Séance du 4 novembre 1999
M. le président. « Art. 2. _ I. _ Les cinq derniers alinéas de l'article L. 212-5 du code du travail deviennent les premier à cinquième alinéas de l'article L. 212-7-1 inséré après l'article L. 212-7.
« Au premier alinéa de l'article L. 212-7-1 du même code, les mots : "Toutefois, la" sont remplacés par le mot : "La".
« Au 2° de l'article L. 212-7-1 du même code, après les mots : "accord collectif étendu", sont insérés les mots : "ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement".
« Au cinquième alinéa de l'article L. 212-7-1 du même code, les mots : "du présent article et des articles" sont remplacés par les mots : "des articles L. 212-5," et les mots : "trente-neuf" par les mots : "trente-cinq".
« II. _ L'article L. 212-5 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-5 . _ Dans les établissements et professions assujettis à la réglementation de la durée du travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée considérée comme équivalente sont régies par les dispositions suivantes :
« I. _ Chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées dans les entreprises où la durée collective de travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'article L. 212-1, ou à la durée considérée comme équivalente, donne lieu à une bonification de 25 %.
« Dans les autres entreprises, chacune de ces quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une bonification de 15 % et à une contribution de 10 %.
« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les modalités de la bonification qui peut donner lieu soit à l'attribution d'un repos, pris selon les modalités définies à l'article L. 212-5-1, soit au versement d'une majoration de salaire équivalente. A défaut de convention ou d'accord, la bonification est attribuée sous forme de repos.
« La contribution due par l'employeur est assise sur le salaire et l'ensemble des éléments complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni.
« La contribution est recouvrée selon les règles et garanties définies à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la contribution sociale sur les revenus d'activité.
« La contribution n'est pas due pour chacune des quatre premières heures supplémentaires lorsque le paiement d'une heure ainsi que sa bonification sont remplacés par 125 % de repos compensateur.
« II. _ Chacune des quatre heures supplémentaires effectuées au-delà de la quatrième donne lieu à une majoration de salaire de 25 %, et les heures suivantes, à une majoration de 50 %.
« III. _ Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut, sans préjudice des dispositions de l'article L. 212-5-1, prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues au II ci-dessus, par un repos compensateur équivalent.
« Dans les entreprises non assujetties à l'obligation visée par l'article L. 132-27, ce remplacement est subordonné, en l'absence de convention ou d'accord collectif étendu, à l'absence d'opposition, lorsqu'ils existent, du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.
« La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel mentionné aux deux alinéas précédents peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur à l'entreprise.
« Ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 les heures supplémentaires donnant lieu à un repos équivalent à leur paiement et aux bonifications ou majorations y afférentes.
« Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile qui débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures. Toutefois, un accord d'entreprise peut prévoir que la semaine civile débute le dimanche à 0 heure et se termine le samedi à 24 heures. »
« III. _ Le produit de la contribution prévue au I de l'article L. 212-5 du code du travail et au I de l'article 992-2 du code rural est versé au fonds créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 (n° du ) assurant la compensation de l'allégement des cotisations sociales défini par l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale aux régimes concernés par cet allégement.
« IV. _ Les heures supplémentaires effectuées au-delà de trente-neuf heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente dans les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002 donnent lieu, jusqu'à cette date, à une majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes et sont soumises aux dispositions du III de l'article L. 212-5 du code du travail.
« V. _ Pendant l'année 2000 pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2000 et pendant l'année 2002 pour les autres entreprises, chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées donne lieu :
« _ dans les entreprises où la durée collective de travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'article L. 212-1 du code du travail ou à la durée considérée comme équivalente, à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 du même code au taux de 10 % ;
« _ dans les autres entreprises, à la contribution mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 212-5 du même code au taux de 10 %.
« VI. _ L'article L. 212-5-1 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° A. Le deuxième alinéa est supprimé ;
« 1° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée :
« Le repos peut être pris selon deux formules, la journée entière ou la demi-journée, à la convenance du salarié, en dehors d'une période définie par voie réglementaire. » ;
« 2° La deuxième phrase du quatrième alinéa est supprimée ;
« 3° Au cinquième alinéa, après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut fixer un délai supérieur, dans la limite de six mois. »
« VII. _ L'article L. 212-6 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ce contingent est réduit lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans les conditions prévues par une convention ou un accord collectif définis à l'article L. 212-8. Toutefois, cette réduction n'est pas applicable lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit une variation de la durée hebdomadaire de travail dans les limites de trente et une et trente-neuf heures ou un nombre d'heures au-delà de la durée légale hebdomadaire inférieur ou égal à soixante-dix heures par an. » ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 212-5-1, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. » ;
« 3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa et du contingent mentionné au deuxième alinéa, sont prises en compte les heures effectuées au-delà de trente-cinq heures par semaine. »
« VIII. _ Le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé à trente-sept heures pour l'année 2000 et à trente-six heures pour l'année 2001. Lorsque l'entreprise fait application d'une convention ou d'un accord mentionné à l'article L. 212-8 du même code, ce seuil est fixé respectivement pour les années 2000 et 2001 à 1 690 et 1 645 heures. Pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002, ces seuils sont applicables respectivement en 2002 et en 2003. »
« IX. _ A la première phrase de l'article L. 212-2 du code du travail, le mot : "précédent" est remplacé par la référence : "L. 212-1".
« Au deuxième alinéa de l'article L. 620-2 du même code, la référence à l'article L. 212-5 est remplacée par celle à l'article L. 212-7-1 et les mots : "le programme indicatif de la modulation mentionnée au 4° de l'article L. 212-8-4" sont remplacés par les mots : "le programme de la modulation mentionné au septième alinéa de l'article L. 212-8". »
Sur cet article, je suis saisi de quinze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 50 est déposé par M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous tendent à supprimer l'article 2.
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 95 a pour objet de supprimer l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2.
L'amendement n° 96 vise à rédiger comme suit le troisième alinéa du II de l'article 2 :
« I. - Chacune des huit premières heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail fixée par l'article L. 212-1 du présent code donne lieu à une majoration de salaire de 25 %. »
L'amendement n° 97 tend à supprimer les quatrième à huitième alinéas du II de l'article 2.
Par amendement n° 81, Mmes Dieulangard, Printz, Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le II de l'article 2 pour l'article L. 212-5 du code du travail.
Les neuf amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 98 a pour objet de rédiger comme suit le neuvième alinéa du II de l'article 2 :
« II. - Chacune des heures suivantes donne lieu à une majoration de 50 %. »
L'amendement n° 99 vise à supprimer l'avant-dernier alinéa du II de l'article 2.
L'amendement n° 100 tend à supprimer le III de l'article 2.
L'amendement n° 101 a pour but de supprimer le V de l'article 2.
L'amendement n° 103 a pour objet de supprimer les deuxième et troisième alinéas du VII de l'article 2.
L'amendement n° 102 vise à remplacer le deuxième alinéa du VII de l'article 2 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le contingent d'heures supplémentaires, pouvant être effectué après information de l'inspecteur du travail, est fixé à 100 heures par an et par salarié. »
L'amendement n° 104 tend, dans le second alinéa du 2° du VII de l'article 2, à supprimer les mots : « par le décret prévu ».
L'amendement n° 105 a pour but, dans le second alinéa du 3° du VII de l'article 2, de supprimer les mots : « par le décret prévu ».
Enfin, l'amendement n° 106 vise à supprimer le VIII de l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'article 2 modifie le régime des heures supplémentaires dans le cadre de l'abaissement de la durée légale du travail. Il prévoit un régime transitoire de deux ans et une distinction entre les entreprises, selon qu'elles auront ou non signé un accord de réduction du temps de travail.
Le système proposé est très complexe, puisqu'un salarié serait privé d'une partie de sa majoration pour heures supplémentaires si l'entreprise ne réduit pas son temps de travail, cette bonification prenant alors la forme d'une contribution à un fonds chargé de financer des allégements de cotisations sociales au profit des entreprises ayant réduit le temps de travail.
Cet article 2 est une conséquence directe de l'article 1er, qui fixe le principe de l'abaissement de la durée légale du travail.
Votre commission propose donc de supprimer cet article, devenu inutile du fait de la suppression de l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Philippe Arnaud. M. le rapporteur vient d'expliquer les motifs qui nous ont conduits à présenter cet amendement de suppression : excessive complexité et inégalité de traitement créée entre les salariés. Il y a donc là une véritable injustice, qui justifie la demande de suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre les amendements n°s 95, 96 et 97.
M. Guy Fischer. Hier, nous nous sommes largement expliqués sur l'article 2. Notre position de fond est connue. Selon nous, certaines dispositions de cet article pourraient aller à l'encontre de la création d'emplois, ce qui, compte tenu des objectifs affichés par le texte, nous conduits à nous interroger.
Cet article 2, qui est la conséquence de l'adoption de l'article 1er, est complexe et il introduit certaines discriminations. Certes, la commission propose de le supprimer. Pour notre part, nous avons déposé une série d'amendements qui concernent la structure du dispositif retenu et qui sont la traduction de nos interrogations.
J'indique d'ores et déjà que nous nous abstiendrons lors du vote sur cet article.
Parfois, nos positions et celles de la majorité de la commission peuvent paraître similaires. Hier, M. Vasselle s'est d'ailleurs engouffré dans cette voie en parlant d'analyse commune ou de convergence de vues. Je dénie ce jugement. (M. Alain Vasselle s'exclame.) En effet, nous sommes totalement opposés sur l'ensemble du texte, tel qu'il est dénaturé par la commission. Que les choses soient claires !
M. Jean Chérioux. La commission a sa logique !
M. Guy Fischer. Puisque nous nous sommes déjà largement expliqués, j'exposerai simplement l'objet de nos amendements, sans développer les interventions que nous avions préparées.
Il n'est pas souhaitable de favoriser l'extension du travail par cycle. Aussi, nous proposons, par l'amendement n° 95, de supprimer les dispositions autorisant ce type d'organisation grâce à de simples accords d'entreprise ou d'établissement, et de maintenir l'organisation du cycle au niveau de la branche, comme le droit existant le prévoit.
L'amendement n° 96 reprend la législation actuelle en matière de majoration des heures supplémentaires.
Quant à l'amendement n° 97, il vise à supprimer la contribution de 10 % sur les quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises ayant une durée collective de travail supérieure à la nouvelle durée légale.
M. le président. La parole est à M. Domeizel, pour défendre l'amendement n° 81.
M. Claude Domeizel. La disposition visée par notre amendement précise qu'à défaut de convention ou d'accord la bonification est attribuée sous forme de repos.
Je voudrais tout d'abord préciser que nous comprenons parfaitement la philosophie générale qui préside à la modification du régime des heures supplémentaires. L'objectif est effectivement de faire en sorte que le repos compensateur devienne la norme, de préférence à la majoration de salaire. C'est, en principe, favorable à l'emploi, puisque le salarié a moins d'intérêt pécuniaire à effectuer des heures supplémentaires.
Je vais m'efforcer d'exposer avec clarté au Sénat le point qui n'emporte pas pleinement notre adhésion. Une entreprise pourra avoir une durée collective du travail inférieure ou égale à 35 heures, auquel cas les salariés qui effectueront des heures supplémentaires auront droit sur celles-ci à 25 % de bonification. Si une entreprise a une durée du travail collective supérieure à 35 heures, les salariés n'auront, sur leurs heures supplémentaires, qu'une bonification de 15 %, les 10 % restants allant à un fonds.
La bonification, qu'elle soit de 25 % ou de 15 %, peut être accordée sous forme de majoration de salaire ou de repos. La phrase que l'amendement n° 81 tend à supprimer précise qu'en cas d'absence d'accord - c'est ce qui est important - ces 25 % ou ces 15 % seront automatiquement attribués sous forme de repos. Tel est, madame la ministre, le point qui nous gêne, et ce d'autant plus qu'il existe pour l'employeur une possibilité de ne pas régler les 10 % de contribution, qui avaient pour but de le pénaliser, si le paiement des heures supplémentaires est remplacé par un repos équivalent - ce serait le cas - et que la bonification est attribuée sous forme de jours de repos. C'est ce qui est prévu pour les quatre premières heures supplémentaires, au sixième alinéa du paragraphe I de l'article L. 212-5.
Après examen de ces différentes dispositions, il nous apparaît que l'employeur peut donc, par l'attribution du repos, contourner à la fois le paiement des heures supplémentaires et, pour le cas où la durée collective est supérieure à 35 heures, celui de la contribution au fonds. Nous craignons même que cette disposition ne puisse entraîner certains employeurs à s'interroger sur leur intérêt à signer un accord, voire à diminuer le nombre d'heures supplémentaires.
L'analyse de l'article 2 montre assez bien ce que les employeurs peuvent gagner éventuellement en flexibilité et ce qu'ils peuvent éviter de payer aussi bien à leurs salariés qu'au fonds pour l'emploi ; mais il faut aussi craindre que les salariés ne soient finalement les seuls pénalisés par l'absence d'accord. Tel n'est évidemment pas l'objectif de la réduction du temps de travail. Tel n'est en tout cas pas du tout ce qu'en attendent les salariés.
Une longue pratique de la vie de salarié et de la négociation syndicale nous amène donc à proposer la suppression de la phrase à laquelle j'ai fait allusion. Quelle que soit la volonté de dissuader les salariés de réaliser des heures supplémentaires, qui viennent d'ailleurs trop souvent pallier l'insuffisance des salaires, il convient de ne pas faire d'eux les instruments de la réduction du temps de travail, mais de les faire participer pleinement à ce processus.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre les amendements n°s 98 à 106.
M. Guy Fischer. L'amendement n° 98 est un texte de cohérence, qui vise à ce que chacune des heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 50 %.
L'amendement n° 99 tend à supprimer la possibilité de ne pas imputer sur le contingent annuel des heures supplémentaires les heures faisant l'objet d'un remplacement par un repos compensateur, car cette disposition est défavorable à l'emploi.
L'amendement n° 100 a pour objet de supprimer l'affectation au fonds de financement des 35 heures du produit de la contribution sur les heures supplémentaires. En effet, nous considérons que la totalité de la majoration appliquée aux heures supplémentaires doit aller aux salariés.
L'amendement n° 101 vise à supprimer la période d'adaptation durant laquelle les majorations d'heures supplémentaires seront minorées. C'est un point sur lequel nous nous sommes déjà exprimés.
L'amendement n° 103 tend à interdire le cumul des heures supplémentaires avec la modulation du temps de travail.
Quant à l'amendement n° 102, il a pour objet d'inscrire dans la loi le niveau du contingent annuel d'heures supplémentaires réduit à 100 heures dans l'année.
Les amendements n°s 104 et 105 sont des textes de cohérence.
Enfin, l'amendement n° 106 vise à supprimer toute période transitoire pour le déclenchement du seuil des heures supplémentaires devant s'imputer sur le contingent annuel. Nous considérons en effet que la loi doit s'appliquer pleinement dès le 1er janvier 2000.
Nous avons fait, avec ces amendements, un très gros effort. Comme tout le monde l'a compris, notre démarche vise à éclairer le débat. Nous aurons encore l'occasion de développer nos arguments à l'article 5. Mais n'anticipons pas !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 50, 81 et 95 à 106 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Sur l'ensemble de ces amendements, je voudrais faire une déclaration d'ordre général dont j'aimerais que Mme le ministre me donne acte.
Ce Sénat réactionnaire que nous représentons, paraît-il,..
M. Jean-Luc Mélenchon. Je visais la majorité sénatoriale !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... de ce côté-ci de l'hémicycle (M. le rapporteur désigne la droite de l'hémicycle) , comme l'a dit mon collègue et néanmoins ami M. Mélenchon - nous nous connaissons quand même depuis quelque temps déjà, et nous avons de bonnes raisons à cela : la Franche-Comté et la ville de Besançon lui rappellent en effet quelque chose - ce Sénat, disais-je, qui souhaite supprimer l'article 2, se voit critiqué de toutes parts et voué aux gémonies.
Or, je constate, mes chers collègues, que, si les autres amendements en discussion ne suppriment pas l'article, ils le grignotent néanmoins progressivement : l'amendement n° 95 tend à supprimer l'avant-dernier alinéa du I de l'article ; l'amendement n° 96 vise à reprendre la législation actuelle et non pas celle qui est proposée ; l'amendement n° 97 vise à supprimer la contribution de 10 % ; M. Domeizel, coauteur de l'amendement n° 81, vient de demander la suppression de la dernière phrase du troisième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le II de l'article 2 pour l'article L. 212-5 du code du travail.
M. Claude Domeizel. Une seule phrase !
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 98, en présentant une nouvelle rédaction du neuvième alinéa du II de l'article 2, vise à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement et retenu par l'Assemblée nationale ; l'amendement n° 99 a pour objet de supprimer l'avant-dernier alinéa du II de l'article.
M. Alain Gournac. Tiens, tiens !
M. Louis Souvet, rapporteur. Voulez-vous que je continue ? Il en est ainsi jusqu'au bout de la liasse ! Dites-moi ce qui restera de cet article quand auront disparu toutes les dispositions que vous souhaitez supprimer ? (M. Alain Gournac s'exclame.)
Alors, ayons la franchise de nos propos et disons dans certains cas que nous ne sommes pas d'accord ! Je ne pense pas que l'on puisse me donner tort. Et si vous n'êtes pas convaincus par ma démonstration, mes chers collègues, je peux encore prendre l'exemple de l'amendement n° 101, qui vise à supprimer le V de l'article, celui de l'amendement n° 103, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas du VII de l'article, et je peux continuer : toute la liasse est ainsi faite !
Il est bien évident que chacun doit prendre ses responsabilités.
Monsieur le président, pour ma part, je dirai simplement que, si les deux amendements de suppression de l'article 2 sont adoptés, tous les autres amendements, qui sont bien évidemment contraires les uns comme les autres à l'option retenue par la commission, deviendront alors sans objet.
M. le président. Je vous remercie de me simplifier la tâche, monsieur le rapporteur ; j'y suis très sensible ! (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces différents amendements ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, peut-être vous a-t-on traité de « réactionnaire ». Moi, j'ai été traitée hier de « collectiviste » ! Alors, vous savez... (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Le mal de l'un ne guérit pas celui de l'autre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh ! Cela ne me fait pas mal ! Cela me fait à peine sourire. Il vaut mieux d'ailleurs, car, en démocratie, si l'on devait prêter attention à tout - vous êtes bien placé pour le savoir - on aurait souvent mal !
M. Philippe Nogrix. Il faut se faire une carapace !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui ! il faut bien, au bout d'un certain temps ! Ce n'est pas pour autant, d'ailleurs, que j'apprécie ce type de débat. Je préfère de beaucoup que nous parlions du fond, comme nous l'avons fait hier après-midi.
S'agissant de l'amendement n° 10, qui vise à la suppression de l'article, je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui a été dit hier. Cet amendement est logique : à partir du moment où le Sénat a supprimé la durée légale de 35 heures, il souhaite, bien entendu, supprimer les heures supplémentaires qui vont au-delà. Je suis donc bien évidemment défavorable à cet amendement n° 10, comme à l'amendement n° 50, qui est identique.
J'en viens à l'amendement n° 95 : monsieur Fischer, le travail par cycle est beaucoup plus favorable aux salariés que la modulation, car, dans le cycle, l'organisation du temps de travail se reproduit à l'identique tout au long de l'année : tous les dix jours, vingt jours ou trente jours, le cycle reprend. Le salarié connaît donc exactement ses horaires ; il dispose d'un calendrier dès le début de l'année. Il n'y a aucune variabilité et aucune contrainte pour le salarié, ce qui n'est pas le cas de la modulation.
Par conséquent, il me paraît tout à fait souhaitable que ce cycle, qui est moins précarisant et plus protecteur pour le salarié que d'autres formes reconnues depuis longtemps dans le code du travail, qui n'est jamais soumis à des variations et qui est d'ailleurs largement pratiqué, puisse être inscrit dans le code du travail.
L'amendement n° 96 vise à remplacer la bonification des heures supplémentaires par la majoration prévue pour les heures au-delà de 39 heures. Le projet de loi prévoit de laisser les négociateurs choisir entre la bonification en temps et la bonification en argent. Ce n'est qu'en l'absence de choix - il fallait bien une règle d'ordre public - que cette bonification de 25 % prend la forme du repos.
Ce point a fait l'objet d'un débat approfondi avec les organisations syndicales, et je salue leur choix. C'était l'un des points sur lesquels j'avais le plus de doute lors de la préparation de cette loi. Il n'était en effet pas évident d'aller expliquer à des salariés que, faute d'autre accord, il était préférable que la bonification pour les heures supplémentaires soit accordée sous forme de repos plutôt que sous forme d'argent. Les organisations syndicales, dans leur grande majorité, ont fait le choix de l'emploi : nous savons bien, en effet, que le repos compensateur est plus créateur d'emplois que les heures supplémentaires. C'est un choix dont je me réjouis et qui nous a conduits à inscrire cette disposition dans le projet de loi.
L'amendement n° 97 vise à supprimer la contribution de 10 % extériorisant une partie de la rémunération. Je tiens à préciser ici, particulièrement à l'intention de M. le rapporteur, qui a prétendu le contraire, que le salarié ne voit pas sa rémunération baisser. Le salarié qui, dans l'année de transition, reste à 39 heures continue à être payé 39 heures.
Très franchement, je crois que rien ne justifie que quelqu'un dont la durée de travail reste de 39 heures voie sa rémunération augmenter de 10 % ou de 25 %. Je crois que nous avons intérêt à ce que chacun, chef d'entreprise comme entreprise, dans cette année de transition, négocie et réduise la durée du travail.
En revanche, nous savons que les heures supplémentaires sont contraires à l'emploi, et il me paraît souhaitable que les entreprises qui n'ont pas déjà négocié ou qui tardent à le faire soient taxées pendant cette année de transition pour contribuer à l'emploi. Nous avions prévu au départ de mettre le produit de cette taxation dans la réserve des charges sociales, mais nous allons l'utiliser directement, devant le refus des partenaires de l'UNEDIC de financer la baisse des charges sociales. C'est simplement une contribution demandée aux entreprises qui font le choix des heures supplémentaires et non celui de la réduction de la durée du travail.
S'agissant de l'amendement n° 81, je voudrais rassurer Mme Dieulangard et M. Domeizel. Sans doute la finalité de l'article n'est-elle pas aisée à percevoir à la première lecture dans la mesure où cet article fait référence à d'autres textes. Il est prévu essentiellement que la bonification de 10 % sera due par les entreprises qui, pendant cette année de transition, conservent une durée légale de travail supérieure à 35 heures, sauf si elles accordent d'elles-mêmes un repos compensateur de 25 % à leurs salariés, c'est-à-dire si elles remplacent déjà les heures supplémentaires par un repos compensateur de 25 %, à la fois plus élevé en termes de niveau et, surtout, créateur d'emplois. C'est à cette seule condition qu'elles ne paient pas la contribution. Peut-être cet amendement résulte-t-il donc d'une incompréhension.
J'en viens enfin à l'amendement n° 98. Je voudrais dire aux membres du groupe communiste républicain et citoyen que l'ensemble des groupes de la majorité de l'Assemblée nationale, ont voté la disposition portant la majoration de 50 % à partir de la quarante-quatrième heure. Cette majoration de 50 %, qui s'appliquait auparavant par rapport à la quarante-huitième heure, s'appliquera désormais à partir de la quarante-quatrième heure, en fonction de la baisse de la durée légale du travail de 39 à 35 heures. Mais l'amendement n° 98 est en cohérence avec les amendements présentés précédemment par le groupe communiste républicain et citoyen.
Telles sont, monsieur le président, les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à ces divers amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 10 et 50.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je veux d'abord remercier M. le rapporteur, qui nous a expliqué que, pour s'opposer à un article, nous avions plusieurs possibilités : le grignoter petit à petit, ou le faire de façon franche. Nous avons choisi cette dernière voie, afin d'exprimer clairement notre désaccord.
Nous avons déjà expliqué longuement les raisons de notre opposition à cet article.
Parmi les raisons de notre soutien à l'amendement de la commission des affaires sociales tendant à supprimer l'article 2 figurent les ajouts de la majorité plurielle à l'Assemblée nationale, car ils sont au moins aussi choquants que le texte lui-même.
Le déclenchement d'une majoration des heures supplémentaires de 50 % à partir de la huitième heure est une aberration. Le caractère mécanique de cette disposition est profondément injuste.
Parce que vous souhaitez abaisser la durée légale du travail de quatre heures, il vous semble logique d'abaisser également de quatre heures le déclenchement de cette majoration. Encore une fois, cela ne tient absolument pas compte de la réalité de nos entreprises.
Le déclenchement d'une majoration de 50 % à partir de la quarante-troisième heure, au lieu de la quarante-septième comme c'est le cas actuellement, provoquera un surcoût de dépenses salariales souvent insurmontable pour des entreprises qui sont aujourd'hui dans une situation difficile.
Avec cette disposition, c'est encore un coup dur que vous portez à notre économie.
Enfin, un autre amendement de complaisance adopté en première lecture à l'Assemblée nationale prévoit de limiter à six mois le délai de déclenchement de la prise de repos compensateur au lieu des douze mois actuellement en vigueur.
Là encore, c'est un signe de méconnaissance totale de la réalité sociale de nos entreprises et de leurs cycles de travail.
Une période de douze mois, donc annuelle, permet de prendre ces repos compensateurs dans les moments les plus propices à ne pas porter atteinte à la productivité de l'entreprise, puisque ces repos peuvent être pris dans les périodes de creux de l'activité.
Pour ces raisons et pour toutes celles que nous avons évoquées lors de la discussion générale, le groupe du Rassemblement pour la République votera avec la commission pour la suppression de cet article, parce qu'il est inapplicable, parce qu'il est profondément injuste et parce qu'il fait fi de la négociation sociale.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le rapporteur, je vous remercie tout d'abord de vos aimables propos sur notre communauté d'affection franc-comtoise. (M. le rapporteur sourit.)
A le survoler, l'amendement de suppression qui nous est proposé montre que la majorité sénatoriale et la commission font clairement connaître leur opposition à la réduction du temps de travail à 35 heures par la loi. C'est un amendement qui s'inscrit dans la cohérence d'une pensée politique.
Toutefois, à l'écoute des propos tenus par les uns et par les autres, on comprend qu'il ne s'agit pas de cela, mais du contenu même d'un article qui couvre un très vaste champ d'application et qui touche à des questions tout à fait essentielles par rapport à l'objectif que se donne cette loi.
Je crois que, en définitive, nous partageons tous, dans cet hémicycle, l'objectif politique : avec la réduction du temps de travail, quelles que soient nos divergences sur l'ampleur de cette réduction et sur ses modalités d'application, nous cherchons à obtenir une répercussion qui, si elle n'est pas mécanique, est néanmoins potentiellement très forte, sur le nombre des emplois nécessaires pour accomplir la même masse d'actes productifs.
Nous appelons cela répercuter sur le salariat une partie des gains de productivité. Je ne sais pas comment vous appelez cela de votre côté !
Cet article 2 peut sans doute légitimement faire l'objet de discussions, mais les critiques que je viens d'entendre à l'instant, qui étaient très précises, portent sur l'essentiel du mécanisme tendant à bloquer l'effet d'expansion des heures supplémentaires et du repos compensateur pour obliger à créer de l'emploi.
Là, je suis obligé de vous dire que nous divergeons vraiment sur le fond, pour deux raisons.
La première, c'est que je ne crois pas que ces matières doivent être renvoyées exclusivement à la négociation, comme vous le soutenez. Il y a là matière à mettre en place de l'ordre public social ! Que l'on négocie ensuite sur les manières de mettre en oeuvre cet ordre public, c'est-à-dire de l'améliorer, oui ! Mais qu'on ne renvoie pas au gré à gré la possibilité de discuter la durée du temps de travail et de la manière dont on rattrapera la fatigue. Sur ce principe, nous sommes profondément en désaccord, et cela justifie que nous combattions la suppression de l'article.
La seconde raison de notre opposition, c'est qu'il faut prendre conscience que le recours aux heures supplémentaires représente - c'est un équivalent, ce n'est qu'une image, cela ne se répercuterait pas certes directement - plus de 600 000 emplois en valeur « temps de travail ».
Bien sûr, si l'on supprimait toutes les heures supplémentaires, cela poserait deux problèmes. En effet, d'une part, il ne faut pas oublier le complément de ressources que cela procure à ceux qui les font - parce qu'ils ne les font pas pour le plaisir ! - et, d'autre part, on ne retrouverait pas mécaniquement 600 00 emplois, tout le monde le sait bien. Mais, dans une pareille amplitude, il y a quand même de quoi prendre en emplois nouveaux !
Sans supprimer les heures supplémentaires, il me paraît nécessaire de les réglementer et de faire en sorte qu'elles ne connaissent pas une expansion. C'est une question tout à fait essentielle !
Est-ce présupposer un égoïsme excessif des chefs d'entreprise que de dire que l'heure supplémentaire est tout de même souvent, par rapport à la création d'emplois, un remède assez confortable et que nous avons donc intérêt à prendre des précautions ?
S'agissant du repos compensateur, je n'entrerai pas dans le détail, car bien des aspects pourraient être évoqués à ce sujet.
Néanmoins, notre collègue M. Gournac, dans la cohérence de son argumentation - et elle est non seulement cohérente mais pertinente de son point de vue - n'a pas pu manquer, à un moment, de dire quelque chose dont je suis sûr qu'il va se le reprocher une fois que je me serai exprimé : « Vous méconnaissez, a-t-il dit, le fait qu'il faut pouvoir prendre les repos aux moments les plus propices des exigences de la production ».
Or, il se trouve que nous n'avons qu'une vie, que les journées n'ont que vingt-quatre heures et qu'il est tout à fait improbable que l'on puisse se reposer en août d'une nuit blanche passée en décembre. Ce n'est pas possible, aucun organisme humain n'est capable de faire voyager sa fatigue dans le temps. Nous avons besoin du repos compensateur qui, précisément, porte bien son nom : c'est un repos destiné à compenser un surcroît d'effort.
Mes chers collègues, je suis persuadé que vous y réfléchirez et que vous serez vite d'accord avec moi.
M. Alain Gournac. Non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Quand on réduit la période pendant laquelle ce repos peut être pris, on rend finalement un service humain. A cet argument à mes yeux tout à fait suffisant, il faut d'ailleurs en ajouter un autre, qui est l'efficacité économique : quelqu'un qui est en bonne santé et qui est bien reposé est plus productif le reste du temps que quelqu'un qui, épuisé, vient en maugréant à son travail.
M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Je vais, bien sûr, soutenir l'amendement de la commission, et ce pour une seule et unique raison qui est assez fondamentale : je crois, moi, que les heures supplémentaires sont créatrices d'emplois.
L'entreprise qui gagne des emplois, aujourd'hui, c'est l'entreprise qui gagne des parts de marchés. Or, pour gagner des parts de marché, il faut qu'à un moment donné elle soit en position de réactivité, qu'elle dispose de gens formés. Ces parts de marché seront assurées, au début, grâce aux heures supplémentaires, mais elles permettront ensuite de créer des emplois quand les parts de marchés seront consolidées. En faisant l'inverse, on ne peut gagner aucune part de marché, et on ne peut donc pas créer d'emplois. C'est fondamental !
Votre analyse, à vous, c'est que les heures supplémentaires nuisent à l'emploi. Nous pensons, nous, que les heures supplémentaires sont favorables au développement de l'emploi.
Cela étant, puisque la mode est aux fusions, je souhaite poser une question à Mme le ministre.
Si les entreprises qui appliquent les 35 heures ne sont pas assujetties à la taxation de 10 %, les autres le sont. En cas de fusion entre une entreprise soumise au premier de ces régimes et une autre, relevant, elle, du second, comment seront calculées les heures ?
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le groupe centriste soutient, bien sûr, l'amendement présenté par la commission.
Qu'il me soit cependant permis de dire que, pour avoir participé à la totalité des débats, je commence à en avoir assez, car je pense que nous passons complètement à côté de la véritable discussion, de la discussion sur le fond que souhaite Mme le ministre.
Monsieur Mélenchon, la vraie question, c'est que le seul moment où l'on produit de la valeur ajoutée qui permet de faire avancer la société, c'est pendant le temps de travail. Or, dans nos entreprises, que ce soient les dirigeants - ceux que vous appelez les patrons - ou les collaborateurs, - ceux que vous appelez les ouvriers - tout le monde est dans la même barque et poursuit le même objectif.
C'est vraiment être rétrograde et se tourner vers le passé que de dire tout ce que vous avez dit à propos de notre supposée conception de l'entreprise !
Pour nous, l'entreprise est une entité globale dans laquelle chacun essaie de produire de la valeur ajoutée. Puis on répartit cette dernière non seulement dans les salaires ou dans l'amélioration des conditions de travail, mais aussi dans la prévision en réalisant des provisions pour investissement, car, aujourd'hui, une entreprise qui n'investit pas est une entreprise qui meurt.
Je suis ingénieur chimiste et, à ce titre, je peux vous dire que la nouvelle taxe générale sur les activités polluantes, créée pour financer les 35 heures, représente 20 % de la capacité d'investissement de l'industrie chimique ! Quel risque d'appauvrissement, et peut-être de disparition à terme !
Je veux bien que l'on fasse miroiter aux Français, comme Mme Aubry l'a fait, qu'ils travailleront moins. Mais, ce qui m'intéresse, c'est de savoir pendant combien de temps, avec quelles entreprises et avec quelles équipes.
A qui allez-vous dire, messieurs, que vous allez diminuer le temps de travail, mais geler ensuite les salaires ? A qui allez-vous dire, messieurs, que vous allez diminuer le temps de travail, mais supprimer dans le même temps les heures supplémentaires ? (Mme le ministre proteste.)
De plus, on dit aux Français que cela ne coûtera pas cher, que les entreprises pourront sûrement gagner de la productivité. Mais, demain, quand on va appliquer les 35 heures dans le secteur public, qui va payer ? Celui dont on aura gelé le salaire ? Parce qu'il faudra bien augmenter la masse fiscale de 8 % à 10 % pour financer ces mesures ! Et combien coûteront les heures supplémentaires dans le secteur public, notamment dans le secteur médico-social ?
Non ! Il faut recentrer le débat sur son véritable objet : quelle est la valeur du travail ? Jusqu'où peut-on diminuer le temps de travail ? Mais faire miroiter aux Français que c'est en diminuant le temps de travail que l'on va augmenter la richesse nationale, je ne peux pas l'admettre.
Par ailleurs, le climat dans les entreprises est essentiel. Il faut savoir où l'on va ! C'est ainsi que, depuis une dizaine d'années, dans une grande majorité d'entreprises, on a élaboré ce que l'on a appelé des projets d'entreprise. Elaborer de tels projets, cela signifie que l'on est partenaires, quelle que soit sa place dans l'entreprise ; et, être partenaires, cela veut dire qu'on se respecte, qu'on se comprend, qu'on se fait confiance. Or, depuis quelques mois j'ai l'impression que, dans beaucoup de ces entreprises, on est en train de rétablir la lutte des classes (Mme Borvo rit) , de remonter le patronat contre les ouvriers, alors que de telles mentalités avaient disparu.
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Philippe Nogrix. Alors que nous nous battons pour un projet économique, un projet de développement, un projet d'investissement, un projet d'innovation, une société moderne et mondialisée, nous nous enfermons actuellement dans notre exception française, dont Mme Aubry est fière.
Dans ces conditions, je ne veux pas vous traiter de « ringards », encore que je le pense, car vous nous ramenez en arrière, mais je tiens à vous dire que vous êtes certainement des apprentis sorciers. Méfiance !
M. Jean Arthuis. Bravo !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Permettez-moi de dire en préambule - ce sera ma première considération - que cet article 2, comme l'article 1er, est assez révélateur de notre opposition de fond sur l'objectif visé par le Gouvernement concernant les effets à attendre de la réduction du temps de travail.
J'ignore si M. Mélenchon traduisait tout à l'heure le sentiment profond de la majorité plurielle et du Gouvernement,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas mon rôle !
M. Alain Vasselle. ... mais il a souligné que l'objectif du Gouvernement, ou tout du moins celui de la majorité, était de nature politique. Dois-je en déduire qu'il ne s'agit pas d'un objectif économique ?
Or, c'est peut-être l'un des éléments qui fondent ce qui nous sépare. En effet, notre approche est à la fois économique et politique, mais elle est d'abord économique, dans l'optique non pas tant de permettre à l'entreprise d'amasser les gains de productivité ou les bénéfices sans les partager avec l'ensemble des salariés que d'instaurer les conditions rendant possible une amélioration de la compétitivité de cette entreprise, ce qui amènera son développement et donc des créations d'emplois. Ce raisonnement est valable pour toutes les entreprises, à l'exception de celles dont l'activité dégage une très forte valeur ajoutée ou fait appel à des technologies très avancées, sans recourir à une main-d'oeuvre nombreuse.
Quoi qu'il en soit, cette divergence entre nous alimente le grand débat de société opposant, en France, la pensée de gauche et la pensée de droite. Notre approche est en effet tout à fait différente sur les plans politique, idéologique et philosophique, mais surtout économique, celui qui doit surtout retenir notre attention. Nous ne pensons pas que la réduction à trente-cinq heures du temps de travail soit la solution, la panacée qui permettra de régler le problème du chômage.
A cet égard - et ce sera ma deuxième considération - la mise en oeuvre des dispositions prévues par cet article entraînera un double effet négatif.
Le premier d'entre eux a été souligné par MM. Gournac, Adnot et Nogrix, qui ont démontré, par leurs exemples concrets fondés sur l'expérience, comment l'entreprise serait pénalisée par les mesures prévues à l'article 2.
Le second effet négatif, comme je l'ai indiqué lors de ma prise de parole sur l'article, c'est que le salarié lui-même sera pénalisé par le dispositif. Comment peut-on admettre qu'un Gouvernement qui affirme avoir le souci de la justice sociale et du dialogue entre les partenaires de l'entreprise crée des conditions qui perturberont ou même pourriront celui-ci ?
En effet, l'application des mesures prévues à l'article 2 implique que les heures supplémentaires effectuées par les salariés des entreprises où la durée du travail n'aura pas été réduite à 35 heures seront rémunérées avec une majoration non pas de 25 %, mais de 15 %, les 10 % restants devant alimenter un fonds destiné à financer le passage aux 35 heures ! Ces salariés seront donc désavantagés par rapport à leurs collègues travaillant dans des entreprises ayant signé un accord sur les 35 heures, où la rémunération des heures supplémentaires sera majorée au taux plein de 25 %.
Dès lors, où est la justice sociale et où sont les conditions favorables au dialogue entre les salariés et l'entreprise ? Vous allez au contraire créer, madame le ministre, des difficultés au sein de l'entreprise, car on peut s'attendre à des mouvements sociaux provoqués par les salariés, lesquels n'accepteront pas d'être pénalisés du fait que leur entreprise n'aura pas réduit à 35 heures la durée du travail. Il s'agit donc de mesures incitatives aux effets pervers, non seulement pour les salariés, mais également pour l'entreprise.
Je conclurai mon propos par une troisième considération relative au repos compensateur.
Comme l'a relevé M. Mélenchon, nous restons sur ce point cohérents avec notre position de départ, puisque nous voulons, là aussi, privilégier la négociation entre les salariés et l'entreprise. M. Gournac a souligné très justement que celle-ci doit porter sur l'ensemble des douze mois de l'année, mais M. Mélenchon nous a fait remarquer que notre proposition ne tient pas compte de la fatigue que peut représenter, pour un salarié, une longue durée de travail sur une journée. Selon lui, le repos compensateur doit alors suivre immédiatement cet effort prolongé, afin que le salarié concerné puisse récupérer de la fatigue qu'il a accumulée.
Certes, tout dépend sans doute de la nature de l'activité, et la discussion doit être ouverte sur ce point. Cependant, de par mon expérience d'exploitant agricole, je puis vous dire que le travail saisonnier impose un rythme soutenu pendant une partie de l'année. Il a donc été convenu avec les salariés de mon entreprise que le repos compensateur pourrait éventuellement ne pas être pris immédiatement, mais intervenir à une période creuse de l'année, par exemple en décembre si les intéressés en sont d'accord.
Si l'on veut réglementer, on finit par enfermer le dialogue social et la concertation dans des dispositions législatives et réglementaires trop contraignantes, et, bien évidemment, le fonctionnement de l'entreprise perd de sa souplesse. Au bout du compte, c'est le salarié lui-même qui risque de se trouver pénalisé.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes convaincus que nous parviendrons à redynamiser l'emploi dans ce pays plutôt par le dialogue social et la conclusion d'accords d'entreprise que par la voie réglementaire ou législative.
Mme Nicolo Borvo. Que ne l'avez-vous fait avant !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 10 et 50.
M. Philippe Arnaud. Je retire l'amendement n° 50, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Alain Gournac. Ah ! Ah !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé, et les amendements n°s 81 et 95 à 106 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 2