elle est au service de l'intérêt général.
C'est lorsqu'il est mû par les intérêts supérieurs de notre société que le
législateur est pleinement dans son rôle. »
Mes chers collègues, je ne vous ferai naturellement pas l'affront de vous
expliquer la nuance entre service et servitude, ni entre intérêt général et
intérêt particulier. Mais vous comprendrez aisément que, lorsqu'on se dit
républicain, ce qui est bien sûr, je n'en doute pas un seul instant, le cas de
chacun d'entre nous, l'on doive faire prévaloir les premiers termes sur les
seconds.
Nous, législateurs de la République, travaillons au service de l'intérêt
général, et sans vouloir ignorer la légitime aspiration au bonheur des uns et
des autres, nous devons orienter nos travaux vers la préservation de cet
intérêt général, qui garantit notamment des droits égaux à tous.
C'est au nom de ces convictions républicaines que nous devons repousser le
PACS ; c'est au nom de ces mêmes convictions qu'il nous faut aussi avoir le
courage de définir juridiquement le concubinage, ce qui nous permettra, en même
temps, de renforcer l'institution républicaine du mariage.
Le concubinage est aujourd'hui, dans notre société, une réalité que personne
ne peut plus ignorer. C'est, à l'évidence, une question de choix très
personnel, qui donc se respecte en tant que tel. Près de 40 % des enfants
naissent alors que leurs parents vivent en union libre. Il est d'ailleurs
intéressant de noter que, très souvent, c'est la naissance d'enfants qui
conduit ces mêmes parents devant le maire ; tous les maires ici présents le
savent bien.
Le concubinage doit être considéré, plutôt que comme un refus des
responsabilités, comme un refus du formalisme, car celui-ci peut se révéler,
selon certains, aussi nuisible pour les liens familiaux qu'une absence de cadre
légal. Le problème légal surgit quand les enfants nés de concubins se
retrouvent pourvus de moins de droits que les enfants nés de parents mariés. Le
législateur, qui a pour vocation de garantir l'égalité des droits de tous, se
devait d'intervenir.
Il convenait d'aller plus loin que Napoléon, qui, lorsqu'il a élaboré le code
civil, voulait que la loi ignore les concubins puisque ceux-ci voulaient
ignorer la loi. Près de deux siècles plus tard, il nous est apparu qu'il était
grand temps de nuancer cette position : le refus du formalisme chez les
concubins n'est pas pour autant un refus du droit. Et le législateur, comme le
juge, ne peut continuer à ignorer une part importante de la population au sein
de laquelle se sont tissées des solidarités familiales, quand bien même
celles-ci se sont passées du lien marital pour exister.
La famille existe déjà en dehors des liens du mariage : c'est ce constat qu'il
fallait inscrire dans la loi - notamment au nom de l'intérêt des plus faibles,
les enfants - sans pour autant porter un quelconque jugement moral ni
dévaloriser le mariage.
Inscrire le concubinage dans le code civil n'en fait pas pour autant une
institution : cela reste l'apanage du mariage. Et, après tout, le concubinage
était déjà une situation prévue par le code général des impôts. Je remarque
d'ailleurs avec une certaine amertume que c'est finalement toujours le code
général des impôts qui est à la pointe du progrès dans notre pays, et
aujourd'hui plus que jamais.
Quoi qu'il en soit, il était temps de procéder à une réflexion d'ensemble sur
la question du concubinage au regard du droit, sans se masquer les difficultés
inhérentes à ce sujet. Au passage, il faut rendre hommage à la qualité des
travaux de Mme Irène Théry, dont nous ne partageons pas toutes les thèses, loin
de là, mais qui a eu le mérite de poser les problèmes avec une extrême
honnêteté intellectuelle dans un rapport que vous lui avez commandé, madame le
garde des sceaux, mais dont vous n'avez pas tenu compte.
La notion de concubinage - littéralement, « communauté de lit » - ne va pas de
soi, car elle est loin d'être univoque. Le concubinage est une situation de
fait, et sa qualification juridique a fait l'objet d'âpres controverses. De
plus, comment, dans le droit, préserver ce qui en fait la particularité, à
savoir son caractère d'union libre ?
Dans la vie courante, chacun sait bien ce qu'est le concubinage : c'est la vie
commune d'un couple non marié. La frontière symbolique est assez nette : le
concubinage définit un type particulier de lien humain, à savoir le couple. La
frontière sociologique est déjà plus floue : à partir de quand devient-on un
couple ? Est-ce la durée de la relation qui compte, ou bien la durée de la
cohabitation ?
En droit, la notion de couple est également au centre de l'approche du
concubinage. Mais elle est tout aussi loin d'aller de soi. Pendant longtemps,
le droit civil n'a connu que le couple institué par le mariage. Il a, dès lors,
appréhendé le couple non marié comme il pouvait le faire d'une situation de
fait, c'est-à-dire par ses possibles effets. La notion juridique de concubinage
s'est donc d'abord élaborée dans le droit social, puis dans le droit civil.
C'est ici que nous débouchons sur un dilemme puisque la notion de communauté
de vie est apparue au juge comme insuffisante pour reconnaître juridiquement le
concubinage homosexuel. En effet, le juge a restreint le concubinage - je cite
l'arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 1989 - à la « vie maritale ».
Cela lui a permis d'en déduire qu'un couple de concubins était nécessairement
composé d'un homme et d'une femme.
Or les couples homosexuels, pargageant une communauté de toit et de lit, sont
indéniablement engagés dans la communauté de vie que la jurisprudence
appréhende par ailleurs comme concubinage. Une même situation est donc traitée
de manière différente par le juge, ce qui constitue à l'évidence une
discrimination.
Il fallait, par conséquent, élaborer un statut juridique du concubinage. Deux
directions étaient ici possibles.
La première consistait à fonder ce statut sur un contrat, inscrit dans le
droit des personnes ; cela permet de faire disparaître la critique portant sur
un « refus d'engagement » de la part des concubins.
La seconde consistait à éluder la question même du concubinage et à aménager
indirectement des droits par l'élaboration d'un pacte, inscrit dans le droit
des biens.
Contrat dans le droit des personnes ou bien pacte dans le droit des biens :
l'alternative était claire.
Quant à vous, madame le garde des sceaux, vous avez choisi de ne pas choisir
entre les deux puisque le résultat est un pacte inscrit dans le droit des
personnes, c'est-à-dire une impossibilité juridique. Madame le garde des
sceaux, un pacte ne peut pas être en même temps un contrat ! C'est soit l'un,
soit l'autre !
Le contrat, inscrit dans le droit des personnes, pouvait d'abord apparaître
comme la voie la plus évidente pour étendre les droits des concubins, bien
qu'elle ne soit pas, elle non plus, sans poser de problèmes.
En effet, dès lors qu'il s'agit de substituer un contrat à une situation de
fait comme source de droit, la question se pose de définir les personnes
habilitées à contracter.
Première hypothèse : seuls les concubins y ont accès. Mais alors, comment
vérifier leur situation ? En effet, un contrôle de relations de fait entre en
contradiction avec la logique du contrat. Elle est du moins étrangère à la
philosophie de notre droit.
Deuxième hypothèse : on étend la possibilité de contracter à toutes les
personnes qui en ont la capacité juridique. Mais alors, le couple se trouve
noyé dans un ensemble sans limites où se mêlent les types de liens humains les
plus divers : deux amis, des fratries, et j'en passe ! Outre la confusion
symbolique, la disparition de la distinction fondatrice du concubinage, entre
couple et non-couple, conduit à un effacement juridique du couple de fait.
L'autre problème qui se pose au législateur voulant donner un statut juridique
au concubinage est celui des engagements réciproques. En effet, le contrat est
nécessairement synonyme d'engagements mutuels tels que « secours et assistance
», « soutien matériel et moral », « solidarité pour dettes ».
On arrive donc inévitablement à une impasse par rapport au point de départ
qu'était l'union libre. Un tel contrat dénature forcément le concubinage, conçu
d'abord comme un engagement privé. Le paradoxe serait de contraindre ainsi ceux
qui revendiquent plus fort que jamais une union libre à choisir entre la
liberté et l'accès aux droits.
Enfin, plus un tel contrat sera élaboré, plus il se rapprochera du mariage :
quelle en serait la nécessité pour l'immense majorité des concubins qui ont
accès au mariage ? Le mariage civil perdrait, du même coup, sa caractéristique
fondamentale, c'est-à-dire son unicité.
S'en tenir à la seule organisation des biens n'est pas non plus une solution,
car un simple pacte financier privé, par définition accessible à tous, aboutit
à une confusion symbolique et à une injustice sociale, notamment en matière
d'adoption et en matière successorale, puisque les liens humains perdent de
leur importance face aux liens financiers.
Or, mes chers collègues, cette question est essentielle, et nous ne le
soulignerons jamais assez : la distinction des personnes et des biens est la
plus fondamentale des distinctions juridiques, et ce dans tous les Etats et
tous les systèmes juridiques dignes de ce nom.
Par conséquent, élaborer un pacte sur les biens pour régler un problème qui
relève du droit des personnes serait manifestement une grave aberration
juridique, qui viendrait même bouleverser l'équilibre de notre état de droit.
Il est proprement impossible de faire procéder le droit des personnes du droit
des biens.
M. Jean Chérioux.
Très bien ! C'est l'inverse !
M. Jean-Patrick Courtois.
C'est fondamental !
M. Dominique Braye.
On voit donc bien l'ensemble des difficultés et des impasses auxquelles
conduit une tentative d'élaboration d'un statut juridique qui passerait soit
par un contrat soit par un pacte.
C'est bien pourquoi le Sénat a choisi une solution beaucoup plus simple, qui
nous épargne ces difficultés et ces impasses.
La définition que nous voulons insérer dans le code civil pose clairement les
limites : le concubinage est « le fait pour deux personnes de vivre en couple
sans être unis par les liens du mariage ». Cette définition du concubinage
comme constatation de vie commune montre, par son texte même, que la référence
reste le mariage. C'est une précision juridique qui permet surtout de parvenir
à une solution neutre, englobant toutes les situations, et qui a l'avantage de
ne pas créer de formule hybride entre l'union libre et le mariage.
M. Jean-Patrick Courtois.
Absolument !
M. Dominique Braye.
Le mariage républicain, quant à lui, est au-delà du simple fait ; c'est
pourquoi notre éminent rapporteur a tenu à le définir comme « l'union d'un
homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil ».
Je veux expliciter ici trois termes qui me semblent essentiels dans cette
définition pour percevoir toute la différence avec le concubinage tel que nous
l'avons défini plus haut : l'union, la célébration et l'officier d'état
civil.
L'union, d'abord. C'est bien plus que « le fait de vivre en couple ». C'est
une action qui introduit un changement : deux célibataires sont unis pour
devenir un couple marié. Ce changement, vous en conviendrez, n'est pas minime
dans la vie des personnes concernées, à commencer - comme le veut encore
l'usage -, par le nom de la mariée. C'est aussi un état qui commence à compter
du jour du mariage, mais qui n'est pas limité à ce seul jour. C'est enfin un
engagement, une promesse.
Tout cela ne figure pas dans la définition du concubinage et ne peut être
légalement exigé des concubins ; cela est laissé à leur responsabilité et, si
j'ose dire, à leur bonne volonté.
La célébration, maintenant. C'est une cérémonie civile, qui ne peut être mise
sur le même plan qu'une simple déclaration. Elle introduit le couple dans le
domaine de l'officiel et du symbolique : c'est l'onction du droit sur un fait
de nature.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Dominique Braye.
C'est bien pourquoi le mariage républicain, laïc et égalitaire a constitué un
tel progrès, au moment de son institution, par rapport à la situation de
l'Ancien Régime, qui ne connaissait que le mariage religieux, c'est-à-dire, en
fait, le mariage catholique. En 1792, avec l'instauration du mariage civil, on
a mis fin effectivement à des discriminations indignes qui frappaient non
seulement les protestants et les juifs, c'est-à-dire les non-catholiques, mais
aussi les comédiens. Tous les citoyens français ont été placés sur un pied
d'égalité face au mariage. De sacrement administré par l'Eglise le mariage est
devenu une reconnaissance de la société civile.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Dominique Braye.
Enfin, en la personne de l'officier de l'état civil - le maire ou son adjoint
- le mariage introduit la puissance publique face au couple, ce qui montre bien
que toute la société est impliquée dans cette union.
Du fait constaté à l'union célébrée, grâce au choix des termes employés, la
gradation juridique est bien lisible, ce qui était notre objectif premier. Le
mariage doit demeurer essentiellement différent du concubinage parce que la
société tient à lui accorder une valeur supérieure dans la mesure où il nous
place d'emblée dans le champ d'une morale sociale, ou d'une éthique, si ce
terme doit moins heurter nos collègues qui siègent sur la gauche de cet
hémicycle.
C'est d'ailleurs bien la raison pour laquelle nous y sommes tant attachés, et
ne voulons surtout pas que cette institution soit dévalorisée. Il faut ici
rappeler la belle et majestueuse définition qu'en donnait un de nos
prédécesseurs, Portalis, dont la statue domine cet hémicycle et dont la mémoire
nous guide encore : le mariage est la « société de l'homme et de la femme qui
s'unissent pour perpétuer leur espèce, pour s'aider par des secours mutuels à
porter le poids de la vie et pour protéger leur commune destinée ».
M. Alain Lambert.
Que c'est beau !
(Sourires.)
M. Dominique Braye.
Se marier, c'est accepter volontairement de vivre dans un cadre juridique
comportant des garanties plus importantes, mais c'est aussi et surtout accepter
des devoirs plus contraignants que ceux de l'union libre.
Cette valeur juridique supérieure reconnue au mariage républicain assorti
d'avantages fiscaux constitue donc un encouragement au mariage, c'est
indéniable, et je crois que nous ne pouvons que nous en féliciter.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Chacun reste d'ailleurs parfaitement libre de vivre en couple sans pour autant
choisir ce cadre juridique. Cela s'appelle l'union libre ou le concubinage.
Qu'une reconnaissance légale de celui-ci s'impose, valable indépendamment des
personnes qui s'en réclament, cela est tout à fait clair.
C'est justement cette définition légale du concubinage qui permet de
distinguer plus nettement encore le statut légal du mariage sans bouleverser la
hiérarchie des valeurs qui fondent notre société.
Mme Nicole Borvo.
Les gens qui veulent se marier se marient !
Mme Hélène Luc.
On dirait que vous voulez nous convaincre de la place du mariage dans notre
société ! Nous sommes déjà convaincus !
M. Dominique Braye.
Reconnaître légalement le concubinage et réaffirmer le statut légal du
mariage, c'est à la fois faire oeuvre de bon sens et oeuvre de clarté
juridique.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
Mme Nicole Borvo.
Ce n'est pas la peine de parler pendant trente minutes !
M. Dominique Braye.
Certains d'entre vous, mesdames, messieurs de la gauche, oublient aussi que
tous les couples vivant en union libre ne souhaitent pas se « pacser ».
Mme Hélène Luc.
Vous êtes totalitaire !
Mme Nicole Borvo.
Personne ne les y oblige !
M. Jean Chérioux.
Alors, à quoi bon le PACS ?
M. Dominique Braye.
Compte tenu des interruptions, je reprends, si vous m'y autorisez, monsieur le
président, mon propos depuis le début, sinon il n'est pas très compréhensible.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Nicole Borvo.
Effectivement, vous n'avez pas été très clair !
Mme Dinah Derycke.
Reprenez, nous avons tout notre temps !
M. Jean Chérioux.
Votre propos est excellent ! Vous n'avez pas été compris, cher collègue !
M. le président.
Madame Borvo, écoutez bien, c'est pour vous !
M. Dominique Braye.
Chacun reste parfaitement libre, disais-je voilà trois minutes exactement, de
vivre en couple, sans pour autant choisir ce statut juridique. Cela s'appelle
l'union libre ou le concubinage. Qu'une reconnaissance légale de celui-ci
s'impose, valable indépendamment des personnes s'en réclamant...
(L'orateur
s'interrompt pris par le fou rire.)
M. Serge Lagauche.
Pas si vite !
M. Dominique Braye.
Je recommence, parce que je suis interrompu.
M. André Maman.
Garde ton calme !
M. Jean Chérioux.
Ce discours est dense ; il mérite d'être prononcé dans le calme !
Mme Dinah Derycke.
Vous avez jusqu'à minuit !
M. Dominique Braye.
Chacun, disais-je, reste parfaitement libre de vivre en couple, sans pour
autant...
(Le fou rire de l'orateur persiste.)
M. Alain Lambert.
Il fallait le dire !
M. Jean Chérioux.
Quelle tension !
M. Dominique Braye.
... choisir ce cadre...
(L'orateur s'interrompt de nouveau.)
M. le président.
Dois-je suspendre la séance, monsieur Braye ?
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
Ne vous laissez pas distraire ! Ils sont en train de vous déstabiliser.
Mme Dinah Derycke.
Soyons sérieux !
M. Dominique Braye.
Je réponds : chacun reste parfaitement libre de vivre en couple, sans pour
autant choisir ce cadre juridique. Cela s'appelle, vous l'avez compris depuis
un certain temps, l'union libre ou le concubinage.
Qu'une reconnaissance légale de celui-ci s'impose, valable indépendamment des
personnes s'en réclamant, c'est manifestement très clair. C'est justement cette
définition légale du concubinage qui permet de distinguer plus nettement encore
le statut légal du mariage, sans bouleverser la hiérarchie des valeurs qui
fondent notre société.
Reconnaître légalement le concubinage et réaffirmer le statut légal du
mariage, c'est faire, je le disais tout à l'heure, à la fois oeuvre de bon sens
et de clarté juridique.
Certains d'entre vous, je le disais également, oublient aussi que tous les
couples vivant en union libre ne souhaitent pas pour autant se « pacser ». En
effet, le PACS représente une nouvelle formalité, qu'ils rejettent tout autant
qu'ils rejettent déjà le mariage.
Grâce à votre projet, nous pourrons donc rencontrer des personnes vivant en
union libre, comme le rappelait M. le rapporteur, des concubins non déclarés,
des concubins déclarés, des concubins mariés, des concubins pacsés, des pacsés
et des mariés, soit, comme le disait tout à l'heure M. le rapporteur pour avis,
sept régimes juridiques différents pour les couples. Je ne vois vraiment pas où
est le progrès.
Il est un autre danger, soyons clairs : en raison des indéniables avantages,
notamment fiscaux, que présente le PACS, et de ses moindres contraintes, il
existe un rique évident, qu'a souligné notre collègue M. Marini, de voir une
désaffection progressive à l'égard du mariage républicain.
Ce dernier ne concernerait alors plus que ceux qui souhaitent aussi s'engager
religieusement, puisque le passage devant le maire est légalement un préalable
obligé au mariage religieux, la présentation du certificat de mariage civil
étant exigée par les officiants. Le mariage républicain deviendrait alors
synonyme de mariage religieux, résultat pour le moins paradoxal d'un projet qui
se présente comme voulant être laïque.
Est-ce là l'idéal républicain que souhaitent mettre en oeuvre le Gouvernement
et sa majorité ? Vous êtes en train d'écrire, madame le ministre, la chronique
d'une défaite républicaine annoncée.
(Mme Derycke proteste.)
Le PACS, enfin, introduit de la confusion là où nous avions besoin d'une plus
grande lisibilité. L'ordre du symbolique me semble, en effet, profondément
ébranlé par ce projet. Je crois qu'on y a oublié, au passage, que le droit
n'est pas qu'un instrument de police et de gestion des relations humaines.
Il nous appartient donc de rappeler que le droit occupe une fonction
instituante fondamentale dans notre société, en particulier grâce aux interdits
qu'il pose. Toute société et tout individu ont besoin d'interdits pour exister
et se développer.
En créant ce pacte, à mi-chemin entre mariage et union libre, nous n'aurons
pas réglé, loin de là, tous les problèmes afférents au concubinage, mais nous
aurons vidé de sa substance le mariage républicain.
Nous entrerons, enfin, dans une société où le communautarisme sera devenu la
règle. Franchement, est-ce un avantage pour qui que ce soit d'être identifié
par sa sexualité ? Non, c'est une profonde régression ! Notre histoire, notre
culture nous ont donné une vision plus universelle de l'homme et de la femme,
dont l'originalité, parmi les créatures vivantes, est non pas d'être réduits à
leur seule identité sexuelle, mais bien au contraire, de se définir par la
possible expression de véritables et profonds sentiments.
Or, une position responsable et claire consiste, d'une part, à réaffirmer le
statut matrimonial et, d'autre part, à prendre en compte légalement la
situation de tous ceux qui vivent en couple hors mariage. Il n'existe pas, en
effet, de moyen terme : un couple est marié ou il ne l'est pas ; dans le second
cas, cela s'appelle le concubinage.
Il ne s'agit pas de faire de la propagande pour l'un de ces statuts ou de
stigmatiser l'autre. Il s'agit seulement de traduire dans la loi ce que
comprennent parfaitement et ce que constatent quotidiennement tous les
Français.
C'est cette clarification que la majorité sénatoriale avait élaborée avec
rigueur et bon sens ; face à elle, l'Assemblée nationale campe sur ses
positions qui relèvent plus d'une approche idéologique que d'une démarche
pragmatique, vers laquelle elle refuse de faire le moindre pas.
Nous le regrettons, car l'immense majorité des Français attendait à l'évidence
mieux de la part des responsables politiques qui gouvernent actuellement notre
pays. C'est pourquoi le groupe du RPR votera, à l'unanimité, je le pense, la
question préalable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert.
Beau discours !
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à la
suite de l'échec prévisible de la commission mixte paritaire, nous sommes
réunis une dernière fois pour nous prononcer sur le PACS. Mais, comme en
deuxième lecture, il n'y aura pas de débat puisque la commission des lois a
déposé une question préalable.
Vous vous enferrez ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs de droite, dans
une attitude butée qui tourne le dos à toute évolution dans la prise en compte
d'autres modes de vie à deux, différents, à bien des égards, des schémas
traditionnels que vous défendez.
De plus, vous avez tout fait, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, pour
retarder l'adoption définitive du PACS avant la fin de cette session.
A l'Assemblée nationale, on ne compte plus les heures passées, à chaque
lecture, de motions de procédure en centaines d'amendements, déposés par
l'opposition.
Ici même, au Sénat, non seulement vous avez, en première lecture et
aujourd'hui encore, fait durer les débats, mais, de surcroît, vous avez discuté
de tout sauf du PACS et des homosexuels. L'image du Sénat, soyez-en sûrs, en
sortira renforcée...
M. Jean Chérioux.
Nous ne mettons pas en cause les homosexuels.
M. Robert Bret.
La nuit dernière, votre obstruction, mesdames, messieurs les sénateurs de
droite, lors de la nouvelle lecture du projet de loi portant création d'une
couverture maladie universelle
(M. le rapporteur proteste)
révèle, si
besoin en était, votre volonté de supprimer la séance prévue ce matin sur le
PACS pour empêcher que l'Assemblée nationale ne se saisisse de ce texte dans la
journée et ne l'adopte définitivement.
M. Dominique Braye.
Absolument pas !
M. Robert Bret.
L'ultime lecture ne pourra, en conséquence, avoir lieu qu'à l'automne, et vous
vous empresserez alors de déposer votre recours déjà « ficelé » devant le
Conseil constitutionnel.
M. Dominique Braye.
Vous savez que nous ne sommes pas seuls responsables.
M. Robert Bret.
Votre objectif n'est que de retarder l'entrée en vigueur d'un texte pourtant
novateur et attendu par nombre de personnnes.
M. Dominique Braye.
Une minorité !
M. Robert Bret.
Les quelque 100 000 personnes réunies samedi dernier pour la onzième édition
de la
Lesbian and Gay Pride
sont là pour mieux nous le rappeler.
M. Jean Chérioux.
C'était un spectacle édifiant !
M. Robert Bret.
Cette fête a pris des allures à forte dimension sociétale à quelques jours de
l'adoption définitive - en tout cas, on le pensait - du PACS, avec, comme mot
d'ordre officiel : « non à l'homophobie et pour le PACS ».
Ce mercredi 30 juin aurait dû revêtir une signification toute particulière
pour les parlementaires qui ont soutenu le PACS, mais aussi et surtout pour
toutes les organisations et les associations qui furent à l'initiative de ce
projet novateur.
Ce jour aurait dû marquer, avec l'adoption définitive du PACS, une étape
importante dans la lutte contre les discriminations, en particulier contre
celles qui sont fondées sur des choix de vie, ainsi que dans la reconnaissance
officielle du couple homosexuel en tant que tel dans notre société.
Ce jour aurait dû être un grand jour ; en fait, il n'en est rien.
Votre démarche, marquée par l'homophobie, montre encore plus clairement
aujourd'hui que le combat des homosexuels pour la tolérance ne s'arrête pas
avec le PACS,...
M. Dominique Braye.
Il commence !
M. Robert Bret.
... qui, avant même d'entrer en vigueur, est d'ores et déjà entré dans toutes
les têtes. Bien au contraire, il doit même s'amplifier.
C'est ainsi que les homosexuels pensent déjà à l'« après-PACS », et ils ont
raison.
Beaucoup de choses restent encore à venir, à faire évoluer ; je pense
notamment à l'homosexualité sur le lieu de travail.
(Exclamations sur les
travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
C'est un progrès, ça ! Ça va augmenter la productivité !
M. Dominique Braye.
C'est scandaleux !
M. Robert Bret.
D'une façon plus générale, on entend encore trop de phrases terribles à propos
des homosexuels.
Il suffit de se remémorer les slogans homophobes prononcés lors de la
manifestation « anti-PACS » du 31 janvier 1999 ou les propos tenus par certains
députés lors du débat à l'Assemblée nationale pour être convaincu qu'il reste
beaucoup de chemin à parcourir pour que le xxie siècle s'ouvre, enfin, sur une
ère nouvelle, celle de la tolérance, de l'égalité des droits, de la liberté, et
ce dans le plus grand nombre de domaines possible.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Robert Bret.
Ainsi que le disait très justement mon ami Bernard Birsinger lors des débats à
l'Assemblée nationale, le 8 juin dernier, il conviendrait de renforcer la lutte
contre l'homophobie en se dotant d'outils juridiques et répressifs, dans une
logique similaire à celle de la « loi Gayssot » relative à la lutte contre le
racisme et la xénophobie.
Lutter contre les discriminations de toute sorte est un combat de tous les
instants ; les nombreuses heures consacrées par le Parlement à l'examen du PACS
l'ont démontré.
Ce qu'il faut retenir du PACS, c'est que, loin de porter atteinte à la famille
et au mariage comme aime à le faire croire la droite dans ce pays, il confère
un statut, ouvre des droits nouveaux, sans léser les personnes qui ne seraient
pas pacsées. Surtout, il constitue une reconnaissance officielle, tant sociale
que juridique, pour les couples non mariés, en particulier les homosexuels.
Mais, bien évidemment, de tout cela, vous ne voulez pas, vous qui n'avez à
l'esprit et à la bouche que la famille, comme si celle-ci pouvait être de
droite ou de gauche. Nous sommes autant que vous attachés à la famille.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Prouvez-le !
Mme Nicole Borvo.
Nous allons le faire !
M. Robert Bret.
Ce texte ne menace nullement la famille ou le mariage, et encore moins la
société. Il n'y a vraiment que vos phobies qui peuvent le laisser supposer.
Le thème de la famille vous obsède à un point tel que vous avez dû, à la hâte,
déposer une « proposition de loi famille » avant la fin de la session,
peut-être pour flatter un certain électorat.
Même si, à l'origine, le PACS n'était porté que par une minorité,...
M. Gérard Cornu.
Vous l'avouez maintenant !
M. Robert Bret.
... demain, c'est la société tout entière qui en bénéficiera. En effet,
lorsqu'on supprime une discrimination, quelle qu'elle soit, c'est la société
dans son ensemble qui avance.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Voilà de belles perspectives !
M. Robert Bret.
A la lumière de ces observations, vous comprendrez que, encore une fois, nous
nous opposons résolument à la motion tendant à opposer la question préalable
déposée par la commission.
Je ne reviendrai pas, dans le détail, sur les dispositions, importantes et
améliorées au fil des navettes, de la présente proposition de loi ni sur les
avancées que nous aurions aimé voir inscrites dans la loi, comme
l'enregistrement du PACS au service d'état civil de la mairie, le renforcement
des droits des étrangers liés à un Français par un PACS ou encore la
suppression des délais pour l'ouverture de droits nouveaux.
Vous connaissez notre position en la matière : nous avons toujours soutenu le
PACS, et nous continuerons.
Nous demandons donc au Gouvernement d'inscrire, dans les tout premiers jours
de la prochaine session parlementaire, soit début octobre 1999, la dernière
lecture du PACS à l'Assemblée nationale. La droite aura gagné du temps, mais le
PACS entrera dans la vie. En tout cas, nous ferons tout pour qu'il en soit
ainsi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors de la
première lecture de ce texte, j'étais intervenu pour exprimer ma vigoureuse
opposition au dispositif du pacte civil de solidarité.
Mettant en garde contre les conséquences symboliques et sociologiques de cette
réforme, j'attirai particulièrement l'attention du Gouvernement et de notre
Haute Assemblée sur la question de l'adoption des enfants.
En effet, tous nos concitoyens ont bien compris aujourd'hui que le PACS était
conçu exclusivement pour assurer la reconnaissance du couple homosexuel. Sinon,
comment expliquer que la majorité de l'Assemblée nationale n'ait pas étudié et
retenu sérieusement le dispositif alternatif proposé par le Sénat ?
Dès la deuxième lecture du texte, les députés de la gauche plurielle ont
rétabli la rédaction qu'ils avaient votée lors de son premier examen, sans
rechercher de dialogue, de consensus avec la Haute Assemblée. Ce point a, ô
combien ! été développé par le rapporteur M. Gélard. Et comment expliquer que
le défilé annuel des communautés homosexuelles, qui a eu lieu samedi 26 juin
1999, ait célébré par avance la « victoire » que constitue l'adoption par le
Parlement du PACS ?
Quelle « victoire » ont-elles remportée ? Des améliorations certaines et
pragmatiques aux difficultés auxquelles se heurtent ces couples homosexuels en
matière de fiscalité, de droit successoral et de logement, comme le proposait
le Sénat ? Non, ces propositions ont été rejetées sans appel !
S'agit-il alors de l'élaboration d'un statut, et donc d'une reconnaissance
institutionnelle par le dispositif hybride et inapplicable du PACS, qui
comporte d'importants risques de discriminations, des inquiétudes concernant
l'enfant ainsi que des difficultés pratiques et juridiques ?
Si telle est la « victoire », elle est bien navrante !
Par ailleurs, malgré les déclarations qui se veulent rassurantes de Mme le
garde des sceaux, il est très clair que la revendication d'adoption déjà
affichée par les couples homosexuels sera posée à terme au législateur ;
d'ailleurs, j'avais déjà évoqué ce point lors de la première lecture. Il nous
faudra affronter cette aspiration. Mais je crains qu'il ne soit alors trop tard
!
A la fin de la semaine dernière, un grand quotidien du soir publiait un
manifeste intitulé : « Pour l'égalité sexuelle », approuvé par des associations
gay et lesbiennes
.
Sous couvert d'une comparaison entre les revendications des mouvements
féministe et homosexuel, y sont explicitement réclamés le droit au mariage et
le droit à la filiation pour les couples de même sexe.
Et un autre article de ce journal de souligner que le soutien de ces
associations à la proposition de loi relative au PACS est « réservé ». Ainsi «
le centre gay et lesbien juge-t-il ce texte timoré et insuffisant sur cinq
points, dont la parentalité ».
Qui croit-on encore duper dans ce débat ?
L'homosexualité est un fait, qui n'est pas à combattre. Il ne s'agit pas ici
de nier la liberté de chacun d'avoir les comportements sexuels de son choix, et
il convient de respecter cette liberté. Mais, il ne saurait être question, pour
notre société, de légiférer sur ces choix de vie privée afin qu'ils deviennent,
de par la loi, des références sociales.
De très nombreuses mises en garde ont été exprimées en ce sens. On ne compte
plus les courriers individuels, en provenance de toutes les régions de France,
de nos concitoyens qui sont opposés au PACS. S'inquiétant que l'on puisse jouer
avec l'avenir de leurs enfants - ce sont en effet ces derniers qui assumeront
les conséquences, dans notre société, du dispositif du PACS - ils réclament, au
contraire, un renforcement du mariage civil, institution républicaine.
Au-delà des effets pour la société dans son ensemble, on ignore aujourd'hui
les éventuels traumatismes pour les enfants eux-mêmes que pourrait engendrer
leur adoption par des couples homosexuels.
Je ne suppose pas, par ces propos, que les femmes et hommes homosexuels
seraient
a priori
de mauvais parents. Je pense que de tels couples ne
constitueraient pas une bonne structure d'accueil stabilisante pour ces
enfants, qui connaissent déjà l'épreuve d'être orphelins...
Mais, surtout, je redoute pour eux le regard des autres enfants. Nous le
savons, un enfant peut être cruel sans chercher à l'être. Imaginez les
réflexions à la petite école si un enfant disait que sa mère est un homme, ou
que son père est une femme ! Comment pourrait-il, psychologiquement, supporter
les sarcasmes de ses camarades sans en subir quelques traumatismes ? Devenu
adulte, de quelles blessures non cicatrisées serait-il marqué ?
Le Gouvernement est en train de franchir le pas dans cette voie. Il répète que
la famille et les enfants ne font pas partie du débat. Par de tels propos, il
fait preuve d'une hypocrisie dangereuse.
Le Sénat n'a, hélas ! pas les pouvoirs de l'arrêter dans cette démarche. Il a
cependant nourri le débat et la réflexion. Mais le Gouvernement en a fait fi,
et nous avons assisté à un dialogue de sourds.
Quelles sont donc les véritables et profondes motivations du Gouvernement dans
son soutien à cette proposition de loi ?
S'agit-il de répondre aux difficultés que peuvent rencontrer les quelque 5
millions de Français vivant en couple sans être mariés ? Nous le savons, la
réponse est incontestablement « non ».
Je crains, tout d'abord, que ce texte ne vise qu'à satisfaire des groupes de
pression homosexuels relayés par quelques personnalités politiques, ensuite,
que le Gouvernement ne mette sur le devant de la scène politique et médiatique
de tels sujets de société pour moins attirer l'attention sur l'absence de
réformes de fond plus importantes...
M. André Lejeune.
Oh ! c'est faux !
M. Jean Boyer.
... et, enfin, que, par ce texte, il ne cherche qu'à paraître moderne. Or,
comme l'a écrit Emil Cioran, « être moderne, c'est bricoler dans l'incurable.
»
Avant que vous proposiez l'adoption définitive par l'Assemblée nationale du
bricolage que constitue le PACS, je vous demande, madame le ministre, de
réfléchir encore.
L'actuel affaiblissement de l'institution familiale et la perte de repères
qu'il engendre sont à l'origine de bien des maux que connaît notre société
aujourd'hui.
Les phénomènes de violences urbaines trouvent en partie racines dans la perte
d'encadrement et d'autorité de la part des parents.
Comme l'a écrit le professeur de philosophie Chantal Delsol, « les enfants
sont malheureux dans l'instabilité, leur équilibre passe par l'existence d'un
engagement pris à leur égard et construit dans le temps. On a l'air ringard de
le dire. C'est la réalité, alors, qui est ringarde, et les injures à son
endroit n'y changeront rien. »
A travers la discussion sur le PACS, se profile une question simple mais
essentielle : quelle société dessine-t-on pour l'avenir ?
C'est bien pourquoi le PACS est l'affaire de tous, et non des seules personnes
pouvant être intéressées par ce contrat.
Cette proposition de loi n'est pas un simple aménagement de vie. Elle ne tend
pas seulement à organiser la vie commune de deux personnes, qu'elles soient de
sexe différent ou du même sexe. Elle apporte une mutation irréversible aux
droits de la personne et au droit de la famille.
Le PACS est une bombe à retardement et à fragmentation pour notre société. Une
fois mis en place, il produira une déstructuration dont on ne connaît pour
l'instant ni l'ampleur ni les multiples répercussions.
Pour illustrer mon propos, je soumettrai à votre réflexion quelques extraits
du livre intitulé :
Ne deviens pas gay tu finiras triste
. Cet ouvrage,
dont je recommande la lecture aux défenseurs du PACS, est le témoignage d'un
homme qui a été homosexuel pendant vingt ans.
« Aujourd'hui, écrit-il, la pornographie est omniprésente et les
sollicitations sont constantes.
« Il paraît normal d'afficher (...) des publicités pour tel central
téléphonique de rencontres gay, d'échangistes hétéros ou de bisexuels.
« Je n'ai pas mené une vie exemplaire, mais cet exhibitionnisme me paraît
simplement monstrueux. Tout est à la portée des yeux de tous, étalé à la sortie
des écoles, dans tous les kiosques à journaux. Il n'y a aucune retenue.
« Il est impossible que, dans cet environnement, tout ne finisse pas par
sembler normal.
« La pornographie s'insinue doucement dans les cerveaux, et tout comportement,
y compris l'homosexualité, finit par sembler normal.
« La philisophie du "pourquoi pas", du "ne pas mourir idiot", favorise son
développement...
« On a l'impression qu'il y a derrière cela une évolution dirigée, tellement
elle est rapide.
« Avec ce malaise et dans cette ambiance, l'homosexualité devient un choix
parmi d'autres, aussi bon que les autres, pas moins souhaitable.
« Et des jeunes qui n'auraient jamais dû y mettre les pieds arrivent dans le
milieu gay. »
Pour conclure, il dénonce « les inconnus qui protègent l'illusion que
l'homosexualité est une voie comme une autre vers le bonheur et qui, plus qu'à
la protéger, cherchent à la répandre. Ceux-là sont coupables. »
Après ce témoignage, peut-on encore croire que le PACS ne participera pas à ce
mouvement et n'est pas fondamentalement dangereux pour notre société ?
Dans le même ordre d'idée, on déplore les actes de violence à la télévision,
au cinéma car on constate le lien avec une recrudescence dans la réalité de la
violence juvénile.
On tente maintenant d'encadrer les médias, mais le mal est fait.
Pour autant, ces leçons ne suffisent pas.
La télévision britannique diffuse, depuis quelques temps, un feuilleton dont
l'un des héros homosexuels est un mineur de moins de quinze ans ! A quand ce
genre d'émission déplorable en France ?
Je condamne sans réserve cet étalage immoral. Je ne comprends pas que des
adultes puissent être à ce point irresponsables pour concevoir et produire de
tels téléfilms. Cherche-t-on à nous imposer une société sans morale ?
Pour toutes les raisons que je viens de développer, je demeure, madame le
ministre, mes chers collègues, plus que jamais opposé au pacte civil de
solidarité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Madame la ministre, quel peut être l'intérêt d'une nouvelle lecture sur le
PACS au Sénat, alors que, dans votre esprit, l'affaire est entendue :
l'Assemblée nationale a voté, le Sénat doit se conformer.
L'examen de cette proposition de loi aurait pu être l'occasion d'un dialogue
approfondi sur des sujets qui intéressent le devenir de notre société. Nous
nous apprêtons à voter dans la plus grande confusion intellectuelle.
Il n'y a pas eu de vrai débat parce que vous n'en vouliez pas !
Tout au plus, le Parlement a-t-il été prié d'enregistrer un texte prétendument
passé dans les moeurs avant même sa discussion et son vote. Au nom de qui ? En
vertu de quoi ? Nul ne le sait.
Suprême arrogance, le Gouvernement n'a même pas tenu compte de l'avis unanime
exprimé par les différentes congrégations religieuses contre le PACS. Curieuse
conception de la laïcité, en vérité, que la vôtre. J'y reviendrai tout à
l'heure.
Il n'y a pas eu de débat parce que vous ne le vouliez pas, mais aussi parce
que règne une certaine morale sociale que même la gauche n'ose pas
transgresser, une forme de terrorisme culturel et médiatique dont nous avons
touché la limite lorsqu'une association a menacé de révéler l'homosexualité
d'un parlementaire.
Et quand j'entends aujourd'hui même M. Daniel Vaillant, ministre des relations
avec le Parlement, dire que « la droite n'a rien compris aux mouvements de la
société, aux aspirations de beaucoup de Français à plus de liberté, à plus
d'égalité des droits », je ne peux réprimer un sourire tant cela est
comique.
Discipline oblige, les sénateurs et les députés de la majorité plurielle vont
voter un texte que, pourtant, ils réprouvent, pour beaucoup d'entre eux, en
conscience. Vous même, madame la ministre, défendez un texte auquel le
Gouvernement ne semble pas beaucoup croire, au point de renoncer à en endosser
la responsabilité.
On voit là tout le danger qu'il y a à légiférer sous la pression des
lobbies.
Faute de poser les vraies questions, nous considérons le PACS
pour ce qu'il est : un contresens, un leurre.
Loin d'assurer une meilleure cohésion sociale, il aboutira à faire de la
France une mosaïque de petites sociétés à responsabilité affective limitée.
Loin de procurer une reconnaissance et des droits, il contribuera à affaiblir
l'individu.
Loin de procurer plus de liberté et d'autonomie, il conduira l'Etat à
s'ingérer de plus en plus dans nos vies personnelle et familiale.
Je reviendrai rapidement sur chacun de ces trois points, car ils expliquent
pourquoi, avec ce texte, le Gouvernement et sa majorité risquent d'aboutir à un
résultat inverse à leur intention.
En légitimant par une loi l'égalité entre couples homosexuels et
hétérosexuels, les auteurs du projet de loi privilégient l'égalité des droits
entre individus. L'individu devient sa propre essence et sa propre fin, une
sorte d'absolu.
Or ce n'est pas du principe d'égalité qu'il s'agit ici, mais du droit à la
protection de la vie privée.
De là mon inquiétude pour la cohésion sociale. Avec le PACS, la loi perd son
commandement moral. Les droits créances prennent le pas sur les droits
fondamentaux.
Je respecte la sincérité des liens qui unissent les personnes ne pouvant pas
se marier, et je regrette que la polémique ait surtout contribué à les faire
montrer du doigt. A mes yeux, elles sont tout à fait dignes de considération et
ont le droit de vivre ensemble. Pour cela, un aménagement du droit en vigueur
aurait largement suffi.
C'est sciemment que vous avez préféré jouer de la force symbolique de la loi
pour institutionnaliser une égalité entre couples hétérosexuels et
homosexuels.
A ce jeu, madame la ministre, vous n'avez réussi qu'à ouvrir la boîte de
Pandore. Malheureusement, vous ne pourrez plus la refermer. En effet, au nom de
l'égalité entre couples signataires d'un PACS, on voit mal comment, demain,
deux hommes ou deux femmes se verraient refuser le droit d'avoir ou d'adopter
des enfants.
Nous ne doutons pas de votre bonne foi. Mais, que vous le vouliez ou non, la
question se posera inéluctablement et plus vite qu'on ne le croit.
Le Parlement européen a pris position dans ce sens. Au-delà de la lutte contre
toutes les formes de discrimination subies du fait de l'orientation sexuelle,
il a invité la Commission à présenter un projet de recommandation garantissant
aux couples de même sexe l'ensemble des droits et avantages du mariage ainsi
que le droit d'être parents, d'adopter ou d'élever des enfants.
Les associations qui défilaient le week-end dernier à la
Gay Pride
l'ont réclamé ouvertement. Les auteurs de la proposition de loi sur le
PACS, eux-mêmes, reconnaissent que ce texte n'est qu'une première étape.
Or, à mes yeux, ce point est crucial : nous ne légiférons pas pour légitimer
ou satisfaire des besoins individuels qui sont en réalité des désirs ; nous
légiférons pour le bien du peuple et de la nation.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
La loi doit être l'expression de la volonté générale. Elle doit favoriser un
équilibre de vie en communauté en posant certaines contraintes à nos libertés
individuelles et en protégeant les plus faibles d'entre nous, à commencer par
l'enfant dont nulle part il n'est question dans ce texte.
C'est là ma seconde préoccupation : sans principe et sans règle, c'est la loi
du plus fort qui s'imposera.
En instituant le mariage, le législateur n'a pas consacré l'hétérosexualité
mais a reconnu les droits de l'enfant en favorisant l'union durable d'une femme
et d'un homme qui se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance, et
s'engagent par avance à assumer leur rôle de parents.
C'est toute la dimension laïque et civile du mariage. Cela explique que le
divorce n'est pas décidé par un seul des conjoints, mais qu'il est prononcé par
un juge afin d'éviter la répudiation au préjudice du plus faible.
Je ne défends pas le mariage en soi. Je défends les droits de l'enfant,
totalement négligés dans ce débat. Les droits particuliers qu'ouvre le mariage,
notamment en matière fiscale, ne valent qu'en raison de l'engagement et des
devoirs contractés.
Au nom de l'égalité entre individus, le PACS réclame les droits sans les
devoirs. C'est pourquoi je ne peux pas être d'accord avec vous.
Enfin, toujours à votre différence, je crois que chacun a le droit de choisir
librement son mode de vie et que la réponse à des problèmes privés passe par
des mesures d'ordre privé.
La loi n'a pas à connaître les sentiments amoureux de chacun. L'Etat n'a pas à
se mêler de la vie intime de nos concitoyens. Il doit seulement créer les
conditions favorables à leur épanouissement personnel tout en veillant à
préserver la cohésion de notre société.
Or, c'est tout le paradoxe de la législation sur la famille depuis bientôt
trois décennies : satisfaire la revendication d'une plus grande autonomie dans
la sphère privée a conduit, en réalité, la puissance publique à intervenir de
plus en plus en cas de conflit entre individus. Jamais les problèmes familiaux
n'ont fait l'objet d'autant de contentieux et de procédures.
Il en sera de même avec le PACS. Le rapporteur et le président de la
commission l'ont suffisamment bien expliqué pour que je ne revienne pas sur ce
problème.
Aussi y a-t-il fort à parier que, sous couvert de liberté, les signataires du
PACS se retrouveront plus souvent qu'à leur tour devant le juge, en
particulier, malheureusement, lorsque les droits de l'enfant seront en
cause.
Je viens d'expliquer comment cette proposition conduit à commettre un
contresens.
Avec la même conviction, j'affirme que le PACS est un leurre pour éviter
d'affronter l'enjeu politique majeur de cette fin de siècle : celui de la
famille.
Dans mon esprit, il ne s'agit pas de retomber dans les sempiternelles
péroraisons sur les allocations familiales, la situation fiscale des concubins
et des célibataires ou sur le statut de la mère au foyer. Non !
C'est bien du déclin démographique du pays, des inégalités provoquées par la
libération familiale et de la fragilisation du lien de parenté qu'il doit être
question, toutes dérives dont une génération a payé le prix et qui, derrière
les slogans, laissent un modèle de société à reconstruire.
Ces dérives, nous les connaissons, mais nous n'avons jamais osé hasarder le
moindre début de réponse, le moindre début de discours, de peur d'être traités
de réactionnaires, de vichystes, de natalistes.
A l'image de François Mitterrand, la gauche elle-même n'a jamais osé franchir
le pas ni contredire la pensée unique : celle qui joue l'individu contre la
collectivité, l'assistanat contre l'autonomie, les acquis sociaux contre la
jeunesse, celle qui assimile le discours sur la famille au retour de l'ordre
moral.
Résultat : la politique familiale n'est plus qu'une politique sociale parmi
d'autres.
A détourner la tête depuis trente ans, la réalité nous a rattrapés.
Aujourd'hui, nous devons l'affronter.
La réalité, c'est une France qui vieillit, incapable de garantir la solidarité
entre générations et la pérennité de notre système de protection sociale, alors
que notre pays est probablement l'un de ceux qui a dépensé le plus.
Un pays sans enfant est un pays sans projet, sans confiance, sans avenir.
Au risque de choquer, je n'hésiterai pas à dire que, le premier des problèmes,
la première des inégalités est non pas entre couples homosexuels et
hétérosexuels, mais bien entre Français qui peuvent se payer le luxe - je dis
bien « le luxe » - d'avoir des enfants et ceux qui n'en ont pas les moyens.
Quand la politique familiale du Gouvernement réclamerait d'encourager les
familles qui font des enfants, sa politique fiscale les sanctionne et les
décourage. Mettre les allocations familiales sous condition de ressources et
réduire l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED, restera une erreur,
quelles que soient vos tentatives de rattrapage.
La réalité, c'est bien sûr une société, à la fois permissive et intolérante,
qui perd ses repères, faute d'un enracinement familial fort.
A cet égard, aussi, les paradoxes ne manquent pas.
Jamais nous n'avons pu communiquer, échanger aussi facilement. Pourtant,
jamais nous n'avons été aussi seuls. Internet met à la portée de chacun un
véritable marché mondial du sexe, des cultures et des croyances, avec toutes
ses richesses, mais aussi - reconnaissons-le - avec tous ses excès et ses
perversions.
Loin de renforcer le sentiment d'appartenance, cette évolution conduit souvent
l'individu à se perdre et à rechercher de nouvelles racines dans les sectes ou
autres officines. Loin de favoriser les échanges, elle débouche souvent sur la
forme de solitude la plus triste qui soit.
C'est que jamais, sans doute, les moeurs n'ont été aussi libres. Et pourtant,
jamais nous n'avons été autant prisonniers dans nos têtes, aussi peu confiants
en l'avenir, aussi peu capables de construire un lien durable entre
individus.
Cette libération des moeurs n'a d'égale que la montée en puissance d'une
certaine forme de puritanisme et de suspicion permanente.
A contrario,
l'affirmation par les minorités d'un droit à la différence n'a d'égal que
l'exacerbation de l'intolérance, au risque de perdre de vue l'essentiel.
Lorsque Cyril Collard fait l'apologie de l'égoïsme et de l'irresponsabilité
dans son film
Les Nuits fauves,
il est cité en exemple par toute une
population. Quand l'abbé Pierre, figure populaire s'il en est, rappelle que la
meilleure des protections, c'est la fidélité dans le couple, la même «
intellocratie » parisienne le traite de ringard. Quand, enfin, on ose s'opposer
à votre projet de PACS, on est classé d'homophobe. Or rien n'est plus faux.
La réalité, c'est aussi la « déséducation » de l'enfant, qui incite à la
déresponsabilisation des parents et à l'apparition de nouveaux comportements à
risques chez les jeunes.
Affirmer les droits de l'enfant en tant que personne libre et responsable de
ses actes, comme je l'ai lu ou entendu, revient à nier les devoirs des parents,
à se substituer à eux.
C'est le rôle que l'on a voulu faire tenir aux enseignants, rôle que ceux-ci
ne veulent plus et surtout ne peuvent plus assumer. En effet, ils voient
apparaître aujourd'hui dans les classes une nouvelle génération d'adolescents
sur lesquels ils n'ont plus de prise.
Dès lors, que peut signifier le rétablissement des maisons de correction, le
couvre-feu pour les jeunes, la suppression des allocations familiales pour les
parents laxistes si, dans le même temps, ceux-ci ne sont pas placés en
situation d'assumer à nouveau leur autorité ?
La réalité, c'est aussi la fragilisation des droits du père et d'une
population masculine à la recherche de son identité.
Pour se construire, l'enfant a besoin d'un père et d'une mère.
Lorsque l'on regarde l'évolution de la loi et de la société, sans parler des
perspectives ouvertes par le progrès génétique, on constate une chose : du
modèle patriarcal, nous sommes passés à un système où la femme, seule, peut
désormais donner un sens et un projet à la famille. De là, en particulier,
l'augmentation du nombre de familles monoparentales, où l'absence du père
produit des effets négatifs sur la personnalité de l'enfant.
Cette situation peut se gérer plus ou moins bien dans les milieux favorisés,
où les échanges entre générations sont plus faciles. En revanche, nous pouvons
en mesurer les conséquences dans les quartiers difficiles.
Que signifie, en effet, l'apparition de bandes et de caïds dans les banlieues
? Que démontrent leurs coutumes, leur code d'honneur, la délimitation de leur
territoire, sinon la volonté d'affirmer une autorité qui n'existe peut-être
plus dans leur famille ?
La réalité, c'est enfin la féminisation de la société, dont nous pouvons nous
féliciter mais qui n'a pas que des conséquences positives pour la femme et pour
la famille.
Le taux d'activité des femmes a explosé depuis trente ans, sans que la
politique familiale de l'Etat évolue de concert. Les femmes ont leur premier
enfant beaucoup plus tard.
Ces changements ne sont pas sans conséquences : ce que la femme a conquis
d'égalité dans la vie publique, elle l'a perdu dans sa vie personnelle.
Aujourd'hui, la femme est confrontée à un choix qu'elle ne veut plus ou ne
peut plus faire entre sa responsabilité de mère de famille et la volonté ou la
nécessité de s'accomplir dans un métier. Or rien, dans notre société, n'est
prévu pour faciliter ce choix ou permettre de concilier ces impératifs.
Madame la ministre, au lieu de distraire l'opinion publique avec des réformes
comme la parité hommes femmes en politique, ne croyez-vous pas que c'est
d'abord dans ce domaine-là qu'il faudrait agir ?
(M. Serge Lagauche
s'exclame.)
Madame la ministre, le PACS n'est pas mauvais parce qu'il est présenté par une
majorité de gauche. De la même manière, l'opposition de droite n'est pas
archaïque parce qu'elle s'oppose à cette proposition de loi. Souffrez
simplement que, sur un sujet aussi délicat, qui touche au plus intime de la
personne, des conceptions différentes de la société s'expriment, y compris dans
votre propre camp politique.
Tout parlementaire que nous soyons, nous sommes aussi, et peut-être d'abord,
pour la plupart d'entre nous, des parents et des époux. Au fond, nous sommes
confrontés aux mêmes réalités.
Raison de plus - ne croyez-vous pas ? - pour sortir la famille de l'ornière
idéologique dans laquelle des décennies d'affrontement et d'aveuglement l'ont
placée.
La famille idéologique de droite contre le libertarisme antifamilial de
gauche, c'est la caricature, c'est dépassé. Nous le savons, mais nous n'osons
pas l'avouer.
Pourtant, ne l'oublions jamais : c'est sous le Front populaire, puis ensuite
avec le général de Gaulle et le Conseil national de la Résistance, que le
modèle de politique familiale a vu le jour ; c'est sous des gouvernements de
droite que le code civil a été infléchi pour ouvrir le droit de la famille à
d'autres modèles que celui du mariage.
M. Henri de Raincourt.
Excellent !
M. Jean-Claude Carle.
Preuve que, au-delà des affichages politiques de circonstance, rien ne compte
tant que la nécessité de prendre en compte la réalité et de mettre l'action
politique au service d'une éthique.
Il y a dans la famille une idée forte, généreuse : le don de soi et le lien
affectif partagé qui donnent un sens à notre existence.
Avec le PACS, l'idée n'est-elle pas d'abord de prendre pour soi ?
Il y a aussi dans la famille l'espérance de construire ensemble quelque chose
de durable.
Le PACS, tel que vous le proposez, n'est qu'une réponse électoraliste dans le
court terme.
Il y a enfin dans la famille cette dimension première qui donne un sens à
notre vie : l'enfant.
« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris.
« Son doux regard qui brille fait briller tous les yeux »,
Voilà ce qu'écrivait notre prédécesseur et illustre collègue Victor Hugo, nous
rappelant à cette évidence.
(Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Serge Lagauche.
C'est vraiment ringard !
M. Jean Chérioux.
Pourtant, il siégeait à gauche !
M. Jean-Claude Carle.
Oui, il siégeait là !
(L'orateur désigne la place de Mme Luc, président du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux.
Le pauvre ! S'il était présent...
M. Jean-Claude Carle.
A quoi servirait-il de légiférer, si ce n'est pour préparer à nos enfants le
meilleur avenir possible, si ce n'est pour assurer le renouvellement et la
pérennité de notre pays ?
Avec le PACS, nous ne construisons rien. Nous ne faisons qu'une politique
d'adultes au profit du plaisir personnel de quelques adultes.
Or c'est à l'avenir que nous devons penser.
Qu'au moins cette troisième et dernière lecture serve à nous sensibiliser tous
sur ce point. Qu'au moins les lois que nous votons expriment une vision, une
volonté, au lieu de se contenter d'enregistrer les mouvements de l'opinion.
Voilà pourquoi il n'est jamais trop tard pour ouvrir le débat et poser les
vraies questions.
Quel équilibre entre l'individuel et le social ? Entre le droit et le devoir ?
Entre la liberté individuelle et la responsabilité familiale ?
Quel avenir pour une France sans enfants ? Sommes-nous enfin prêts à engager
une politique nataliste digne de notre pays ?
Avoir un enfant est-il un droit ou un luxe ? Quel avenir pour des enfants sans
parents ? Alors que la science permet désormais d'identifier toute paternité et
d'affirmer la filiation, est-il souhaitable de briser ce lien pour satisfaire
une volonté individuelle ?
Comment rendre aux familles ce qu'elles apportent à la France en donnant
naissance à des enfants et en les élevant ? Comment, surtout, favoriser une
réelle solidarité entre les générations ?
Tels sont les problèmes auxquels nous devons avoir le courage de nous
attaquer. Faisons-le avant qu'ils ne nous explosent au visage ! Car, alors, le
coût social et financier pour le pays sera tel que nous ne pourrons plus y
faire face.
C'est la raison pour laquelle nous nous associerons à la question préalable
que M. le rapporteur, notre collègue Patrice Gélard, a déposée au nom de la
commission.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai
hésité avant de m'inscrire dans cette discussion générale tant il m'est arrivé
d'avoir l'impression que le dialogue, l'écoute mutuelle étaient vains et que
nous ne pouvions pas, sur le fond, réfléchir à la rédaction d'un texte sur
lequel nous avions néanmoins souhaité travailler.
Cependant, pour avoir consacré vingt-cinq ans de ma vie à recueillir les
attentes, les aspirations, parfois les souffrances de ceux qui ont choisi de
partager une vie en commun, je me suis dit que je pouvais peut-être utilement
vous livrer mon sentiment sur le texte qui nous est soumis et vous faire part
de quelques mises en garde.
Voilà tout de même un étrange texte ! Je ne me souviens pas de texte qui ait
suscité une réprobation aussi générale : de tous, de la doctrine, de toute
l'université, de tous ceux qui, au fond, connaissent les questions
matrimoniales.
Notre rapporteur, M. Patrice Gélard, nous a excellemment - je dois le dire -
présenté les nombreux aspects critiquables de cette sorte de curiosité
juridique à laquelle ont abouti les travaux de l'Assemblée nationale. Aussi, je
n'y reviendrai pas. Je me limiterai à souligner quelques questions qui méritent
mon insistance.
Je présenterai cependant deux remarques préliminaires.
La première est relative à la genèse du texte. Oui, vraiment, madame le garde
des sceaux, le Gouvernement aurait dû, sur un sujet d'une telle importance qui
touche aux valeurs fondatrices de notre société, exprimer clairement ses
valeurs en déposant un projet de loi : celui-ci aurait alors bénéficié de
l'apport technique du Conseil d'Etat, ce qui nous aurait été utile.
Il en résulte, que vous le contestiez ou que vous ne le contestiez pas, une
impression - selon certains, il s'agit d'une réalité - d'improvisation
législative qui alimente la dévalorisation de la loi, et ce dans un domaine qui
ne le permet pourtant pas. Rarement un texte aussi important pour l'avenir de
la société française aura été si peu préparé et autant déficient !
Ma deuxième remarque préliminaire est que le seul et vrai problème, à mes
yeux, qu'il convenait de résoudre a été enseveli sous un déluge médiatique et
idéologique auquel le Sénat n'a pas participé, ce qui est tout à son honneur.
Il suffisait en effet d'inverser la jurisprudence de la Cour de cassation pour
permettre l'extension des effets juridiques du concubinage aux couples
homosexuels qui le souhaitent. Seule la loi est, en effet, apte à le faire, et
elle aurait pu se limiter à cela.
Nos collègues députés, avec le soutien du Gouvernement, en ont décidé
autrement et ils nous proposent un texte ambigu - certains diront hypocrites -
dans ses principes et dangereux dans ses applications.
Le texte est ambigu, voire hypocrite dans ses principes.
La première ambiguïté, relevée excellemment par M. le rapporteur, est liée à
son imitation de l'institution du mariage.
L'habillage de la proposition de loi ne trompe personne : le PACS vise à créer
un succédané de mariage, quelles que soient les dénégations les plus
officielles.
Tant d'indices le révèlent !
La place du texte dans le code civil, comme il a été dit, confirme cette
interprétation dès lors qu'on le qualifie désormais de contrat ; introduire le
PACS dans le livre consacré aux personnes, qui contient toutes les règles
relatives au mariage, révèle bien la vraie nature du dispositif. Une simple
organisation matérielle des biens du concubin devait figurer dans le livre
troisième !
Le fait qu'un PACS soit interdit entre parents proches - ascendants,
descendants, alliés, collatéraux jusqu'au troisième degré inclus - l'apparente
au mariage, puisqu'il emprunte les principes similaires à ceux qui sont
relatifs aux empêchements au mariage : qu'il s'agisse des règles relatives à la
parenté, à l'alliance, à la bigamie, le PACS apparaît bien de même nature que
le mariage.
Le fait que le PACS fasse l'objet d'une déclaration dans un lieu « public »
constitue une formalité à caractère officiel qui ressemble également à une
parodie de mariage.
Dans les effets attachés au PACS se retrouve un autre écho des règles du
mariage, un écho matérialiste puisqu'il est précisé que les partenaires liés
par PACS s'apportent une aide « mutuelle et matérielle ».
Les biens acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont
soumis au régime de l'indivision, sauf stipulation contraire. La formule
ressemble, en plus flou, à celle de l'article 220 du code civil, si ce n'est la
référence aux dettes nées de l'éducation des enfants, qu'ignore le PACS.
Comme des époux, les partenaires du PACS se trouvent, en réalité, soumis à une
sorte de régime matrimonial qui s'apparente à la séparation de biens, alors
qu'un embryon de régime primaire les lie, du fait de la solidarité des dettes
ménagères.
Encore une fois, malgré toutes les dénégations officielles, malgré un
habillage soigneux, le PACS ressemble, singe, et donc risque d'affecter le
mariage.
La deuxième ambiguïté est la suivante : le PACS n'attirera pas les couples
hétérosexuels, car il est à l'opposé des principes de liberté qui expliquent
leur choix pour le concubinage. Les concubins choisissent en effet l'union
libre - qui porte bien son nom - pour la liberté qui préside à son instauration
comme à sa rupture et pour l'absence de toute obligation qui la caractérise.
Or le PACS repose sur une déclaration, en quelque sorte solennelle ; sa
rupture est soumise à des formalités et à des contraintes que, précisément, les
concubins ont voulu éviter. Ils ne prendront donc pas la peine de conclure un
PACS ! Cette probabilité est d'autant plus forte qu'ils bénéficient de nombreux
avantages particuliers et qu'ils peuvent librement organiser leurs relations
pécuniaires par des conventions de concubinage, à moins, madame le garde des
sceaux, que vous n'en contestiez la licéité.
C'est une question à mon avis importante car elle concerne les relations
pécuniaires qui ont été organisées volontairement par les concubins non engagés
dans un PACS et il serait intéressant d'en connaître le devenir.
En pratique, le PACS sera donc probablement réservé aux couples homosexuels
pour la consécration sociale symbolique qu'il leur offre, ce qui n'est pas sans
susciter des interrogations.
Je ne retiendrai que les interrogations juridiques, pour souligner que la
distinction entre mariage et concubinage va devoir se ramifier entre
concubinage avec PACS et concubinage sans PACS.
La création d'un nouveau statut est un facteur évident de complication,
d'incertitude juridique, voire d'injustice : que vont devenir les concubins
ordinaires, ceux qui ne veulent pas être liés par un PACS ? Ne risquent-ils pas
de voir leurs prérogatives réduites ? Je serai heureux d'entendre tout à
l'heure Mme le garde des sceaux sur cette question, car je souhaite vraiment
mesurer l'impact de ce texte sur les relations juridiques actuellement nouées
entre concubins qui n'envisagent pas de se lier au moyen d'un PACS.
Ce texte, disais-je, est ambigu dans ses principes, mais, de surcroît, il est
dangereux dans ses applications.
Plus ou moins volontairement, il peut se révéler dangeureux par ses
inconséquences, et même par ses silences.
Les inconséquences sont multiples, et je ne rappellerai que les
principales.
Le régime des relations patrimoniales entre partenaires est à l'opposé de
toute sécurité juridique.
L'indivision est précaire et peu efficace en cas de désaccord : la rupture
d'un PACS - et il s'en produira inévitablement - risque de déboucher sur
d'interminables règlements pécuniaires entre ex-partenaires ; la solidarité des
dettes nécessaires aux besoins de la vie courante est extrêmement dangereuse
pour les partenaires pendant la durée du pacte, mais également après sa
rupture, si les formalités prévues par le texte ne sont pas respectées.
Les tiers ne sont guère protégés, ce qui les incitera à ne pas vouloir
contracter avec les concubins « pacsés ».
Le PACS peut également être dangereux pour un des partenaires puisqu'il peut
prendre fin par la volonté unilatérale de l'un des deux. Le droit français va
ainsi consacrer la répudiation unilatérale, qu'il considère, par ailleurs,
comme contraire à l'ordre public. A parodie de mariage, simulacre de
divorce.
Madame le garde des sceaux, en ne prévoyant rien de solide pour garantir le
partenaire abandonné, la loi laissera écraser le faible et n'a aucune
compassion pour la détresse de celui ou de celle dont la vie est brusquement
brisée, contrairement à toute l'évolution législative que nous avons connue
depuis deux cents ans.
En cas de contestation entre les partenaires, le juge se trouvera bien démuni,
tant le législateur aura omis de l'éclairer sur la manière de régler les
conséquences pécuniaires de la rupture. Sera-t-il tenté d'emprunter une
solution relevant du droit du divorce, au risque d'accentuer davantage encore
l'apparentement du PACS au mariage ? Un éclaircissement sur ce sujet, madame le
garde des sceaux, réduirait les graves risques juridiques qu'encourent les
futurs répudiés.
La loi sur le PACS va comporter un nombre invraisemblable de lacunes et
d'obscurités dans une mesure que ne connaît aucune autre disposition
législative.
Le texte ne précise jamais ce qui a un caractère impératif ou facultatif ; ce
qui peut revêtir un caractère d'ordre public est totalement incertain. Sur les
questions essentielles qui déterminent toute l'économie et l'équilibre de cette
sorte d'institution, la loi est muette ! La jurisprudence tranchera ! Or ce
sont là des éléments qui relèvent de la compétence exclusive de la loi et,
selon moi - et je parle sous le contrôle du président Jacques Larché et du
rapporteur Patrice Gélard - le législateur ne peut à ce point déléguer ses
pouvoirs à la jurisprudence.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est exact !
M. Alain Lambert.
La loi a une compétence obligée et exclusive qui ne peut être déléguée sans
encourir, me semble-t-il, un risque d'inconstitutionnalité.
Un autre danger réside dans les multiples risques de fraude que crée le texte.
Je pense notamment aux dispositions fiscales, mes chers collègues, nous qui
entendons des leçons sur la moralité fiscale lors de chaque discussion d'un
projet de loi de finances !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah ça !
M. Alain Lambert.
Mais, au-delà des risques de fraude fiscale incontestables, je pense aussi à
l'obtention des titres de séjour. Après les mariages blancs, s'agira-t-il de
faire des PACS blancs ?
Le texte n'est pas seulement dangereux par ses inconséquences, il l'est aussi
par ses silences. Ainsi, la tenue des registres pourrait, si l'on n'y prend
garde, se transformer, un jour, en mine d'informations pour l'élaboration de
fichiers d'homosexuels, de triste mémoire.
L'autre problème concerne l'éventuelle adoption d'enfant, voire le recours à
la procréation médicalement assistée, puisque les associations homosexuelles en
revendiquent haut et fort le droit.
Mais, à propos de silence, il en est un qui est assourdissant, c'est celui qui
est fait sur l'enfant. L'enfant est le grand absent du PACS. Une loi qui veut
organiser un couple d'où l'enfant est délibérement écarté ne peut être une
bonne loi.
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. Alain Lambert.
Ambigu dans ses principes, dangereux dans ses applications : tout semble
condamner le texte sur le PACS, qui, selon certains, constitue l'exemple
typique d'une certaine dégénérescence de la technique législative.
Reste que, parmi les raisons qui ont conduit à son élaboration, figure le
tragique de certaines situations particulières qui ne peuvent laisser
indifférent le législateur, et qui n'ont d'ailleurs pas laissé indifférents les
sénateurs.
Aussi convenait-il - j'en terminerai par où j'ai commencé - de nous limiter à
résoudre le seul et vrai problème, à savoir inverser la jurisprudence de la
Cour de cassation et permettre la prise en compte des circonstances
douloureuses de la vie. Je pense notamment à la continuation du bail en cas de
décès, à l'indemnisation du concubin en cas de décès accidentel, à l'adaptation
des droits de mutation pour la résidence principale et les meubles qui la
garnissent et aux prestations sociales liées à la maladie, au décès, à la
vieillesse.
Mais la majorité de l'Assemblée nationale a préféré l'idéologie au service
humble et concret des Français.
Ce n'est pas le choix de la majorité du Sénat, ce n'est pas le mien, et c'est
pourquoi, suivant la recommandation de la commission des lois, je voterai la
question préalable.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous avons
terminé tard la nuit dernière et nous terminerons peut-être encore tard ce
soir.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
A minuit !
M. Alain Vasselle.
Certains, à cette tribune ou de leur place, ont dénoncé l'obstruction
organisée au Sénat ou à l'Assemblée nationale pour que l'on ne puisse pas
achever l'examen de ce texte avant la fin de la présente session.
Cette façon de voir les choses est quelque peu spécieuse. Je n'ai pas le
sentiment, en effet, qu'hier, en examinant le texte portant création de la CMU,
nous ayons eu ce type de comportement. C'était un texte important, qui
engageait l'avenir, qui mettait en place...
M. Serge Lagauche.
Maintenant, on en est au PACS ! On ne va pas recommencer !
M. Alain Vasselle.
Peut-être, mais vous avez été les premiers, en début d'après-midi, à reprocher
à la majorité sénatoriale d'avoir eu cette attitude !
M. Serge Lagauche.
Roulez ! Roulez !
M. Alain Vasselle.
Ce reproche était totalement infondé. Hier, le Sénat a, selon son habitude,
fait du bon travail. Pour le plus grand bien de notre pays, de la nation, des
Françaises et des Français, il fait un travail en profondeur sur chacun des
textes qui lui sont soumis, et en l'occurrence le PACS.
Je tiens d'ailleurs à saluer le travail remarquable du rapporteur, M. Patrice
Gélard, de l'ensemble des membres de la commission des lois et, bien sûr, de M.
le président Jacques Larché.
Il est normal que nous prenions notre temps. Les Français ne comprendraient
pas que, sur un sujet de société aussi important, nous bâclions le travail, que
nous considérions que, au fond, c'est un texte parmi d'autres, qui a surtout un
effet d'affichage, alors que ses conséquences seront particulièrement
désastreuses, comme nombre d'orateurs beaucoup plus éminents et bien plus
avertis que moi sur ce sujet, et notamment M. le rapporteur, l'ont fait
valoir.
Il était naturel que nous essayions de corriger les erreurs du monstre
juridique qui nous était proposé et les conséquences désastreuses qui
pourraient en résulter pour la famille.
Comme l'avait rappelé notre excellent rapporteur : « Le texte adopté affirmait
ainsi dans le code civil le principe de la liberté de la vie personnelle de
chacun, définissait le mariage comme une institution hétérosexuelle,
reconnaissait légalement le concubinage hétérosexuel ou homosexuel en tant
qu'union de fait et comportait un ensemble de mesures fiscales et successorales
favorisant le lien social et la liberté de tester. »
Pratiquement tout était dit, et le PACS devenait
ipso facto
inutile.
La majorité de l'Assemblée nationale a toutefois persisté dans son erreur en
rétablissant le PACS et en insérant, en outre, dans le projet une définition du
concubinage.
Le PACS ne va pas dans le sens de l'histoire et il ne participe pas davantage
au progrès du droit. Il représente non pas un progrès de la liberté, mais bien
plutôt un recul de celle-ci. La nouvelle construction du couple proposée par le
Gouvernement, c'est-à-dire concubinage, PACS et mariage, cette fusée à trois
têtes, pour reprendre l'expression de Mme Dekeuwer-Defossez, est un ensemble
qui manque véritablement de rationnalité.
Le projet introduit une inutile complexité entre les différents statuts du
couple en instaurant entre le concubinage et le mariage un nouvel état hybride
qui aboutit à gommer les différences, à estomper les contours et à brouiller
les repères.
Certes, il fallait améliorer le système, mettre en place certains ajustements
fiscaux, financiers, contractuels, patrimoniaux et successoraux. Notre collègue
M. Marini a très justement développé, en sa qualité de rapporteur de la
commission des finances, cet aspect du PACS. Ces ajustement, le Sénat les a
proposés, mais le texte qui nous est aujourd'hui soumis n'en a pas suffisamment
tenu compte.
M. le président.
Trop brièvement !
M. Alain Vasselle.
Trop brièvement à votre goût, monsieur le président, mais aussi à celui des
membres de la Haute Assemblée !
Le PACS est dangereux, car il ne remplit pas les conditions du préambule de la
Construction de 1946. En effet, le dixième alinéa du préambule impose à la
nation d'assurer à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur
développement. C'est à ce principe qu'il est porté atteinte aujourd'hui.
Si le souci légitime de trouver des solutions aux difficultés rencontrées par
des individus non mariés et le respect de la liberté des personnes constituent
une préoccupation à ne pas négliger, ils ne justifient pas une mise en cause de
l'institution du mariage, fondement juridique de la famille.
Si l'Etat est amené à valoriser et à institutionnaliser les couples mariés,
c'est uniquement parce que le couple est potentiellement créateur d'enfants.
A ce propos, Ernest Renan soulignait : « Aucune civilisation n'a été bâtie par
des personnes seules nées de parents inconnus et mortes célibataires. »
L'enfant - notre collègue Alain Lambert, qui m'a précédé à cette tribune, y a
fait référence de manière tout à fait pertinente et juste - est effectivement
le grand oublié de votre texte, madame le ministre, et les silences sur la
procréation médicalement assistée et l'adoption ne nous garantissent pas contre
les conséquences inquiétantes que la PACS comporte concernant la parentalité
des couples homosexuels, comme l'a également fait valoir très justement M.
Lambert.
D'ailleurs, puisque je parle de procréation médicalement assistée, je rappelle
qu'il était prévu dans le texte même des projets sur la bioéthique, dont notre
collègue Jean Chérioux avait été le rapporteur, que le débat serait rouvert
cinq ans plus tard, soit au plus tard en 1998. Or, nous sommes en 1999 et aucun
texte n'a encore été déposé.
M. Jean Chérioux.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle.
Je vous en prie, mon cher collègue.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Chérioux.
Monsieur Vasselle, puisque vous avez bien voulu, évoquant le PACS, rappeler
que j'avais été le rapporteur des textes sur la bioéthique, je tiens à préciser
que, dans ces textes, le recours à la procréation médicalement assistée n'était
ouvert qu'aux couples qui avaient un projet parental.
M. Alain Vasselle.
Exactement !
M. Jean Chérioux.
On ne voit pas très bien comment on pourrait aller à l'encontre de cette
disposition.
Toutefois, vous venez de le dire, les lois sur la bioéthique vont être revues,
puisqu'elles avaient été votées pour cinq ans, et il est à craindre que, après
l'adoption du projet sur le PACS, certains ne prennent des initiatives, que le
Gouvernement ne soit alors incapable de contenir sa majorité plurielle, qu'il
ne se laisse forcer la main, comme il se l'est laissé forcer dans cette
affaire, puisque, on l'a dit, c'est bien d'une proposition de loi que nous
débattons aujourd'hui.
La référence aux lois sur la bioéthique était donc bienvenue, car elle montre
bien le risque que représente aujourd'hui l'adoption de ce texte.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle.
C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai permis à mon collègue Jean Chérioux de
m'interrompre pour s'exprimer sur ce sujet de la bioéthique.
Le danger est réel. J'espère que, dans votre réponse, madame le garde des
sceaux, vous pourrez apporter toutes assurances quant à l'attitude
qu'adopterait le Gouvernement face à quelques initiatives parlementaires qui ne
respecteraient ni l'esprit ni la lettre des dispositions que nous avons
retenues dans les lois sur la bioéthique.
En refusant d'attendre la fin des travaux du groupe de travail chargé, à la
Chancellerie, de proposer une réforme générale du droit de la famille, vous
mettez en péril, par votre précipitation, les fondements mêmes de notre société
en créant un supermarché de la famille ! J'ajoute qu'un travail préalable plus
approfondi aurait évité un parcours parlementaire aussi chaotique.
Avec le PACS, nous avons la certitude, aujourd'hui, que la famille n'est pas
la priorité du Gouvernement.
Cellule de base de notre société, la famille demeure le niveau le plus
épanouissant et le plus structurant pour le développement de l'enfant. Car
c'est bien l'enfant qui devrait être placé au coeur de nos préoccupations !
Depuis 1981, on a pu mesurer l'absence de politique familiale qui
caractérisait les gouvernements de gauche.
Mais avec le PACS, vous comptez peut-être vous singulariser et entrer dans
l'histoire. En effet, d'une absence de politique familiale, nous passons à une
politique de destruction de la famille.
M. Guy Allouche.
Rien que ça !
M. Alain Vasselle.
On a bien vu, au travers des propos tenus tant par Mme Aubry, dans la
discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que par M.
Kouchner, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur la famille, que
l'approche du Gouvernement était essentiellement comptable et idéologique, et
que les familles nombreuses étaient complètement absentes de ses
préoccupations.
Le PACS vient conforter ce sentiment qu'ont fait naître chez nous les
déclarations sur la politique familiale réitérées de plusieurs membres du
Gouvernement et de représentants de la majorité plurielle.
Les étapes de la stratégie adoptée par le Gouvernement et les membres de la
majorité plurielle sont tout à fait éclairantes.
Je rappellerai l'ensemble des mesures qui ont été prises pour démontrer la
nature des préoccupations du Gouvernement à l'égard de la famille, car il
m'apparaît important de le faire au moment où nous discutons du PACS.
D'abord, en juin 1997, il a été décidé de mettre les allocations familiales
sous condition de ressources. La décision a été prise, je le rappelle, sans la
moindre concertation avec les partenaires sociaux ou le mouvement familial.
Elle a remis en cause l'universalité des allocations familiales, principe
essentiel de la politique familiale de la France, qui fait de nous un pays
exemplaire aux yeux de nos partenaires européens.
Même le président Mitterrand, qui avait eu l'idée de toucher à l'universalité
en 1981, y avait renoncé très rapidement et aucun gouvernement, sous sa
présidence, n'avait pris une initiative de cette nature.
Il a fallu que M. Jospin devienne Premier ministre pour que, dès sa prise de
fonction, dans sa déclaration de politique générale, il annonce la couleur,
alors qu'il n'y avait jamais fait allusion au cours de la campagne électorale
pour les élections législatives. Cela montre bien le peu de considération de ce
gouvernement à l'égard de la famille.
Cette mesure à courte vue, dont la seule finalité était le souci de réaliser
des économies, ne répondait même pas aux fins de solidarité et de justice qui
la justifient selon le Gouvernement. En effet, les économies ainsi faites n'ont
même pas profité aux familles les plus déshéritées, celles dont on se faisait
le chantre et auxquelles on voulait apporter un concours plus important,
considérant qu'elles n'étaient pas suffisamment aidées alors que les familles
dites plus aisées et riches récoltaient les fruits de la politique familiale
qui avait été mise en place précédemment.
En définitive, le Gouvernement est revenu sur le choix politique socialement
dangereux qui avait été retenu. Cet aller et retour est symptomatique d'une
politique en trompe-l'oeil, complètement incohérente.
Hélas ! le Gouvernement a persévéré dans l'erreur. Présentée comme la
compensation indispensable du rétablissement de l'universalité des allocations
familiales, la diminution du plafond du quotient familial a entraîné une
augmentation d'impôt pour 650 000 familles et a constitué un nouveau recul dans
la politique familiale.
Brochant sur le tout, le Gouvernement n'en est pas resté là, bien entendu ; en
effet, la diminution de moitié de l'AGED, mise en oeuvre par le Gouvernement en
1997, constitue une régression pour les femmes qui travaillent et favorise le
développement du travail au noir ! C'est la conséquence de cette disposition ;
malheureusement, nous sommes appelés à le constater aujourd'hui.
Au lendemain de la révision constitutionnelle qui « tendrait à garantir »
l'égalité entre homme et femme, il est surprenant que le Gouvernement s'en
prenne à un système généreux qui favorise l'activité professionnelle des femmes
et permet à ces dernières d'accéder à des fonctions de responsabilité.
Les effets induits de la proposition de loi relative au PACS sur la politique
familiale n'ont pas été davantage mesurés. Je m'en étais inquiété au moment de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale au sein de la
commission des affaires sociales.
Quel sera le coût financier de ce dispositif pour l'ensemble des contribuables
?
Ainsi, avec cette proposition de loi, le Gouvernement confirme une politique
familiale en trompe-l'oeil qui consiste essentiellement à reprendre d'une main
ce qu'il donne de l'autre. Ce texte, en fagilisant l'institution familiale,
fragilise notre pays.
En définitive, pourquoi s'en étonner ? En effet, l'oeuvre destructrice de ce
gouvernement est engagée depuis 1997 sous des apparences trompeuses dont
l'effet séducteur, en première approche, tombera dans quelque temps, quand les
Françaises et les Français en prendront conscience. Espérons qu'il ne sera pas
trop tard pour notre pays, car les mesures nécessaires qu'imposera la situation
seront plus douloureuses que celles qu'il a fallu mettre en oeuvre en 1986 et
en 1993 !
Le Gouvernement n'avait-il pas mieux à faire que de légiférer sur des
questions de société dont sa vision est largement communautariste ? Il conçoit
la société comme une juxtaposition de communautés. D'ailleurs, la proposition
de loi se réfère expressément, dès ses premières lignes, à la notion de
communautés. Le Gouvernement n'avait-il pas mieux à faire, donc, que de
légiférer sur des questions de société alors que le chômage n'est pas enrayé
structurellement, que nos jeunes manquent de repères pour leur avenir et que
l'insécurité subsiste dans nombre de quartiers sensibles ?
Je citerai également, parce que cela a été mal vécu par les élus et a fait
l'objet d'un débat au sein de notre Haute Assemblée, à l'occasion non seulement
d'une question orale avec débat mais également lors de l'examen d'un amendement
déposé sur mon initiative au projet de loi sur la présomption d'innocence - la
question de la responsabilité pénale des maires.
Ne pensez-vous pas vraiment, mes chers collègues, que le Gouvernement et le
Parlement avaient mieux à faire que de légiférer sur le PACS, alors que tant de
problèmes essentiels pour notre société, tels que l'emploi, l'insécurité, la
politique de la famille, les questions de juridictions et responsabilité pénale
des maires sont en suspens ? Peut-être seront-ils traités, du moins
espérons-le, au cours de la prochaine session, voire en l'an 2001...
Que de temps perdu, alors que tant de problèmes fondamentaux et structurels de
notre société ne sont pas réglés ! Et le Gouvernement prend notre temps pour
examiner des textes qui, à mon avis, ne sont pas de première importance et
pouvaient attendre.
Cette proposition de loi, source d'insécurité juridique, est un bel exemple de
contre-productivité législative !
Le PACS, qui est un contrat spécial, comporte, d'autres l'ont dit avant moi,
de graves insuffisances techniques. Le rapport adopté par le Conseil national
des barreaux lors de son assemblée plénière du 12 juin 1999 en fait d'ailleurs
état.
Je vous en cite quelques-unes : « Les empêchements pour parenté ou alliance,
ainsi que l'exigence d'enregistrement du PACS sont stipulés à peine de nullité.
Malheureusement, le texte ne prévoit aucun régime de la nullité. S'agit-il
d'une nullité relative ou absolue et, par conséquent, qui pourra agir et selon
quel délai de prescription ? »
En ce qui concerne les nullités pour vice du consentement, toujours d'après le
rapport, dès lors que le PACS est défini comme un contrat, « on peut penser
qu'il pourra être annulé pour erreur, violence ou dol. On risque de voir se
développer un contentieux du "je t'aime moi non plus" où seront invoquées "les
manoeuvres" sans lesquelles l'autre n'aurait pas contracté. La banalisation
d'un contentieux sur la nullité serait de nature à renforcer de façon
inquiétante l'insécurité juridique des couples concernés. »
Les insuffisances techniques concernent également le statut des biens.
En matière de régime patrimonial, les conséquences du choix entre les
partenaires de l'indivision n'ont pas été toutes mesurées. Devra-t-on appliquer
la règle selon laquelle nul n'est tenu de rester dans l'indivision ? Et, là
encore, je me fais l'écho des juristes sur ce point : « S'agira-t-il d'une
indivision conventionnelle au sens des articles 1873-1 et suivants du code
civil ? Dans ce cas, il est nécessaire, à peine de nullité, qu'une telle
convention résulte d'un acte écrit. Serons-nous en présence d'un nouveau type
d'indivision légale qui durera obligatoirement aussi longtemps que le PACS ?
»
Concernant le partage des biens, en cas de désaccord, et avec stipulation
spécifique, aucune précision ne permet de savoir comment le juge statuera. Le
mariage, envisageant le risque de la rupture, permet de révoquer les
libéralités que les conjoints se sont consenties. Les libéralités que les
partenaires d'un PACS se consentiront seront, en l'état actuel du texte,
irrévocables. Dès lors que la fiscalité prévue favorise de telles libéralités,
ne risque-t-on pas d'être confronté, à l'occasion de la rupture, à des
situations d'injustice ?
Ce texte, on le voit, manque singulièrement de clarté. D'ailleurs, s'agissant
de la rupture, des incertitudes demeurent. Le juge pourrait être saisi du
conflit qui peut naître des conséquences de la rupture. Mais, là encore, on
peut être préoccupé par le fait de savoir sur quel fondement juridique le juge
va statuer et quelles mesures il prendra. C'est, il faut l'avouer, mes chers
collègues, le flou artistique qui prime dans ce texte !
Sera-t-il accordé des dommages et intérêts sur le fondement de la faute
quasi-délictuelle ou de la faute contractuelle ? Peut-on envisager une
compensation à la disparité créée par la séparation ? Les condamnations
seront-elles fondées sur la persistance du devoir d'aide matérielle ? Voilà
autant de questions que nous nous posons et auxquelles il n'est apporté aucune
réponse.
C'est la raison pour laquelle les propositions qui ont été faites par notre
collègue M. Gélard et par la commission des lois nous paraissent des plus
pertinentes.
Ces insuffisances techniques soulignées par un grand nombre de juristes
doivent nous conduire sans aucun doute à repousser ce texte. Nous ne pouvons
quand même pas terminer cette session sans rejeter ce texte qui m'apparaît,
excusez-moi de le dire, inepte.
Telles sont les raisons pour lesquelles, à l'instar de l'ensemble de mes
collègues de la majorité sénatoriale qui se sont exprimés avant moi, je vous
engage, mes chers collègues, à adopter la question préalable. Je ne doute pas
que le résultat sera à la hauteur de nos espérances ; et nos espérances au
Sénat, il faut que vous le sachiez, madame le garde des sceaux,...
M. Claude Estier.
... n'iront pas loin !
M. Alain Vasselle.
... ce sont celles d'une grande majorité de Françaises et de Français.
Monsieur Estier, si vous pensez qu'elles n'iront pas loin, organisez un
référendum, et vous verrez le résultat !
M. Guy Allouche.
Vous pouvez l'organiser puisque c'est le président de la République qui en a
le pouvoir !
M. Robert Bret.
Demandez à Chirac de l'organiser !
M. Alain Vasselle.
C'est la raison pour laquelle vous avez choisi la voie législative pour passer
en force.
Un jour, vous verrez quelles seront les conséquences de vos initiatives et
quel sera le retour de bâton.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)