Séance du 4 novembre 1999
M. le président. « Art. 7. _ I. _ Il est créé, dans la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, un paragraphe 3, comprenant les articles L. 212-4-12 à L. 212-4-15, ainsi rédigé :
« Paragraphe 3
« Travail intermittent
«
Art. L. 212-4-12
. _ Dans les entreprises, professions et organismes
mentionnés à l'article L. 212-4-1 pour lesquels une convention ou un accord
collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement
n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 le
prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de
pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord,
qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes
non travaillées.
«
Art. L. 212-4-13
. _ Le contrat de travail intermittent est un contrat
à durée indéterminée. Ce contrat doit être écrit. Il mentionne notamment :
« 1° La qualification du salarié ;
« 2° Les éléments de la rémunération ;
« 3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;
« 4° Les périodes de travail ;
« 5° La répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes.
« Les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat ne peuvent
excéder le tiers de cette durée sauf accord du salarié.
« Dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec
précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au
sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif détermine les
adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié
peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés.
«
Art. L. 212-4-14
. _ Les salariés titulaires d'un contrat de travail
intermittent bénéficient des droits reconnus aux salariés à temps complet sous
réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques
prévues par la convention ou l'accord étendu ou une convention ou un accord
d'entreprise ou d'établissement.
« Pour la détermination des droits liés à l'ancienneté, les périodes non
travaillées sont prises en compte en totalité.
«
Art. L. 212-4-15
. _ Par dérogation aux dispositions des articles L.
143-2 et L. 144-2, une convention ou un accord collectif étendu ou une
convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir
que la rémunération versée mensuellement aux salariés titulaires d'un contrat
de travail intermittent est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans
les conditions prévues par la convention ou l'accord. »
« II. _ Les stipulations des contrats de travail conclus sur le fondement de
l'article L. 212-4-3 du code du travail dans sa rédaction applicable avant
l'entrée en vigueur de la présente loi et prévoyant une durée du travail
calculée sur l'année demeurent en vigueur. »
Par amendement n° 126, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le début du
texte présenté par le I de l'article 7 pour l'article L. 212-4-12 du code du
travail :
« Dans les branches d'activités, où la nature de l'activité le justifie,
déterminées par décret en Conseil d'Etat, pour lesquelles une convention ou un
accord collectif... ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
La notion de travail intermittent tend à se développer dans des secteurs
jusque-là épargnés par cette organisation du travail. A cet égard, la notion de
travail saisonnier nous semblait préférable, étant, par son sens même, moins
susceptible d'interprétation que ne l'est le travail intermittent, la notion de
saison étant encore plus stable que bien des notions répondant aux simples
sommations du marché.
Ainsi avons-nous vu ces dernières années se développer l'intermittence et,
avec elle, de nouvelles formes d'organisation de la société. Bien des emplois
occupés par le passé à temps plein, dans les métiers de la culture notamment,
sont aujourd'hui pourvus pas des intermittents, techniciens par exemple, avec
les conséquences que l'on sait pour les salariés mais aussi pour les structures
du spectacle vivant.
Dans une société qui se construit de plus en plus souvent dans l'événementiel,
y compris dans ses modes d'organisation économique, cette notion de travail
intermittent, pourrait bien, si nous n'y prenions garde, prendre une place de
plus en plus grande.
C'est pourquoi nous proposons d'encadrer ce dispositif du travail
intermittent, en prévoyant notamment que le travail intermittent est limité aux
branches d'activités dans lesquelles la nature de l'activité le justifie. En
outre, ces branches d'activités devraient être déterminées par décret en
Conseil d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il a semblé à la commission que le recours au pouvoir
réglementaire constituerait un obstacle au développement du travail
intermittent. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est sensible au souci du groupe
communiste républicain et citoyen d'encadrer le travail intermittent afin
d'apporter des garanties aux salariés.
Ce dispositif, il faut le rappeler, se substitue à celui du temps partiel
annualisé, qui pouvait être mis en place sans accord collectif, par simple
contrat de travail, ce qui a abouti à une forte précarisation des salariés.
Le présent projet apporte déjà un certain nombre de garanties aux salariés
dans la mesure où il impose la conclusion d'une convention ou d'un accord
collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement
préalablement à la conclusion d'un contrat de travail intermittent.
Il prévoit, en outre, que les salariés titulaires d'un contrat de travail
intermittent, comme les salariés titulaires d'un contrat de travail à temps
partiel, bénéficient des droits reconnus aux salariés à temps plein.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 126, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 69, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM.
Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la
République proposent, dans le texte présenté par le I de l'article 7 pour
l'article L. 212-4-12 du code de travail, après les mots : « ou un accord
d'entreprise ou d'établissement », de supprimer les mots : « n'ayant pas fait
l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Le contrat de travail à temps partiel annualisé, créé en 1993 avec le succès
dont nous avons parlé, avait entraîné l'abrogation du contrat de travail
intermittent.
Néanmoins, la nouvelle rédaction de l'article 6 relative au temps partiel,
dont nous venons de discuter, peut effectivement nécessiter de recréer un
régime particulier pour le travail intermittent.
La rédaction proposée par le Gouvernement nous semble équilibrée, d'autant que
le recours à de tels contrats sera limité à des secteurs connaissant des
périodes d'inactivité, comme le tourisme et l'agriculture.
Toutefois, le recours au travail intermittent devra être encadré par un accord
collectif de branche étendu ou par un accord d'entreprise n'ayant pas fait
l'objet d'une opposition.
Nous proposons un amendement tendant à supprimer la restriction de
l'opposition.
Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 23 de la
commission, que nous avons adopté tout à l'heure à propos du travail à temps
partiel.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement vise à ne pas soumettre les accords
collectifs qui prévoient la mise en place du travail intermittent au droit
d'opposition.
Je rappelle que l'ensemble des dispositions relatives au temps partiel prévues
par le projet de loi sont destinées à éviter les pratiques conduisant à faire
du temps partiel un temps de travail trop fragmenté pour le faire évoluer
davantage vers le temps partiel maîtrisé et choisi, tout en conservant à ce
mode de travail la souplesse nécessaire.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité soumettre le temps partiel
intermittent à l'accord collectif, pour que les partenaires sociaux puissent
trouver, à l'intérieur du cadre fixé par la loi, les règles les plus adaptées à
un bon usage du temps partiel.
Enfin, s'agissant du travail intermittent, cette disposition vise à mettre en
place des mécanismes de régulation dont l'accord collectif constitue le point
de passage incontournable.
Il était dès lors logique, comme c'est le cas pour le temps partiel modulé, de
soumettre ces accords à l'exercice du droit d'opposition. Cela permettra à une
ou à des organisations non signataires de s'opposer à l'entrée en vigueur d'un
accord mettant en place un dispositif de travail intermittent qui n'offrirait
pas, le cas échéant, des garanties suffisantes aux salariés concernés.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. Alain Gournac.
Vous avez tort !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Le groupe socialiste vote résolument contre !
(L'amendement est adopté.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Hélas ! Une cruauté de plus !
M. le président.
Par amendement n° 125, M. Fisher, Mme Borvo et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa du
texte présenté par le I de l'article 7 pour l'article L. 212-4-13 du code du
travail.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Au-delà du temps du travail lui-même, les salariés ont eu à souffrir, ces
dernières années, d'un éclatement de la structure du travail. Développement du
temps partiel, croissance exponentielle de l'intérim, précarité, non-respect
des principes d'ordre public du code du travail sont devenus - il faut bien le
constater - la règle pour un nombre de plus en plus grand de salariés, et ce
quel que soit le niveau occupé par le salarié dans l'entreprise.
Outre le fait qu'il convient d'encadrer avec précision la notion de travail
intermittent et de la circonscrire à des secteurs d'activités particuliers, la
rédaction du dernier alinéa du paragraphe III de l'article 7 pose, à notre
sens, un problème.
En effet, en l'état, un employeur peut déroger à l'obligation de fixer des
périodes de travail et des horaires pour les titulaires de contrat de travail
intermittent.
L'alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées repose sur
une nouvelle conception du marché qui tente de cerner au mieux les évolutions
de la demande et qui y répond dans un souci de « rentabilité » à très court
terme au coup par coup, avec les conséquences que l'on sait sur l'organisation
du travail.
Cette réalité se doit d'être dite afin d'éviter que ne se développe dans notre
pays cette forme « nouvelle » d'organisation du travail au détriment d'une
forme plus traditionnelle, plus conforme aux intérêts des salariés.
Considérant que l'indétermination ne doit pas devenir la règle en matière de
contrat de travail, nous suggérons de supprimer le dernier alinéa du texte
proposé pour l'article L. 212-4-3 du code du travail.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission souhaite que soit conservé un maximum de
souplesse dans le recours au travail intermittent. Aussi émet-elle un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il faut avoir à l'esprit que certaines activités,
notamment touristiques ou agricoles, ont un caractère saisonnier qui ne permet
pas que soient prévues avec précision, dans le contrat de travail, les périodes
de travail et la répartition des horaires au sein de celles-ci. Ainsi, la durée
exacte des périodes saisonnières dans l'hôtellerie ou la restauration en zone
touristique, par exemple, est tributaire en pratique de facteurs climatiques
par nature difficiles à anticiper parfaitement.
M. Guy Fischer.
Absolument !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
C'est pourquoi un accord collectif doit prévoir la
possibilité d'adaptation.
Mais la loi pose aussi le principe que le salarié pourra, selon les modalités
fixées par l'accord, refuser les dates et les horaires de travail qui lui
seront proposés. C'est la meilleure solution pour résoudre le réel problème qui
se pose dans certaines branches.
Enfin, et j'en arrive à l'essentiel, pour lutter contre la précarité, mieux
vaut sécuriser les relations entre les employeurs et leurs salariés dans le
cadre d'un contrat à durée indéterminée que dans une succession de contrats à
durée déterminée.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 70, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM.
Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la
République proposent de compléter
in fine
l'article 7 par un paragraphe
ainsi rédigé :
« ... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-4-12 et jusqu'au
1er janvier 2001, s'il n'existe pas d'accord collectif étendu ou d'accord
d'entreprise, il peut être conclu des contrats de travail intermittents. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
L'encadrement du travail intermittent est légitime, nous venons de le dire
clairement voilà un instant.
Néanmoins, à trop vouloir l'encadrer, nous risquons de provoquer exactement
l'inverse du résultat escompté.
Soumettre le recours au contrat de travail intermittent à un accord de branche
ou d'entreprise est légitime. Pourtant, la conclusion d'un tel accord suppose
des délais de négociation non pris en compte dans ce texte.
Il est donc nécessaire de prévoir une période transitoire pour permettre aux
entreprises de conclure des contrats intermittents pendant une période d'un an
et de faire face ainsi à des impératifs de production ou d'organisation.
Ainsi, en cas de rupture d'un contrat de travail à temps partiel annualisé
quelques jours après l'entrée en vigueur de la seconde loi, l'entreprise doit
pouvoir procéder à une nouvelle embauche en contrat à durée indéterminée
correspondant à l'organisation du travail existante.
Il faut bien comprendre qu'à trop vouloir encadrer le travail intermittent on
risque, finalement, de nuire aux salariés eux-mêmes. En effet, les
entrepreneurs auront recours de manière généralisée au contrat à durée
déterminée, ce qui me semble contraire à l'objectif de lutte contre le travail
précaire.
Pour conclure, il me semble qu'instaurer une période dérogatoire d'un an
jusqu'au 1er janvier 2001 est juste et serait de nature à éviter tout effet
pervers du système.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Dans la mesure où il s'agit d'une utile précision pour la
transition en 2000 vers le nouveau régime, la commission a donné un avis
favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il faut rappeler que les contrats de travail
intermittents conclus aux termes de l'ordonnance de 1996 passaient également
par la négociation collective avant que la loi quinquennale ne vienne supprimer
cette formule. J'ai ici la liste des vingt-cinq accords qui concernent des
branches telles que les ateliers de découpe de volaille, l'industrie de la
conserve ou le secteur de l'agriculture.
Ces contrats et ces clauses conventionnelles sont toujours légaux en vertu de
la loi quinquennale de 1993, et je ne vois, dès lors, aucune justification
sérieuse, notamment du point de vue de la continuité des contrats, qui n'est
pas ici en cause, à créer de toutes pièces, pour une durée d'un an, un accès
direct en dehors de tout accord collectif.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Chapitre V
Dispositions relatives aux congés
Article 8