Séance du 16 novembre 1999
ADHÉSION À LA CONVENTION INTERNATIONALE
CONTRE LA PRISE D'OTAGES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 339, 1998-1999)
autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale
contre la prise d'otages. [Rapport n° 473 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
convention internationale contre la prise d'otages a été adoptée par
l'Assemblée générale des Nations unies le 17 décembre 1979 ; elle est entrée en
vigueur le 6 mars 1983 et soixante-dix-sept Etats l'ont déjà ratifiée ou y ont
adhéré ; c'est le cas de tous les pays membres de l'Union européenne, à
l'exception de l'Irlande, de la Belgique et de la France.
Elaborée dans un contexte de recrudescence des prises d'otages, la convention
internationale contre la prise d'otages est une convention d'incrimination qui
définit une nouvelle infraction à l'échelon international. Elle donne une
compétence très large aux Etats pour réprimer cette infraction. Ses
dispositions permettent aux juridictions nationales de bénéficier d'une
compétence universelle et de connaître ainsi tous les actes de ce type.
Cette convention comporte un dispositif de coopération internationale en
matière de prévention et de répression fondé sur le principe « juger ou
extrader » et sur des mesures facilitant l'entraide judiciaire et
opérationnelle. Elle contient également plusieurs dispositions visant à
garantir les droits des personnes poursuivies.
Notre adhésion nous paraît se justifier pour deux raisons.
En premier lieu, les prises d'otages constituent un phénomène en augmentation
et qui prend des formes nouvelles. La France figure d'ailleurs parmi les
premières victimes de ce type de terrorisme. Je rappelle que quinze de nos
compatriotes ont été retenus en otage en 1997, dix-huit en 1998, et nous avons
tous présents à l'esprit certains des plus douloureux de ces évènements.
D'ailleurs, l'année 1999 n'y échappe pas.
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
La coopération entre Etats ne peut que favoriser la
résolution de ces situations et permettre de mieux traquer et punir les
responsables.
En second lieu, notre adhésion se justifie par l'environnement international.
Dans le cadre de l'Union européenne et du G8, nous avons appelé à la
ratification universelle des conventions antiterroristes existantes, dont celle
contre la prise d'otages. Il fallait que la France se mît en règle, en quelque
sorte, avec ces engagements internationaux.
Nos réticences, qui se traduisent notamment par le retard mis à cette
ratification, tenaient à deux types d'objections.
La première concernait la procédure de règlement des différends. La convention
pose le principe de la compétence de la Cour internationale de justice. Or nous
avons dénoncé, en 1974, la compétence universelle de la Cour. Cette difficulté
est aujourd'hui levée. Nous avons en effet accepté en 1998, à l'occasion de la
ratification de la Convention internationale contre les attentats terroristes à
l'explosif, la compétence de la Cour internationale de justice sur une
convention spécifique relative au terrorisme.
La seconde objection tenait à la formulation de l'article 12. Cet article peut
en effet laisser à penser que la prise d'otages est justifiée sous certaines
circonstances liées au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Nos réserves
n'ont pas complètement disparu sur cette formulation, qui n'est d'ailleurs plus
invoquée dans une déclaration indiquant que « la France considère que l'acte de
prise d'otages est interdit en toutes circonstances ».
Notre adhésion sera également assortie de deux autres déclarations
interprétatives.
La première concerne l'article 6, qui évoque la possibilité, sous certaines
conditions, de détenir une personne préalablement à l'engagement de poursuites
pénales. Nous déclarerons que, conformément aux principes de sa procédure
pénale, la France n'entend pas procéder à la détention d'un auteur présumé ou à
toute autre mesure coercitive, préalablement à l'engagement de poursuites
pénales, hors les cas de demande d'arrestation provisioire.
S'agissant des dispositions de l'article 9 sur l'extradition, nous préciserons
également que nous excluons l'extradition d'un de nos ressortissants ou d'une
personne de nationalité étrangère si l'infraction est punie de la peine de mort
par l'Etat requérant.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la Convention
internationale contre la prise d'otages qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, ainsi que vient de le préciser M. le ministre, le présent projet de
loi vise à autoriser la ratification de la convention internationale contre la
prise d'otages. Cette convention a été adoptée en 1979 à New York, dans le
cadre des Nations unies, et est entrée en vigueur en 1983 ; soixante-dix-sept
Etats y ont adhéré.
Comme l'a rappelé M. le ministre, deux motifs principaux avaient conduit la
France à ne pas ratifier cette convention.
Tout d'abord, l'article 12 de la convention considère la prise d'otage comme
légitime dans certains cas, par exemple pour libérer un pays du colonialisme ou
d'une occupation étrangère. Pour la France, toute prise d'otage doit être
condamnée, quelles que soient les circonstances. Autrement dit, nous affirmons
que la fin ne justifie pas les moyens.
Ensuite, l'article 16 reconnaît à la Cour internationale de justice une
compétence très étendue pour régler les différends entre les Etats.
Depuis 1974 - la condamnation des essais nucléaires dans le Pacifique - la
France ne reconnaissait plus une compétence élargie de la Cour internationale
de justice. Sur ce dernier point, la position de la France a évolué.
Quelles sont les raisons qui nous incitent à proposer la ratification de cette
convention ?
En premier lieu, force est de constater que, malheureusement, les prises
d'otages sont toujours d'actualité et vous avez rappelé, monsieur le ministre,
que la France, hélas ! n'y échappait pas.
De 1970 à 1980, les prises d'otages avaient non pas uniquement, mais
principalement, un objet politique. Mais, depuis 1980, elles ont tendance à
revêtir un aspect mafieux.
En deuxième lieu, la lutte contre le terrorisme en général, et contre les
prises d'otages en particulier, doit être organisée à l'échelon international.
Cette convention y contribue fortement.
Enfin, en troisième lieu, cette convention fait partie d'un ensemble de onze
conventions internationales. Or la France a ratifié toutes ces conventions ou
se trouve sur le point de le faire.
Quel est le contenu de cette convention du 17 décembre 1979 ?
Tout d'abord, elle donne une définition large, universelle, claire et précise
de la prise d'otages : « Commet l'infraction de prise d'otages... quiconque
s'empare d'une personne... ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou
de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie, à savoir un
Etat, une organisation internationale intergouvernementale, une personne
physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou
à s'en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération
de l'otage. » Toutefois, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, l'article
12 en réduit la portée. La France refuse l'article 12, ainsi que je l'ai
rappelé voilà un instant.
La tentative et la complicité de prise d'otages sont également réprimées par
la présente convention.
Par ailleurs, cette convention vise à instaurer une coopération entre les
Etats parties, en matière de prévention, à travers des échanges d'informations
entre les polices et entre les administrations.
Elle vise à mettre en oeuvre le principe « juger ou extrader », aux termes
duquel les Etats doivent systématiquement poursuivre les auteurs et/ou les
complices de prises d'otages, et ce sans exception.
De même, la convention assure aux personnes soupçonnées et éventuellement
poursuivies des garanties quant aux droits de se défendre.
Enfin, elle prévoit l'intervention de la Cour internationale de justice en cas
de litige entre les Etats parties.
En conclusion, la France ayant ratifié ou allant ratifier la quasi-totalité
des conventions internationales contre le terrorisme, nul ne comprendrait
qu'elle ne ratifie pas celle-ci, relative à la lutte contre les prises
d'otages. Toutefois, la France précise une nouvelle fois sa position dans trois
déclarations contenues dans l'annexe 1 du présent rapport.
Tout d'abord, la prise d'otages est interdite en toutes circonstances.
Ensuite, la France ne procédera pas à la détention d'un auteur présumé avant
l'engagement de poursuites pénales. Enfin, l'extradition ne sera pas accordée
vers un pays où l'infraction est punie de la peine de mort, sauf si l'Etat
requérant garantit la non-application de la peine capitale.
Pour les raisons que je viens d'exposer, et pour celles que j'ai développées
dans mon rapport écrit, la commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées, à l'unanimité, vous propose, mes chers collègues, d'adopter
le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée l'adhésion de la République française
à la convention internationale contre la prise d'otages, faite à New York le 17
décembre 1979, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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