Séance du 18 novembre 1999
M. le président. Par amendement n° 88, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 22 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : "et au titre des spécialités de référence définies au premier alinéa dudit article L. 601-6 dont le prix au 1er janvier du dernier exercice clos n'est pas supérieur à celui d'une au moins de leurs spécialités génériques."
« B. - Au premier alinéa de l'article L. 245-6-1 du même code, après les mots : "à l'article L. 601-6 du code de la santé publique", sont insérés les mots : "et des spécialités de référence définies au premier alinéa dudit article L. 601-6 dont le prix au premier jour du dernier trimestre civil n'est pas supérieur à celui d'une au moins de leurs spécialités génériques".
« C. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 138-9 du même code est complétée par les mots : "et pour les spécialités de référence définies au premier alinéa dudit article L. 601-6 dont le prix au 1er janvier de l'année n'est pas supérieur à celui d'une au moins de leurs spécialités génériques". »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Les génériques bénéficient de plusieurs exceptions au régime habituel des médicaments remboursables. Je citerai quatre exemples.
Premier exemple : ils ne font pas l'objet d'accord prix-volume et ils ne sont pas soumis à des plafonds de dépenses de promotion.
Deuxième exemple : les laboratoires qui les exploitent peuvent déduire 30 % du chiffre d'affaires en spécialités génériques de l'assiette de la contribution prévue par l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale.
Troisième exemple : leurs ventes directes sont dispensées de la contribution prévue par l'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale.
Quatrième exemple : le plafond des remises accordées par les fournisseurs des officines est porté de 2,5 % à 10,74 % du prix fabricant hors taxes.
Ces exceptions n'ont pas d'autre justification que le prix.
Les médicaments princeps dont le prix a ou aurait été mis au niveau du prix des génériques sont aujourd'hui économiquement équivalents des génériques, mais ils ne peuvent bénéficier de ces dérogations.
L'intérêt de l'assurance maladie et un souci d'équité commandent de corriger cette situation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit indiscutablement là d'une mesure d'équité. En fait, cet amendement vise essentiellement l'antibiotique dénommé Clamoxyl, dont le cas est exemplaire.
Le Clamoxyl a rendu et continue de rendre des services considérables en thérapie anti-infectieuse. Or il est tombé dans le domaine public, et beaucoup de laboratoires ont copié la formule, ainsi qu'ils en avaient le droit. Il y a donc aujourd'hui sur le marché des génériques qui ont la même formule que le Clamoxyl.
Cependant, le laboratoire fabriquant le Clamoxyl a tenu compte de cette législation, que nous avons d'ailleurs soutenue, et il a aligné son prix sur celui des génériques.
Si nous ne donnions pas les mêmes avantages à la spécialité princeps qu'aux génériques, alors qu'ils sont proposés au même prix, cela reviendrait en fait à pénaliser celui qui a consenti l'effort intellectuel et financier, sachant qu'une nouvelle molécule représente des sommes considérables en recherches et investissements.
Il faut donc voter l'amendement défendu par notre collègue Claude Huriet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Huriet, croyez bien que nous nous sommes interrogés comme vous sur le problème que vous soulevez, notamment à propos du médicament qu'a évoqué M. le rapporteur. Celui-ci est malheureusement une exception, à la fois par sa qualité...
M. Charles Descours, rapporteur. Justement !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur ! C'est incroyable ! (Sourires.)
M. le président. N'y aurait-il pas un médicament, madame le ministre ? (Nouveaux sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En tout cas pas celui dont je parle, qui est beaucoup trop fort au regard de la pathologie dont souffre M. le rapporteur ! (Rires.)
Quoi qu'il en soit, c'est un vrai sujet.
Nous en sommes à la première phase du développement des génériques. Il est clair que, si tous les laboratoires produisant des médicaments princeps annonçaient à l'avance, sans d'ailleurs le faire nécessairement, qu'au moment où tel de leur médicament entrera dans le domaine public ils en baisseront le prix, nous courrions le risque de voir des laboratoires renoncer à se lancer dans la production de génériques. Or il est tout à fait souhaitable de laisser les génériques se développer.
Cela étant, lorsque les génériques seront bien en place en France, comme ils le sont dans les autres pays, il faudra effectivement réfléchir au problème que soulève M. Huriet.
Pour l'heure, si nous souhaitons un développement rapide des génériques, nous devons attendre que leurs positions soient suffisamment solides.
Le médicament dont nous parlons est un médicament de référence. Sa notoriété est telle qu'il bénéficie encore, et c'est heureux, d'un « plus » par rapport à des génériques susceptibles d'arriver sur le marché. Nous avons donc quelques mois, voire quelques années, pour régler ce problème, qui est, je le répète, un vrai problème et sur lequel nous allons travailler.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Veuillez me pardonner, madame la ministre, de vous avoir interrompue. Je ne recommencerai plus d'ici à la fin de cette séance. Mais cette promesse est peut-être excessive... (Sourires.)
Vous avez dit que c'était pratiquement la seule spécialité à se trouver dans cette situation. Mais, précisément, si nous ne votons pas l'amendement de M. Huriet, les autres laboratoires qui ont fabriqué des produits princeps ne seront pas encouragés à baisser leurs prix.
Or c'est cela le but : que les prix baissent, au profit de la sécurité sociale. En fait, votre réponse me convainc encore plus de la nécessité d'adopter l'amendement de M. Huriet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 88.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Si l'on met cet amendement en regard de la suppression de l'article 22 bis, on est conduit à penser que M. le rapporteur et la majorité sénatoriale sont plutôt défavorables au développement des médicaments génériques.
Cette position me semble tout à fait regrettable, à plus forte raison parce qu'elle va à l'encontre de la politique conduite par le Gouvernement que, pour ma part, je trouve très positive.
Autant je déplore la suppression de l'article 22 bis qui permettait, au contraire, d'accélérer la fabrication des génériques, autant je trouve injustifié cet avantage qui n'est accordé qu'à quelques spécialités.
Si vous n'aviez pas supprimé l'article 22 bis, on pourrait comprendre la démarche qui est la vôtre en ce qui concerne cet article additionnel, mais, compte tenu de cette suppression, je ne vois pas comment nous pourrions voter cet amendement.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je rejoins, bien sûr, l'un des arguments qui viennent d'être développés par M. le rapporteur. On ne peut pas être surpris, madame la ministre, qu'au jour d'aujourd'hui une seule spécialité générique ait fait l'objet de ces mesures.
Au fond, ce que je souhaite, au travers de cet amendement, c'est inciter d'autres laboratoires à suivre l'exemple qui vient d'être donné et qui, pour le moment, présente à la fois l'avantage et l'inconvénient d'être unique.
Nous ne sommes pas hostiles aux génériques. Si nous l'étions, cela se saurait, mon cher collègue ! L'objectif visé au travers des génériques est d'allier la sécurité du produit à des conditions financières plus intéressantes. C'est d'ailleurs l'un des éléments du dispositif de maîtrise des dépenses pharmaceutiques auquel nous adhérons, toutes proportions gardées.
De ce point de vue, les dispositions de l'amendement n° 88 rejoignent l'objectif fixé de maîtrise économique puisque, si l'on prend l'exemple du Clamoxyl, on s'aperçoit que son prix s'est aligné sur celui d'un générique. On ne peut donc pas user d'un tel argument pour s'opposer à cet amendement, auquel, après avoir entendu mes explications, je suis certain que vous vous rallierez.
M. Robert Del Picchia. Tout à fait !
M. Louis Boyer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Je comprends très mal l'argumentation de M. Autain. En tant que médecin, il devrait pourtant savoir ce qu'il en est.
Si le prix d'un produit d'origine est identique à celui d'un générique, on ne peut pas dire qu'on soit opposé à ce dernier, puisque le prix est le même pour la sécurité sociale. Mais il importe tout de même d'être reconnaissant envers le laboratoire qui a accompli des efforts en matière de recherche pharmaceutique.
Si l'amendement n° 88 n'est pas adopté, on va, une fois de plus, aller à l'encontre de la recherche pharmaceutique qui, vous le savez, connaît des difficultés en France. Les crédits qui y sont consacrés diminuent chaque année, ce qui pose problème, car on ne travaillera plus demain qu'avec des produits sous licence allemande ou américaine. Il faut donc soutenir les efforts de recherche des laboratoires et leur permettre de continuer de travailler. Or votre argumentation va à l'encontre de cette recherche.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 bis.
Article 23