Séance du 4 novembre 1999
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Ma question s'adresse à M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Elle concerne l'avenir de la recherche française.
Monsieur le ministre, la communauté scientifique nationale et les élus essonniens sont en émoi. En effet, vous avez annoncé, au début du mois d'août, votre intention d'abandonner le projet de création d'un centre de rayonnement synchrotron dénommé « Soleil », et ce au profit d'une participation minoritaire à la construction du projet britannique Diamond , financé principalement par le Wellcome Trust et, accessoirement, par le gouvernement britannique.
Cette décision, prise sans concertation, porte atteinte à l'excellence de la recherche française et aux entreprises liées à ce projet.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Paul Loridant. « Soleil », synchrotron de la troisième génération, devait en effet permettre d'explorer la matière de façon beaucoup plus performante que son ancêtre, le LURE, situé à Orsay, et, ainsi, de faire progresser la recherche, notamment dans le domaine du vivant.
Cette décision, si elle venait à être confirmée, rendrait impossibles les synergies avec les sciences du vivant, les biotechnologies et la thérapie génique, autant de secteurs essentiels pour le bien-être de nos concitoyens, dans lesquels notre pays est en pointe et qui, de l'avis de tous les experts, seront des atouts majeurs dans la compétition économique internationale.
Comment la France pourrait-elle maintenir son avance dans une collaboration avec Wellcome Trust alors que ce dernier est lié à un groupe pharmaceutique privé, Glaxo Wellcome, concurrent direct du génopole d'Evry ?
Le « Diamant » britannique, monsieur le ministre, aurait-il plus d'éclats que le « Soleil » français ?
Enfin, cet abandon de la construction d'un nouveau synchrotron en France signifierait des pertes importantes d'emplois directs et indirects pour l'Ile-de-France et, notamment, pour le département de l'Essonne.
Nous ne pouvons admettre l'argument fondé sur le coût élevé du projet Soleil pour justifier son abandon, d'autant que le département de l'Essonne s'était engagé à participer, aux côtés du ministère de la recherche, au financement du projet à hauteur de 225 millions de francs. De plus, la région d'Ile-de-France avait inscrit une enveloppe de près de 450 millions de francs à son budget.
Monsieur le ministre, l'ambition industrielle et scientifique de la France et l'intérêt national commandent que l'on réalise en France le projet européen Soleil. Aussi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent savoir si vous comptez surseoir à cette décision afin d'approfondir l'examen de ce dossier avec les chercheurs et les élus.
Enfin, monsieur le ministre, quelles solutions proposez-vous pour maintenir intact le potentiel de recherche français ? Bref, quelles perspectives mobilisatrices voulez-vous offrir à nos chercheurs ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, que je prie de répondre en français. (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Il n'est pas question qu'il répondre en anglais !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, permettez moi d'abord de vous rappeler quelques éléments relatifs à la politique du Gouvernement dans le domaine de la recherche.
Lors de deux comités interministériels, le Gouvernement a fait connaître ses priorités en matière de recherche : priorité à la reprise du recrutement des jeunes, avec 3 000 maîtres de conférence et d'enseignants chercheurs recrutés l'année dernière ; priorité à l'octroi de plus de responsabilités aux jeunes ; priorité au soutien de base des laboratoires - je rappelle que le budget du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, est aujourd'hui consacré pour 85 % aux salaires et seulement pour 15 % au fonctionnement ; enfin, priorité à l'innovation, à la création d'entreprises innovantes.
Le concours de création d'entreprises innovantes a connu, vous le savez, un immense succès. A ce sujet, je veux remercier le Sénat d'avoir permis l'adoption de la loi sur l'innovation qui est un élément essentiel de cette politique.
M. Alain Gournac. Le Sénat sert donc à quelque chose !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ces priorités ont conduit à un redéploiement des crédits du budget de la recherche et du développement technologique.
A cette occasion, le ministère a constaté - et je voudrais que vous en soyez conscients, mesdames, messieurs les sénateurs - qu'en dix ans, alors que le budget de la recherche a augmenté de 30 %, les crédits consacrés aux gros équipements ont augmenté de 70 %. La France se trouve ainsi être l'un des pays au monde qui investit le plus en gros équipements, et ce à cause de la vétusté de nos laboratoires et de notre recherche.
De plus, nous avons changé les priorités thématiques. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le sénateur, la biologie ne figurait pas dans le projet Soleil, hélas !
Nous avons donc placé la biologie et la médecine en priorité numéro un, car si nous sommes les premiers en gros équipements, nous sommes les derniers au niveau du financement de la recherche médicale et de la recherche biologique - pourtant garantes de l'avenir - et pas loin des derniers s'agissant du financement des nouvelles technologies.
Sur un budget d'investissement qui représente pour l'Etat quelque 5 milliards de francs sur les cinq prochaines années, nous ne pouvions donc pas consacrer 2 milliards de francs au projet Soleil.
Mais il s'est trouvé une opportunité, sinon de remplacer le projet Soleil, tout au moins d'éviter que la communauté scientifique ne soit totalement frustrée.
C'est pourquoi nous avons décidé que, quoi qu'il en soit, les gros équipements seraient européens. Le projet Soleil, monsieur le sénateur - j'ai le regret de vous le dire - n'était pas européen, il ne comptait aucun partenaire européen. Nous avons donc décidé d'élaborer un projet avec les Britanniques et avec le Wellcome Trust.
Nous possédons déjà sur notre sol le plus gros synchrotron européen, à Grenoble, et nous sommes le pays du monde qui, actuellement, dépense le plus pour le rayonnement synchrotron entre Grenoble et Paris ; aucun autre pays au monde ne dépense autant pour cela.
Mais vous avez raison, il y a un problème, celui de l'avenir de la recherche en Ile-de-France et, notamment, sur le plateau de Saclay.
M. Yves Fréville. C'est vrai !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous sommes en train de préparer le contrat de Plan de l'Ile-de-France : il n'y avait aucun projet scientifique. C'est pourquoi nous avons nommé le professeur Duby pour nous faire une proposition de politique scientifique.
Par ailleurs, je me permets de dire à la représentation nationale que l'Ile-de-France n'est plus la première région scientifique de France et qu'elle n'a toujours pas d'ambition puisqu'elle a classé - contrairement à nombre d'autres régions - la recherche et l'enseignement supérieur en quatrième priorité.
Plusieurs sénateurs du RPR. Que fait Huchon ?
M. Alain Vasselle. Demandez à Christian Sautter, il a été préfet de la région d'Ile-de-France !
CONSÉQUENCES DES FUSIONS
DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION