Séance du 6 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est donc la cinquième fois que j'ai l'honneur de rapporter les crédits de ce ministère pour l'enseignement supérieur.
Ce projet de budget pour 2000 est placé sous le signe de l'adaptation de l'enseignement supérieur aux problèmes du troisième millénaire. C'est en partant de ce même point de vue que je m'efforcerai, au nom de la commission des finances, de présenter un certain nombre d'appréciations et d'observations.
Tout d'abord, présentons très rapidement ce projet de budget : il est en croissance, et il affirme très nettement les trois priorités essentielles que vous avez définies, monsieur le ministre, pour la politique de l'enseignement supérieur.
Les crédits inscrits à ce projet de budget atteignent 52,462 milliards de francs, soit une progression de 2,63 % par rapport à l'année précédente, les crédits de personnel augmentant pour leur part de 4,55 %. L'ampleur de l'effort financier de la collectivité nationale sera mieux mis en lumière si l'on tient compte des crédits alloués à l'enseignement supérieur dispersés dans les budgets des autres ministères. A cette fin, je présente de manière un peu plus approfondie que les années précédentes, dans mon rapport, le projet de budget coordonné de l'enseignement supérieur.
On a dénombré, lors de la dernière rentrée, 20 000 étudiants de moins qu'en 1998, pour un effectif total de 1 530 000. C'est la troisième année consécutive que l'on enregistre une baisse de celui-ci.
Quant aux personnels, ils sont au nombre de 138 772, dont 81 000 emplois d'enseignant-chercheur. Cette année encore, le projet de budget est marqué par une croissance importante des effectifs, puisque sont créés 800 postes d'enseignant-chercheur, auxquels il convient d'ajouter 400 postes libérés par le financement sur le chapitre 31-96 du recrutement des ATER, les attachés temporaires d'enseignement et de recherche, et 500 postes d'IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service.
Cette présentation extrêmement succincte de votre projet de budget fait apparaître, monsieur le ministre, trois priorités que vous affirmez souvent et qui, d'ailleurs, recueillent notre accord.
La première concerne le plan social étudiant. A cet égard, les crédits pour 2000 traduisent véritablement le franchissement d'une étape supplémentaire et importante dans sa mise en place. Nous approuvons les orientations de ce plan social étudiant, qui, sans tomber dans les excès et la rigidité d'un éventuel statut de l'étudiant, visent à améliorer la situation de celui-ci en termes d'aides directes et indirectes, de logement, de transport et de restauration. Il apportera aussi un perfectionnement du système d'attribution des bourses, tout en maintenant les mécanismes de l'aide personnalisée au logement, l'APL, ou de l'allocation de logement sociale, l'ALS, qui visent à permettre aux étudiants de se loger dans des conditions plus satisfaisantes. Au total, l'ensemble de l'action sociale en faveur des étudiants représente 9,6 % des crédits, soit une progression de 8 %, chiffre tout à fait significatif.
En ce qui concerne les bourses, 36 000 étudiants en bénéficient, et les crédits qui leur sont affectés augmentent de plus de 677 millions de francs. L'objectif de faire profiter 30 % des étudiants d'un soutien financier devrait donc être atteint dans les prochaines années.
En résumé, les orientations du plan social étudiant sont tout à fait cohérentes et leur mise en oeuvre se poursuit avec détermination.
De même s'amorce - et c'est la deuxième priorité - la mise en place du programme dit « U3M », « Université du troisième millénaire ». Les premières tranches de crédits sont disponibles, et l'accent est mis sur le qualitatif, mais aussi sur l'indispensable sécurité des universités et des structures d'accueil des étudiants. Nous assistons donc, avant même que la négociation soit terminée - je reviendrai d'ailleurs sur ce point - aux premières étapes de l'application du programme « Université du troisième millénaire ».
La troisième priorité touche au renforcement de l'encadrement pédagogique et de la recherche, qui résulte de l'effet conjugué de la baisse des effectifs de l'enseignement supérieur et de l'effort, poursuivi depuis plusieurs années maintenant, de renforcement des effectifs d'enseignants et de chercheurs.
En conclusion, ce projet de budget fait l'objet de développements beaucoup plus importants dans le rapport écrit de la commission des finances, mais il me semblait nécessaire de résumer devant vous, mes chers collègues, les principaux points abordés dans celui-ci.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, vous faire part d'un certain nombre d'observations sur quelques problèmes majeurs nous conduisant à nous interroger sur la capacité d'adaptation au troisième millénaire de l'appareil de formation et de recherche français.
Ma première observation portera sur les structures pédagogiques.
Une nouvelle fois, - c'était déjà le cas l'an dernier - nous nous trouvons un peu désorientés, si j'ose dire, et nous nous demandons où en est exactement la mise en oeuvre des différentes réformes engagées.
S'agissant tout d'abord du premier cycle, l'application des dispositions prévues par l'arrêté de 1997, notamment la semestrialité et la phase d'observation et de réorientation, sera-t-elle poursuivie et généralisée ? Quels sont vos projets concernant ce premier cycle ? En effet, le taux d'échec en premier cycle continue de nous inspirer une vive inquiétude, d'autant que des statistiques montrent que, par exemple, la proportion de bacheliers scientifiques est en régression, ce qui laisse augurer une évolution difficile des premiers cycles de l'enseignement supérieur au cours de la décennie à venir.
Par ailleurs, nous approuvons la mise en place de la licence professionnelle, mais sera-t-elle étendue à l'ensemble du territoire français ?
En ce qui concerne enfin le statut des grandes écoles et leurs relations avec les universités, nous ne savons toujours pas précisément - j'avais déjà soulevé cette question les années précédentes - quels sont les objectifs visés. A-t-on renoncé à procéder à une réforme ? Nous aimerions obtenir des éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre, à l'occasion de ce débat budgétaire.
Ma deuxième observation concerne la mise en place du programme « Université du troisième millénaire ».
On pourrait bien évidemment nous objecter que la conception générale de ce plan a été arrêtée et que les objectifs ont été définis, mais que les projets doivent maintenant être intégrés à la négociation, région par région, des contrats de plan « enseignement et recherche », et qu'il est donc trop tôt pour débattre des orientations, des montants financiers ou des questions de localisation géographique ou de ventilation entre les diverses disciplines. Nous nous attendons à cette réponse, et c'est pourquoi la commission des finances a souhaité vous mettre en garde, monsieur le ministre, non pas contre l'idée que, pour les sept ans à venir, soit la durée du plan, l'accent doit être mis sur l'aspect qualitatif - chacun le comprend bien - mais contre un certain nombre de difficultés que vous risquez de rencontrer.
Tout d'abord, s'agissant de la négociation avec les régions, il est certain que les crédits importants affectés à la sécurité motivent beaucoup moins celles-ci que les crédits alloués à l'extension ou à la création des universités.
Par ailleurs, vous n'avez toujours pas réglé le problème de l'assujettissement à la TVA des fonds de concours apportés par les différentes collectivités locales. J'avais déjà soulevé cette question les années précédentes, mais c'est toujours la même circulaire qui s'applique, et cela risque de dissuader les collectivités locales de contribuer à la réalisation des projets.
En résumé, j'y insiste, il nous apparaît que des difficultés pourraient surgir dans les négociations avec les régions à propos de la conception des projets retenus et de leur mode de financement dans l'optique du plan U3M.
Ma troisième observation touche à la restructuration du site de Jussieu.
A ce propos, à chaque fois qu'une enquête est menée, le calendrier change, les coûts sont réévalués, et jamais dans le sens d'une réduction. Selon le rapport qui nous a été présenté par votre ministère, il semble que l'ensemble de cette restructuration durerait jusqu'en 2003 et que son coût s'élèverait à environ 3,87 milliards de francs. Or, ayant lu par ailleurs que ce coût atteindrait plutôt 5 milliards de francs, nous aimerions avoir la certitude que cette opération ne perturbera pas la mise en oeuvre du plan U3M. (M. le ministre acquiesce.)
Monsieur le ministre, vous semblez me signifier que ce ne sera pas le cas, et que la restructuration de Jussieu fera l'objet d'un financement particulier. Je m'en réjouis, car les choses seront donc claires, à moins que l'enveloppe des crédits destinés à financer le plan U3M n'ait été amputée par avance, alors qu'il est nécessaire, compte tenu du passé, qu'un effort soit consenti dans l'optique de celui-ci pour la requalification des universités de la région d'Ile-de-France.
A plusieurs reprises, devant la commission et ici même, devant la Haute Assemblée, vous avez indiqué que les modalités de l'opération de Jussieu ne pouvaient pas être complètement cernées, que le Gouvernement avait la volonté de mener à bien cette restructuration, mais que, tant qu'on ne pouvait pas mesurer précisément l'incidence d'un éventuel transfert partiel sur Tolbiac de certaines unités, on ne pouvait fixer de manière ferme ni le calendrier ni les coûts.
Qu'en est-il aujourd'hui, en cette fin d'année 1999, de l'opération de restructuration de Jussieu ?
Notre quatrième observation porte sur les bibliothèques universitaires, sur lesquelles, à la demande du Sénat, nous avons réalisé une mission spécifique. Je dois d'ailleurs dire que nous avons été très bien accueillis par vos collaborateurs, ainsi que par l'ensemble desdites bibliothèques.
Nous avons formulé un certain nombre de remarques, de demandes, de souhaits concernant le renforcement des capacités d'accueil des bibliothèques universitaires, la mise en place du système universitaire de documentation, le recours aux technologies nouvelles, l'extension des horaires d'ouverture, la bonne relation entre les bibliothèques universitaires et les bibliothèques locales, l'augmentation en nombre des personnels et l'amélioration de leur formation.
Pour le dire très franchement, comme nous l'avons ressenti, notre rapport n'a pas trouvé beaucoup d'écho auprès du ministre et de ses services. Est-il tombé aux oubliettes ou des conséquences positives en seront-elles tirées ?
Nous avons observé que, dans le budget pour 2000, 15 millions de francs supplémentaires étaient affectés aux bibliothèques universitaires et 80 postes nouveaux étaient créés. C'est bien, mais nous avons quelque peu le sentiment que ce n'est pas tout à fait à la hauteur des nécessités de la modernisation.
Le système de documentation, qui - ce n'est pas à vous que nous l'apprendrons ! - est un élément essentiel de la pédagogie et de la recherche, n'est pas suffisamment mis en valeur.
De la même façon, nous nous interrogeons sur la place des bibliothèques universitaires dans le prochain plan « Université du 3e millénaire ». Nous nous étions dit que les crédits qui devaient être affectés aux bibliothèques universitaires pendant toute la période de ce plan devraient être de l'ordre de 10 %. Qu'en est-il ?
Nous nous inquiétons véritablement, car nous avons constaté un retard important de nos universités sur les universités étrangères en matière de politique documentaire. C'est l'un de leurs handicaps et ce sera l'une de leurs difficultés, demain, à s'adapter aux nécessités du troisième millénaire.
Notre dernière observation porte sur la rationalisa-tion de la gestion des crédits que nous souhaitons voir engagée.
Une fois encore, nous sommes dans une année de croissance des crédits et, favorable que nous sommes au développement de l'enseignement supérieur et à l'amélioration de sa qualité, nous pourrions tout naturellement nous dire que, au fond, la solution, c'est toujours plus de crédits. Eh bien, ce n'est pas ce que nous disons, ce n'est pas ce que dit aujourd'hui la commission des finances.
A nos yeux, il est indispensable de poursuivre un important effort de rationalisation de la gestion des crédits, c'est-à-dire d'entreprendre des efforts d'économie, de redéploiement du personnel, de négociation avec l'ensemble des universités, dans des mécanismes respectant leur autonomie, dans des mécanismes de contractualisation, par exemple pour améliorer la gestion des heures supplémentaires, sujet dont nous ne débattrons certainement pas cette année, mais qui était tout de même une entreprise importante et difficile.
Alors que les effectifs d'étudiants baissent et que toutes les perspectives sur les dix années à venir montrent qu'il continuera à en aller ainsi, il convient aujourd'hui, après un effort de renforcement de l'encadrement, d'entreprendre un effort supplémentaire de rationalisation de la gestion des crédits.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les analyses qui ont été faites par la commission des finances et par son rapporteur spécial. C'est au vu de ces analyses qu'ils sont conduits à vous proposer le rejet des crédits du ministère de l'éducation nationale pour la section de l'enseignement supérieur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Avec 52,4 milliards de francs de crédits prévus pour 2000, l'enseignement supérieur apparaît, cette année encore, monsieur le ministre, comme le parent pauvre de votre très vaste département ministériel.
Cette pauvreté résulte moins de la progression des crédits, que M. Lachenaud a évoquée, et qui atteint 2,6 %, que de l'absence de transfert budgétaire entre l'enseignement scolaire, qui, lui, bénéficie d'une rente démographique, et l'enseignement supérieur, qui doit aujourd'hui impérativement réussir sa démocratisation sur le plan qualitatif.
Plus que l'évolution des crédits, c'est l'absence d'un grand projet mobilisateur qui a retenu notre attention : l'ouverture modeste à l'international, l'alignement des diplômes sur le modèle européen, la modernisation de nos campus, la formation continue, les bourses de mérite supplémentaires, etc., ne peuvent être interprétés comme un projet cohérent et ambitieux pour l'enseignement supérieur.
Au-delà de ce manque de souffle, trop peu d'initiatives ont par ailleurs été engagées pour lutter contre l'échec en premier cycle, qui a été évoqué, pour remédier à la mauvaise orientation des étudiants - je vais y revenir - et à l'inadaptation de trop nombreuses formations et pour conserver à la recherche universitaire son rôle essentiel.
La progression des crédits est la plus faible depuis 1995 et doit être rapportée à l'augmentation de 3,4 % des moyens de l'enseignement scolaire. Cette faible progression se répercute automatiquement sur les emplois qui seront créés en 2000 : 1 200 enseignants chercheurs, au lieu de 1 500 en 1999 ; 500 emplois IATOS, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service, contre 800 en 1999, dont 80 pour les bibliothèques, ainsi que l'a souligné M. le rapporteur spécial, contre 150 en 1999. Trop de bibliothèques universitaires sont aujourd'hui littéralement sinistrées.
Cette évolution des crédits budgétaires intervient alors que s'amorce une baisse non négligeable des effectifs étudiants.
Lors de la dernière rentrée, notre système universitaire a accueilli quelque 2 100 000 étudiants, soit 13 000 de moins qu'en 1998. On a cependant observé une certaine progression des effectifs dans les filières sélectives, ce dont il convient de se féliciter. Cette décrue démographique devrait s'accélérer à moyen terme.
Plus préoccupantes apparaissent, pour la commission, les inscriptions massives en STAPS, sciences et techniques des activités physiques et sportives, au nombre de 38 000 à la rentrée de 1999, étant rappelé que le professorat d'éducation physique n'offre qu'un millier de postes chaque année. 38 000 inscriptions pour un millier de postes ! Un élargissement des débouchés de la filière sportive s'impose à l'évidence. Mais ne vaudrait-il pas mieux réguler en amont ?
S'agissant des disciplines scientifiques, qui nous sont familières, monsieur le ministre, la désaffection des bacheliers à l'égard des diplômes d'études universitaires générales, les DEUG, se traduit depuis deux ans par une baisse de 10 000 étudiants. Une rénovation de ces DEUG a été expérimentée, l'an dernier, dans six universités. Ces efforts sont, à mon sens, insuffisants et une réflexion plus large sur l'avenir de la filière scientifique s'impose à l'évidence.
Je voudrais, ensuite, souligner la portée limitée de certaines des réformes que vous avez engagées.
Votre souci de développer le rôle international de l'enseignement supérieur est évidemment légitime, et on ne peut qu'y être favorable. L'agence Edufrance, quis'appuie déjà sur un réseau de quatre-vingts établissements, a notamment signé un protocole de coopération destiné à accueillir plusieurs milliers d'étudiants chinois pour les trois ans à venir, mais ses moyens, tant en personnels qu'en crédits de fonctionnement, ne sont pas à la hauteur de ses ambitions.
Vous rentrez d'un important voyage en Inde, monsieur le ministre : quels moyens nouveaux entendez-vous donner à l'agence Edufrance ?
D'une manière plus générale, on peut constater que la France perd du terrain sur le marché de l'accueil des étudiants étrangers : ils constituaient 8,5 % de la population des universités françaises en 1998, contre 13 % en 1985.
Afin de remédier à cette situation, un rapport d'information de l'Assemblée nationale propose d'accroître l'autonomie des universités en ce domaine. Ce rapport préconise également une mesure, à mon sens discutable, qui conduirait à ne plus considérer une bonne maîtrise de la langue française comme un préalable à la poursuite d'études dans notre pays.
Je crois qu'il convient aussi de relativiser la réalité de ce marché mondial de l'enseignement supérieur que vous vous plaisez à souligner, monsieur le ministre, même si les universités anglo-saxonnes s'installent désormais dans certains pays européens, comme l'Italie, la Grèce et, éventuellement, la France.
La réalité montre que la mobilité étudiante internationale est davantage déterminée par les accords entre établissements et les affinités culturelles et historiques que par une comparaison entre les offres universitaires, selon les règles strictes du marché. Il conviendrait sans doute que nos universités soient plus autonomes pour proposer des offres de formations spécifiques qui seraient évaluées par des organismes indépendants et internationaux. Nous en sommes encore loin.
S'agissant de la mise en place d'un espace universitaire européen, celui-ci doit se traduire par une architecture commune pour les formations et les diplômes, fondée sur deux cursus, avant et après la licence, le second cursus devant conduire au mastère et au doctorat.
Le mastère a enfin vu le jour et ses modalités ont été précisées par le décret du 30 août 1999 : ce grade sera conféré à tout titulaire d'un diplôme européen ou français faisant l'objet d'une habilitation à bac + 5.
Dans le même temps, il nous faut constater que le rapprochement des grandes écoles et de l'Université, prôné par le rapport Attali, devient une réalité ; des synergies s'établissent d'ores et déjà en matière de recherche. Les grandes écoles, qui contrairement à des idées reçues font de la recherche, et depuis longtemps, se rapprochent des laboratoires universitaires.
Des regroupements entre grandes écoles et universités sont ainsi intervenus à Tours, Nantes, Belfort, mais aussi à Bordeaux, ce dont il convient de se féliciter.
Cette volonté de rapprochement se retrouve au niveau du recrutement des grandes écoles, qui tend désormais à se diversifier en première année ou au cours de la scolarité : aujourd'hui, 52 % des ingénieurs ne sont plus issus des classes préparatoires.
La professionnalisation des cursus universitaires constitue par ailleurs une priorité pour notre enseignement supérieur ; elle a suscité de nombreuses initiatives, dans le passé, dans quelques universités.
A cet égard, il convient de saluer la naissance de la nouvelle licence professionnelle, qui répond aux objectifs du cursus pré-licence.
Cette licence s'adresse aux titulaires de DEUG, de brevet de technicien supérieur, BTS, ou de diplôme universitaire de technologie, DUT, se destinant à une insertion professionnelle relativement rapide et sera définie en liaison avec les milieux professionnels. Des incertitudes subsistent cependant, monsieur le ministre, sur une éventuelle sélection à l'entrée, compte tenu des débouchés professionnels nécessairement limités, sur les moyens qui seront consacrés à ce nouveau diplôme, sur sa vocation, sur la répartition des enseignements théoriques et pratiques. Pourriez-vous, monsieur le ministre, éclairer le Sénat sur tous ces points ?
L'avenir de la filière technologique, et notamment des instituts universitaires de technologie, les IUT, apparaît, en revanche, moins clair.
La commission est attentive aux inquiétudes exprimées par les directeurs d'IUT : une menace pèserait - ce n'est pas nouveau - sur leur autonomie au sein des universités, la réduction du volume des heures complémentaires - c'est plus grave - est de nature à porter atteinte à l'ancadrement des élèves et des incertitudes subsistent sur le rôle des instituts dans la délivrance des nouvelles licences professionnelles et sur leur articulation avec les nouveaux cursus européens.
La commission tient à rappeler son attachement aux IUT, qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur caractère démocratique, en dépit d'une sélection parfois critiquée. Les IUT ont su mêler la tradition et un enseignement appliqué ; ils jouent par ailleurs un rôle capital dans l'aménagement du territoire. Les sénateurs y sont tout particulièrement attachés.
Pour en terminer avec ce « volet professionnalisant », je voudrais souligner que l'université n'a pas encore accordé la part qui revient à la formation continue diplômante : force est de constater que l'université est bien loin de bénéficier de la manne financière supposée de la formation continue.
J'aborderai, en dernier lieu, le plan social étudiant et le programme U3M. Comme nous l'avons déjà constaté l'an dernier, le plan social étudiant a une portée modeste : revaloriser les taux des bourses de 15 % en quatre ans et étendre ces aides à 30 % des étudiants.
La rentrée de 1999 a vu la création d'une bourse de premier cycle destinée à remédier aux situations de perte brutale de bourse sur critères sociaux. Par ailleurs, 200 bourses supplémentaires de mérite seront attribuées : leur montant sera majoré de 5 francs pour faciliter, semble-t-il, le paiement par trimestre ou par mois. Je n'aurai pas le mauvais esprit de commenter une telle majoration...
Je rappellerai que 410 000 étudiants bénéficiaient d'une bourse lors de la précedente année universitaire et qu'un peu plus de 7 milliards de francs étaient consacrés au paiement de ces bourses ; 677 millions de francs s'y ajouteront à la rentrée 2000.
Sur un plan plus général, la commission des affaires culturelles regrette qu'aucune réflexion n'ait été engagée pour réduire la part trop importante des aides indirectes accordées aux étudiants sans conditions de ressources, et pour définir un statut spécifique aux étudiants, permettant à ces derniers de choisir une formule d'autonomie.
Il nous faut enfin évoquer le plan U3M. Ce plan doit prolonger le schéma Université 2000 ; il s'inscrit dans un contexte de baisse démographique et dans une approche plus qualitative.
Cela étant, je fais miennes les observations qui ont été présentées par M. le rapporteur spécial. Je ne rappellerai que les grandes lignes du plan U3M : création de départements d'IUT sur des sites existants, mise en place de 70 plates-formes technologiques, rattrapage des retards de constructions universitaires, développement d'un volet « vie étudiante », déconcentration des grands établissements, implantation de six nouvelles universités de technologie, accueil d'étudiants étrangers, effort particulier - qui a été souligné - en faveur de l'Ile-de-France et de Paris-Centre.
Sur ce dernier point, il convient de rappeler que le désamiantage du campus de Jussieu - nous en avons déjà parlé et nous savons l'un et l'autre quelles sont nos positions sur ce sujet - a été évalué à 3,8 milliards de francs, et que le projet de loi de finances pour 2000 prévoit 600 millions de francs pour assurer la montée en charge de ce chantier coûteux.
La commission des affaires culturelles insiste surtout sur le coût incertain du plan U3M et sur le nouvel appel qui sera fait aux collectivités locales pour son financement : d'après le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de juillet 1999, la part de l'Etat pour l'exécution du volet enseignement supérieur et recherche des prochains contrats de Plan serait de 15 milliards de francs, ce chiffrage devant être affiné après négociation avec les régions.
Selon certaines indications, le coût du plan U3M pourrait représenter plus de 38 milliards de francs, dont 14 milliards de francs pour l'Etat au titre de sa part dans les contrats de plan.
Vous serait-il possible, monsieur le ministre - c'est une demande qui émane de l'ensemble des groupes représentés au sein de la commission des affaires culturelles - d'apporter des précisions sur le coût de ce programme et sur la contribution totale et détaillée qui sera demandée aux régions, celles-ci n'ayant guère de liberté pour remettre en cause les priorités d'U3M ?
Pourriez-vous également fournir des indications sur les orientations du plan U3M, à la suite de la publication du rapport d'étape de son comité stratégique ? Ces orientations sont à l'évidence susceptibles d'avoir des incidences sur le rôle des premiers cycles et sur le maillage universitaire du territoire, questions auxquelles la commission des affaires culturelles accorde un intérêt tout particulier.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles, au nom de laquelle je m'exprime, compte tenu de la modestie des moyens annoncés, de l'absence de transfert interne au sein de ce budget et d'une définition insuffisante des objectifs, a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2000.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 18 minutes ;
Groupe socialiste : 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le ministre, mon propos sera bref mais précis. Ainsi que vous ne pouvez l'ignorer, le Parlement - c'est-à-dire l'Assemblée nationale et le Sénat - a voté à l'unanimité, ce qui est assez rare par les temps qui courent, deux lois : la première concernait la prise en charge de la douleur, la seconde, les soins palliatifs et la fin de vie.
Je commencerai par la première. Il fallait changer les mentalités puisque, comme vous le savez, la douleur s'était banalisée dans notre pays. Il était habituel de dire à un homme qui souffrait : « Mon pauvre monsieur, vous souffrez, mais c'est normal de souffrir avec ce que vous avez ». A partir du moment où l'on avait prononcé ces mots fatals - « c'est normal de souffir » - on laissait souffrir.
Aujourd'hui, après l'adoption de cette loi de progrès, la douleur est prise en charge. Mais la formation des médecins est essentielle dans ce domaine et votre prédécesseur avait décidé de créer, dans le cadre d'une formation continue - ce qui est une bonne chose en matière médicale - deux séminaires obligatoires concernant la formation à la douleur et - suite normale - les soins palliatifs.
Or nous nous sommes très rapidement rendu compte que la mise en place de ces séminaires obligatoires prenait énormément de temps et que cette formation n'était pas dispensée dans toutes les UER de médecine.
En outre, cette situation s'est accompagnée d'un autre phénomène : l'attitude du corps médical face à la morphine. De peur qu'un brave homme ou une brave femme susceptible de décéder dans les deux ou trois mois ne devienne toxicomane avant son décès, on ne lui administrait pas de morphine !
Mais l'on s'est rendu compte, à la lumière de ce qui se fait dans les pays étrangers et des sondages réalisés à la demande de la commission, que c'était une absurdité. Les morphiniques ont donc de nouveau été utilisés pour empêcher les gens de souffrir. En conséquence, les études médicales s'agissant de la prise en charge de la douleur ont été modifiées en ce sens.
En juin dernier, un autre projet de loi a été adopté, qui visait à rendre possible l'accès aux soins palliatifs pour tout malade.
Là encore, nous nous sommes heurtés à des mentalités quelque peu figées et une formation spécifique des médecins s'imposait. Ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que j'expliquerai que, dans nos mentalités occidentales, la mort est considérée comme un concept que l'on repousse, et dont ne ne parle pas ; surtout, un certain nombre de médecins estimaient que la mort était leur échec personnel.
Nous souhaitons donc, monsieur le ministre - et les associations et le corps médical qui se préoccupent de ces problèmes sont unanimes sur ce point - que, compte tenu de la nécessité des soins palliatifs et d'un accompagnement de la fin de la vie avec prise en charge de la douleur, ce qui, dans une société telle que la nôtre, est tout à fait légitime, vous veilliez vraiment par vous-même - nous savons que vous ne manquez pas d'autorité ! - à ce qu'un enseignement spécifique soit dispensé dans nos UER de médecine en application de ces deux lois que j'ai rappelées.
En effet, il nous est apparu que la mise en place de ces enseignements se faisait avec une ardeur que je ne qualifierai pas de dynamique. Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre, pour accompagner la mise en oeuvre de ces deux lois adoptées à l'unanimité par le Parlement. (M. Louis Boyer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'enseignement supérieur se déroule cette année dans un contexte fort différent de celui des années précédentes, marqué en particulier par une diminution du nombre d'inscrits dans les disciplines scientifiques dites « lourdes ».
Ce phénomène est encore limité mais il nous faut en connaître les causes, afin d'en tirer un certain nombre d'enseignements pour les décisions à prendre dans les années à venir.
C'est dans ce contexte que le budget progresse, mais moins qu'en 1998 et en 1999.
L'enseignement supérieur, comme l'enseignement scolaire, ne bénéficie pas, à hauteur de ses besoins, des bénéfices de la croissance enregistrée cette année.
En dépit des efforts réalisés par la majorité plurielle et par votre ministère concernant l'aide aux étudiants, la sélection sociale reste une réalité de l'université.
Le montant des bourses augmente de 677 millions de francs ; le taux des aides est également revu à la hausse.
Pour autant, nous sommes encore loin de la pleine application du plan social étudiant.
De trop nombreuses universités pratiquent pour les étudiants non boursiers des droits d'inscription, voire des frais annexes à ces droits d'un montant exorbitant. C'est là une manière pour elles de pallier leur manque de trésorerie. Je pense que, partout où tel est le cas, le ministère se doit d'intervenir.
Je note par ailleurs que le droit au logement des étudiants se heurte, dans certaines régions, à des difficultés insurmontables. En région parisienne, le coût de la construction au mètre carré empêche la réalisation de logements neufs. Paris est la « lanterne rouge » en matière de capacités d'accueil en logement étudiant avec 2 000 chambres pour 330 000 inscrits.
La part allouée au logement dans le projet de budget croît de 2,4 %. Comment penser que cette augmentation sera de nature à combler les retards pris ?
La santé des étudiants est un autre dossier important et inquiétant que j'aborde chaque fois que l'occasion m'en est donnée. Cette année encore, aucune mesure budgétaire, à l'exception de la création de quelque vingt postes d'infirmères, ne prend en compte ce problème, qui reste pourtant un enjeu de santé publique pour notre jeunesse sur laquelle devraient porter par définition en priorité les efforts de prévention.
Dans un appel récent, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche déclarait : « Le budget donne la priorité à l'amélioration du cadre de vie et du travail des étudiants qui exige aussi un effort national de rénovation-modernisation des établissements. »
La période de moindre flux des étudiants ne devrait-elle par être l'occasion pour nous, l'urgence passée, d'engager une réflexion sur la qualité de notre enseignement supérieur au rang de laquelle je range cette rénovation des établissements ?
Le plan U3M se veut ambitieux ; pour autant, la capacité des conseil régionaux à le financer reste déterminante. L'Etat prévoit une intervention de l'ordre de 14 milliards de francs pour la réalisation de ce plan qui devrait couvrir les années 2000-2006 ; cette année, 4 milliards de francs sont inscrits. C'est bien, mais cela ne répond néanmoins que partiellement aux besoins de financement des régions pour U3M, évalués à plus de 40 milliards de francs.
Les retards pris d'ores et déjà par certaines d'entre elles ne risquent-ils pas de s'accumuler ? Quelle sera la nature de l'intervention de l'Etat afin d'assurer, en matière d'équipements universitaires, une égalité de traitement sur l'ensemble de notre territoire ?
Au-delà des nouveaux équipements eux-mêmes, il convient de tout mettre en oeuvre pour assurer, dans les structures existantes, un meilleur accueil des étudiants.
Cette préoccupation, je le sais, est aussi la vôtre, monsieur le ministre, comme en témoigne l'augmentation de 20 % des budgets de maintenance des équipements universitaires. Il nous faut faire vite. Bien souvent, l'aspect de nos universités, leur mauvais entretien contribuent à ces sentiments à la fois de lassitude, mais aussi de manque de considération que peuvent éprouver les étudiants et l'ensemble de la communauté universitaire.
Cette question m'amène tout naturellement à évoquer le manque de personnel IATOS. Avec moins de quatre cents postes prévus dans le projet de budget 2000, les conditions de travail des personnels, l'entretien des bâtiments universitaires, l'accueil des étudiants, l'humanisation de l'université, resteront encore des objectifs à atteindre à l'horizon indéfini.
Je prendrai un exemple concret, monsieur le ministre, celui de l'université des sciences et des technologies de Lille - Lille I - avec laquelle j'ai des liens particuliers du fait de mes responsabilités de vice-président du conseil régional du Nord - Pas-de-Calais.
Lors de sa dernière réunion, le conseil d'administration a constaté plusieurs éléments préoccupants. En premier lieu, il a constaté que la diminution des effectifs des étudiants se répercute rapidement sur les emplois IATOS et les crédits de fonctionnement pédagogique alors même que cette baisse devrait être l'occasion d'une modification des pratiques pédagogiques - groupes plus petits, individualisation plus poussée, tutorat... - qui nécessiterait une implication plus forte de la part des personnels non enseignants.
Ensuite, plus globalement, il conviendrait de procéder à la diversification des missions de l'enseignement supérieur, de répondre aux attentes de la société en termes de créations d'activités nouvelles, d'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de développement de l'enseignement à distance, qui nécessitent des spécialités nouvelles et un nombre d'emploi IATOS suffisant.
Enfin, le modèle de répartition des moyens ne prend pas en compte certaines spécificités des établissements, qui conduisent à des besoins plus prononcés. En ce qui concerne l'université des sciences et des technologies de Lille, par exemple, il s'agit de l'existence d'un campus.
Le faible soutien régional des organismes de la recherche fait reposer sur les universités l'essentiel de l'effort de recherche.
De ce fait, l'écart entre les besoins en emplois tels qu'ils sont calculés et le potentiel de l'établissement n'est qu'un indicateur partiel des besoins réels. Ainsi, pour Lille I, deux emplois ont été créés cette année, alors qu'il faudrait quarante ans pour résorber le retard, voire plus puisque les besoins sont largement sous-estimés. L'ensemble des universités du Nord - Pas-de-Calais est dans une situation identique.
La stagnation des moyens financiers alloués aux universités, voire leur diminution comme c'est le cas pour l'université des sciences et des technologies de Lille, place ces institutions dans une situation extrêmement difficile. Elles ne peuvent faire face à leurs missions. Leurs capacités d'innovation sont freinées.
Moins que d'une énième réforme, monsieur le ministre, notre système universitaire a besoin d'être tout entier réorienté vers un objectif : la qualité. C'est parce que cet objectif fait défaut que les étudiants perdent tout intérêt en l'université.
Après avoir abordé la vie étudiante, les conditions d'accueil des étudiants, j'en viens aux études, qui doivent être l'élément essentiel de nos préoccupations.
L'emploi, notamment l'emploi public - mais ce n'est pas propre à votre ministère - est le grand laissé-pour-compte des budgets pour 2000 !
Pour l'enseignement supérieur, le solde d'emplois est négatif : 1 674 suppressions de postes contractuels contre 1 668 créations. De plus, parmi les 1 196 postes d'enseignants créés, 400 sont des postes d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche, c'est-à-dire des emplois précaires.
Un effort particulier dans le recrutement des enseignants aurait permis, compte tenu de la baisse du nombre des inscrits à l'université, un meilleur taux d'encadrement des étudiants et, parallèlement, une amélioration de la qualité de l'enseignement. Ce n'est pas l'orientation prise. Je le regrette.
Voici un exemple précis : chacun s'accorde à reconnaître la faiblesse de notre enseignement en ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères. Or, parmi vos compétences, figure, monsieur le ministre, la construction d'un « Espace européen de l'enseignement supérieur ».
Pourtant, parallèlement, quelque 1 674 postes de lecteurs et de maîtres de langues sont supprimés. Une telle suppression permettra-t-elle d'améliorer le niveau de nos étudiants dans une, voire dans plusieurs langues étrangères ?
Une meilleure connaissance des langues de nos voisins est indispensable, si l'on veut l'harmonisation.
L'effort consenti l'an dernier en faveur des bibliothèques universitaires n'est pas reconduit : seulement 80 postes de personnels de bibliothèques sont créés contre 150 l'an dernier.
Peut-être le moment est-il venu, monsieur le ministre, de conduire une réflexion d'ensemble sur le devenir de notre système universitaire.
Je me borne à évoquer l'échec à l'université, dans les premiers cycles notamment. Il frappe au premier chef les jeunes étudiants issus de milieux défavorisés.
Je ne traiterai pas davantage du taux de passage dans les troisièmes cycles et vers la recherche où, là encore, les étudiants n'accèdent pas à ces filières dans l'égalité.
Le sport à l'université, l'accès des étudiants à la culture et à l'enseignement artistique figurent également parmi les thèmes qui, faute de moyens suffisants et parfois de réflexion ou à cause d'une certaine lourdeur d'intervention, restent à l'abandon.
L'enseignement, notamment l'enseignement supérieur, ne doit pas être rangé au rang d'une dépense.
Nous pensons qu'il s'agit d'un investissement pour l'avenir de notre pays mais également pour l'avenir de milliers de jeunes qui, dans une période de mutations rapides, doivent trouver à l'université, au lycée, à l'école, les instruments d'une meilleure assise dans le monde et dans notre société.
Peut-être l'amélioration des chiffres du chômage participe-t-elle de cette régression des inscriptions à l'université. Mais est-elle seule en cause ?
Dans ces temps de barbarie ordinaire, où l'on a parfois l'impression de tâter l'avenir avec une canne blanche, l'université doit tenir toute sa place. L'augmentation du niveau de formation est encore aujourd'hui le meilleur cheminement vers la démocratie, la citoyenneté, la culture et la connaissance.
Associons les étudiants, associons les enseignants, associons nos concitoyens à la préparation de l'université du troisième millénaire.
Certes, le projet de budget que nous examinons marque quelques efforts en faveur du plan social en faveur des étudiants, mais combien de travaux accumulent encore trop de retards.
Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, je peux estimer que le projet de budget de l'enseignement supérieur n'est pas à la hauteur des enjeux du siècle à venir. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de l'enseignement supérieur pour l'an 2000 s'élève à 52,4 milliards de francs, soit une progression de 2,63 %. Il s'articule autour de trois axes majeurs : l'amélioration des moyens de fonctionnement, la mise en oeuvre du plan U3M et la poursuite des efforts en faveur du plan social étudiant.
Je souhaiterais souligner importance de ces trois priorités pour l'université des Antilles et de la Guyane, qui n'est pas sans connaître de graves difficultés.
S'agissant tout d'abord des moyens humains, l'université a besoin d'un grand nombre d'enseignants-chercheurs et, surtout, d'un grand nombre de personnels administratifs.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas sans savoir que les personnels non-enseignants de l'académie de la Guyane ont récemment arrêté le travail pour réclamer la création de 200 postes supplémentaires. A ce jour, qu'en est-il ?
Cette revendication peut vous paraître excessive alors qu'elle n'est, en fait, que le triste reflet d'une situation déplorable. En effet, d'après le recensement de 1999, la Guyane est le département français qui a connu la plus importante augmentation démographique. Et, du fait de la jeunesse de la population, le nombre des étudiants inscrits à l'université ne cesse de croître dans des proportions conséquentes. Or, jamais les effectifs des personnels ATOSS n'ont suivi.
Est-il par ailleurs acceptable, monsieur le ministre, que les agents de votre ministère résidant en Guyane ne perçoivent leur salaire que selon le bon vouloir des fonctionnaires de l'éducation nationale de Fort-de-France ? Je vous sais imprégné de « décentralisme », sinon de décentralisation : pouvez-vous me dire si en 2000 les fonctionnaires de Guyane auront satisfaction et pourront être payés par un service dépendant de l'éducation nationale, installé en Guyane ?
S'agissant, ensuite, de la mise en oeuvre du plan U 3 M, l'université des Antilles et de la Guyane a besoin d'un véritable soutien pour chacun des sites universitaires.
Pour la Guyane, il s'agit de mettre en place un projet concerté de développement de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce dernier doit passer par la définition de filières et de contenus en vue de favoriser l'émergence d'un corps de jeunes Guyanais compétents et diplômés, par l'amélioration des conditions de vie et de travail des usagers du campus, notamment, l'installation de laboratoires de recherche, et par une meilleure articulation entre l'université et les groupes de recherche implantés en Guyane.
Pour la Martinique, il convient de dégager les moyens nécessaires pour que l'enseignement scientifique puisse se développer dans le cadre défini par les assises de l'université.
Pour la Guadeloupe, il faut procéder d'urgence à la réhabilitation et à la reconstruction des bâtiments du campus de Fouillole, dont la vétusté inquiète, non sans raison, les membres de la communauté universitaire.
S'agissant enfin du plan social étudiant, l'université des Antilles et de la Guyane a besoin de moyens importants pour réussir dans le contexte économique difficile des départements d'outre-mer.
Récemment, les étudiants de Guyane ont provoqué une grève dure, qui a gêné la libre circulation de la population. Ils ont eu raison de manifester leur mécontentement, car il n'est plus possible de faire fonctionner une université qui se trouve dans un état de délabrement insupportable.
Le manque de postes est par ailleurs flagrant, il se fait de plus en plus sentir et il est extrêmement urgent que vous me répondiez à propos de la création de huit postes permanents d'enseignants-chercheurs pour l'enseignement supérieur.
Pouvez-vous en outre confirmer, monsieur le ministre, que l'UFR de droit et des sciences économiques de Guyane pourra disposer dans l'immédiat de deux postes de maîtres de conférences en droit public et de deux postes de maître de conférences en droit privé ?
Je souhaiterais maintenant aborder un sujet qui me tient particulièrement à coeur - à vous aussi - et qui, je l'espère, devrait bientôt se concrétiser : la création d'une université autonome en Guyane.
La restructuration de l'enseignement supérieur dans ce département d'outre-mer est une nécessité absolue. Nous nous devons d'offrir à tous nos étudiants la possibilité de poursuivre leurs études dans les meilleures conditions. Or, aujourd'hui, les jeunes Guyanais titulaires d'un DEUG et désireux d'obtenir une licence dans les filières classiques sont contraints de partir pour les Antilles ou pour la métropole.
L'instauration d'une telle structure permettra de combler les lacunes de l'enseignement supérieur en Guyane et d'insuffler une nouvelle dynamique au système éducatif dans son ensemble.
En effet, l'université devra non seulement accueillir les étudiants, mais également être conçue comme un espace de formation ouvert au plus grand nombre. Dans un monde en pleine mutation, il faudra apprendre aux étudiants à entreprendre et promouvoir leur esprit d'investigation. Il sera également nécessaire d'offrir à l'enseignement supérieur en Guyane de nouvelles perspectives, telles que les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les activités liées à la biodiversité ou encore la participation des chercheurs à la formation universitaire.
La mise en place d'une telle structure est ardue, j'en ai conscience. L'application de la législation actuelle, la loi sur l'enseignement supérieur de 1984, ne permet pas de résoudre toutes les difficultés auxquelles est confrontée quotidiennement la composante universitaire guyanaise, qui ne peut exister véritablement ni offrir aux étudiants l'accès à un enseignement supérieur auquel ils ont droit.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
D'un point de vue institutionnel, la réalisation des perspectives de développement devrait, dans la situation actuelle, recueillir la faveur du conseil d'administration de l'université des Antilles et de la Guyane. Or les décisions de ce conseil sont indexées sur la quantité d'étudiants présents dans les différentes composantes. Il est inacceptable qu'à l'avenir les conditions d'évolution ou de fonctionnement de la structure guyanaise soient suspendues au vote des représentants des structures antillaises, qui constituent plus de 80 % du conseil d'administration de l'université des Antilles et de la Guyane.
La gestion administrative et financière du dispositif guyanais est entièrement assumée par les responsables de services présents en Guadeloupe, alors que les crédits de fonctionnement ou d'investissement proviennent principalement des collectivités locales guyanaises. Cette non-souveraineté des structures universitaires guyanaises entraîne des conséquences regrettables. Elle suscite un malaise politique local et un sentiment d'absence de reconnaissance et de confiance chez les responsables universitaires locaux. Elle nécessite des procédures lourdes et lentes pour effectuer une simple dépense.
D'un point de vue technique, il est inconcevable de gérer un site à 2 000 kilomètres de distance. Aussi est-il impératif que la Guyane soit dotée d'un véritable service technique avec les moyens nécessaires en compétences humaines et en moyens financiers.
Enfin, d'un point de vue pédagogique, tous les diplômes accessibles en suivant les enseignements en Guyane doivent faire l'objet d'une demande d'habilitation de la part des enseignants présents en Guyane. Le contenu des matières, les sujets d'examen, les corrections ne peuvent pas raisonnablement être identiques dès lors que les enseignements relatifs à un diplôme sont dispensés par des enseignants différents et sur un site différent.
Le développement de l'enseignement supérieur en Guyane se heurte donc à d'importantes difficultés, à des difficultés parfois insurmontables. La situation actuelle est inadaptée du fait de l'éclatement sur trois régions à la fois éloignées et différentes. Et la loi de 1984 ne permet pas de mettre en oeuvre toutes les perspectives de développement qui sont devenues peu à peu pour la population guyanaise des exigences légitimes.
Aussi n'existe-t-il pas, à mon sens, d'autre solution que la création de l'université de Guyane. Ce procédé a d'ailleurs été adopté récemment pour reconsidérer le devenir de l'université française du Pacifique par la création de l'université de Nouméa et de l'université de Papeete.
A l'aube du xxie siècle, l'heure est non plus aux bilans mais à la préparation de centaines d'étudiants venus trouver dans l'enseignement supérieur en Guyane les outils nécessaires pour bâtir leur dessein professionnel. Monsieur le ministre, donnez-nous les moyens d'élaborer ce vaste projet qui engagera l'avenir de la Guyane et de ceux qui la composent.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean Faure.)