Séance du 18 novembre 1999
M. le président. « Art. 28. - L'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 658,3 milliards de francs pour l'année 2000. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur une question qui préoccupe beaucoup les milieux de la santé et qui est en train de gagner l'opinion.
Les réductions tous azimuts des moyens de soins en général, plus accentuées en Ile-de-France, ne sont-elles pas en train de compromettre l'efficacité de l'ensemble de notre dispositif de soins, de prévention, de réparation, de rééducation, mais également de notre dispositif destiné à faire face à des événements graves ? Les catastrophes n'arrivent pas qu'aux autres, et celle du week-end dernier dans le sud de la France est là pour nous le rappeler.
La France disposait de moyens et d'une organisation de nature à faire face à des situations d'urgence. Elle constituait même un modèle. Tout cet acquis n'est-il pas, en ce moment, remis en cause ?
Madame la ministre, vous le savez, notre inquiétude est réelle. Chirurgie, centres de transfusion sanguine, urgences constituent les piliers d'un système d'intervention valable, parce qu'ils sont forts, diversifiés, rapides, capables de se mobiliser instantanément. Ces piliers vacillent, madame la ministre.
Prenons la chirurgie. Le SROS adopté en juillet relatif à l'Ile-de-France annonce une rationalisation des équipes et des plateaux techniques. Des seuils sont fixés, si l'on en croit les études très lucides de l'Union hospitalière de la région d'Ile-de-France, l'UHRIF. Au-dessous d'un seuil de 200 000 KC, le service est mis en cause, et des fermetures sont donc à prévoir. Entre 200 000 KC et 400 000 KC, les blocs opératoires seront fermés après vingt heures et les jours fériés. Seul le seuil au-dessus de 400 000 KC permettra la pratique permanente de la chirurgie.
L'affaiblissement de notre puissance d'intervention chirurgicale, même s'il est provoqué par une rationalisation - quel vilain mot ! - est réel, il est en route.
Toujours selon l'UHRIF, ces seuils ne reposent sur aucune réglementation - j'insiste pour en affirmer le caractère non réglementaire - et aboutissent à la disparition programmée d'une soixantaine de plateaux techniques privés et d'une dizaine de plateaux publics. L'hôpital public sera le plus touché.
Quant aux petites cliniques privées, le rachat de leurs lits sera réalisé par de grands groupes privés fonctionnant sur critères exclusifs de rentabilité.
Madame la ministre, nous vous demandons de réexaminer cette situation : 60 % de l'activité chirurgicale en Ile-de-France est privée, et, si le phénomène qui s'engage de disparition de services de chirurgie se confirme dans l'hôpital public, seront également touchées les urgences, voire d'autres activités, notamment les services de maternité.
Comme première mesure, nous vous demandons qu'une partie des lits restructurés soit réaffectée dans les hôpitaux publics.
Il est aussi une conséquence qui peut, à terme, se révéler très grave mais qui se manifeste déjà : c'est la diminution des effectifs d'anesthésistes, de gynécologues, de chirurgiens, de radiologues. La réduction du nombre et de l'importance des plateaux techniques frappe aussi certaines catégories de médecins ou des équipes de soins.
En retour, l'absence de médecins va concentrer l'activité dans les grands établissements et conduire à des restructurations d'établissements dépourvus désormais de compétences médicales.
On manque de chirurgiens mais, dans le même temps, que deviendont les postes d'internes de spécialités médicales et chirurgicales ? Les services formateurs n'existant plus, les postes se transforment.
Dans l'immédiat, cet éloignement de la chirurgie des citoyens retarde, voire compromet les interventions. L'affaiblissement de notre potentiel chirurgical est réel et, malheureusement, nous craignons qu'il n'en prépare d'autres.
Dans le même temps - et l'on perçoit l'existence de cette rationalisation que j'évoquais - la transfusion sanguine est transférée du centre hospitalier à un établissement public à caractère industriel ou commercial. N'épiloguons pas sur l'Etablissement français du sang. Mais nous sommes obligés de constater la disparition dans les hôpitaux de la transfusion sanguine.
Dans mon département, les centres de Pontoise et de Gonesse ferment. A Paris, il en sera de même dans les hôpitaux Jean-Verdier, Raymond-Poincaré et Saint-Vincent-de-Paul. Il n'y a plus de structures de transfusion sanguine à Broussais, à Laennec et à Boucicaut. Il n'y a plus de transfusion de nuit à l'hôpital Trousseau, qui a pourtant une maternité, à l'hôpital Robert-Debré, où l'on compte 3 000 accouchements par an, ainsi qu'aux hôpitaux Ambroise-Paré, Louis-Mourrier et Paul-Brousse, ce dernier accueillant pourtant les urgences digestives de nuit et étant le premier centre de greffes hépatiques.
Je ne crois pas, madame la ministre, qu'on puisse admettre que des urgences vitales soient possibles sans avoir du sang sur place.
M. le président. Veuillez conclure, madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'en termine, monsieur le président.
Nous ne pouvons admettre que des grossesses à risque soient suivies dans des hôpitaux qui ne disposent pas de sang sur place. La rationnel, c'est l'intervention et le sang sur place, et non l'intervention et le sang ailleurs.
Aujourd'hui même, le personnel des urgences de l'hôpital Saint-Antoine s'est mis en grève. Cet hôpital doit recevoir les urgences de l'hôpital Rotschild, qui viennent de fermer, ce qui entraîne un accroissement de 50 % de sa charge de travail, et cela sans aucune adaptation, sans aucun renforcement de ses moyens.
Le président de l'association des médecins urgentistes de France a dénoncé cette situation dans les termes suivants : « on ne peut plus marcher dans les couloirs où s'entassent les brancards... Combien de services d'urgence ont été supprimés et combien sont aujourd'hui surchargés ? ».
Après la fermeture de 60 000 lits d'hôpitaux au cours des dernières années - mais vous n'en êtes pas totalement responsable, madame la ministre - ce sont 24 000 lits qui vont être fermés avec votre projet. Nous devions attirer votre attention sur cette situation grave.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne vais pas allonger les débats, puisque ma collègue a déjà parlé des hôpitaux parisiens. Vous comprendrez toutefois que j'insiste sur cette situation qui nous préoccupe.
Comme l'a dit Mme Beaudeau, l'hôpital Saint-Antoine - Mme Aubry le connaît bien puisqu'elle l'a visité au mois de juin - illustre la situation des hôpitaux de l'Assistance publique.
Malgré les restrictions, le personnel donne beaucoup de son temps, de sa vie. C'est grâce à cela que l'hôpital continue de fonctionner. Mais cela ne peut pas continuer ainsi.
Le service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine, prévu pour accueillir soixante passages par jour, en recense en moyenne cent trente-trois, avec des pics allant jusqu'à cent soixante-dix, et cela dans des locaux trop petits, ce qui pose même des problèmes d'intimité et de sécurité.
Il faut tenir compte de la spécificité des hôpitaux de Paris intra-muros . Lorsque les personnels se mettent en grève, c'est parce qu'ils n'en peuvent plus, et on les comprend.
Contribuer à la mise en place d'une dotation « fléchée » pour les urgences de l'hôpital Saint-Antoine témoignerait d'une plus grande prise en compte par le Gouvernement des besoins des hôpitaux parisiens et de leurs services des urgences, qui sont souvent surchargés. Le Gouvernement se démarquerait ainsi de l'immobilisme dont fait preuve la mairie de Paris, qui refuse depuis de nombreuses années d'assumer ses responsabilités en la matière.
J'attire votre attention sur ce cas précis, car il me semble significatif d'un redéploiement dans une logique de diminution de l'offre de soins et d'emplois publics qui nuit à la population, en particulier aux plus défavorisés.
Le débat de fond sur les besoins hospitaliers doit avoir lieu. Plutôt que d'uniformiser et de réduire les moyens, il s'agirait, à mon sens, de résoudre les nombreux problèmes qui se posent en mobilisant toutes les ressources humaines et tous les équipements pour des missions d'ordre public, pour l'amélioration de la qualité des soins.
Les propositions en faveur de l'octroi de prêts à taux zéro pour les investissements ou de l'instauration de taux de TVA réduits pour certaines dépenses de fonctionnement, comme cela se fait pour le logement social, seraient tout à fait bienvenues.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28.
(L'article 28 est adopté.)
Section 7
Mesures relatives à la trésorerie
Article 29
M. le président.
« Art. 29. - Au chapitre V du titre V du livre II du code de la sécurité
sociale, il est créé un article L. 255-2 ainsi rédigé :
«
Art. L. 255-2
. - Les montants encaissés par les organismes chargés du
recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale sur leurs
comptes spéciaux d'encaissement sont obligatoirement transférés par virement
pour l'alimentation du compte unique de disponibilités courantes de l'Agence
centrale des organismes de sécurité sociale. Ces dispositions entrent en
vigueur au 1er septembre 2000. » -
(Adopté.)