Séance du 1er décembre 1999
M. le président. « Art. 23. - I. - Le I de l'ar- ticle 150-V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, le taux : "7 %" est remplacé par le taux : "4,5 %" ;
« 2° Le troisième alinéa est supprimé.
« II. _ Les dispositions du I s'appliquent aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2000. »
Par amendement n° I-240 rectifié, MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann, Trégouët et de Broissia proposent :
A. Après le I de l'article 23, d'insérer un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« I bis. - Au I de l'article 150 V bis du code général des impôts, la somme "20 000" est remplacée par la somme "65 596" et la somme "30 000" par la somme "98 394".
B. Rédiger comme suit le début du II de cet article :
« Les dispositions du I et du I bis ci-dessus... »
C. Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la réévaluation du seuil d'application de la taxe sur les métaux précieux est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Cet amendement a pour objet de réévaluer le seuil d'application de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art et d'antiquité, qui tient lieu d'imposition sur les plus-values ; ce taux n'a jamais été modifié depuis la création de cette taxe en 1977.
Il convient donc de tenir compte de la hausse du niveau général des prix qui a été multiplié par trois depuis cette date.
Cette initiative est conforme aux suggestions d'un certain nombre de spécialistes ; je me réfère notamment au rapport de M. André Chandernagor, président de l'observatoire du marché de l'art. Cette proposition figurait d'ailleurs dans le rapport sur le marché de l'art que nous avons eu l'honneur de déposer.
Comme nous anticipons sur l'avènement de l'euro pour tenir compte de l'internationalisation du marché de l'art, nous proposons de fixer un montant en francs calculé par rapport à un seuil correspondant à une valeur arrondie en euro, c'est-à-dire de remplacer le montant de 20 000 francs par celui de 65 596 francs, correspondant à 10 000 euros.
Cet amendement est conforme à la doctrine de la commission des finances, qui, depuis le début de cette discussion, ne cesse de proposer des aménagements d'un certain nombre de seuils pour éviter les baisses rampantes, contraires à la volonté du législateur au moment où ces seuils ont été fixés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rappporteur général. Cet amendement est opportun, au moins à deux titres : d'une part, il tend à améliorer les perspectives du marché des objets d'art, de collection ou d'antiquité, et ce dans la ligne des propositions récemment formulées au titre de la commission des finances par M. Gaillard ; d'autre part, il met l'accent sur le caractère obsolète de seuils définis à une période déjà ancienne par des textes qu'il faut réviser. Notre collègue appelle ainsi l'attention sur l'une de ces dispositions obsolètes qu'il faut absolument modifier.
La commission est donc très favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il faut prendre la mesure du problème soulevé par M. Gaillard. En effet, le produit de la taxe forfaitaire sur les ventes et exportations réalisées par les particuliers de bijoux, d'objets d'art, de collections ou d'antiquité est très modeste puisque celle-ci ne rapporte que 130 millions de francs par an.
M. Roland du Luart. Autant la supprimer !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La limite de 20 000 francs prévue par le droit fiscal est bien adaptée aux transactions qui portent sur des biens meubles. Elle s'applique en effet pour chaque objet, sauf lorsque les objets vendus forment un ensemble comme dans une collection.
Lorsque le prix de vente de l'objet excède 20 000 francs sans dépasser 30 000 francs, la base d'imposition est réduite d'une décote correspondant à la différence entre ces 30 000 francs et le prix du bien vendu. Par ailleurs, les cours pratiqués sur le marché de l'art étant très fluctuants, une revalorisation de la limite d'exonération en fonction de l'érosion monétaire n'a pas de pertinence logique. C'est pourquoi je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir repousser cet amendement.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-240 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voterai contre l'amendement n° I-240 rectifié. Mais j'estime que M. Gaillard et ses amis posent un véritable problème général, celui de l'ajustement le plus régulier possible des tarifs en francs du code général des impôts.
Monsieur le secrétaire d'Etat, on nous propose de modifier des tarifs qui datent de 1977 alors que, depuis cette époque, nous avons connu des périodes d'inflation colossale.
Certes, on ne peut pas faire du « bricolage » aujourd'hui, mais il ne serait pas inutile que le Gouvernement charge la direction générale des impôts ou le service de la législation fiscale de procéder à un peignage des tarifs en francs figurant dans le code général des impôts qui mériteraient d'être réajustés parce qu'ils ne l'ont pas été depuis longtemps.
Le problème ne se pose plus tellement pour la période actuelle dans la mesure où les taux d'inflation sont très bas. En revanche, la période visée par M. Gaillard connaissait, elle, une inflation allant jusqu'à 14 % !
Monsieur le secrétaire d'Etat, si la ressource générée par la taxe visée est basse, cela vient non pas du tarif, mais des insuffisances de déclaration. Nombre de personnes ne déclarent rien ! C'est un problème de contrôle fiscal et de suivi des transactions. L'administration a-t-elle la possibilité de redresser la situation dans ce domaine ? Un rendement de 130 millions de francs signifie que seuls les naïfs ou les mal conseillés déclarent ou se font prendre. Aussi, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous preniez l'engagement d'examiner cette affaire en ce qui concerne tant les modalités d'assiette, les taux, les tarifs, que les modalités du contrôle fiscal qui s'appliquent au type de transactions visées ; 130 millions de francs ce n'est pas raisonnable, pas plus que des tarifs qui datent de 1977 !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Certes, monsieur Charasse, je vous le concède, dans un certain nombre de cas il faudrait procéder à une indexation des impositions forfaitaires et des seuils. Mais ne procédons pas à des indexations isolées, sans principe directeur. Ayons une vision globale du problème ; c'est d'ailleurs ce que vous proposez et je vous en remercie.
Si, aujourd'hui, nous avons affaire, dans le cas qui nous occupe présentement, à une imposition forfaitaire, c'est parce que nous avons souhaité, voilà une bonne quinzaine d'années, simplifier le régime et ne pas astreindre les particuliers qui opèrent les transactions concernées à une imposition sur les plus-values qui aurait compliqué beaucoup les transactions et la fluidité du marché. C'était une mesure de simplification.
Depuis, il est vrai, les prix ont évolué ; nous reverrons tout cela le moment venu.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'analyse de M. Charasse, qui est toujours lumineux !
Il est vrai que, à ce niveau, le seuil est proprement confiscatoire, et l'on ne sait même pas, finalement, si le fait d'élever la limite aura des effets sur la ressource car celle-ci est actuellement nettement trop basse.
M. le secrétaire d'Etat estime qu'il ne faut pas prendre de mesures au coup par coup. Mais, mes chers collègues, d'ici à ce que l'administration prenne réellement en compte ce problème et se mette à « peigner » l'ensemble de ces seuils, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts et, pendant ce temps-là, le marché de l'art en France s'effondrera.
Ce n'est pas une mesure essentielle par rapport au secteur concerné, qui n'est pas sans importance pour notre image, mais c'est une mesure que tous les spécialistes, y compris des hommes dont l'orientation politique n'est pas sujette à caution, comme M. Chandernagor, soutiennent. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être adoptée aujourd'hui.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-240 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, ainsi modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24