Séance du 7 octobre 1999







M. le président. « Art. 47. - L'article 22 de la présente loi s'applique aux contrats en cours liant Electricité de France ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, d'une part, et les clients éligibles, d'autre part, dès la date à laquelle ces derniers deviennent éligibles. A compter de cette même date et sur une période de deux ans, ces contrats peuvent être dénoncés par les clients éligibles moyennant un préavis de trois mois et par Electricité de France moyennant un préavis de douze mois.
« Les contrats qui n'ont pas été dénoncés sont révisés, à la diligence des parties, pour les mettre en conformité avec la présente loi.
« Les dénonciations ou révisions dans le cadre défini par le présent article peuvent donner lieu à indemnité à la charge de l'une ou l'autre partie. »
Par amendement n° 196, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Lorsqu'un client éligible exerce, pour un site donné tel que défini à l'article 22 de la présente loi, les droits accordés au III de ce même article, les contrats en cours concernant la fourniture de ce site par EDF ou les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont résiliés de plein droit. »
La parole est à M. le rapporteur. M. Henri Revol, rapporteur. Le texte transmis est contraire à l'esprit de la directive. Il institue un double droit de dénonciation, en faveur aussi bien d'EDF ou des distributeurs non nationalisés que de leurs clients, mettant ainsi sur un pied d'égalité des entités placées dans des situations profondément différentes.
La faculté donnée aux clients de dénoncer les contrats en cours n'est que le corollaire de l'ouverture du marché. En revanche, l'octroi du même droit à EDF est de nature à créer une grave insécurité juridique, voire à susciter un comportement d'abus de position dominante de sa part, car il n'existe pas de symétrie entre la situation d'un producteur quasiment monopolistique et celle de son client. Rien n'interdirait à EDF de résilier certains contrats en cours avec des clients qui choisiraient d'en passer d'autres avec de nouveaux fournisseurs. EDF détiendrait, par conséquent, une « arme absolue » dans ses négociations avec les clients éligibles.
En outre, le versement, prévu au dernier alinéa, d'une indemnité par le client qui aurait eu l'initiative de la dénonciation contrevient à la directive, car il suppose que ces clients doivent « acheter » leur liberté à l'opérateur historique, alors même que celle-ci leur a été donnée, à compter de février 1999, par la norme communautaire.
Il faut trouver un équilibre entre la nécessité de libéraliser le marché et la prise en compte des intérêts financiers d'EDF.
Actuellement, l'opérateur public est lié à ses clients industriels par des contrats de fourniture de trois à six ans dont le tarif est calculé sur la base d'une consommation moyenne annuelle qui tient compte des « pics » et des « creux » de consommation. Cependant, les clients d'EDF n'achètent pas une « quantité » d'énergie fixée a priori qu'ils paieront qu'ils la consomment ou non. Ils souscrivent, comme les particuliers, un contrat qui leur ouvre le droit de consommer à un tarif donné, sans qu'ils subissent de pénalités s'ils ne consomment rien. Dès lors, le risque existe de voir les clients souscrire, pour un site éligible, un contrat chez un fournisseur autre qu'EDF, tout en conservant leur contrat en cours, dont le tarif est calculé en fonction d'une moyenne annuelle prévue en régime de monopole et, par conséquent, d'une consommation certaine puisque avant la libéralisation, le fournisseur était unique et la consommation était estimée de façon précise à l'avance.
Il serait donc possible, en pratique, qu'à certaines périodes de l'année l'opérateur historique soit obligé de se tenir prêt à honorer les contrats en cours en mettant à disposition de ses clients la puissance nécessaire, c'est-à-dire en mobiliisant un certain nombre de centrales, sans que lesdits clients soient tenus de la consommer, se fournissant auprès d'autres producteurs. Il en résulterait un gaspillage qui se doublerait d'un manque à gagner pour l'opérateur historique. En effet, alors qu'EDF subirait la charge de la fourniture en garantissant le service, ses concurrents proposeraient ponctuellement des offres plus avantageuses.
C'est pourquoi l'amendement n° 196 prévoit que lorsqu'un client fait jouer son droit à l'éligibilité pour un site, les contrats en cours concernant ce site sont résiliés de plein droit.
Cela permet d'éviter qu'un client ne bénéficie simultanément des avantages de l'ancien et du nouveau systèmes. Ce régime s'applique site par site : un client peut ne choisir de faire jouer son droit à l'éligibilité que pour un seul site. Dès lors qu'un site entre dans le nouveau régime, il ne bénéficie plus des dispositions des contrats établis compte tenu du contexte de monopole. Ceux-ci sont résiliés de plein droit.
On évite ainsi, en premier lieu, l'institution d'un système complexe de préavis et de délais dans lequel s'exerce le droit de dénonciation ; le « basculement » de l'ancien au nouveau système intervenant à une date certaine, choisie par le client.
La sécurité juridique est, en deuxième lieu, renforcée : dès lors qu'il n'y a plus de dénonciation par une partie, mais résiliation de plein droit, aucune indemnité ne doit être versée ni à l'un ni à l'autre des cocontractants.
Enfin, EDF ne dispose plus du droit de résilier unilatéralement les contrats. Nul ne peut, par conséquent, la suspecter d'utiliser une forme de « représailles » par ce biais. Les contrats signés avant l'entrée en vigueur de la loi continuent, quant à eux, de s'exécuter dans les conditions fixées initialement. Soulignons, enfin - ce qui est capital - que lorsque le client choisit de faire usage de son droit à l'éligibilité, rien n'interdit à l'opérateur historique de lui proposer un nouveau contrat, au même titre que tout autre producteur. Cependant, ce contrat sera élaboré compte tenu des conditions prévalant sur le marché de l'électricité, et non plus en fonction de celles d'un système de monopole.
Monsieur le président, pardonnez-moi de ne pas avoir totalement répondu à votre souhait de concision, mais il s'agit d'une disposition extrêmement importante et nous souhaitons modifier le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je suis d'accord avec M. le rapporteur et donc favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 196, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 47 est ainsi rédigé.

Article 48