Séance du 26 octobre 1999







M. le président. La parole est à M. Plasait, auteur de la question n° 577, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bernard Plasait. Monsieur le ministre, ma question concerne les événements qui se sont produits dans le VIe arrondissement de Paris à l'occasion des fêtes du 14 juillet.
En effet, comme chaque année, il était prévu, pour les soirées des 13 et 14 juillet, un bal dans la cour de la caserne des sapeurs-pompiers de la rue du Vieux-Colombier, bal traditionnel, annoncé par la presse, et qui se déroule sous surveillance constante, les entrées étant filtrées.
Aucune autre manifestation festive n'était apparemment prévue ni portée à la connaissance du maire du VIe arrondissement, encore moins des habitants. Or un bal a été organisé sur la place Saint-Sulpice, avec l'autorisation de la préfecture de police, pour les deux soirées des 13 et 14 juillet, de vingt-deux heures à quatre heures du matin.
Le commissariat principal du VIe arrondissement en a été avisé à la dernière minute, et la mairie d'arrondissement, qui, je le souligne, est implantée dans le même bâtiment, n'en a jamais été informée.
Organisé par la coordination des étudiants communistes, ce bal était, en réalité, une manifestation de propagande politique, pour laquelle les organisateurs avaient planté alternativement des drapeaux tricolores et des drapeaux rouges, ce qui, en la circonstance, me paraît choquant.
Mais ce bal était aussi une opération commerciale. Deux tentes avaient été dressées, l'une destinée aux frites et aux merguez, et l'autre aux boissons. Dans cette dernière, étaient distribués, sans licence, non seulement de la bière, mais aussi du punch, de la vodka, du rhum pur et du whisky, tout cela sans restriction aucune, et à des prix « cassés » : 20 francs le verre de whisky ou de vodka. Or, les consommateurs étaient principalement des mineurs, et même de jeunes adolescents.
Pendant toute la première soirée, des pétards ont éclaté dans la foule, dont, après deux heures du matin, certains de très forte intensité.
Dans la nuit, des jeunes ont franchi les grilles de l'église Saint-Sulpice et sont montés très haut dans l'énorme échafaudage qui couvre la tour nord, pour y chahuter. A aucun moment la police n'est intervenue. Il semble qu'elle avait reçu l'ordre général de ne pas intervenir.
Au petit matin, d'autres incidents ont émaillé la dispersion de ces jeunes, censés célébrer la fête nationale. Des jeunes ont tagué en rouge un certain nombre d'immeubles aux alentours du métro Saint-Sulpice et essayé de forcer les serrures de plusieurs commerces.
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez, d'une part, les raisons pour lesquelles aucune sanction n'a été prise contre les infractions à la législation relative à la distribution de boissons alcoolisées sur la voie publique - en l'espèce, l'absence de licence et la vente à des mineurs - et, d'autre part, s'il vous paraît normal de ne communiquer aucune information aux élus de la capitale, a fortiori au maire du VIe arrondissement, sur la tenue d'un bal susceptible de donner lieu à tant de débordements.
Ce bal n'ayant aucun lien avec le VIe arrondissement, je vous rappelle, monsieur le ministre, la promesse faite, il y a quelques années, par le président du groupe communiste au Conseil de Paris, de lui trouver une autre localisation.
Je vous saurais gré de bien vouloir confirmer que cette manifestation ne sera pas autorisée en juillet 2000 et que, dès à présent, les démarches constantes du maire de l'arrondissement seront prises en considération.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, il est bon que la célébration de la fête nationale réconcilie tous les Français, quelle que soit leur tendance.
Il est vrai qu'un bal se déroule à la caserne des pompiers de la rue du Vieux-Colombier, où, comme vous l'avez vous-même observé, les entrées sont filtrées. Il n'est cependant pas choquant que d'autres manifestations puissent être organisées par ailleurs. Vous pointez particulièrement celle que l'Union des étudiants communistes, le VIe arrondissement symbolisant la vie universitaire, organise depuis de très nombreuses années déjà, les 13 et 14 juillet, sur la place Saint-Sulpice.
Les organisateurs de cette manifestation ont d'ailleurs de nouveau présenté, en 1999, une demande tendant à l'organisation sur ce site de leur traditionnel bal du 14 juillet.
Je ne sais pas s'il s'agit d'une manifestation politique. Il est vrai qu'il y a des drapeaux rouges - cela date de 1936 - mais à mes yeux, l'essentiel est qu'il y ait aussi des drapeaux français.
M. le président. Ils ne sont pas à l'intérieur de l'église au moins ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je ferai observer, en outre, monsieur le président, puisque vous m'en donnez l'occasion, qu'il est très rare que les étudiants communistes se rendent à l'église Saint-Sulpice. (Sourires.) Je ne sais pas si la grâce a pu les illuminer à cette occasion, comme en d'autres temps elle l'a fait pour Paul Claudel. Il est vrai que c'était à la cathédrale de Paris, à Notre-Dame. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il vous faudrait avoir la foi plus assurée, monsieur le sénateur, et que vous devriez penser qu'une telle manifestation a pu occasionner quelques bienfaits !
Je passe sur les pétards devant l'hôtel Récamier.
Il me semble, par ailleurs, que la mairie de Paris, consultée sur ces projets, avait donné son accord, le 8 juillet 1999, au déroulement de ces manifestations. C'est la raison pour laquelle, entre autres, la tenue de ces bals avait été autorisée.
L'organisateur, il est vrai, n'avait pas sollicité d'autorisations spécifiques relatives à la vente de boissons alcoolisées ou de produits de restauration rapide. J'observe toutefois que les surveillances effectuées par les services de police n'ont pas permis de constater d'incidents dans le quartier. C'est du moins ce qui résulte de la lecture des rapports.
Il est vrai que la multiplicité des animations organisées à l'occasion de la fête nationale dans le VIe arrondissement et le souci de conserver l'aspect festif de notre fête nationale n'avaient peut-être pas permis aux fonctionnaires de police d'exercer des contrôles systématiques de police administrative pour chaque manifestation.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que la préfecture de police ne manquera pas de porter une attention particulière à l'éventuelle demande qui pourrait lui être présentée l'année prochaine par les organisateurs de ce bal et aux conditions d'organisation.
Je me permets de vous suggérer une concertation qui serait utile, entre vous-même et le président du groupe communiste à l'Hôtel de ville. A moins que vous considériez qu'il est préférable de détourner l'attention des mésententes au sein de la majorité municipale ! (Sourires.)
M. Bernard Plasait. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Je goûte votre humour, monsieur le ministe !
Vous avez raison de dire que le 14 juillet est l'occasion de réconcilier les Français. Mais je ne crois pas que le maire du VIe arrondissement sera satisfait de votre réponse.
S'il a attiré votre attention sur ce sujet par mon intermédiaire, c'est qu'il a constaté de nombreux débordements qui, loin de réconcilier les Français à l'occasion du 14 juillet, risquent, au contraire, de créer des crispations et des oppositions dont on pourrait parfaitement faire l'économie.
Je m'adresserai au président actuel du groupe communiste au Conseil de Paris pour lui demander de bien vouloir respecter la parole donnée par son prédécesseur. Je transmettrai par ailleurs votre réponse, monsieur le ministre, au maire du VIe arrondissement, qui est très attaché à la qualité de la vie dans son arrondissement.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendront à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures sous la présidence de M. Guy Allouche.)