Séance du 9 décembre 1999
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères.
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un diplomate
m'a posé, voilà quelques jours, une question à laquelle, à ma grande honte, je
n'ai pas pu répondre : « Comment le budget des affaires étrangères, qui est le
plus consensuel des budgets et celui par excellence de la cohabitation, a-t-il,
au fil des ans, pu être laminé sciemment et patiemment ? »
Parodiant Shakespeare, j'ajouterai que, comme le monde, votre budget, monsieur
le ministre, s'usait à mesure qu'il vieillissait.
Mais, pour 2000, grâce sans doute à la peur du bogue et à un retour sur terre,
à l'occasion du prochain millénaire, de la déesse raison, votre budget a arrêté
sa descente aux enfers sans doute parce que ceux-ci sont pavés de bonne
intentions.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Dans vos efforts pour obtenir un budget convenable, vous n'étiez pas
seul, monsieur le ministre.
Les rapporteurs, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont soutenu l'action
constante de nos collègues sénateurs des Français de l'étranger,...
M. Guy Penne.
Merci.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
... qui ont une connaissance aiguë de la vie
quotidienne de nos compatriotes et des difficultés de nos postes.
Grâce à cet effort collectif, sans avoir retrouvé pleinement la santé, votre
budget est un budget de « convalescence ».
Le budget des affaires étrangères est marqué par la poursuite de l'intégration
des moyens du secrétariat d'Etat à la coopération, dont on peut considérer
qu'elle se déroule de manière convenable.
Avec un montant de 20,95 milliards de francs en crédits de paiement, le budget
des affaires étrangères apparaît en augmentation de 0,64 % par rapport aux
crédits de 1999, comme l'a dit M. Védrine. Quant aux autorisations de
programme, elles s'élèvent à 2,79 milliards de francs, ce qui constitue une
augmentation de 7,4 % par rapport à l'année passée.
Ma première observation porte sur le fait que la hausse des crédits qui est
enregistrée pour 2000 est en fait inférieure aux prévisions d'inflation et
qu'elle est essentiellement liée à des inscriptions de crédits qui ne
correspondent pas à des dépenses nouvelles.
Ainsi, la totalité des crédits afférents aux opérations immobilières du
ministère sont désormais inscrits en loi de finances. Cela a l'avantage de la
transparence et de la lisibilité des documents budgétaires, mais l'importance
de ces sommes - environ 120 millions de francs pour la construction de notre
ambassade à Berlin - rend cette augmentation du budget artificielle. Elle ne
correspond pas à une réelle progression de ses moyens et les priorités du
ministère sont uniquement financées par le biais de redéploiements très
importants de crédits au détriment de notre action en faveur de la coopération
et de l'aide au développement, à un moment où l'aide aux pays du champ est
étendue aux pays de la zone de solidarité prioritaire qui est tout à fait
contradictoire.
Par ailleurs, le taux de change franc-dollar est prévu à 5,83 francs par le
ministère des affaires étrangères, alors que la direction de la prévision de
Bercy fixe ce cours à 6,18 francs : des ajustements seront donc nécessaires. On
peut évidemment accepter l'idée que le chiffre de la direction de la prévision
est, par définition, faux. Le cours du marché est d'ailleurs de 6,4 francs
actuellement !... Il est donc clair qu'il faudra procéder à des ajustements.
Ma seconde observation concerne les personnels qui sont recrutés avec un
contrat local.
Nous avions signalé ces graves problèmes l'an dernier et je constate que les
restrictions budgétaires qui ont été imposées à votre ministère ont conduit, au
fil des années, à remplacer le personnel expatrié par des recrutés locaux.
Les conséquences de cette politique ne sont pas négligeables. Actuellement, 75
% du personnel d'exécution de nos postes diplomatiques et consulaires sont des
recrutés locaux. Or les conditions actuelles de rémunération de ces personnels
sont tout à fait inacceptables. En effet, dans de nombreux pays, elles sont
très inférieures au prix du marché de l'emploi, mais aussi, souvent, à celles
qui sont versées par les entreprises françaises et les ambassades
étrangères.
Cette situation n'est pas admissible, d'autant plus que les salaires versés
par la direction des relations économiques extérieures, la DREE, et le
ministère sont divergents. Un recruté local de la DREE revient, en moyenne, à
130 000 francs par an et ceux du ministère à 76 000 francs.
Bien entendu, on dira que la DREE a besoin de personnels beaucoup plus
compétents et plus qualifiés.
(Protestations sur le banc des commissions.)
Mais c'est faux lorsqu'il
s'agit d'un chauffeur.
Ainsi, quand, à Manille, voilà peu de temps, le chauffeur de l'ambassade
devient chauffeur de la DREE pour gagner le double, on imagine l'ambiance !
Et lorsqu'on crée, comme à Bombay, des postes mixtes, certaines personnes dans
un même bureau et qui font le même travail ont des écarts de salaires de 40 %,
ce qui est inacceptable.
Je souhaite que vous poursuiviez les efforts de rattrapage que vous avez
engagés.
Ce recours massif aux recrutés locaux pose par ailleurs des problèmes
importants de sécurité et M. Patrick Amiot, ministre plénipotentiaire, à qui
vous avez confié un rapport à ce sujet, souligne que ce personnel accède à des
zones protégées et à des documents classés « confidentiel défense », alors
qu'il ne devrait pas pouvoir le faire.
Comme l'a indiqué M. Védrine, vous avez dégagé quatre-vingt-douze emplois
supplémentaires et vous allez en affecter vingt dans les services des visas
dont nous avions souligné, l'an dernier, la situation déplorable. Ces services
ont été qualifiés par notre collègue, M. Yves Tavernier, qui a fait un rapport
sur ce sujet à l'Assemblée nationale, de « parent pauvre du ministère des
affaires étrangères ». Vingt services n'ont pas d'agents titulaires et vingt
autres ne disposent que d'agents titulaires de catégorie C, alors qu'il
délivrent un nombre très élevé de visas. Il s'agit là d'errements qui nuisent
tant à l'image qu'à la sécurité de notre pays.
Bien entendu, je ne veux pas du tout que l'on pense que je ne suis pas
favorable aux recrutés locaux. Ils font preuve de compétence, de dévouement et
sont indispensables. Mais il est clair qu'au service des visas il leur est
beaucoup plus difficile que les expatriés de résister à des pressions, surtout
si l'on prend la sage précaution de les soumettre à des mutations fréquentes.
Des exemples illustres, notamment au Maroc, prouvent que les dérives peuvent
être graves.
Ma troisième observation concerne, vous n'en serez pas surpris, les
contributions volontaires internationales.
Les contraintes budgétaires de votre ministère ont été extrêmement
défavorables à nos contributions volontaires, puisque, au fil des années, elles
ont servi de variable d'ajustement du budget. Cela a eu pour conséquence
fâcheuse une baisse des deux tiers de ces contributions entre 1990 et 1998.
En 1999, une reprise s'est amorcée, mais l'effort doit être poursuivi parce
que nous sommes, aux Nations unies, l'objet de critiques permanentes des autres
pays, en particulier de ceux qui ne sont pas membres du Conseil de sécurité et
qui entendent le devenir. Ils se plaignent que, compte tenu de la modestie de
nos contributions volontaires, un trop grand nombre de nos compatriotes
exercent encore des fonctions de direction dans ces organismes.
M. Claude Estier.
Il n'y en a plus beaucoup !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Passer du dix-huitième rang au onzième rang des
contributeurs du programme des Nations unies pour le développement n'est
toujours pas digne de la qualité de membre permanent du Conseil de sécurité.
Nous chipotons sur nos contributions aux différents organismes qui relèvent
des Nations unies mais, l'an dernier, nous avons sans barguigner augmenté notre
contribution au Fonds monétaire international de 3,3 milliards de francs. On ne
peut pas refuser notre aide aux organismes dont la mission est d'apporter un
soutien aux principales victimes des actions monétaristes du FMI que je ne
qualifierai pas !
Ma quatrième observation a trait au coût de l'enseignement scolaire à
l'étranger qui demeure à la charge des familles. Cette part est passée en dix
ans de 40 % à 50 %.
Cette hausse des droits d'écolage est due, si l'on excepte les établissements
qui sont en gestion directe de l'Etat, à un mode de financement des
investissements qui est structurellement inadapté.
Cette année, l'augmentation des bourses se poursuit avec une mesure nouvelle
de 15 millions de francs. Mais c'est tout à fait insuffisant et de nombreuses
familles d'expatriés ne peuvent plus faire bénéficier leurs enfants d'une
scolarisation dans un établissement français.
Par conséquent, il me semble indispensable que, dans le domaine des
investissements, un effort plus important soit accompli par l'Etat. En effet,
lorsque les frais de scolarité atteignent 45 000 francs à Singapour ou 18 000
dollars en maternelle à New York et que vous n'êtes pas pris en charge par
votre entreprise ou que vous gagnez un peu trop d'argent pour bénéficier de
bourses, vous êtes privé de l'accès à l'école française !
M. André Maman.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Dans votre projet de budget, monsieur le ministre,
vos priorités vont aussi au développement de l'accueil des étudiants étrangers
en France.
Les crédits consacrés aux bourses d'excellence du programme Eiffel sont en
hausse de 35 millions de francs. Vous avez, l'autre jour, accueilli dans votre
ministère un grand nombre de ces boursiers. C'est un effort tout à fait
méritoire et digne d'être approuvé.
La subvention au groupement d'intérêt public Edufrance est en augmentation de
cinq millions de francs. C'est un objectif justifié par la diminution du nombre
d'étudiants étrangers en France depuis le début des années 1990. Nous avons en
effet accueilli, en 1997-1998, 13 % d'étrangers en moins dans nos universités
qu'en 1994. Par conséquent, nous prenons, dans ce domaine, un grave retard par
rapport aux pays anglo-saxons.
Toutefois, avant de porter un jugement, il conviendra d'évaluer dès l'année
prochaine l'action d'Edufrance, afin de voir si ce que fait actuellement cette
agence est bien conformes aux objectifs qui lui ont été assignés.
L'autre axe fort de votre budget est la réforme et le développement de notre
politique audiovisuelle extérieure. L'action que conduit Jean Stock à TV 5 et à
Canal France international semble porter ses fruits. Malheureusement, il existe
des difficultés importantes, en particulier avec nos partenaires canadiens, qui
assuraient la gestion et la diffusion de ces programmes sur l'ensemble de
l'Amérique. Peut-être des changements de personnes pourraient-ils améliorer la
situation ? Notre collègue M. Del Picchia vous présentera tout à l'heure un
ensemble de suggestions concernant l'action de TV 5 en Amérique.
Les priorités accordées à l'audiovisuel extérieur et à la coopération
scientifique et culturelle impliquent d'importants redéploiements de crédits
qui s'effectuent au détriment de la coopération technique et du développement.
Certes, il existe des raisons à ces baisses, en particulier la baisse des
crédits consacrés à l'ajustement structurel.
Je voudrais souligner que la création de la zone de solidarité prioritaire,
qui étend l'ancien champ de notrecoopération à de nouveaux pays en voie de
développement, risque d'être lourde de déceptions si cet élargissement n'est
pas accompagné d'une augmentation des crédits. Mais je ne m'étendrai pas sur ce
sujet. Je tiens à indiquer, dès à présent, mon identité de vues totale avec mon
éminent collègue, Michel Charasse, qui va me succéder à cette tribune pour
présenter les crédits de la coopération.
Je souhaite enfin que notre aide au développement prenne davantage en compte
les critères de respect des droits de l'homme, de bonne gouvernance, de respect
de l'environnement, de la santé et de l'accès des filles à l'éducation.
Ayant atteint mon temps de parole, je vous renvoie à mon rapport écrit pour ce
qui concerne notre politique immobilière. Je me suis rendu à Berlin, où j'ai pu
constater, je tiens à vous le dire, monsieur le ministre, l'effort tout à fait
remarquable de votre ministère, en particulier le service de l'équipement, pour
limiter les coûts de notre future ambassade. Si vous arrivez à contenir aussi
la décoration mobilière, vous aurez accompli un excellent travail.
Cela étant, je ne suis pas persuadé qu'il faille investir des sommes aussi
importantes dans les ambassades européennes. Je suis beaucoup plus favorable à
des interventions dans nos ambassades en Asie ou en Amérique latine. Mais je ne
peux pas vous reprocher, ce choix ayant été effectué, de l'encadrer de la
manière la plus stricte possible.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est beaucoup plus convenable que
celui des années précédentes. Nous aurions souhaité qu'il fût plus adapté aux
grands enjeux de notre politique de l'an 2000, ceux que tout à l'heure M.
Védrine a énoncés, qu'il s'agisse de la présidence de l'Union européenne, de
l'Union de l'Europe occidentale, de notre rôle dans les Balkans et au
Moyen-Orient ou de la prise en compte de la zone de solidarité prioritaire.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pour tenir compte de l'effort qui a
été effectué par le Gouvernement, et sous le bénéfice de ces observations, la
commission des finances, prenant acte de l'accord sur ce projet de budget des
responsables de l'exécutif, a, en conséquence, donné un avis favorable à
l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour la coopération.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la
coopération - ou ce qu'il en reste - est celui de l'aide aux plus pauvres, de
la vocation universelle de la France, de son influence dans les instances
internationales et dans le monde, le budget qui symbolise le mieux notre
attachement à nos partenaires et notre volonté nationale de combattre partout
où cela est possible la pauvreté, la faim, le sous-développement.
Voilà pourquoi votre commission des finances porte depuis des années une
attention toute particulière aux crédits affectés à la coopération et maintient
sa vigilance face aux menaces et aux évolutions en cours.
2000 est la première véritable année pleine de la réforme de la coopération,
dont notre collègue M. Chaumont vient de parler. Tous les moyens sont désormais
théoriquement en place : architecture institutionnelle, définition de la zone
géographique, extension des interventions. Les retards dans la mise en oeuvre
ne peuvent donc plus se trouver que derrière nous.
Depuis l'année dernière, la coopération n'est plus un budget clairement
identifiable, aux priorités lisibles dans un vrai bleu budgétaire, aux
évolutions mesurables avec rigueur et fiabilité.
Pourtant, il existe toujours une sorte de budget de la coopération, qui va
au-delà des dotations d'une direction générale ou de services centraux et qui
recouvre l'ensemble des crédits consacrés par la France à l'aide au
développement. Et ils restent considérables !
Rappelons quelques évidences.
Qui dans l'Union européenne pèse pour le quart du budget européen d'aide au
développement ? La France.
Qui dans le G.7 contribue le plus, proportionnellement à son produit intérieur
brut, pour les pays en développement ? La France.
Qui vient d'octroyer dans le collectif budgétaire de 1999 près de 750 millions
de francs à l'agence internationale de développement ? La France.
Qui dans le monde apportera le plus dans les annulations de dette des pays les
plus pauvres ? La France encore et toujours.
Notre pays consent un effort considérable, bien qu'en régression, comme
partout dans le monde développé, en faveur des plus pauvres. Nos partenaires,
comme chacun de nos concitoyens, doivent avoir ces évidences présentes à
l'esprit.
Est-ce à dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes de l'aide
au développement ? La commission des finances ne le pense pas.
Je ne vous détaillerai pas les masses budgétaires : les différents rapports
sont là pour cela.
Simplement, le budget des affaires étrangères consacrera un peu plus de 9
milliards de francs à nos interventions dans le monde, dont une bonne partie va
aux pays en développement. Ces moyens diminuent, inexorablement, dans des
proportions qui varient selon les agrégats retenus. Les comparaisons ne sont
pas très faciles cette année. Ce n'est pas la faute du ministère,
naturellement, c'est la nomenclature budgétaire qui est ainsi faite.
Les subventions d'investissement se maintiennent à un niveau élevé avant
régulation budgétaire. Elles augmentent même de 100 millions de francs en
crédits de paiement. Au total, le solde reste cependant négatif pour les pays
les plus pauvres : en 2000, les crédits de la coopération diminuent
globalement.
Certes, la réforme de la coopération est à l'origine d'économies d'échelle, de
synergies entre le ministère des affaires étrangères et l'ancien ministère de
la coopération. C'est heureux et la commission des finances s'en félicite et
vous en félicite.
Mais ces économies ne profitent pas aux nouveaux pays entrés dans la zone de
solidarité prioritaire, dont je rappelle qu'ils sont au nombre de
vingt-quatre.
Pour ne prendre que l'exemple du personnel, les réorganisations de services
dégagent cent emplois permettant des redéploiements qui devraient en toute
logique bénéficier aux priorités du ministère. C'est le cas pour les visas ou
l'administration centrale - M. Chaumont en a parlé - mais pas pour les pays
nouvellement entrés dans la ZSP, qui bénéficient seulement de quatre nouveaux
emplois. Le retour de la réforme est maigre pour les pays les plus pauvres.
A côté de ces économies vertueuses, mais qui ne profitent pas intelligemment à
ceux qui les subissent, le budget opère des coupes franches dans plusieurs
chapitres du titre IV pour financer les priorités du ministère, audiovisuel
extérieur et bourses, bourses qui sont réclamées par le Sénat depuis tant
d'années ! Les moyens de l'aide technique, des concours financiers, de la
coopération décentralisée, de la coopération militaire et de défense diminuent.
Si ceux de l'audiovisuel extérieur et de la coopération culturelle progressent,
le solde reste négatif avec une baisse de près de 170 millions de francs. Vous
avez vous-même, monsieur le ministre, souligné cette priorité devant
l'Assemblée nationale : « C'est le résultat d'un arbitrage qui a été rendu en
faveur de la coopération culturelle et au détriment de la coopération
technique. » Vous auriez peut-être pu préciser : « arbitrage plus au détriment
de l'aide technique qu'en faveur de la coopération culturelle », même quand on
extrait les changements de périmètre.
Le constat est donc clair : les économies vertueuses et les réductions des
aides aux pays en développement permettent au ministère des affaires étrangères
de financer ses priorités - visas, administration centrale, audiovisuel,
culture - et de maintenir ses moyens classiques de fonctionnement.
On dira, certes, que les crédits du titre VI, les subventions d'investissement
augmentent. Mais cette progression reste inférieure aux amputations opérées sur
le titre IV, et cette hausse globale cache quelques petits arrangements. Car
les modifications de nomenclature altèrent grandement la clarté et la
transparence des interventions, portent une atteinte au contrôle parlementaire
et transfèrent une partie de nos moyens à un établissement dont les liens avec
une autre grande maison ne sont plus à établir.
Je tâcherai d'être clair et d'exposer simplement ce qui, loin de relever de la
pure technique budgétaire, concerne en réalité les droits du Parlement et la
dispersion des moyens de l'action extérieure de la France.
La situation d'aujourd'hui est très simple. Le projet de budget des affaires
étrangères comporte deux lignes de subventions d'investissement. L'une -
d'environ 1 milliard de francs - est mise en oeuvre directement
via
le
comité directeur du Fonds d'aide et de coopération. Cet organisme, qui comporte
trois députés et un sénateur, examine chacun des projets qui lui est soumis
avec un souci de grande rigueur. Je rends hommage au ministre qui préside ce
comité pour la patience dont il fait preuve. Il associe pleinement les
parlementaires pour écarter les soupçons d'autrefois qui entouraient nos
interventions dans le tiers monde. Cette procédure est un gage formidable de
transparence et d'efficacité pour éviter les critiques anciennes sur les
dépenses inconsidérées dans des « éléphants blancs », qui faisaient dire « la
Corrèze avant le Zambèze ».
L'autre ligne budgétaire, environ un milliard de francs aussi, est inscrite à
votre projet de budget, mais pour le compte de l'Agence française de
développement, ce qui, après accord préalable du comité directeur du FAC, est
aussi un gage de transparence.
Le Gouvernement se propose de revoir entièrement ce dispositif qui a pourtant
donné pleine satisfaction et qui a permis d'éviter des actions douteuses ou
scandaleuses et d'assurer une assez bonne coordination des interventions de
l'Agence française du développement avec l'ensemble de notre politique
extérieure.
Il s'agit d'abord de changer le nom du Fonds d'aide et de coopération en fonds
de solidarité prioritaire et de revoir tous les textes le régissant.
D'après les renseignements que j'ai obtenus, le Gouvernement prévoit de
supprimer l'actuel comité directeur, où siègent les parlementaires et qui
décide de l'attribution des aides, et de le remplacer par deux organismes : un
comité d'orientation, où les parlementaires pourront discuter à loisir, mais
sans vote autre que des grandes masses, un peu comme autrefois le tribunat de
l'Empire, et un comité d'examen qui décidera de chaque projet dans le silence
de l'administration, un peu comme autrefois le Corps législatif de Napoléon
Ier.
Cette première réforme a en fait un objectif, me semble-t-il : exclure les
parlementaires du processus de décision. Monsieur le ministre, ce n'est pas là
une vanité que j'exprime à cette tribune. Cette réforme a une conséquence :
jeter le doute et la suspicion sur l'ensemble des projet qui seront financés.
Ce n'est pas acceptable au nom des droits du Parlement et de la clarté de
l'action publique pour les citoyens contribuables.
Mais, monsieur le ministre, je sais que vous en êtes conscient et j'ai déjà
lu, avec l'intérêt que vous imaginez, les ouvertures que vous avez faites à ce
sujet devant l'Assemblée nationale, qui avait également soulevé le même
problème.
La seconde réforme, d'apparence technique mais de portée ô combien politique,
concerne l'Agence française de développement.
Les sommes supplémentaires qui lui seront déléguées ne passeront désormais
plus par le fonds de solidarité prioritaire. Le budget les affecte directement
à l'AFD. On peut d'ailleurs se demander pourquoi les inscrire au budget des
affaires étrangères alors qu'elles seraient sans doute mieux aux charges
communes.
Cette nouvelle procédure a deux conséquences.
D'abord, elle supprime le contrôle parlementaire
a priori
, je l'ai dit
tout à l'heure, puisque le conseil de surveillance de l'Agence, où siègent les
parlementaires, n'examine que les projets de plus de 60 millions de francs au
moins, ce qui est loin d'être le cas de la majorité d'entre eux.
Ensuite, les sommes ne transitant plus par les services des affaires
étrangères, l'autonomie de l'Agence se trouve renforcée vis-à-vis du quai
d'Orsay, ce qui nuit à la cohérence de l'action extérieure de la France en
matière de développement. Vous n'auriez plus, monsieur le ministre, si cette
réforme devait aller jusqu'au bout, la maîtrise de ces crédits, et vous seriez
ainsi contraint de mendier quelquefois auprès de l'agence des décisions
financées avec votre propre argent.
Certes, l'AFD a une compétence que nul ne saurait ici lui contester. Elle sait
notamment intervenir vite et bien - parfois c'est un peu cher - là où il le
faut et, ainsi, pallier les retards administratifs classiques. J'ai pu,
monsieur le ministre - vous le savez puisque je vous en ai rendu compte - le
constater avec plaisir et fierté cet été au Liban et en Palestine, qui
attendent toujours les crédits du Quai mais qui bénéficient déjà de projets
financés par l'AFD.
En revanche, on peut difficilement accepter que les actions de l'AFD échappent
au contrôle parlementaire
a priori
- et je pense que M. Chaumont, qui
siège comme titulaire au conseil de l'agence s'associera à mes propos
(M.
Chaumont fait un signe d'assentiment)
- actions qui s'inscrivent moins
qu'autrefois dans la perspective d'ensemble de l'action du ministère des
affaires étrangères, seul compétent constitutionnellement pour conduire la
politique extérieure.
C'est pourquoi la commission des finances vous proposera, au terme de ce
débat, un amendement maintenant intact le contrôle parlementaire sur l'ensemble
des interventions de la coopération, donc maintenant le système actuel. Nous
aurons l'occasion, monsieur le ministre, d'en parler tout à l'heure.
Pour résumer, je terminerai cette présentation des crédits de la coopération
par quatre brèves observations.
La réforme de la coopération ne se traduit ni par des moyens supplémentaires
destinés aux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire - et c'est le
problème pour les nouveaux entrants qui croient beaucoup en la France et aux
promesses qui ont pu leur être faites - ni par la mise en place, dans ces pays,
de services et de moyens nouveaux par le ministère des affaires étrangères. La
réforme de la coopération signifie donc pour l'instant une diminution des
moyens accordés aux anciens pays du champ qui ne profite guère aux nouveaux
Etats de la zone. Je sais bien que le temps de mise en place peut expliquer un
certain tassement. En tout cas, j'espère que cette tendance n'est pas
définitive.
Les crédits consacrés à la coopération sont en baisse de 1,5 % par rapport à
1999, ce qui reste modéré, mais ce qui est préoccupant à cause des vingt-quatre
pays nouveaux qui entrent dans le système. Si l'on en était resté à l'ancien
champ, 1,5 % de moins, ce serait infime, mais il y a vingt-quatre entrants
nouveaux, c'est là tout le problème !
Ces réductions de crédis sont d'autant plus difficiles à déceler que, restant
au sein du ministère des affaires étrangères, elles lui permettent d'afficher
une hausse globale modeste de ses dotations.
Pour 2000, le budget du ministère des affaires étrangères apparaît à beaucoup
comme un bon budget, M. Chaumont a dit « convalescent », alors que celui de la
coopération, maintenu, nous serait apparu comme un budget un peu médiocre.
Habile paradoxe qui tient au fait que, peut-être, le Quai d'Orsay a financé ses
priorités cette années sur la coopération.
Les économies et les synergies réalisées par la réforme, les réductions de
moyens d'intervention, que nous saluons, permettent au budget des affaires
étrangères de financer ses priorités sans que cela se traduise par des gains
pour les nouveaux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire.
Enfin, la réforme de nomenclature inscrite au budget aurait pour conséquence,
si elle devait être maintenue, un recul difficilement acceptable du contrôle
parlementaire, mais il nous reste l'espoir d'un dialogue fructueux avec vous,
tout à l'heure, sur les propositions de la commission des finances.
Le budget de la coopération, mes chers collègues, ne serait pas exempt de
critiques s'il était encore un « vrai » budget. Mais les crédits de la
coopération sont désormais intégrés à ceux des affaires étrangères et le
montant de l'ensemble résulte d'un choix commun dans ce domaine sensible entre
les deux têtes de l'exécutif, qui assument ensemble la responsabilité de la
politique étrangère.
C'est pourquoi je m'en voudrais beaucoup de remettre en cause - je ne le ferai
pas, d'autant que la commission des finances ne m'en a pas donné mandat - la
proposition d'adoption de l'ensemble des crédits faite par notre excellent
collègue Jacques Chaumont, au nom de la commission des finances.
(Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel.
Toujours aussi remarquable !
M. le président.
La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Monsieur le ministre,
intervenant après mes deux éminents collègues de la commission des finances, je
vais d'emblée mettre un terme à l'insoutenable suspense que vous vivez ce soir
en vous disant que la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a décidé de donner un avis favorable au budget qui nous est
présenté.
(Ouf ! sur diverses travées. - Sourires.)
M. Claude Estier.
Elle a raison !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Quelle surprise !
M. André Dulait,
rapporteur pour avis.
C'était, vous en conviendrez, un moment fort de la
soirée.
La commission a cependant émis un certain nombre de remarques, qui ont
d'ailleurs déjà été faites par mes deux collègues. Je vais me permettre de leur
donner rapidement un éclairage supplémentaire.
Tout d'abord, l'augmentation de 0,64 % de ce budget est une illusion d'optique
puisque, comme l'a souligné M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, intègre
cette année l'ensemble des crédits immobiliers, pour 120 millions de francs,
ainsi que l'ensemble des crédits de rémunération des gendarmes appelés en
renfort temporaire, pour 24 millions de francs. Si l'on tient compte de ces
deux opérations, une évidence s'impose : ce budget n'augmente pas. Toutefois,
nous espérons, tout comme vous, que nous sommes à l'étiage et que ce budget
convalescent va très rapidement se consolider.
En outre, nous nous félicitons des efforts entrepris pour mieux gérer les
crédits de fonctionnement du ministère en permettant qu'ils soient globalisés
et décentralisés et surtout pour mieux contrôler la dépense immobilière. Il me
faut cependant, sur ces deux sujets, formuler d'importantes réserves.
D'une part, du fait notamment de la globalisation des crédits, il est très
difficile de dresser un bilan de la fusion des ministères de la coopération et
des affaires étrangères. Les économies dégagées n'apparaissent pas clairement.
Elles seraient évaluées à 35 millions de francs sur les crédits de
fonctionnement, mais cette évolution paraît incertaine. En outre, 92 postes
budgétaires seraient dégagés. D'une façon générale, on mesure mal les effets de
cette fusion.
La mise en place des nouvelles structures semble être la source plus de
lourdeur et de retard que d'une productivité accrue. L'engagement des dépenses
en matière de coopération et d'aide au développement paraît anormalement lent
par rapport aux années antérieures, et la fusion rapide, d'ici à 2001, de tous
les personnels des deux ministères ne va pas sans poser des difficultés.
D'autre part, en matière de crédits immobiliers, si je vous donne acte des
efforts accomplis, permettez-moi, monsieur le ministre, de m'étonner une
nouvelle fois que le ministère des affaires étrangères ne dispose pas encore
d'un inventaire actualisé des conditions d'installation de nos postes à
l'étranger. Comment est-il possible d'avoir une gestion cohérente de notre
réseau sans cet outil comptable indispensable ?
Quant à ses dimensions mêmes, notre réseau est le deuxième au monde. Nous
l'avons indiqué à de nombreuses reprises. Des ajustements sont constamment
nécessaires pour l'adapter aux besoins, mais aucune ligne claire ne paraît
définir une telle politique. Concilier la flexibilité du réseau avec la durée
nécessaire à toute action diplomatique dans le cadre d'un budget limité relève
évidemment de la gageure, mais n'est-il pas enfin temps d'engager une réflexion
en profondeur sur nos implantations à l'étranger ? La dichotomie entre le
réseau diplomatique et consulaire, d'une part, et le réseau économique, d'autre
part, n'est-elle pas une spécificité française ? Ne faut-il pas redimensionner
notre présence en prenant mieux en compte la construction européenne ? M.
Védrine a soulevé tous ces points dans son propros introductif.
Je relèverai encore, monsieur le ministre, l'effort fait en matière de
contributions volontaires aux organisations du système des Nations unies. Elles
augmenteront de 30 millions de francs et atteindront 302 millions de francs en
2000.
Cette évolution est évidemment bienvenue mais elle reste insuffisante.
L'augmentation est moins importante que l'an passé ; elle s'élevait alors à 50
millions de francs. Surtout, les contributions volontaires de la France
resteront en 2000 moitié moins importantes qu'en 1994. Un effort supplémentaire
devra impérativement être fait si l'on ne veut pas que l'influence de la France
continue de s'éroder.
En effet, la France ne tient pas en la matière son rang au sein du système des
Nations unies. Alors que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire,
nous sommes dépassés très largement en matière de contributions volontaires par
de nombreux pays, nous classant rarement avant le douzième rang et, toutes
contributions confondues, nous sommes derrière le Royaume-Uni, l'Italie et
certains pays nordiques.
Tandis que nous payons avec une grande exactitude nos contributions
obligatoires et que nos contributions volontaires sont faibles, d'autres pays
conditionnent leur financement et en tirent les plus grands bénéfices. Il faut
bien comprendre que les contributions volontaires conditionnent la
participation de la France à la réforme des Nations unies et aux nouveaux
projets des institutions spécialisées. Elles donnent la priorité aux pays qui
leur permettent de développer leur action.
En dernier lieu, la commission est préoccupée du sort des personnels recrutés
localement par le ministère des affaires étrangères. Il y a là un vrai problème
de gestion administrative, dont nous sommes bien conscients, et un problème
social lié, dans bien des cas, à la faiblesse des rémunérations et de la
protection sociale, comme l'a souligné le rapport Amiot. Ce rapport, qui a été
fait à ce propos, peut servir de base pour les discussions futures.
Quelles mesures prévoyez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour trouver
une solution à ce problème ? La commission, vous le comprendrez, souhaite être
tenue informée, comme nous vous l'avons fait savoir avec mon collègue Guy Penne
; nous serons très attentifs à l'information que vous voudrez bien nous
communiquer.
Comme je vous l'ai déjà indiqué, monsieur le ministre, la commission a décidé
de donner un avis favorable au budget du ministère des affaires étrangères.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, même si la nouvelle structure d'intervention du ministère des
affaires étrangères dans le domaine de la coopération et du développement, la
direction générale de la coopération internationale, la DGCID, ne mentionne
plus explicitement l'aspect culturel de notre action diplomatique, celui-ci
reste un levier important de l'influence internationale de la France.
Dans le cadre d'un budget global qui, pour la DGCID, s'élève à 9,2 milliards
de francs, trois priorités sont mises en avant en ce qui concerne notre action
culturelle extérieure. Elles concernent essentiellement l'action audiovisuelle,
avec TV 5, la promotion de notre enseignement supérieur auprès des étudiants
étrangers, enfin le soutien à notre réseau scolaire à l'étranger. C'est par ce
dernier sujet que je commencerai ce bref exposé.
Première priorité : l'effort financier que consacre l'Etat français à ce
réseau est important. La subvention à l'agence pour l'enseignement français à
l'étranger, l'AEFE au titre du budget 2000 atteint près de 2 milliards de
francs, en hausse de 1,2 % par rapport à 1999. Cette donnée ne doit cependant
pas occulter la part toujours plus importante qui revient aux établissements
eux-mêmes et, à travers eux, aux parents d'élèves.
La mesure de 15 millions de francs pour les bourses scolaires dans le budget
2000 est une bonne nouvelle et on relèvera que ces bourses ont augmenté, en
quatre ans, de 25 %.
Malheureusement, ces dotations positives sont très rapidement rattrapées par
l'augmentation des bénéficiaires et par la hausse des coûts de scolarité. Ce
dernier facteur est particulièrement négatif pour la catégorie de nos
compatriotes bénéficiant de revenus moyens : inéligibles pour les bourses,
leurs enfants sont en fait dans l'impossibilité d'être scolarisés dans nos
établissements, ce qui est le contraire de l'objectif recherché par la loi de
1990.
M. André Maman.
C'est inacceptable !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
Il s'avère également que le dispositif mis en place
en 1990 n'est pas, parfois, sans effet pervers sur les coûts de scolarité.
Ainsi, le mode de rémunération des résidents a un effet inflationniste sensible
dans les pays dont la monnaie locale tend à se déprécier. Une révision du
décret de 1990 me paraît souhaitable, de même qu'un aménagement du cadre
budgétaire, qui ne fonctionne à ce jour - pour les expatriés, mais aussi pour
les résidents - que sur la base d'emplois « développés », ce qui cristallise le
tableau des postes et empêche toute adaptation rapide aux besoins.
M. André Maman.
Très bien !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
L'idée - mais ce n'est qu'une idée ! - d'une
enveloppe financière globale affectée à la rémunération des résidents
permettrait peut-être d'apporter un élément de réponse, à condition que sa
dotation soit à la mesure des besoins.
Une réflexion de fond vous est proposée, qui serait menée non seulement par
vous-même monsieur le ministre, mais également par d'autres membres du
Gouvernement, ce qui paraît indispensable après dix ans d'application du décret
de 1990. Les sénateurs représentant les Français établis hors de France,
notamment, vous ont fait part de ce souhait unanime.
M. André Maman.
Très bien !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
La deuxième priorité concerne la promotion de
l'enseignement supérieur français auprès des étudiants étrangers.
Deux démarches à long terme ont été engagées dans ce domaine, qui symbolisent
la nouvelle orientation de notre politique à l'égard de ces étudiants.
Il s'agit, d'abord, de l'agence Edufrance, qui regroupe le ministère des
affaires étrangères et celui de l'éducation nationale, d'une part, les
universités et grandes écoles françaises, d'autre part. Edufrance propose des
prestations d'accueil et de séjour en France aux étudiants étrangers invités à
recevoir une formation dans nos établissements supérieurs.
Il s'agit, ensuite, du programme de bourses « Eiffel », qui est destiné à
former les décideurs étrangers de l'entreprise et de l'administration dans les
meilleurs établissements français.
Cette démarche de promotion de notre enseignement supérieur est essentielle
non seulement parce qu'elle se propose de placer la France au niveau de ses
principaux concurrents anglo-saxons, mais également parce qu'elle valorise le
potentiel considérable de notre réseau d'établissements scolaires à l'étranger,
qui ne dépasse pas le niveau du baccalauréat.
Plutôt que de voir ainsi se disperser les élites étrangères que nous y avons
formées vers les universités britanniques ou nord-américaines, l'objectif de
les insérer dans notre enseignement supérieur pour qu'ils y reçoivent une
formation de qualité est essentiel.
Là encore, cette priorité budgétaire doit être préservée, voire accrue, sur de
nombreuses années. J'ajoute qu'une attention particulière doit être accordée à
ces étudiants pour la délivrance de visas. Malheureusement, le Gouvernement ne
s'y est pas employé. Il importe qu'il mette fin à cette situation !
La troisième priorité a trait à l'audiovisuel extérieur.
L'an passé, la nouvelle présidence commune TV 5-CFI, assurée par M. Jean
Stock, s'était donné comme objetif prioritaire d'améliorer la qualité de
l'antenne.
La nouvelle programmation, enrichie et mieux adaptée aux demandes du public,
bénéficie désormais d'un cinquième signal, spécifiquement dédié à l'Europe
francophone, qui permettra d'améliorer encore la programmation à destination
des pays européens.
Les résultats de cette stratégie sont déjà au rendez-vous : un an après les
premières décisions et les premiers changements, le nombre de téléspectateurs a
crû de 21 % et d'excellents retours d'audience ont pu être mesurés en
Europe.
Dans ce tableau positif, il reste cependant à améliorer la place de TV 5 sur
le continent américain. Les récentes modifications intervenues chez nos
partenaires canadiens devraient, nous l'espérons, contribuer à développer la
chaîne francophone sur ce continent, afin d'éviter d'aboutir à une « TV 5 à
deux vitesses ». Dans le cas contraire, le gouvernement français devrait faire
preuve d'autorité.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Pas sûr !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
J'ajoute que l'aide apportée par le ministère des
affaires étrangères,
via
TV France International, à la promotion de la
création audiovisuelle française donne des résultats extrêmement positifs.
D'une manière générale, cette priorité pour l'audiovisuel extérieur, dégagée
depuis plusieurs années, mais confortée depuis un an et enrichie par des
méthodes d'intervention diversifiées, constitue l'un des choix judicieux de ce
projet de budget.
Un dernier mot concernera l'amélioration de la situation des recrutés locaux
de nos réseaux culturels. Le ministère des affaires étrangères s'est engagé à
présenter des propositions destinées à valoriser le statut de ces personnels,
trop longtemps négligés. Nous sommes nombreux dans cette enceinte à suivre de
près ce dossier important pour votre département, monsieur le ministre, et nous
ne doutons pas de votre détermination à y apporter une solution équitable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
priorités de notre diplomatie culturelle telles qu'elles sont définies dans ce
projet de budget pour 2000 sont limitées en nombre, mais non en importance.
Elles sont, en quelque sorte, les outils de notre ambition pour une « diversité
culturelle » souvent difficile à promouvoir ou à préserver.
Je ne peux donc qu'inviter le Sénat, à la suite de sa commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées, à adopter les crédits du
ministère des affaires étrangères pour 2000.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont souligné certains des
rapporteurs, la modeste progression du budget des affaires étrangères prévue
pour 2000 a, hélas ! été obtenue au prix d'une nouvelle compression des crédits
destinés à l'aide au développement.
En effet, au sein du budget regroupant désormais les crédits de la coopération
et ceux des affaires étrangères, les dotations réservées à l'aide au
développement représentent seulement 4,8 milliards de francs, soit une
réduction de 4,3 % par rapport à l'an passé.
Nos partenaires africains, principaux bénéficiaires de l'aide au
développement, sont les premiers touchés par cette baisse des crédits. La
relation jusqu'alors privilégiée que nous entretenions avec l'Afrique risque
donc de se trouver affaiblie. Nous sommes dès lors conduits à nous demander si,
comme nous en avions exprimé la crainte l'an passé, l'intégration du ministère
de la coopération à celui des affaires étrangères n'a pas, en fait, été un
moyen de modifier les priorités de l'action extérieure de la France.
Certes, il faut le répéter, la France reste au premier rang des pays du G 7
pour l'aide rapportée au PIB et au deuxième rang, derrière le Japon, pour le
volume total de l'aide.
Toutefois, la réforme de la coopération, à la lumière d'une première année
d'expérience et, surtout, de la baisse des crédits prévus pour 2000 soulève
trois questions majeures : l'efficacité des procédures mises en place ; la
cohérence entre les objectifs poursuivis et les moyens prévus ; l'adaptation
des méthodes aux besoins des pays en développement. J'évoquerai successivement
ces trois points.
Tout d'abord, s'agissant de l'efficacité des procédures, on ne peut s'empêcher
d'éprouver quelque inquiétude devant la lourdeur du dispositif qui se met
lentement en place. Le circuit de décision au sein de la nouvelle direction
générale de la coopération internationale et du développement superposera
l'intervention d'au moins deux services : un service sectoriel et un service
coordonnateur. Cette organisation ne permettra pas de raccourcir les délais
déjà trop longs d'instruction des dossiers.
En outre, les instances consacrées à la coopération tendent à s'accroître en
proportion inverse des moyens consacrés à l'aide au développement. Après la
création d'un Haut conseil de la coopération internationale, la coopération
va-t-elle suivre les voies de la francophonie, avec la multiplication
d'institutions dont le rôle n'apparaît pas clairement, dont les compétences se
recoupent et dont l'efficacité diminue ?
Enfin, le comité interministériel d'aide au développement chargé d'imprimer
une direction politique à notre coopération ne se réunit qu'une fois par an. La
coordination indispensable des actions du Quai d'Orsay et de Bercy, dont le
rôle en matière d'aide au développement apparaît toujours plus déterminant, ne
justifierait-elle pas un suivi interministériel plus poussé ?
J'en viens à la question de la cohérence des objectifs et des moyens. La
substitution de la zone de solidarité prioritaire à l'ancien champ de la
coopération s'est accompagnée d'un élargissement considérable des pays
susceptibles de bénéficier de l'aide française. Ainsi, comme le soulignait mon
collègue Michel Charasse, aux trente-sept pays du champ traditionnel ont été
ajoutés vingt-quatre nouveaux Etats. La commission s'est inquiétée des
conséquences de cette extension. N'entraînera-t-elle pas, en effet, un
éparpillement des moyens, une politique de « saupoudrage » conduisant à un
affaiblissement de l'influence française ?
A vouloir être présent dans un trop grand nombre de pays, on risque, je le
crains, de ne compter vraiment nulle part, de mécontenter tout le monde, et de
perdre ainsi les résultats des investissements réalisés dans le passé. Le
risque de dilution apparaît d'autant plus fort que les moyens financiers
tendent à baisser et qu'ils n'obéissent pas toujours à une affectation
rigoureuse.
En ce qui concerne la baisse des moyens, les concours financiers destinés à
l'ajustement structurel et à l'aide budgétaire d'urgence se réduiront de 40 %
en 2000. Certes, l'aide-projet gérée par le Fonds d'aide et de coopération,
rebaptisé Fonds de solidarité prioritaire, et par l'Agence française de
développement affiche une progression de 5,3 %, mais cette hausse risque
d'être, pour une bonne part, illusoire. En effet, depuis plusieurs années,
l'aide-projet constitue la cible privilégiée des annulations de crédits. Ainsi,
7,3 % des crédits de paiement ouverts par le budget de 1999 ont été annulés
cette année.
Or ces mesures de régulation ont été justifiées par la nécessité de dégager
des moyens de financement pour l'aide au Kosovo ! Il y a là un indicateur
inquiétant de l'évolution des priorités diplomatiques de notre pays. Est-ce
vraiment l'intérêt de la France ? Je crois que la question mérite d'être
posée.
Ma troisième question porte sur l'adaptation des méthodes aux besoins de nos
partenaires. La France semble, en effet, vouloir renoncer à l'une des
dimensions essentielles de son action en Afrique, avec une nouvelle réduction
des effectifs d'assistance technique pour 2000. En dix ans, les effectifs de
l'assistance technique auront été réduits des deux tiers. En 2000, de nouveau,
quarante postes seront supprimés.
Or le Gouvernement avait reconnu l'an passé - ce sont vos propres paroles,
monsieur le ministre - que nous avions atteint la cote d'alerte en dessous de
laquelle on ne pouvait descendre sans compromettre l'efficacité de notre
action. Cela n'annonce-t-il pas la fin programmée de notre assistance technique
?
Pourtant, par leur engagement sur le terrain, les coopérants répondaient aux
attentes des populations africaines. Leur action sur place a ouvert la voie à
l'implantation d'entrepreneurs français.
Par ailleurs, ils ont été parmi les vecteurs les plus actifs de la
francophonie. Enfin, leur présence a permis à la France d'acquérir une capacité
d'expertise unanimement reconnue.
Dès lors, veut-on aligner la coopération française sur les modes
d'intervention des autres bailleurs de fonds et perdre toute la spécificité qui
a fait notre succès ? Nous nous engageons dans cette voie de manière implicite
sans que les conséquences de cette orientation aient été clairement présentées
par le Gouvernement et sans que le Parlement ait été consulté.
Cette situation, vous en conviendrez, monsieur le ministre, ne peut pas être
considérée par nous comme satisfaisante.
En conclusion, la baisse des moyens consacrés à l'aide au développement ouvre
la voie à la banalisation de la place de l'Afrique dans notre politique
étrangère. Est-ce le bon choix ? Je ne le crois pas.
Quatre raisons plaident pour le maintien d'une priorité africaine.
Premièrement, les progrès économiques accomplis par les pays de la zone franc
constituent un indicateur encourageant pour la politique française de
coopération. Il serait dès lors regrettable de relâcher l'effort au moment où
il commence à porter ses fruits.
Deuxièmement, nos liens avec l'Afrique reposent aussi sur la présence d'une
forte communauté française. Il faut faire fructifier ce capital humain. Nos
compatriotes n'ont pas toujours bénéficié de l'attention nécessaire de la part
des pouvoirs publics, comme le démontre le problème récurrent des retraités
français ayant exercé en Afrique ou les difficultés d'indemnisation de nos
ressortissants, parfois ruinés et acculés au désespoir à la suite d'événements
dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité. Pouvez-vous nous
indiquer, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage enfin de prendre
des initiatives pour remédier à ces insuffisances ?
Des solutions existent, nous pouvons vous en proposer, mais il faut avant tout
une volonté politique pour les appliquer. Nous voudrions savoir, monsieur le
ministre, si cette volonté politique existe réellement.
Troisièmement, l'influence de la France en Afrique constitue un élément
essentiel de notre rayonnement international : ne l'oublions pas, nous pouvons
régulièrement compter aux Nations unies sur le soutien et la fidélité de nos
partenaires africains et parfois d'eux seuls.
Enfin, quatrièmement, notre politique en Afrique doit aussi s'apprécier dans
un horizon de moyen et long terme : le continent africain comptera 1,25
milliard d'habitants en 2025, soit 18 % de la population de la terre. Ces
perspectives démographiques représentent à la fois une promesse et un défi :
une promesse, car le continent africain constitue un marché au potentiel
considérable ; un défi, car il faudra contribuer au développement harmonieux du
continent.
Or la priorité accordée jusqu'à maintenant à l'Afrique apparaît aujourd'hui
menacée et le budget pour 2000, loin d'infléchir cette tendance préoccupante,
la renforce malheureusement.
Si nous devions aujourd'hui nous prononcer sur un budget séparé de la
coopération, ce qui n'est plus le cas depuis 1998, j'aurais appelé le Sénat à
rejeter cette dotation nettement insuffisante. Mais, notre vote portant sur
l'ensemble du budget des affaires étrangères, la commission a quand même décidé
d'adopter ces crédits.
(Très bien ! et applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, la coopération culturelle et
scientifique recevra, en 2000, un bien meilleur traitement que ne le laisse
supposer la faible augmentation des crédits globaux de la direction générale de
la coopération internationale et du développement, qui gère ces crédits avec
ceux de la politique de coopération.
Je rappelle que cette augmentation est de 0,1 % par rapport aux crédits
correspondants de 1999.
Je ne vais pas passer en revue l'évolution des dotations des différents
chapitres qui regroupent les crédits affectés à la coopération culturelle et
scientifique, on trouvera ces chiffres dans mon rapport écrit. Je vais plutôt
dire quelques mots de deux des principales politiques que ces crédits
permettent de mettre en oeuvre : la politique de l'audiovisuel extérieur et la
promotion de l'enseignement français à l'étranger.
Dans ces domaines, je crois pouvoir dire que l'évolution des crédits relaie la
volonté politique et débouche sur des résultats non négligeables.
La volonté politique de développer l'audiovisuel extérieur de façon
prioritaire a été exprimée dans la communication présentée au conseil des
ministres du 30 avril 1998.
Il s'agissait de mobiliser les outils existants, publics et privés, afin
d'assurer aux programmes français une présence à l'étranger sur les écrans du
monde entier plus importante et plus adaptée à la spécificité des régions ou
continents concernés.
Il s'agissait aussi de rationaliser nos interventions, d'éviter en particulier
une inutile concurrence entre TV 5 et CFI.
Il fallait, enfin, diversifier notre offre face à l'explosion des chaînes
satellitaires, en apportant une aide aux acteurs privés qui relèvent le défi de
l'exportation, que ce soit les chaînes ou les producteurs.
Ces orientations ont trouvé leur point d'orgue dans le plan stratégique de TV
5, lancé le 8 janvier 1999, avec la mise en place de quatre signaux
régionalisés sur l'Europe, l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient. TV 5 s'est
alors mise en quatre !
(Sourires.)
Le plan stratégique est actuellement
en voie d'achèvement, avec le récent lancement du signal
France-Belgique-Suisse. TV 5 sera alors en cinq !
(Nouveaux
sourires.)
Le premier bilan de ce travail est très favorable, en termes de couverture, en
particulier, puisque celle-ci a augmenté de 35,7 % en un an, comme en termes
d'écoute, d'après les enquêtes qui ont été réalisées. On peut retenir, à titre
d'illustration, que TV 5 a dépassé CNN en Espagne et dépasse partout BBC
World.
Le budget de 2000 permettra de poursuivre l'effort avec les 25, 3 millions de
francs supplémentaires attribués à TV 5.
Il demeure néanmoins quelques problèmes, en particulier dans la branche
américaine de TV 5, autonome par rapport à la branche européenne et dirigée par
les Canadiens. Elle a subi un échec retentissant avec le lancement de TV 5 aux
Etats-Unis, puisque 4 800 abonnements seulement ont été souscrits, sur les 60
000 attendus en fin d'année.
Parmi les pistes explorées pour sortir de l'impasse non seulement stratégique
et économique mais aussi politique à laquelle a conduit cet échec, il y a
l'idée de découpler le signal destiné aux Etats-Unis et celui qui est destiné à
l'Amérique latine qui pourrait être réalisé par TV 5 Paris, et dont le
financement avoisinerait 10 millions de francs.
Je considère, pour ma part, que le budget 2000 de TV 5 Europe ne doit pas
financer cette innovation avec la mesure nouvelle de 25,3 millions de francs
que je mentionnais tout à l'heure, qui doit principalement rester dédiée à une
amélioration des programmes.
Une autre ombre plane sur le budget de TV 5 : il s'agit des revendications des
sociétés d'auteurs qui souhaitent remettre en cause l'accord actuel pour tenir
compte de l'audience croissante de la chaîne. La facture supplémentaire
pourrait tourner autour de 10 millions de francs.
Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions sur ces dossiers.
Le deuxième axe de la relance de l'audiovisuel extérieur était la
rationalisation des interventions de CFI et de TV 5.
La présidence commune des deux sociétés a engagé cette rationalisation en
élaborant un plan stratégique pour CFI. Il est organisé autour de trois axes :
une chaîne de télévision CFI-TV qui diffuse sur l'Afrique et dont la grille de
programmes a été harmonisée avec celle de TV 5 et une banque de programmes,
CFI-PRO ; et enfin le développement, à partir de cette année, des activités
d'ingénierie audiovisuelle de CFI.
Je voudrais aussi signaler que nos exportations de programmes, dont la
promotion est assurée par TVFI, ont augmenté de 35 % en 1998, pour atteindre
1,8 milliard de francs. Les exportations financent aujourd'hui 20 % de la
production française de stock. Nous sommes encore loin des Etats-Unis où les
ventes internationales représentent 50 % du financement de la production, mais
cela commence à représenter un apport important pour nos industries de
programmes.
Faute de temps, je ne ferai qu'évoquer RFI pour souhaiter que la recherche de
synergies avec TV 5, qui n'a pas débouché en 1999, soit poursuivie en 2000 de
manière que l'ensemble de l'audiovisuel extérieur puisse bénéficier de la
richesse que représentent les journalistes et les correspondants de RFI.
Je terminerai mon exposé en évoquant l'enseignement du français à l'étranger.
Le premier aspect est le financement de cet enseignement.
L'agence pour l'enseignement français à l'étranger bénéficiera, en 2000, de
21,4 millions de francs de crédits supplémentaires, dont 15 millions pour les
bourses destinées aux enfants français à l'étranger, ce qui représente une
augmentation de 6,9 % par rapport à 1999. Cela ne peut que nous satisfaire. Je
crois cependant qu'il faut être attentif pour maîtriser l'augmentation des
droits d'écolage. Des mesures ont été prises en ce sens ; il faudra sans doute
en évaluer l'impact.
L'un des grands chantiers de l'enseignement du français à l'étranger est la
réforme du statut des enseignants. Une délégation de la commission des affaires
culturelles, qui s'est déplacée en septembre au Moyen-Orient, a pris la mesure
des disparités qui existent entre les expatriés, les résidents et les recrutés
locaux.
Cette situation suscite une pression à la hausse des coûts salariaux par le
biais d'indemnités versées par les établissements, et pas forcément pérennes,
comme nous l'avons vu en Jordanie, d'où un climat un peu dégradé au sein du
corps enseignant.
Je sais, monsieur le ministre, que votre administration va tenter de lancer
une réforme du système des rémunérations afin de diminuer, à coût global
constant, les écarts constatés. Je pense qu'il sera intéressant de voir,
l'année prochaine, les progrès de cette opération difficile.
Le second aspect que je souhaite évoquer est la politique d'accueil des
étudiants étrangers. C'est une dimension tout à fait essentielle de notre
rayonnement culturel, et ses prolongement économiques sont potentiellement
cruciaux, dans la mesure où les cadres étrangers formés en France seront plus
ouverts que d'autres aux échanges et aux partenariats avec l'économie
française.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis.
Le premier volet de cette politique est mis en
oeuvre avec des instruments tels que le programme Eiffel de bourses
d'excellence. Il recevra une mesure nouvelle de 35 millions de francs, qui
s'ajouteront aux 50 millions de francs dégagés en 1999, ce qui devrait
permettre de financer entre cinq cents et huit cents bourses annuelles,
l'objectif étant d'arriver à mille cinq cents bourses dans quatre ou cinq ans,
pour un coût d'environ 150 millions de francs.
L'autre volet de cette politique est représenté en particulier par EduFrance.
Il s'agit d'un groupement d'intérêt public créé par le ministère des affaires
étrangères, le ministère de l'éducation nationale et des établissements
d'enseignement supérieur, afin d'assurer la promotion de l'enseignement
supérieur français auprès des étudiants étrangers solvables.
Edufrance est doté, en 2000, d'un budget de 17,5 millions de francs, contre 10
millions de francs en 1999. Il est présent à l'étranger sur les sites où peut
être effectuée l'information des étudiants. Il participe ainsi à des salons
d'étudiants, édite des catalogues répertoriant les formations françaises, noue
en France des partenariats pour améliorer l'accueil et faciliter la vie des
étudiants et il propose aussi des services d'ingénierie pédagogique.
Ces missions sont ambitieuses, et nous aurons à en évaluer la mise en oeuvre.
On peut néanmoins dire dès à présent qu'Edufrance a démarré, en 1999, de façon
extrêmement dynamique.
En conclusion de cet aperçu trop bref, je rappelle que la commission des
affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la
coopération culturelle et scientifique pour 2000.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, il n'est jamais simple de rendre compte clairement de l'évolution
des crédits de la francophonie.
Il y a lieu, en effet, de distinguer, d'une part, les crédits que la France
affecte au fonctionnement des instances de la francophonie et aux actions
décidées en commun par les sommets des chefs d'Etat et de gouvernement - c'est
la francophonie multilatérale - et, d'autre part, l'effort français dans le
domaine de la francophonie, auquel concourent de nombreux ministères et que
retrace chaque année, à la suite d'une demande jadis formulée par notre
regretté collègue Maurice Schumann, un « jaune » budgétaire.
Le service des affaires francophones, directement rattaché au secrétariat
général du ministère des affaires étrangères, est chargé du dossier de la
francophonie multilatérale. Il suit le fonctionnement des instances de la
francophonie et l'utilisation des fonds affectés par la France aux opérations
de francophonie.
Il disposera, en 2000, de crédits identiques à ceux de 1999, soit 61,60
millions de francs, dont 53,7 millions de francs affectés au fonds multilatéral
unique de la francophonie, en exécution des décisions des sommets, un peu moins
de 8 millions de francs étant destinés à soutenir l'action des associations
oeuvrant en faveur de la francophonie.
En 1998 et en 1999, ces crédits n'ont pas été victimes d'une régulation
assassine qui devenait l'une des mauvaises habitudes de Bercy. Il y a lieu de
le saluer, car la commission des affaires culturelles s'est toujours élevée et,
avec vigueur, contre d'aussi détestables pratiques.
Fort heureusement, les crédits que la France consacre à la francophonie ne se
limitent pas aux crédits du service des affaires francophones.
L'état, rédigé tardivement par le ministère des finances, qui rend compte de
l'ensemble du financement interministériel de la francophonie, s'élève, pour
l'actuelle loi de finances, à un total de 5 587 millions de francs, contre 5
139,43 millions de francs en 1999.
Le ministère des affaires étrangères représente environ 90 % des crédits du
budget général, qui reçoit aussi des fonds provenant des ministères de
l'environnement, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse et des
sports.
Notons enfin que la contribution française représente 75 % du budget total du
fonds multilatéral unique, contre 12 % au Canada, 4,5 % au Québec, 4 % à la
communauté française de Belgique et 1,6 % à la Suisse, tandis que nous
consacrons 345 millions de francs à TV 5, y compris TV 5 Afrique. La France est
donc bien, et de loin, le principal financeur de la francophonie.
Nous avions, l'an dernier, monsieur le ministre, approuvé les crédits de la
francophonie. Sur ma proposition, la commission des affaires culturelles vous
propose, mes chers collègues, d'approuver, cette année encore, des crédits qui
sont maintenus à la même hauteur.
Et pourtant, monsieur le ministre, j'ai été tenté de proposer, cette année,
l'annulation pure et simple des crédits que nous consacrons à la
francophonie.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Pourquoi ?
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Je veux m'en expliquer. Car, à quoi sert-il que la
France officielle accomplisse un effort important chaque année en faveur de la
langue française et de la francophonie si d'autres représentants de cette même
France témoignent avec une désolante permanence de leur manque total
d'attachement à notre langue et à son avenir ? Je sais très bien, monsieur le
ministre, que telle n'est pas du tout votre attitude. Et ne croyez pas que je
cède à une crise subite de découragement. Je vais vous donner des exemples
précis.
Nous sommes au mois de septembre 1999. Le groupe Renault, dont l'Etat détient
encore 44,2 % du capital, annonce qu'il veut « s'acculturer » en adoptant
l'usage exclusif de l'anglais pour ses comptes rendus de comités de direction,
c'est-à-dire les rapports rédigés chaque semaine par la direction générale et
diffusés dans les différentes directions du groupe.
Toujours au mois de septembre de cette même année, à Strasbourg, la société
française Aérospatiale-Matra et la société allemande DASA-Chrysler fusionnent.
Grande victoire ! Elles donnent à la nouvelle société un nom anglais puisque le
sigle EADS dissimule l'
European Aeronautic Defence and Space Company.
Et
la cérémonie inaugurale, en présence du chancelier allemand et du Premier
ministre français, débute par un exposé... en anglais !
Toujours en septembre dernier, le lundi 27, M. Christian Noyer, vice-président
français de la banque centrale européenne est auditionné par la commission des
affaires monétaires du Parlement européen, à Bruxelles. Il choisit de
s'exprimer évidemment en anglais, alors que la traduction simultanée dans les
onze langues de l'Union est disponible et qu'un seul pays de la zone euro,
l'Irlande, a l'anglais pour langue officielle !
M. Emmanuel Hamel.
Inadmissible !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
J'ajouterai que, voilà quelques jours, le
commissaire européen français M. Lamy, s'exprimant à Seattle, a oublié
également que le français est l'une des langues de l'OMC, et s'est exprimé, au
nom de l'Union européenne, également en anglais.
M. Emmanuel Hamel.
Scandaleux !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Et l'on parle tant, de nouveau, d'exception
culturelle qu'il faudrait maintenir au nom de la diversité culturelle et
linguistique ! Vous vous souvenez sans doute de la déclaration de Claude
Lelouch et de Claude Miller proclamant : « Le cinéma et la civilisation ne sont
pas seulement un enjeu économique, ils sont aussi un enjeu de civilisation et
d'identité.
« Quel serait l'intérêt d'un monde sans conteurs d'histoires, dépossédé de son
imaginaire, de ses langues ? Face à la machine décérébrante d'un certain cinéma
hollywoodien, les cinémas nationaux sont autant de cinémas identitaires. C'est
là que le cinéma opère cette fusion magique jamais démentie entre argent et
création, entre marché et imaginaire. »
Fort bien ! Mais, en octobre de cette année, le film de Luc Besson,
Jeanne
d'Arc,
projeté en avant-première au Sénat, a été présenté en version
originale... anglaise ! Et Luc Besson n'y voit pas problème !
Quant à notre ministère de la culture, il semble désormais admettre, dans ses
écrits, qu'il y ait des films français qui parlent français et d'autres non. Où
est la cohérence, au moment où nous nous battons pour la diversité linguistique
?
M. André Maman.
Très bien !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Je pourrais multiplier les exemples : celui des
troupes rassemblées par différents pays européens dont aucun n'est anglophone
qui prennent l'anglais comme langue opérationnelle ; celui de la chaîne
d'informations que lance sur la Toile Mme Anne Sinclair, au nom de TF 1, et qui
s'appellera
Les News.
C'est un petit détail, ce n'est pas bien grave
!
M. André Maman.
Si, c'est grave !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
On pourra chaque fois trouver de bonnes raisons à
cette capitulation. Il n'empêche que si nous finissons par trouver normal que
le français cesse peu à peu d'être la langue du cinéma, de la publicité, de nos
armées, de la grande entreprise, du monde scientifique, il deviendra inutile de
réunir des sommets avec tambours et trompettes, car, dans le reste du monde, on
ne verra plus guère d'intérêt à apprendre une langue qui se laisse amputer et
dominer.
Et pourtant, ils sont nombreux, ceux qui aiment notre langue, notre culture,
et présents sur tous les continents. Ainsi, en Algérie, elle s'affirme encore,
et parfois au péril de la vie ; au Nigeria, le Gouvernement veut en faire une
deuxième langue officielle ; en Europe centrale ou en Asie, elle a des amoureux
nombreux, des admirateurs fervents. Ils seront des milliers rassemblés pour
tenir congrès à Paris en juillet, ces professeurs de français qui sont aussi
des militants de la langue française, dans tous les pays du monde. Allons-nous
leur avouer que nos représentants officiels dans les institutions
internationales préfèrent parler une autre langue que la langue française ?
Le journal
Libération,
le 29 septembre dernier, commentant le choix
linguistique de M. Noyer, écrivait : « Il est représentatif de l'élite
française : la quasi-totalité des fonctionnaires hexagonaux présents dans les
institutions européennes a depuis longtemps rendu les armes face à la langue
anglaise, au-delà des discours incantatoires sur "la défense du français". »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d'exiger de ceux qui
se revendiquent Français pour obtenir des responsabilités internationales
qu'ils servent la politique de la France ou qu'ils cèdent la place à ceux qui,
comme les Québécois, ont décidé que leur langue et leur culture auront un
avenir parce que telle est leur volonté.
(Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel.
Il faut de la volonté !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a émis, malgré de fortes réserves, un avis favorable à l'adoption
des crédits du ministère des affaires étrangères pour l'an 2000, elle n'a
toutefois pas pris cette décision sans exprimer de sérieuses inquiétudes.
D'abord, parce que la très légère augmentation des crédits est largement -
comme l'ont souligné nos excellents rapporteurs - un faux-semblant, qui
dissimule en réalité une simple reconduction et une stabilité des moyens du
ministère.
Ensuite, parce que les emplois dégagés proviennent de mouvements internes qui
ne se reproduiront pas ; il conviendra donc de veiller à ce que la régression
des effectifs, enfin stoppée, ne reprenne pas dès l'an prochain.
Nous continuons ainsi à déplorer fortement que le budget des affaires
étrangères ne figure toujours pas, loin de là, parmi les priorités du
Gouvernement, alors qu'il s'agit des moyens indispensables à la représentation
de la France dans le monde. Je redis donc aujourd'hui fermement que nous devons
donner durablement à notre pays les moyens nécessaires à une action
internationale efficace.
Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, marque
l'achèvement, sur le plan budgétaire, du processus d'intégration des services
de la coopération dans l'ensemble du ministère des affaires étrangères. Sans
doute est-il encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives de cette
importante réforme, mais certains enseignements et certaines interrogations
doivent, dès aujourd'hui, être évoqués.
Ainsi, la mise en oeuvre administrative de la réforme suppose encore une
grande vigilance, car l'installation des quatre directions qui composent la
nouvelle direction générale de la coopération internationale et du
développement, la DGCID, ne semble pas plus aisée que le « calage » des
compétences respectives du Quai d'Orsay et de Bercy. Quant à la fusion des
personnels, elle soulève des difficultés liées à des cultures de travail
profondément différentes. Je ne vous cacherai pas non plus, monsieur le
ministre, que les discours globalement apaisants que nous entendons à Paris sur
le déroulement de la réforme ne reflètent pas toujours, loin de là, les échos
beaucoup plus acerbes qui nous parviennent ou que nous recueillons dans nos
postes diplomatiques, à l'occasion de nos déplacements à l'étranger.
Mais le plus important et, à nos yeux, le plus préoccupant est ailleurs : il
réside dans la sensible diminution des crédits consacrés aux formes d'aide
directe au développement qui relevaient de l'ancienne coopération. Ainsi, le
processus, déjà observé depuis deux ans, qui a vu l'aide publique française au
développement décroître pour ne plus représenter que 0,41 % du produit national
brut, de plus en plus loin de l'objectif affiché de 0,7 %, se trouve
poursuivi...
Je crains que l'inquiétude que j'exprimais l'an dernier ici même ne soit en
train de devenir réalité : la réforme de notre dispositif de coopération ne
dissimule-t-elle pas une diminution des moyens consacrés par la France au
développement, particulièrement en Afrique ? Il faut, si c'est le cas, le
reconnaître et en donner les raisons. C'est pourquoi, afin d'y voir clair, je
réitère une nouvelle fois le souhait que le Gouvernement établisse, à
l'intention du Parlement, un document de synthèse évaluant, pays par pays, le
poids et l'évolution de notre aide au développement.
Par-delà ces conséquences préoccupantes de la réforme de la coopération, le
projet de budget que vous nous proposez comporte aussi un certain nombre
d'orientations positives, conformes aux voeux exprimés par la commission des
affaires étrangères. C'est le cas notamment du maintien de la priorité accordée
à notre action audiovisuelle extérieure, en particulier pour l'amélioration,
qui était bien nécessaire, des programmes de TV 5, même si je reste
profondément inquiet eu égard à l'activité de cette chaîne sur le continent
américain dans son ensemble.
Par ailleurs, il reste toute une série de questions importantes qui n'ont pas
encore reçu, malgré quelques inflexions, de solutions satisfaisantes. J'en
évoquerai brièvement trois.
La première concerne la cohérence de notre réseau à l'étranger. Son adaptation
est une constante nécessité, mais cette exigence est particulièrement difficile
à satisfaire, la flexibilité de notre réseau devant être conciliée avec les
contraintes financières, mais aussi avec la nécessaire permanence de notre
présence. Cette adaptation peut passer, à mon avis, par certaines fermetures de
postes, et je pense notamment ici à certains consulats en Europe. Encore
faut-il que ces évolutions correspondent à des critères clairs et s'inscrivent
dans une politique d'ensemble. C'est pourquoi je crois nécessaire que
s'approfondisse une réflexion d'ensemble sur les implantations françaises à
l'étranger, qui devrait bien sûr inclure les administrations financières,
lesquelles ne doivent pas, dans notre pays, être exemptes de réformes.
Une deuxième observation porte sur les contributions internationales, qui ont
été évoquées par MM. les rapporteurs de la commission des finances, ainsi que
par M. Dulait.
Le redressement amorcé l'an dernier et poursuivi plus modestement cette année
était indispensable pour rattraper le retard accumulé. Certes, notre pays ne
saurait adopter la pratique américaine qui privilégie systématiquement les
contributions volontaires au détriment des contributions obligatoires, au
risque de remettre en cause le fonctionnement même des institutions
multilatérales concernées.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Toutefois, il est
impératif de combler un retard qui nuit gravement à notre image et à notre
influence.
Ma troisième observation portera enfin sur la question très sensible, déjà
abordée par plusieurs de mes collègues, de la rémunération des recrutés locaux.
Ce problème a fait l'objet, monsieur le ministre, d'un rapport interne, le
rapport Amiot, qui dresse une série de constats préoccupants. Je serais heureux
que vous puissiez dire au Sénat les suites que vous comptez lui donner. Deux
points me paraissent appeler des mesures adaptées : il faut d'abord veiller à
ce que des recrutés locaux ne se trouvent pas livrés à eux-mêmes et privés de
l'encadrement indispensable lorsqu'ils ont à prendre des décisions - notamment
dans les services des visas - qui engagent notre pays ; il faut ensuite
remettre à niveau la rémunération de recrutés locaux qui se trouvent beaucoup
moins bien traités par les services diplomatiques que vous dirigez qu'ils ne le
sont par les représentations étrangères ou, bien entendu, par les postes
tout-puissants d'expansion économique français ! Qui peut comprendre et qui
pourrait admettre de telles distorsions ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Bravo !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Le temps qui m'est
imparti ne me permettra pas, monsieur le ministre, de m'éloigner beaucoup de
ces considérations strictement budgétaires pour aborder la politique étrangère
de notre pays, mais il va de soi que le projet de budget que vous nous
présentez aujourd'hui n'a de sens qu'au service d'une diplomatie ambitieuse. Je
souhaite d'ailleurs, monsieur le président, que, au-delà des figures imposées
par la discussion du projet de loi de finances, nous puissions organiser au
Sénat, dans le courant de l'année parlementaire, un débat spécifiquement
consacré aux orientations de la politique étrangère de la France.
Je me contenterai pour l'heure, en guise de conclusion, d'évoquer brièvement
l'évolution de la construction européenne. A la veille du conseil européen
d'Helsinki, dont il faut espérer qu'il ne soit pas excessivement perturbé par
la question de la viande bovine britannique, je souhaite, monsieur le ministre,
vous poser quelques questions.
Verrons-nous, à cette occasion, se concrétiser les outils institutionnels
nécessaires - mais pas suffisants - aux progrès de la défense européenne,
notamment le comité de politique et de sécurité et le comité militaire ? Quant
à l'idée séduisante, brillamment exposée par de nombreux ministres à cette
tribune, sur les « critères de convergence » en matière de défense, vous
paraît-elle avoir encore quelque avenir ?
Par ailleurs, comment se présente aujourd'hui l'ordre du jour souhaitable,
mais aussi le calendrier prévisible, de la prochaine conférence
intergouvernementale sur la réforme des institutions, préalable nécessaire -
et, je le rappelle, consacré dans notre loi nationale - à un nouvel
élargissement de l'Union européenne ?
Sur ce sujet de l'élargissement - qui est sans doute celui qui fera courir le
plus grand risque à la cohésion de l'Union -, notre approche, partagée
désormais, je crois, par la Commission, s'abstient de fixer prématurément une
date pour l'adhésion des futurs membres. Mais cette position est-elle vraiment
partagée par nos partenaires ?
Enfin, les chefs d'Etat et de gouvernement devront nécessairement prendre
position sur la crise tchétchène, en particulier sur les traitements
inacceptables infligés aux populations civiles. Au moment où l'Armée rouge
poursuit son offensive, avec - je le relève - le plein soutien de Pékin, je
souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez aujourd'hui faire devant le
Sénat le point de la position française sur cette situation dramatique.
M. Emmanuel Hamel.
Dramatique !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Je conclurai,
monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en redisant
que je demeure convaincu qu'à l'heure de la mondialisation c'est l'Union
européenne qui offrira le meilleur cadre à l'épanouissement de notre nation et
à la promotion de nos valeurs.
Ces valeurs sont celles d'une France rayonnante et ouverte sur le monde, qui
trouvera dans l'Europe un puissant multiplicateur de son influence
internationale dès lors qu'elle voudra et saura convaincre ses partenaires.
C'est pour qu'ils soient mis, malgré les insuffisances que j'ai relevées, au
service de cette diplomatie ambitieuse que nous voterons, monsieur le ministre,
les crédits inscrits dans le projet de loi de finances au titre du ministère
des affaires étrangères.
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
13 minutes.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
commencerai mon propos là où s'est achevé celui de M. le ministre des affaires
étrangères, c'est-à-dire, comme il se doit, par quelques réflexions sur le
budget qui nous est présenté ce soir.
Le budget du ministère des affaires étrangères, avec près de 21 milliards de
francs de crédits, soit 1,25 % des charges totales de l'Etat, ne constitue pas
un budget particulier. Toutefois, le « cru » 2000 marque l'arrêt de la chute
des moyens, qui était constante ces dernières années. Ce budget permet
d'enrayer le déclin et fait même apparaître une légère progression, de l'ordre
de 170 millions de francs, ce qui doit permettre notamment d'arrêter la chute
des effectifs.
Une des nouveautés de ce budget réside dans la création de 92 emplois dégagés
par des redéploiements internes après la fusion avec les services de la
coopération.
Grâce à cette fusion et à la rationalisation de la gestion, les dépenses de
fonctionnement sont réduites à 2 % tandis que d'importants investissements
seront engagés pour poursuivre une politique de modernisation et achever,
notamment, la construction d'ambassades à Berlin et à Pékin, la réhabilitation
du palais Farnèse à Rome et la réouverture éventuelle de notre consulat à
Annaba lorsque les problèmes de sécurité actuellement en discussion auront été
résolus avec les autorités algériennes.
Le budget pour 2000 du ministère des affaires étrangères s'inscrit donc dans
la réalisation des actes prioritaires définis par le Gouvernement, à savoir
affirmer le rôle de la France dans les instances multilatérales - ce qui
correspond à l'augmentation de 3 % des contributions volontaires destinées à
des organismes internationaux -, soutenir l'aide au développement et à l'action
humanitaire, promouvoir notre rayonnement culturel et la francophonie -
priorité est donnée à la formation et à l'audiovisuel extérieur - et, enfin,
développer l'aide aux Français de l'étranger, avec une hausse de 7 % des
bourses scolaires allouées aux enfants français par l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger et une hausse des crédits destinés à
l'assistance aux Français en difficulté.
L'ensemble peut naturellement être jugé insuffisant, mais je considère qu'il
est malgré tout positif. Il faut seulement souhaiter que ce budget soit
l'amorce d'un redressement nécessaire et non pas seulement une accalmie dans
une régression qui devenait préoccupante compte tenu des légitimes ambitions
que nous pouvions avoir quant au rôle international de la France dans le
monde.
Je voudrais maintenant, comme il est de tradition lors de la discussion du
budget du ministère des affaires étrangères, évoquer brièvement quelques
problèmes qui occupent l'actualité internationale.
Je commencerai par celui qui est aujourd'hui le plus angoissant, à savoir la
guerre à outrance que mène la Russie en Tchétchénie et qui, sous prétexte de
combattre un terrorisme qui existe certainement - nous ne le nions pas - écrase
sous les bombes des populations civiles innocentes.
Cette guerre que mènent le président Eltsine et le Premier ministre Poutine
n'est évidemment pas sans lien, nous le savons déjà depuis quelques semaines,
avec les élections législatives prévues pour le 19 décembre en Russie.
Les opérations militaires en Tchéchénie ont sans doute permis au pouvoir
actuel de reprendre des forces, dans la mesure où il semble que l'opinion russe
y soit favorable. Il est significatif, en tout cas, qu'aucun responsable
important politique russe n'ait pris position contre cette guerre.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Claude Estier.
Nous avons rencontré récemment M. Primakov à Paris et, bien qu'il soit en
opposition avec le Kremlin, il n'a fait qu'approuver l'action menée contre les
Tchéchènes, même s'il a souhaité que les populations civiles n'en soient pas
trop les victimes, ce qui est un voeu pieux.
Les pressions exercées par les Occidentaux, notamment par la France, sur la
Russie pour qu'elle s'oriente vers une solution politique sont restées, jusqu'à
présent, sans effet. Moscou refuse toujours une véritable médiation, y compris
de l'OSCE, et les Etats-Unis, il faut bien le dire, ne semblent pas vouloir
s'engager très loin.
J'ai eu l'occasion d'assister, il y a trois semaines, au sommet de l'OSCE à
Istanbul et j'ai été frappé, comme la plupart des observateurs, par
l'intervention très modérée - c'est le moins qu'on puisse dire - du président
Clinton, qui suivait celle, extrêmement dure, du président russe.
Une charte de la sécurité a finalement été signée lors de ce sommet
d'Istanbul, mais cela n'a pas modifié d'un iota le comportement de Moscou, à
cette réserve près de l'acceptation d'une visite sur le terrain du président en
exercice de l'OSCE.
Il faut bien voir que, si les engagements pris en cette circonstance devaient
rester sans suite, il s'agirait aussi d'un mauvais coup porté à l'OSCE et d'un
fâcheux précédent pour l'avenir du règlement des conflits en Europe.
Devrons-nous, à l'avenir, accepter que, pour des pays membres de l'OSCE,
d'autres conflits interétatiques ou au sein d'un même Etat se règlent aussi
brutalement et militairement, au mépris des engagements signés ? De tout cela,
il va être question ce week-end au sommet d'Helsinki, où l'on peut espérer
l'expression d'une plus grande fermeté de la part de l'Union européenne.
Nous voulons - je le répète - vivre en paix avec la Russie. Nous ne mettons
pas en cause son intégrité territoriale, mais nous devons le dire : la Russie
d'aujourd'hui nous inquiète et son avenir nous préoccupe.
M. Daniel Hoeffel.
Très bien !
M. Emmanuel Hamel.
Cela n'a pas changé !
M. Claude Estier.
Permettez-moi quelques mots sur l'Organisation des Nations unies, dont la
situation financière empire d'année en année du fait du non-paiement par
certains grands pays de leur dette à son égard. Les Etats-Unis mènent - on l'a
dit souvent, mais c'est toujours vrai - une politique désastreuse et lourde de
conséquences d'autant que, tout en critiquant ce qu'ils appellent
l'inefficacité de l'Organisation, ils continuent à vouloir faire la loi au
Conseil de sécurité,...
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
Très juste !
M. Daniel Hoeffel.
Tout à fait !
M. Claude Estier.
... comme on le voit actuellement à propos de l'embargo contre l'Irak.
M. Daniel Hoeffel.
C'est exact !
M. Claude Estier.
Je me félicite, à ce sujet, de la position prise par la France, qui a refusé
de voter une résolution tout à fait inacceptable.
L'Organisation des Nations unies doit faire face à un nombre croissant
d'opérations de maintien de la paix avec des moyens toujours insuffisants,
alors qu'elle est par définition l'organisation la plus qualifiée pour
intervenir dans la prévention et dans la gestion des conflits.
Je constate avec satisfaction que les crédits prévus dans ce budget vont
permettre à la France de s'acquitter scrupuleusement de sa cotisation à l'ONU,
où notre pays - je tiens à le dire - jouit d'ailleurs d'une grande autorité.
J'ai ainsi pu assister, il y a quelques semaines, à New York, aux élections au
conseil économique et social, l'un des organismes importants de l'ONU. La
France est arrivée largement en tête du scrutin, l'emportant haut la main dès
le premier tour, ce qui n'a pas été le cas pour plusieurs autres grands
pays.
Je ne reviendrai pas sur la préparation de la présidence française de l'Union
européenne, ni sur les négociations entre les Quinze en prélude à
l'élargissement. J'ai entendu ce qu'en a dit tout à l'heure devant nous le
ministre des affaires étrangères avant de partir pour le sommet d'Helsinki. Sur
ces problèmes, au demeurant fort complexes, nous aurons certainement l'occasion
de débattre abondamment dans les prochains mois.
Au Proche-Orient, après des années de blocage, le processus de paix a
redémarré. Le 17 mai 1999, les électeurs israéliens ont porté à la tête du
gouvernement de leur pays un homme, M. Ehud Barak, qui se veut l'héritier
d'Itzhak Rabin. L'espoir d'une solution négociée du conflit israélo-palestinien
et d'une reprise des négociations entre Israël et la Syrie et entre Israël et
le Liban existe de nouveau. Mais le chemin à parcourir est encore long et la
route semée de beaucoup d'embûches, tant les positions des uns et des autres
sont éloignées, que ce soit sur la question du statut final des territoires
palestiniens ou sur le démantèlement des colonies israéliennes, sans même
parler du statut de Jérusalem.
Entre Israël et la Syrie, les conditions pour une reprise des négociations
semblent maintenant être réunies et les choses commencent à bouger si l'on en
croit les derniers propos tenus par Mme Albright, M. Védrine nous l'a confirmé
tout à l'heure.
Entre Israël et le Liban, le retrait des forces israéliennes du Liban-Sud
avant juillet 2000, confirmé par M. Barak, risque de créer une situation
explosive, et donc dangereuse pour l'ensemble du processus de paix, si ce
retrait ne s'inscrit pas dans le cadre d'un accord global entre Israël et le
Liban.
La question de la présence palestienne au Liban doit aussi être abordée. Nous
savons que la France est très attachée à ce que le processus de paix se
poursuive favorablement. M. le ministre des affaires étrangères s'est rendu
récemment plusieurs fois dans la région, et notre pays y jouit d'une sympathie
et d'une crédibilité qui pourront être fort utiles dans l'avenir.
Mes chers collègues, je voudrai terminer par un autre sujet de préoccupation
qui nous concerne encore plus directement, je veux parler de la situation en
Algérie.
J'ai eu l'occasion, ces dernières semaines, d'effectuer deux courts séjours à
Alger. Le premier, avec le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, M. Huwart,
à l'occasion de la Foire d'Alger, m'a permis de constater que les entreprises
françaises étaient nombreuses à vouloir revenir travailler en Algérie.
Le second séjour - c'était la semaine dernière, aux côtés du président
Christian Poncelet et du président Xavier de Villepin - nous a permis de
mesurer l'importance que les dirigeants algériens, et d'abord le tout premier
d'entre eux, le président de la République Abdelaziz Bouteflika, accordent à ce
qu'ils appellent la « refondation » des relations algéro-françaises. C'est un
point, à mes yeux, extrêmement positif, mais qui ne nous dispense pas de nous
poser des questions sur la situation en Algérie.
Après une campagne courageuse, au cours de laquelle il a brisé beaucoup de
tabous, le président Bouteflika a fait adopter massivement par référendum, le
16 septembre dernier, la loi dite de la « concorde civile », qui offre aux
membres des groupes armés des conditions de reddition honorables jusqu'au 13
janvier. Mais, à ce jour, le nombre de « repentis » atteint à peine un millier,
et les attentats ont repris, comme chaque année à l'approche de la période du
ramadan, ce qui n'est évidemment pas favorable à l'implantation d'entreprises
étrangères.
Par ailleurs, le président Bouteflika, trois mois après le référendum, n'a
toujours pas été en mesure de constituer un nouveau gouvernement, alors que
c'était un de ses principaux objectifs. Il ne nous a pas caché, dans le long
entretien que nous avons pu avoir avec lui, qu'il se heurtait à des blocages
qui viendraient moins de l'armée que du personnel politique en place. Il reste
que la population algérienne commence à éprouver un sentiment d'immobilisme
d'autant plus dangereux qu'il succède à une période d'espoir d'une paix
retrouvée.
Il ne s'agit évidemment pas pour nous d'intervenir en quoi que ce soit dans
les affaires intérieures de l'Algérie, mais nous pouvons donner quelques signes
au sujet de problèmes dont la solution est attendue par les Algériens, qu'il
s'agisse de l'augmentation actuelle du nombre des visas délivrés ou de la
reprise des vols d'Air France vers Alger, alors que d'autres compagnies
européennes y sont déjà revenues.
Je ne veux pas, à cette heure tardive, être trop long mais, en terminant, je
voudrais dire, monsieur le ministre, que le groupe que je préside soutient
activement l'action menée par le ministère des affaires étrangères, action dont
j'ai pu constater, au cours de mes déplacements récents, à quel point elle est
unanimement appréciée.
Monsieur le ministre, vous nous présentez ce soir une politique et un budget ;
nous soutenons votre politique, nous approuvons votre budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de
votre budget devant le Sénat me donne l'opportunité de vous entretenir de
certains de mes compatriotes français à l'étranger qui sont en situation de
précarité.
La paupérisation croissante des communautés françaises expatriées est
d'ailleurs bien connue par le Gouvernement puisqu'un rapport a été confié à ma
collègue Mme Cerisier-ben Guiga, sur l'exclusion sociale dans les communautés
françaises de l'étranger.
Dans ce contexte, j'entends poursuivre l'action à laquelle je me suis attaché
depuis que je les représente au Sénat : leur assurer une protection sociale
décente et similaire à celle que leur accorderait notre pays s'ils résidaient
sur le territoire métropolitain. C'est une entreprise de longue haleine, car
l'éloignement géographique des Français de l'étranger fait que, trop souvent,
ils sont oubliés.
En ce qui concerne votre ministère, vos voyages et vos rencontres, monsieur le
ministre, avec nos compatriotes vous ont permis de mieux cerner cette réalité
et de prendre un certain nombre de mesures à leur égard.
C'est ainsi que, sous votre impulsion et celle de la direction des Français à
l'étranger, le fonds d'assistance créé en 1977 sous le gouvernement de M.
Raymond Barre a connu l'an dernier une hausse de 10 millions de francs. Pour
mes collègues de métropole et des DOM-TOM, moins au fait que vous de la
situation des Français de l'étranger, permettez-moi de rappeler que ce fonds
d'assistance permet d'accorder aux Français expatriés âgés ou handicapés
nécessiteux des aides similaires au minimum vieillesse et à l'allocation aux
adultes handicapés.
Pour l'an 2000, le projet de loi de finances qui nous est proposé prévoit une
hausse globale de 4,7 millions de francs pour l'assistance aux Français de
l'étranger.
Si je me félicite de cette nouvelle augmentation qui permettra de nouveau à la
commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, au
sein de laquelle je représente le Sénat, d'actualiser le taux des allocations
de solidarité ou pour handicapés, je regrette néanmoins que l'effort entrepris
l'an dernier ne se poursuive pas au même rythme.
Si, comme je le préconise depuis plusieurs années, nous avions pu bénéficier
d'une nouvelle hausse chaque année de 10 millions de francs - et ce pendant
encore trois à quatre ans - cela nous aurait permis d'apporter des réponses
concrètes à nos compatriotes expatriés les plus défavorisés. Je pense en
particulier aux allocataires du fonds d'assitance dont les ressources très
faibles ne leur permettent pas d'adhérer à une couverture maladie comme celle
qui est proposée par la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger
que je préside.
La solution pour ces personnes passe, comme en France, par l'expression de la
solidarité de l'Etat qui, dans ce cas particulier, est représenté par votre
ministère.
N'oublions pas qu'en France les minima sociaux tels que le minimum vieillesse
ou l'allocation aux adultes handicapés sont assortis de prestations
complémentaires diverses et que, surtout, leurs titulaires vont bénéficier de
la couverture maladie universelle, alors que les allocations consulaires ne
bénéficient, quant à elles, d'aucun complément, si ce n'est à titre
exceptionnel comme les aides des sociétés de bienfaisance.
Il est anormal et injustifié que les Français de l'étranger n'aient pas les
mêmes droits que nos compatriotes de métropole. Les droits ne peuvent être
assurés par la seule caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, qui
est une caisse d'assurances volontaires. D'ailleurs, ce ne sont pas les caisses
de sécurité sociale qui en métropole assurent cette solidartié. Elle doit être
assurée par l'Etat : ce dernier apportant aux plus défavorisés les moyens de
régler leurs cotisations à la caisse de sécurité sociale des Français de
l'étranger qui leur apportera des prestations identiques à celles des autres
assurés. Cela passe, je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises à cette tribune,
par une augmentation régulière et importante du fonds d'assistance de votre
ministère, et c'est une des raisons pour lesquelles j'aurais souhaité que la
hausse prévue pour 2000 soit plus importante.
La seconde raison qui me conduit à regretter l'accroissement limité de cette
ligne budgétaire concerne les enfants handicapés.
C'est un sujet douloureux pour de nombreuses familles expatriées. Là encore,
l'expatriation peut être source de discrimination car, si en métropole, ces
enfants bénéficient d'une allocation fixe mensuelle comme l'allocation
d'éducation spéciale, à laquelle peut s'ajouter l'aide pour tierce personne,
ainsi que de la couverture médicale et l'accès à de nombreux établissements
spécialisés, il n'en va malheureusement pas de même hors de nos frontières car,
dans de nombreux pays étrangers, ils n'ont pas accès à ce type de couverture ou
de structure.
Prenant acte de cette situation, la commission permanente pour la protection
sociale des Français de l'étranger, dans sa réunion du 24 février 1999, a
décidé, sur ma suggestion, d'aller au-delà des instructions ministérielles pour
les enfants présentant des handicaps lourds.
C'est ainsi que mes collègues du Conseil supérieur des Français de l'étranger,
les représentants des associations de Français de l'étranger, les représentants
de votre ministère et moi-même avons jugé que 107 enfants handicapés devaient
bénéficier d'une aide allant de 688 francs à 1 400 francs par mois. Ce que nous
avons fait là doit ouvrir la voie à une réforme plus profonde et plus vaste des
aides apportées aux enfants handicapés résidant à l'étranger.
Votre réponse à ma question écrite du 5 novembre 1998 sur ce sujet ne me
satisfait pas totalement, car elle ne fait que citer ce que nous avons fait
dans le cadre de la commission permanente, sans susciter de perspectives
d'ajustement des textes.
Le troisième point que je souhaite aborder est l'assistance en Europe.
Nos compatriotes qui vivent dans les pays de l'Union européenne s'étaient
vivement émus l'an dernier de l'annonce de la suppression des aides qui leur
étaient accordées au titre du fonds d'assistance. En effet, s'agissant d'aides
non contributives, les institutions européennes et le Conseil d'Etat avaient
demandé à la France de se mettre en conformité avec la législation européenne,
laquelle prévoit que c'est au pays de résidence d'attribuer des aides
équivalentes au minimum vieillesse ou aux allocations aux adultes
handicapés.
Depuis, les choses ont été clarifiées et grâce à l'action de la direction des
Français à l'étranger et de nos représentants dans les pays membres, nos
compatriotes ont été rassurés : ils ont été incités, à juste titre, à demander
les aides locales de leur pays de résidence et, lorsque celles-ci sont
inférieures au taux des allocations fixées par la commission permanente, nos
postes leur verseront une allocation d'un montant égal à la différence
constatée.
Récemment, me rendant en Espagne, où ce problème avait engendré des remous
très vifs, j'ai pu constater que la situation se normalisait et était en voie
d'apaisement.
Enfin, avant de conclure, permettez-moi d'évoquer la question des sociétés
françaises de bienfaisance.
A l'origine, lors de la création du fonds d'assistance en 1977, une question
s'était posée quant au subventionnement des sociétés de bienfaisance qui
aidaient ceux de nos compatriotes qui ne pouvaient prétendre aux aides de votre
ministère.
Toutefois, devant le nombre de plus en plus important de Français en
difficulté et devant l'incapacité de nos postes à aider ces derniers en raison
du gel, voire de la diminution en francs constants des crédits d'assistance de
votre ministère, les sociétés de bienfaisance ont été amenées à se substituer
de plus en plus souvent aux consulats et à intervenir plus fréquemment.
Devenues un complément indispensable des aides consulaires et ne disposant pas
toujours des fonds nécessaires, elles peuvent obtenir des subventions du
ministère, et c'est ainsi qu'en 1998 près de cent sociétés de bienfaisance ont
bénéficié de plus de 4,4 millions de francs.
En contrepartie, nous assistons à un interventionnisme croissant des consulats
et des comités consulaires pour la protection sociale dans leur gestion,
lesquels contrôlent désormais de façon stricte non seulement l'utilisation des
fonds publics dont elles bénéficient, ce qui est normal, mais vont souvent
au-delà en demandant à ce que bilans et comptes leur soient communiqués.
Les sociétés de bienfaisance prennent cela pour une mise sous tutelle et le
ressentent d'autant plus mal lorsque l'aide publique est minoritaire, voire
minime, dans leur budget.
Au moment où tous s'accordent pour reconnaître unanimement que les sociétés de
bienfaisance servent efficacement de relais à nos postes consulaires dans le
domaine social, et ce en raison principalement de la souplesse de leur gestion,
il est paradoxal de constater que beaucoup de ces même postes prennent prétexte
du contrôle légitime de l'utilisation des fonds publics pour encadrer ces
associations et s'immiscer dans leur gestion et leur action.
Je comprends qu'il faille vérifier qu'il n'y ait pas de détournement de l'aide
de l'Etat, mais la quasi-totalité d'entre elles font une oeuvre remarquable à
l'égard de nos compatriotes expatriés ; il ne faudrait donc pas les décourager
ni entraver leur action par un interventionnisme trop important.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'action
envers les Français de l'étranger les plus démunis constitue une priorité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, certes, va dans le bon sens,
mais il ne va pas assez loin pour permettre la mise en oeuvre de la solidarité
telle que nous le concevons à leur égard et dont je vous ai exposé les
principaux axes. L'effort important de redressement entrepris en 1999 est plus
limité cette année ; nous aurions aimé mieux. Souhaitons que l'an prochain vous
repreniez ce mouvement et que vous l'amplifiiez. Nos compatriotes expatriés
l'attendent.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR,
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
profiterai de la discussion du budget des affaires étrangères pour évoquer la
situation dramatique à laquelle le peuple irakien est aujourd'hui confronté.
Neuf ans après la guerre du Golfe, l'Irak fait toujours l'objet d'un embargo
quasi total de la part de la communauté internationale.
Imposée par les Nations unies à une époque où l'Etat irakien avait violé ses
obligations internationales, la situation politique a depuis lors profondément
changé. Plus rien ne justifie aujourd'hui l'embargo sur l'Irak. Bien au
contraire, tout plaide en faveur de sa suppression.
A l'heure de la mondialisation, alors que tout le monde s'accorde à
reconnaître les vertus de l'échange généralisé entre les différentes parties de
la planète, quelle est la légitimité d'une mesure dont le ressort fondamental
est l'exlusion ?
Au moment où s'engagent de nouvelles négociations commerciales
internationales, alors que la préoccupation commune des Etats est de
développer, partout dans le monde, la richesse des populations, d'assurer leur
bien-être et leur progrès social, qu'est-ce qui justifie le maintien d'une
mesure qui appauvrit un peuple entier, le livrant à la misère et à la famine
?
Le compromis « pétrole contre nourriture », imposé par la résolution 986 des
Nations unies et entré en vigueur depuis décembre 1996, devait permettre à
l'Irak de vendre du pétrole en quantité suffisante afin de subvenir aux besoins
les plus vitaux de sa population. Il est aujourd'hui unanimement reconnu, tant
sur le plan sanitaire qu'alimentaire, que tel n'est pas le cas.
Le peuple irakien est confronté, chaque jour davantage, à un extrême dénuement
: une population sous-alimentée, affaiblie par l'absence de soins médicaux
suffisants ; une mortalité infantile croissante, gonflée par le manque de
médicaments indispensables.
En frappant les classes les plus défavorisées et les plus faibles, l'embargo
bafoue les règles les plus élémentaires de l'humanité, notamment la première
d'entre elles : le respect du droit à la vie.
Que penser, aussi, de l'utilisation par les occidentaux d'armements à uranium
appauvri, lors des bombardements qui ont fait suite à l'invasion du Koweït ?
On en mesure à peine aujourd'hui toutes les conséquences dramatiques. Les cas
de cancer et de leucémie ne cessent de se multiplier. La guerre du Golfe ne fut
pas si propre. Les commissions d'enquête ne cessent de confirmer la
contamination des personnes, des eaux, de la végétation, des animaux et de
l'air en Irak, au Koweït et dans les pays limitrophes. Le nombre de victimes,
déjà considérable - certaines estimations font état d'un million et demi de
victimes depuis dix ans - n'a pas fini de croître.
A tout cela, peut-on rester indifférent ? A l'aube du troisième millénaire,
l'humanité ne s'enorgueillerait-t-elle pas de redonner à un pays entier toute
sa dignité et toute son indépendance ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette
situation est d'autant plus inacceptable qu'elle procède quasi exclusivement de
la volonté politique des Etats-Unis, quand ce n'est pas de celle des lobbies
pétroliers qui cherchent à évincer l'Irak de la compétition internationale.
Les Etats-Unis, jouant de l'influence prépondérante qu'ils exercent au sein
des Nations unies, diabolisent l'Irak afin de justifier leur ingérence dans les
affaires intérieures de cet Etat. Véritable bouc émissaire des Américains,
l'Irak nourrit tous les fantasmes, exacerbe toutes les angoisses, sert
d'exutoire à toutes les peurs.
Une vision aussi barbare, au sens fort du terme, n'avait pas prévalu depuis
longtemps sur la scène internationale ! Les vieilles peurs millénaristes
resurgissent en cette fin de siècle avec une vigueur rarement égalée : la peur
de l'étranger, le rejet de l'autre en tant qu'il est différent. Il faut le
déplorer.
L'Irak ne dispose plus d'un armement atomique, chimique et bactériologique
susceptible de peser sur le Moyen-Orient. Si la démocratie doit encore
progresser, l'Irak n'est plus un terrain politique miné, facteur d'instabilité
et de désordre.
Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies s'apprête à adopter une
résolution globale sur l'Irak, il faut exiger la levée de l'embargo, la
suppression des contrôles exercés par l'UNSCOM et la fin des raids quasi
quotidiens des avions américains et britanniques dans le nord et le sud du
pays.
Il est temps de réintégrer l'Irak au sein de la communauté internationale, de
respecter les droits fondamentaux de cet Etat souverain.
La France doit veiller à ne pas se décrédibiliser, en cédant aux pressions
américaines et britanniques. Elle doit s'opposer à toute reconduction du
programme « pétrole contre nourriture ». Elle doit dénoncer tout projet de
résolution prévoyant le retour en Irak d'experts en désarmement, en échange
d'une suspension de l'embargo économique. La suspension des sanctions imposées
à l'Irak doit être dissociée de la reprise du contrôle sur son désarmement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
terminerai mon intervention en appelant votre attention sur un pays d'Europe
qui est en quête de stabilité. Je veux parler, bien sûr, de l'Albanie, dont les
retards économiques et la grande pauvreté ne cessent de s'accroître.
L'an passé, dans cet hémicycle, je rappelais combien il était important pour
notre pays, ainsi que pour les autres membres de l'Union européenne, d'apporter
un soutien technique et économique à l'Albanie. Nous ne pouvions pas laisser
dégénérer une situation politique et économique sur le continent européen. Nos
intérêts stratégiques et notre crédibilité internationale pouvaient s'en
trouver affectés.
De ce point de vue, je me réjouis d'avoir été en partie entendu. La Commission
européenne vient en effet d'adopter un rapport visant à étudier la faisabilité
de la négociation d'un accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie.
Fondamentalement, il s'agit d'instaurer avec ce pays des liens provisoires avec
l'Union européenne, en attendant une adhésion future.
Les efforts doivent être poursuivis, car la tâche n'est pas aisée. Confrontée
à un manque de sécurité et d'ordre public manifeste, gangrénée par une
corruption chaque jour plus généralisée, handicapée par la faiblesse générale
de son économie, l'Albanie doit faire face à de graves problèmes. La guerre du
Kosovo n'a pas simplifié la situation.
Pourtant, malgré toutes ces difficultés, le Gouvernement et le peuple albanais
n'ont pas ménagé leurs efforts pour s'engager sur la voie des réformes.
J'aimerais aujourd'hui leur rendre hommage. J'aimerais que la représentation
nationale se joigne à moi pour les assurer du soutien de la France et les
encourager à poursuivre leur action.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an 2000
marquera l'arrêt du recul du budget du ministère des affaires étrangères pour
la première fois depuis cinq ans. Faut-il pour autant se satisfaire de
l'augmentation de 0,64 % proposée, alors que l'inflation est de 0,90 % et que
le taux de change du dollar se situe à 6,40 francs quand la base de calcul du
présent budget retient 5,83, soit 11 % de différence en notre défaveur, pour
toutes les dépenses en devises étrangères ?
Dans ces conditions, il est bien difficile de faire du triomphalisme, d'autant
que la part des affaires étrangères dans le budget de l'Etat est réduite à 1,25
% contre 1,68 % en 1993 et qu'il en est de même des crédits totaux de l'action
extérieure de la France qui s'établiront à 54 milliards de francs l'an
prochain, soit 2 % de moins qu'en 1999.
Le budget des affaires étrangères ne constitue donc plus un budget prioritaire
pour notre pays, situation que j'estime très préjudiciable alors que de
nombreuses missions nouvelles lui incombent, en plus de la simple mission
diplomatique, du fait de la mondialisation et de la naissance de nouvelles
nations.
Je citerai tout d'abord l'aide au développement, pour laquelle la France
consacre un des pourcentages les plus élevés de son produit national brut parmi
les grandes nations, mais qui nécessite encore plus de moyens pour permettre
aux pays les plus pauvres de décoller.
J'évoquerai ensuite la coopération culturelle, scientifique et technique, est
considérée aujourd'hui comme l'action la plus efficace en faveur des pays
émergents. A ce sujet, est-il possible, monsieur le ministre, d'accélérer le
vote de la loi sur le volontariat civil en coopération internationale, qui a
été adoptée à l'unanimité au Sénat après une mise au point laborieuse, et qui
sera désormais la formule de coopération des jeunes à l'étranger ?
Je mentionnerai également quelques missions importantes des affaires
étrangères.
Il s'agit d'abord de l'effort en faveur de la francophonie, avec la création
du programme Eiffel, qui constitue un instrument nouveau pour attirer les
meilleurs étudiants étrangers dans nos universités et nos grandes écoles.
Il s'agit aussi de l'action audiovisuelle extérieure, qui est le moyen de
masse le plus efficace pour diffuser nos valeurs et maintenir notre position
dans le monde, action sur laquelle nos partenaires, en particulier l'Angleterre
et l'Allemagne, sont très performants. Je salue à ce sujet l'excellent travail
de la présidence de TV 5-CFI assurée par Jean Stock.
Il s'agit encore de la participation aux contributions internationales que
nous sous-estimons. Quatrième contributeur obligatoire des Nations unies, la
France plafonne entre le dixième et le seizième rang des contributions
volontaires. Comme membre permanent du Conseil de sécurité, notre pays se doit
d'y maintenir une présence forte. De plus, de nombreux organismes
internationaux se créent pour répondre aux besoins de la globalisation. La
libéralisation progressive des échanges va nécessiter des règles et des
contrôles importants, il faut éviter que la place de la France ne soit
minimisée. N'est-il pas souhaitable, monsieur le ministre, d'avoir une
représentation française plus importante aux Nations unies, surtout dans les
hautes sphères ?
Il s'agit enfin des crédits pour les Français de l'étranger qui restent
modestes. Notre pays encourage ses ressortissants, en nombre insuffisant à
l'étranger, à s'expatrier pour le développement du commerce extérieur, pour
l'exportation surtout joue un rôle de plus en plus important sur le marché de
l'emploi en France. Les meilleurs marchés à l'extérieur sont les pays où nos
ressortissants sont les plus nombreux.
Nos structures à l'étranger se doivent donc de répondre à leurs besoins
nouveaux. Si le réseau d'établissements scolaires français à l'étranger est
très étendu et de grande qualité, l'accès de nos écoles devient de plus en plus
cher malgré l'effort consenti par le Gouvernement pour l'attribution de bourses
aux familles françaises à revenus modestes. Pourquoi, monsieur le ministre, ne
pas développer davantage les établissements scolaires en coopération avec nos
partenaires européens, afin de partager les coûts de construction et de
fonctionnement des écoles à l'étranger, comme cela se fait déjà à Taïwan et aux
Philippines ?
Les consulats, qui délivrent les visas des hommes d'affaires et des touristes
venant en France, ont de plus en plus de travail et de moins en moins de
personnel.
Heureusement, je tiens à le souligner, le ministère des affaires étrangères
dispose d'un excellent personnel à l'étranger, qui a une large expérience
mondiale.
Aussi, le redéploiement de postes annoncé pour l'année prochaine est bienvenu,
mais il devra s'accompagner d'une modernisation des moyens de communication
pour faciliter les missions nouvelles. Il pourrait s'inspirer de ce que fait le
Foreign Office
britannique, qui développe considérablement son
infrastructure mondiale de télécommunications, avec une communication vocale
directe et protégée, des services de visioconférence, des courriers
électroniques avec secret, des équipements de bureaux automatisés. Mme Albright
demande aussi d'importants crédits nouveaux pour le ministère américain des
affaires étrangères en insistant sur les raisons de sécurité.
De fait, la globalisation de notre planète creuse toujours davantage le fossé
existant entre les pays riches et les pays pauvres, qui n'arrivent pas à
décoller, comme les récents événements de Seattle en ont apporté la bruyante
démonstration.
Toutes les missions que je viens d'évoquer sont donc indispensables pour
contribuer, dans la mesure du possible, à la stabilisation du monde pour des
raisons de solidarité et d'interdépendance.
Je voudrais enfin aborder deux points particuliers.
Le premier est relatif au patrimoine immobilier du ministère des affaires
étrangères, qui contribue au prestige de notre pays.
En raison du coût élevé de son entretien, de sa rénovation et de la très
grande extension de notre réseau diplomatique et consulaire - le deuxième au
monde après celui des Etats-Unis - certains postes restent néanmoins installés
dans des conditions inadéquates : je me réfère à des bureaux ou à des
résidences en location qui ne peuvent être aménagés du fait de leur précarité.
Or, la présence diplomatique française est par principe définitive et ne doit
pas être sujette à de tels aléas.
Un problème de moyens se pose, certaines priorités, comme la construction de
notre ambassade à Berlin, s'imposent, et les crédits restants sont toujours
insuffisants pour financer plusieurs achats amortissables sur un seul exercice
budgétaire.
La formule du crédit-bail, plus connu sous le nom de
leasing,
permettrait de contourner cette difficulté, en réalisant une location-achat des
immeubles nécessaires, ou même en les faisant construire. A l'expiration du
délai fixé, l'immeuble deviendrait la propriété de l'Etat, qui aurait
éventuellement pu effectuer les aménagements, suivant ses besoins, dès sa
signature.
Aucun obstacle juridique ne s'oppose à ce que cette formule, développée
surtout aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon, ne s'applique à l'Etat
français, qui pourrait contracter le crédit-bail à travers l'agence à
l'étranger d'une grande banque française.
La même formule pourrait également être utilisée pour les nouveaux
établissements d'enseignement français à l'étranger que le Gouvernement
installe, par exemple, à Ankara, à Moscou ou à Milan. Ainsi, les soldes des
crédits immobiliers du ministère permettraient la mise à disposition immédiate
des locaux nécessaires à son bon fonctionnement. Que pensez-vous, monsieur le
ministre, de cette formule, qui entrerait dans le cadre d'une modernisation de
l'investissement public ?
Le second point particulier que je souhaite aborder concerne les
indemnisations des biens des Français spoliés à l'étranger.
Dans ce domaine, notre administration n'a pas toujours donné la priorité
qu'elle mérite aux demandes présentées par nos ressortissants victimes de
nationalisations, de mainmises, de réquisitions de biens ou de titres leur
appartenant, notamment. Je pense aussi aux spoliations de nos compatriotes en
Tunisie, en Ethiopie et dans d'autres pays, qui n'ont pas été réglées de façon
satisfaisante.
Par ailleurs, dans certains pays, nos ressortissants qui ont cotisé de longues
années ne perçoivent pas aujourd'hui les arrérages correspondants.
D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou Israël, sont
particulièrement actifs à ce sujet et, grâce à leur pugnacité, passent les
premiers aux yeux des pays débiteurs. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre,
qu'une meilleure attention pourrait être apportée à ces problèmes afin de clore
rapidement et de façon satisfaisante ces contentieux ?
C'est l'image de la France qui est en jeu. Je citerai le cas des emprunts
russes et du remboursement aux banques du Club de Londres de leur dette sous
forme de titres amortissables sur vingt-cinq ans. Les porteurs français
d'emprunts russes recevront 400 millions de dollars seulement de la Russie, qui
représenteront moins de 1 % de leurs valeurs actualisées. Certes, il s'agit
d'une indemnisation, mais celle-ci devrait couvrir l'ensemble du préjudice
subi, qui concerne bon nombre de nos compatriotes.
Pour l'avenir, je ne saurais que féliciter nos pouvoirs publics pour les
nombreux accords qu'ils signent avec les gouvernements étrangers relatifs à
l'encouragement et à la protection réciproques des investissements. Environ
quatre-vingts accords bilatéraux sont en application et les textes récents
représentent indéniablement une garantie contre ces formes de spoliations.
En conclusion, malgré les faiblesses que j'ai évoquées, je voterai votre
budget pour l'an 2000, monsieur le ministre, en espérant que l'entrée dans le
troisième millénaire provoquera un déclic salutaire et que l'on reconnaîtra
l'importance de l'action extérieure de la France pour le prestige de notre
pays.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12
octobre dernier, personne ne l'ignore aujourd'hui, la population mondiale a
franchi la barre symbolique des 6 milliards d'habitants, soit le double de ce
qu'elle était en 1960 et le quadruple de ce qu'elle était au début du
siècle.
Certes, la croissance de la population mondiale se ralentit : son taux est
passé de 2,4 % à 1,3 % en l'espace de trente ans. Pourtant, si la menace d'une
« explosion démographique », que l'on redoutait il y a trente ans, s'éloigne,
la population de notre planète continue encore à augmenter de 78 millions de
personnes par an.
Dans son rapport annuel, le Fonds des Nations unies pour les activités en
matière de population, le FNUAP, renouvelle ses mises en garde contre une
croissance démographique anarchique qui entraverait le développement
économique, déséquilibrerait un peu plus les conditions climatiques,
dégraderait l'environnement et se traduirait, en définitive, par une
aggravation des conditions de vie des populations concernées.
Plus que sur l'évolution globale de la population, les inquiétudes du FNUAP
portent sur sa dimension qualitative. « La croissance démographique se situe
principalement dans les pays les plus pauvres et les moins préparés au monde.
Il dépendra des décisions et des mesures prises pendant la prochaine décennie,
en matière d'éducation, d'égalité des sexes et de santé notamment, que la
croissance démographique continue ou non à se ralentir et s'accompagne d'un
surcroît de bien-être ou, au contraire, d'épreuves de plus en plus dures »,
note ainsi le FNUAP.
Ecoutez-bien : 80 % de la population mondiale vit en effet dans des pays en
développement, qui représentent à eux seuls 95 % de la croissance démographique
mondiale !
On mesure l'ampleur du défi lorsque l'on sait que les trois cinquièmes des 4,8
milliards d'habitants du tiers monde sont toujours privés d'hygiène
élémentaire, que le tiers d'entre eux n'a pas accès à une eau salubre, que le
quart seulement dispose d'un logement décent et le cinquième d'un accès à la
santé.
Le facteur déterminant pour l'avenir sera donc la liberté de choix en matière
de fécondité.
Il n'est heureusement aujourd'hui plus question de mesures autoritaires visant
à réduire la natalité. Depuis la Conférence internationale sur la population et
le développement, qui s'est tenue au Caire en septembre 1994, les programmes de
population se fondent sur les droits en matière de procréation, c'est-à-dire le
droit de décider librement du nombre de ses enfants et de l'espacement de leur
naissance.
La mise en oeuvre de ce droit passe par des programmes « qui permettent aux
femmes de mener à bien grossesse et accouchement et donnent aux couples toutes
les chances d'avoir un enfant en bonne santé, quand ils le souhaitent »,
indique le plan d'action de la conférence du Caire.
L'objectif est donc d'accroître le bien-être de la population, notamment celui
des femmes, en facilitant l'accès à l'éducation, aux soins et à la
planification familiale.
Cinq ans après la conférence du Caire, un premier bilan de l'action des
différents pays dans le domaine de la population a été dressé en juin 1999,
lors d'une session spéciale de l'assemblée générale des Nations unies. Cette
session a adopté un plan d'action qui constitue un pas en avant par rapport au
programme du Caire, notamment en matière d'information sexuelle des
adolescents.
Le plan d'action défini à New York reprend globalement celui du Caire sur la
nécessité de promouvoir les droits des femmes, d'oeuvrer en faveur de leur
éducation et de l'implication des hommes dans les choix reproductifs. Il
précise en outre que les gouvernements sont invités à oeuvrer en faveur d'un
accès universel à la contraception et aux méthodes de prévention des maladies
sexuellement transmissibles, selon un calendrier précis.
L'année 1999 semble avoir marqué enfin un tournant dans l'attitude de la
France en faveur des politiques de population, tournant dont nous devons nous
féliciter.
Le Gouvernement a ainsi réaffirmé à maintes reprises son soutien aux
politiques de population et sa volonté de participer à la réalisation des
objectifs définis au Caire en 1994 : je pense notamment aux propos que vous
avez tenus vous-même au Sénat, monsieur le ministre, devant notre groupe
d'études « Démographie et population mondiale » en avril dernier, ainsi qu'à la
déclaration de M. Bernard Kouchner devant l'Assemblée générale des Nations
unies consacrée au bilan de la conférence du Caire.
L'année 2000 sera consacrée à l'évaluation quinquennale de la conférence de
Copenhague, sur le développement social, et de celle de Pékin, sur les femmes.
Dans la mesure où le lien entre développement social, statut des femmes et
évolution démographique n'est plus à démontrer, je souhaite savoir, monsieur le
ministre, si le Gouvernement entend profiter de ces évaluations quinquennales
pour inscrire durablement les politiques de population au coeur de sa politique
de coopération.
De même, la France va-t-elle continuer à inciter la francophonie à affirmer
son projet politique, notamment en matière de développement social, et donc en
faveur des politiques de coopération ?
La France a signé le 4 septembre dernier, en marge du sommet de la
francophonie, un accord général de coopération avec le FNUAP ainsi que deux
protocoles de cofinancement France-FNUAP de 5 millions de francs chacun au
bénéfice de la Côte d'Ivoire et de Madagascar.
A cette occasion, vous avez déclaré que la signature de ces protocoles
donnaient « un signal à nos amis des pays en développement : oui, la
coopération française continue d'être à leurs côtés pour mettre en oeuvre leurs
politiques en matière de population. Oui, elle fait alliance avec les grandes
organisations internationales dont elle estime que leur coopération et leur
savoir-faire donnent les meilleurs garanties de résultats ».
Je me réjouis de vos déclarations. L'effort qui a été ainsi accompli mérite
d'être confirmé. Les deux programmes signés avec le FNUAP, d'une durée de
quatre ans chacun, sont intégralement financés par le fonds de solidarité
prioritaire - l'ancien fonds d'aide et de coopération - en 1999. Mais je
souhaite savoir si le Gouvernement entend reconduire cette initiative en 2000
pour d'autres pays.
Je terminerai par une suggestion : ne pourrait-on pas utiliser l'annulation de
la dette au profit du développement social ?
Lors du G.8 de Cologne, la France s'est montrée particulièrement favorable à
l'annulation de la dette des pays en développement, initiative qu'il convient
de saluer. Toutefois, les modalités de cette annulation, dont le principe est
désormais acquis, restent à définir. S'agira-t-il d'un simple jeu d'écritures
comptables entre ministères des finances ou, au contraire, d'un réel outil
d'aide au développement ?
Pour être vraiment efficace, cette annulation de la dette devrait être
conditionnée à la création de fonds de conversion destinés à relancer les
politiques sociales qui ont trop souvent été les premières victimes des coupes
budgétaires consécutives à la mise en place des fameux programmes d'ajustement
structurel. Elle deviendrait ainsi un véritable outil incitatif d'aide au
développement dans des domaines où les besoins des populations locales sont
importants : éducation de base, développement durable, développement social,
politiques de population... Choisir cette voie permettrait en outre de mieux
assurer la réalisation effective des plans d'action adoptés lors des grandes
conférences internationales du Caire, mais aussi de Pékin et de Copenhague.
J'aimerais connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur cette
proposition.
Au terme de cette intervention, je souhaite, au nom du groupe d'études «
Démographie et population mondiale », faire part de ma satisfaction de
constater que nos appels répétés ont été enfin entendus par le Gouvernement et
que des efforts significatifs ont été accomplis depuis l'année dernière.
Je vous invite, par conséquent, monsieur le ministre, à persévérer dans cette
voie, afin que l'action de la France en matière de politiques de population
fasse honneur à la tradition humaniste et généreuse de notre pays.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats
sur le budget des affaires étrangères et de la coopération sont l'occasion,
outre un examen attentif de l'évolution des crédits, d'une réflexion sur la
politique internationale de la France et sur la situation du monde
aujourd'hui.
Le budget des affaires étrangères pour 2000 traduit, pour la deuxième année,
les conséquences de la fusion des affaires étrangères et de la coopération,
mais le recul est encore insuffisant pour en dresser un bilan complet.
Nous pouvons cependant noter que la progression des crédits, même faible, et
la stabilisation des effectifs rompent avec une régulière diminution des moyens
du ministère. Etant intervenue l'an dernier longuement sur ce point, je note ce
fait avec intérêt.
Sans idéaliser la situation, nous constatons régulièrement combien l'image de
la France est positive dans le monde. C'est une richesse que nous devons
préserver.
Nous souhaitons donc que notre pays consacre des moyens suffisants à sa
politique étrangère : celle-ci doit pouvoir être à la hauteur des enjeux
politiques internationaux. Elle doit aussi promouvoir nos intérêts économiques
et commerciaux.
J'ajoute que la demande de renforcement des relations culturelles avec notre
pays est quasi unanime et que nous ne pouvons l'ignorer.
Nous sommes à la veille d'un nouveau millénaire au cours duquel nous aurons,
dans un monde toujours plus interdépendant et particulièrement instable, à
construire un avenir plus pacifique, plus démocratique, où coopération et
codéveloppement permettront à tous les peuples d'accéder à une meilleure
répartition des richesses humaines.
Mais où en sommes-nous aujourd'hui ?
Le XXe siècle a été témoin de progrès scientifiques et technologiques
impressionnants. Ces progrès sont réels, même si les violences et les guerres
n'ont, dans le même temps, pas cessé.
Parallèlement à cette dynamique de progrès que l'on penserait favorable à
tous, l'écart entre riches et pauvres continue de se creuser.
A ce sujet, le dernier rapport du programme des Nations unies pour le
développement, le PNUD, publié cet été, a marqué les esprits. Un seul chiffre
souligne l'ampleur du phénomène : les trois plus grosses fortunes mondiales,
dont celle de Bille Gates, représentent près de l'équivalent du PIB des
quarante-huit pays les plus pauvres.
Aujourd'hui, 120 millions d'individus vivent encore avec moins de un dollar
par jour et plus de 1 milliard ne peuvent satisfaire leurs besoins
élémentaires. Notre collègue M. Lucien Neuwirth vient d'évoquer le problème.
Toujours selon le PNUD, il suffirait de moins de 4 % de la richesse cumulée
des 225 plus grosses fortunes mondiales pour permettre à toute la population du
globe de satisfaire ses besoins de base et d'avoir accès aux services sociaux
élémentaires, comme l'éducation et la santé.
Rappelons ici que le sida a tué plus de 2 millions de personnes depuis le
début de l'année pour la seule Afrique subsaharienne, faute de moyens investis
dans la prévention et le traitement de la maladie.
Je tiens d'ailleurs à exprimer ici ma satisfaction quant au débat approfondi
qui s'est déroulé au Sénat au sujet de l'instauration d'une taxation des
mouvements internationaux de capitaux, dit taxe Tobin, les sommes dégagées
devant être mises au service du développement social pour tous.
Je regrette, bien entendu, que cet amendement n'ait pas été adopté, mais je
note que la conscience de la nécessité d'une réaction forte au diktat des
marchés financiers grandit dans l'opinion, y compris au niveau des
parlementaires.
Les opinions publiques commencent aujourd'hui à prendre conscience et à se
mobiliser contre ces inégalités. L'intervention de la société civile au sommet
de Seattle de l'OMC en est un témoignage. Grâce à cette mobilisation très
importante, les négociations ont été bloquées et devront reprendre sur d'autres
bases. La France y a joué un rôle actif, que nous apprécions.
« Le monde n'est pas une marchandise », ont scandé les manifestants s'opposant
à l'OMC à Paris, Londres ou Seattle.
Je crois en effet que cette formule résume bien le tout premier défi du XXIe
siècle : il est nécessaire d'inverser la tendance et de placer l'être humain et
son épanouissement, partout sur la planète, au coeur de toute politique, et ce
à la place de la seule logique financière qui prévaut aujourd'hui.
La mondialisation est nécessaire. Elle marque une étape de l'humanité. Mais,
pour nous, cette mondialisation doit être synonyme de solidarité et de partage
et non pas de mise en concurrence et de domination.
La présidence française de l'Union européenne, qui doit intervenir
prochainement, pourrait être une occasion d'intensifier les efforts de
coopération à l'égard des pays du Sud, mais aussi de l'Est, dans le cadre de
l'élargissement.
A la veille du sommet d'Helsinki, où des décisions vont être prises par les
gouvernements de l'Union européenne, il nous semble nécessaire que la France
témoigne de la volonté de mettre en place une politique de codéveloppement avec
les pays candidats à l'intégration, au lieu de promouvoir des mesures
d'austérité dramatique pour les peuples concernés. Pour réorienter cette
Europe, il faut obtenir une véritable démocratisation de son fonctionnement.
Les peuples européens souhaitent développer la coopération. Pour ce faire, il
faut leur donner la parole et les entendre. Or, ce n'est pas totalement le cas
aujourd'hui et la très faible participation aux dernières élections européennes
le confirme.
Une véritable transparence du fonctionnement européen est nécessaire. Dans
cette optique et à notre niveau, une meilleure information des parlementaires
des différents pays devrait être favorisée. Avant tout conseil important, comme
celui d'Helsinki, nous souhaiterions qu'un débat sur le contenu des discussions
puisse être organisé au Parlement.
La guerre au Kosovo a indéniablement marqué l'année internationale. Ce
conflit, d'une rare violence sur le continent européen, a mis notamment en
évidence la relative impuissance de l'ONU face à la toute puissance américaine
et à l'OTAN.
Le Kosovo et la Serbie sont aujourd'hui à reconstruire.
La France a, de toute évidence, un rôle efficace à jouer pour permettre aux
Balkans de retrouver sécurité et stabilité.
Nous voulons, comme vous, favoriser l'émergence d'un Kosovo pluriethnique,
respectueux des droits de chacun. Il est bien évident que l'aide à la
reconstruction sera déterminante, y contribuera et favorisera l'instauration de
la démocratie.
Je sais que la France n'est pas inactive et que, par ailleurs, la tâche du
contingent français n'est pas facile, qu'elle est même parfois dangereuse.
Mais, monsieur le ministre, comment expliquer le non-respect des engagements
tenus ? Nous assistons désormais à un véritable nettoyage ethnique inversé,
dont les Serbes présents au Kosovo sont aujourd'hui des victimes ! Des milliers
de policiers ont été annoncés, mais ils sont très peu sur le terrain et
manquent cruellement. Des millions de dollars ont été promis, mais l'argent
fait encore défaut pour la reconstruction, condition essentielle de la paix.
Cette situation est, à nos yeux, totalement inacceptable.
En ce qui concerne la Tchétchénie, les nouvelles qui nous parviennent sont
particulièrement graves : après trois mois d'interventions militaires, les
responsables russes viennent d'adresser un ultimatum à la population tchétchène
de Grozny. Celle-ci a jusqu'au samedi 11 décembre pour évacuer la capitale. Les
habitants, soldats et civils, ayant décidé de rester ou n'ayant pas pu partir
seront « considérés comme terroristes et anéantis par l'artillerie et
l'aviation ».
Pour nous être clairement opposés aux bombardements au Kosovo et en Serbie,
nous demandons que les pays européens obtiennent du Président Eltsine le
retrait de cet ultimatum.
Sans négliger l'importance de la complexité des problèmes du Nord-Caucase, les
pays occidentaux, qui ont apporté un soutien sans faille depuis des années au
président russe, se doivent d'obtenir de celui-ci l'arrêt des bombardements et
l'autorisation de l'organisation d'une aide humanitaire pour la population.
M. le ministre des affaires étrangères nous a tout à l'heure indiqué que le
Conseil d'Helsinki allait intervenir dans ce sens. Nous espérons que ce sera
avec succès.
Il nous paraît important d'oeuvrer ensuite pour un règlement politique de
cette question. L'OSCE - Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe - pourrait jouer, dans cette optique, un rôle majeur. Nous estimons que,
face à la toute puissance de l'OTAN, cette organisation doit être renforcée.
Pour nous, l'OSCE doit proposer, selon ses principes, une nouvelle conception
de la sécurité qui ne serait pas réduite à sa seule dimension militaire, mais
intégrerait le développement, la démocratie, le social, l'environnement.
Associée à une diplomatie préventive et à une stratégie de règlement politique
des conflits, ce serait un nouvel outil pour une conception nouvelle des
relations internationales, plus « civilisées ».
La France a également un rôle déterminant à jouer en matière de coopération
avec les pays méditerranéens. Nous aurons à construire en 2000 avec nos
partenaires européens et méditerranéens un nouveau projet de coopération
euro-méditerranée. La France devra, selon nous, faire pression afin que cette
coopération soit réellement au service des peuples.
Notre pays entretient des liens historiques avec l'Algérie. Nous ne pouvons
nous désintéresser de son avenir et des relations bilatérales entre nos deux
pays.
Peut-on espérer, monsieur le ministre, que la compagnie Air France reprendra,
rapidement, comme l'ont déjà fait d'autres compagnies, ses vols directs avec
Alger ?
Pour faciliter la reprise du développement de l'économie algérienne,
l'annulation de la dette serait un signe fort. Pouvons-nous envisager cette
éventualité à court terme ?
Je voudrais également aborder une question qui me touche particulièrement : la
question du Proche-Orient.
Après l'élection en mai de M. Barak, partisan d'une relance du processus de
paix, et son engagement d'appliquer les conclusions de Charm El-Cheikh,
l'espoir était permis. Des décisions ont d'ailleurs été mises en
application.
Mais des inquiétudes grandissent de nouveau. Les retards pris par son
gouvernement sur l'application de l'accord intérimaire concernant le retrait
israélien des territoires cisjordaniens et la poursuite de la politique de
colonisation apparaissent comme des menaces graves contre le processus de paix.
On ne peut qu'être préoccupé devant l'attitude du gouvernement israélien
refusant d'interdire cette colonisation, vécue comme une provocation.
La France et l'Europe devront s'engager plus fortement pour faire respecter
les accords signés. Les partisans de la paix au Proche-Orient en sont
convaincus.
Revenant avec une délégation sénatoriale d'un court séjour en Israël, je peux
témoigner de l'inquiétude d'observateurs indépendants face à l'arrêt des
discussions entre Israéliens et Palestiniens. Si nous saluons la reprise des
négociations entre Israël et la Syrie, une paix juste et durable au
Proche-Orient ne sera possible que si les droits des Palestiniens sont pris en
compte et respectés à chaque étape des négociations. Notre pays, concerné par
le projet euro-méditerranéen, qui va être relancé prochainement à Marseille,
doit avoir conscience de l'importance de cet enjeu. Il y va de la stabilité du
Proche-Orient, mais aussi du développement et de la paix en Méditerranée.
En ce qui concerne l'Afrique, je suis également inquiète de l'évolution de la
convention de Lomé organisant la coopération entre l'Europe et les pays du Sud.
Nous savons que la poussée libérale tend à remettre en cause ces accords
préférentiels. Qu'en est-il réellement et quelle sera l'attitude de notre pays
?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne voulant pas être exhaustive, je
n'aborderai pas des questions cruciales comme la lutte pour le désarmement ou
l'environnement, mais je souhaite aborder encore la question de la
francophonie.
Elle revêt en effet un relief tout particulier : la langue française,
pratiquée par un peu plus de 250 millions d'habitants, participe de toute
évidence à la lutte contre un monde unipolaire.
Notre langue est porteuse de valeur, du moins est-elle perçue ainsi par nombre
de peuples.
La politique de notre pays en faveur de la francophonie constitue donc
indubitablement l'un des éléments du combat pour la diversité culturelle dans
le monde, pour l'exception culturelle en ce qui concerne l'Europe ; M. le
ministre des affaires étrangères l'a dit tout à l'heure.
Avec celui de la radio et la télévision, le développement d'Internet
constitue, de toute évidence, un défi considérable. Comment envisagez-vous,
monsieur le ministre, la promotion de la présence du français sur Internet ?
Enfin, je tiens à souligner l'intérêt des mesures gouvernementales concernant
l'accueil des étudiants étrangers en France.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen votera le budget
des affaires étrangères et de la coopération.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me
permettrai ce soir de soulever deux problèmes qui devraient trouver un écho
favorable à l'issue de nos discussions, ces problèmes dépassant largement nos
appartenances partisanes.
Tout d'abord, il s'agit des services extérieurs de la France et, plus
particulièrement, des services des visas, que notre excellent rapporteur a
qualifiés de « parents pauvres des affaires étrangères ».
Comme le souligne son précieux rapport, le personnel affecté aux services des
visas des sections consulaires à l'étranger n'est pas en nombre suffisant pour
remédier à l'afflux des dossiers qu'ils ont à traiter. La faiblesse de son
encadrement serait aussi un problème.
Ce manque d'effectif nuit considérablement à l'instruction des demandes de
visas et spécialement lorsque l'on songe aux évolutions législatives de 1998,
qui ont renforcé les droits et les recours des demandeurs.
L'explosion des recours et le surcroît de travail pour les services
consulaires qui en découlent ne peuvent être résolus par les effectifs
actuels.
Je ne reviendrai pas sur ces évolutions législatives qui vont dans le bon sens
et qui sont à l'image de la France. En revanche, je considère qu'il faut
dégager les moyens correspondants si l'on souhaite véritablement pérenniser la
place de notre pays à l'étranger.
Si, pour donner un exemple significatif, on considère les échanges
universitaires, on constate que, depuis un certain nombre d'années, notre pays
perd des étudiants venant de l'étranger : ils étaient 130 000 en 1985 - 13,6 %
de la population étudiante totale - et ils n'étaient plus que 121 600 en 1998,
soit 8,6 % de la population étudiante totale.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est grave !
M. Jacques Pelletier.
En effet, un plus grand nombre d'étudiants vont désormais parfaire leur
formation en Amérique du Nord, en Grande-Bretagne, en Allemagne, notamment, les
étudiants étrangers étant gênés par les aléas de la délivrance des visas, alors
que cela ne devrait poser aucun problème.
L'enjeu est décisif : les étudiants d'aujourd'hui seront nos partenaires de
demain.
Cela pose aussi la question de la diffusion de notre langue et de notre
culture, et ce d'autant plus au moment des négociations de l'Organisation
mondiale du commerce, alors que la défense de notre culture est l'un des volets
auxquels nous sommes très attachés.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation
nationale, a indiqué cet après-midi, à l'occasion des questions d'actualité au
Gouvernement, que les étudiants étrangers étaient accueillis à bras ouverts
dans nos universités.
Encore faudrait-il qu'ils obtiennent un visa pour y venir, ce qui ne paraît
pas être le cas !
Même en Afrique francophone, que je connais bien, je constate une désaffection
progressive des étudiants qui, faute de visas, se dirigent vers le Québec, la
Belgique, la Suisse, les Etats-Unis, etc.
Cette situation est grave, car elle implique une perte d'influence de la
France dans cette région du monde, avec laquelle nous sommes pourtant liés
historiquement, affectivement et culturellement.
Il faut absolument revoir cette politique des visas dans un sens moins
malthusien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Pelletier.
Le projet de loi de finances pour 2000 a pris en considération ces
manquements. Cependant, il reste évasif quant au renforcement quantitatif et
qualitatif des effectifs : il y est noté « qu'une partie des effectifs issus de
la fusion entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la
coopération ira aux services des visas des consulats ».
Combien de fonctionnaires viendront effectivement renforcer les services ?
Avez-vous tenu compte, monsieur le ministre, des besoins urgents soulevés par
le rapport ? Enfin, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit-il les
formations que tout changement de poste ou renforcement d'effectif requiert
?
Les solutions énoncées dans le rapport concernant les moyens qui pourraient
être attribués aux chancelleries pour leurs services des visas sont
intéressantes et judicieuses.
L'institution de frais de dossiers supplémentaires aux droits de chancellerie,
sous la forme d'un timbre, me paraît une proposition pertinente, à condition,
bien sûr, que les sommes perçues soient directement affectées aux
chancelleries.
La France se donnerait ainsi les moyens de mieux répondre - et ce dans des
délais raisonnables - à l'intégralité des demandes de visas.
Un autre problème, plus ponctuel, a également retenu mon attention. Il n'y est
pas fait référence dans le projet de loi de finances pour 2000 et, pourtant, il
s'agit encore une fois de la place de notre pays à l'étranger, et ce dans son
aspect le plus visible : la situation des locaux de la délégation diplomatique
et culturelle à Tallin, en Estonie. J'ai eu l'occasion de m'y rendre cet été
avec mon groupe. Nous avons constaté les manquements inhérents à notre
présence. L'Estonie est pourtant l'un des pays qui doit rejoindre bientôt
l'Union européenne.
Tout d'abord, la résidence de l'ambassadeur de France est installée dans des
conditions qui présentent des inconvénients importants. Il faut souligner
l'exiguïté des lieux, qui ne permettent d'accueillir qu'un très petit nombre
d'invités. L'immeuble est exposé aux trépidations causées par le passage de
tramways dans une rue très passante.
A cela, il faut ajouter le caractère très modeste de cet appartement
actuellement en location, situé dans un immeuble commercial, surtout lorsqu'on
compare cette résidence avec celles des autres pays de l'Union européenne.
Ensuite, le centre culturel de coopération de Tallin occupe des locaux dont le
bail expire en mai 2002. Ces locaux présentent eux aussi des inconvénients :
des frais de location qui obèrent la gestion de ce centre et une superficie
insuffisante qui freine le développement des cours dispensés. Le centre refuse
actuellement de nombreuses inscriptions.
Le coût de location des deux entités s'élève à plus de 613 000 francs par an.
Des propositions commerciales leur ont été faites, notamment la possibilité
d'acquérir une maison individuelle pouvant accueillir l'ambassade et le centre
culturel. Ce bâtiment figure au patrimoine mondial de l'UNESCO. Son plan
intérieur permettrait de diviser les lieux en deux parties, chacune disposant
d'un accès sur une rue différente. Cette solution coûterait 8 millions de
francs, travaux inclus.
Ce projet paraît très raisonnable : il permettrait de donner, dans ce pays
dynamique et francophile, une meilleure image de la France.
Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut donner à la France les moyens de sa
politique d'ouverture au monde sans invoquer, pour les limiter, les
indispensables restrictions budgétaires. Notre pays a une vocation
universaliste qu'il ne convient pas de remettre en question. Il s'agit de
pérenniser notre place présente et future sur l'échiquier mondial et de
favoriser l'expansion du modèle humaniste et démocratique dont nous sommes les
héritiers.
Je souhaite, monsieur le ministre, que les propositions que je viens de
formuler puissent trouver un écho favorable auprès de vous.
(Très bien ! et
applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
m'attarderai pas sur l'analyse du budget et les considérants qui ont été
présentés par MM. les rapporteurs. Toutefois, je veux rappeler l'attention que
nous portons à la question concernant l'enseignement français à l'étranger, sa
réorganisation, ses évolutions possibles et le financement de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger.
Lorsqu'on prend en considération l'évolution de TV 5, qui envisage un
développement de programme pédagogique, il pourrait y avoir, avec ou sans
Internet, des connections pour l'enseignement à distance. Il y a peut-être là
une piste à suivre pour nos communautés d'élèves français, celles notamment qui
sont peu nombreuses et éloignées.
Je souhaite, par ailleurs, vous redire toute notre préoccupation - cela vient
à l'appui de la remarque formulée par M. le ministre dans sa déclaration
liminaire - en ce qui concerne la situation des recrutés locaux à l'étranger,
maintes fois évoquée au cours de la soirée.
Depuis que ce problème a été soulevé lors du débat avec M. Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation, j'ai eu l'occasion de me déplacer à l'étranger et j'ai
constaté que les difficultés sont nombreuses et s'amplifient dans beaucoup de
postes diplomatiques et consulaires. L'insuffisance de personnel titulaire et
les difficultés d'offrir un traitement équitable au personnel recruté
localement font que l'on pourrait dire, comme pour
Les Animaux malades de la
peste
: « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
Je souhaite aussi, monsieur le ministre, vous faire part de mon inquiétude au
regard de l'application de la réforme concernant la fusion entre le ministère
des affaires étrangères et celui de la coopération.
Depuis de nombreuses années, des voix s'élevaient ici et là pour faire sortir
notre action de coopération du champ et avancer vers une mondialisation. Les
demandes s'accroissent, le champ s'agrandit, le personnel diminue, corollaire
d'une insuffisance de crédits.
Le Gouvernement a eu le mérite d'opérer un choix difficile, mais la formation
de la DGCID me semble poser de nombreux problèmes. Au moment où nous demandons
davantage d'ouverture à nos diverses administrations, il me semble que la DGCID
est une vaste « usine à gaz ». Peut-être ne fallait-il pas, dans cette fusion,
conserver toutes les anciennes structures, en ajouter d'autres et rigidifier
l'ensemble, ce qui se traduit par un organigramme qui, lorsqu'on le consulte,
donne le vertige. Et je plains le directeur de la DGCID, quel que soit son
talent, d'avoir à maîtriser un tel ensemble. Il semble que la DGCID, par
ailleurs, soit frileuse et défavorable à l'évolution d'éventuelles modalités de
contrôle parlementaire.
Dois-je vous dire que je suis également attentif aux interférences entre le
FAC devenu FSP et l'AFD ? D'ailleurs, pourquoi parmi les parlementaires, prévus
dans le seul comité d'orientation, n'accorde-t-on pas une parité entre députés
et sénateurs ?
(Très bien ! et applaudissements.)
D'autant que, en ce domaine, le Sénat
comprend douze sénateurs représentant les Français établis hors de France -
nous sommes donc souvent sur le terrain - et qu'aucun député ne représente nos
compatriotes expatriés.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Guy Penne.
Le nouveau système, pour être bref, FAC-FSP et AFD, bras séculier de fait du
Trésor, sans contrôle du Parlement sur pratiquement toutes les actions du
conseil de surveillance, m'inquiète. Prenez garde, monsieur le ministre, que la
fusion entre le ministère de la coopération et le ministère des affaires
étrangères ne soit pas une construction virtuelle.
Hormis le personnel qui entre dans cette fusion, en raison des nouvelles
dispositions, la politique de coopération sera déterminée non pas par le nouvel
ensemble composé du ministère des affaires étrangères et du ministère de la
coopération, mais par le ministère des finances.
(M. Michel Charasse, rapporteur spécial, s'exclame.)
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Le revoilà !
M. Guy Penne.
Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, pour savoir si
vous étudiez d'éventuelles modifications qui intéressent le Conseil supérieur
des Français de l'étranger et l'élection des sénateurs représentant les
Français établis hors de France.
Nous savons que le Gouvernement fera des propositions sur le plan hexagonal au
Parlement pour modifier, vraisemblablement, le mode d'élection des sénateurs.
Le problème de la carte électorale concernant l'élection au Conseil supérieur
des Français de l'étranger a été un sujet de discussion entre les sénateurs
représentant les Français établis hors de France, mais, en réalité, il
intéresse l'ensemble du Parlement. Envisagez-vous de prendre des initiatives
sur cette question de carte électorale qui tienne compte de la géopolitique
actuelle ?
Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par
le Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui représente un collège
étroit de cent cinquante membres. Est-il exact que ce collège électoral
pourrait être modifié et que, sans toucher aux prérogatives du Conseil
supérieur des Français de l'étranger, soit augmenté le nombre des électeurs
lors des scrutins sénatoriaux, qui ont lieu tous les trois ans ? Quelles sont
vos hypothèses de travail sur l'éventuelle taille du collège électoral ? Selon
quels principes en seraient désignés les membres ?
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est très important
!
M. Guy Penne.
Parfaitement. Je suis une nouvelle fois en accord avec vous, monsieur le
président !
Enfin, les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France
circulent dans la plus vaste circonscription qui soit, puisqu'il s'agit du
monde entier. Sur le plan de l'efficacité, ne serait-il pas utile d'envisager
la fragmentation de cette unique circonscription ? D'après mes informations,
ces questions seraient posées et je souhaiterais que vous vouliez bien associer
à une réflexion plus complète les sénateurs et le Conseil supérieur des
Français de l'étranger. C'est ce qu'évoquait d'ailleurs notre cher président
voilà quelques instants.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Merci pour lui !
M. Guy Penne.
Je formulerai maintenant des remarques sur trois points qui me semblent d'une
grande importance, à savoir les évolutions de la sécurité européenne, la
situation au Moyen-Orient, notamment le processus de paix, et, enfin, la
renégociation de la convention de Lomé. L'Europe cherche à se donner les moyens
d'acquérir une dimension politique sur la scène internationale en rapport avec
son poids économique, afin d'être en mesure d'agir en faveur de la paix, de la
démocratie, et du droit à l'extérieur de ses frontières. Nous pouvons
maintenant aller plus loin et franchir les étapes décisives qui permettront à
l'Europe d'agir d'une manière autonome.
La première nouveauté, c'est que Javier Solana cumule, pour la première fois,
deux fonctions, celle de secrétaire général de l'UEO et celle de responsable de
l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune ;
autrement dit il est « Monsieur PESC ».
Il est ainsi confirmé que la politique étrangère de l'Union européenne n'ira
pas sans une dimension militaire et que l'UEO, la seule institution européenne
compétente en matière de défense, est destinée à devenir, à moyen terme, un
rouage de l'Union européenne.
La seconde nouveauté, c'est l'excellent climat qui préside aux relations entre
la France et ses principaux interlocateurs, à savoir la Grande-Bretagne et
l'Allemagne, mais aussi l'Italie ou l'Espagne, quand il s'agit de défense et de
sécurité en Europe.
Dès aujourd'hui, à Helsinki, sous la présidence finlandaise, nous espérons
obtenir des résultats tangibles pour qu'une dynamique irréversible s'enclenche
pour établir le calendrier de l'inclusion des acquis de l'UEO dans l'Union
européenne et pour apporter des réponses aux points suivants : la création de
capacités militaires pour les opérations de gestion de crise ; la création
d'une structure de décision à Bruxelles du type d'un comité politique,
militaire et de sécurité ; enfin, les modalités de coopération avec l'OTAN et
les bases pour la participation des pays membres de l'OTAN qui ne sont pas
membres de l'Union européenne et pour les pays associés de l'UEO.
L'Union européenne développe déjà toute une gamme d'actions sur le plan civil
dans le domaine de la prévention des crises : aides humanitaires, dialogues
politiques, liens contractuels, assistance financière, négociations
commerciales, perspectives d'adhésion... On doit pouvoir recenser tous les
éléments de cette palette d'actions pour la mettre au service de la PESC.
Nous pensons qu'il faut explorer la voie tendant à construire, dans le cadre
d'une sécurité européenne oeuvrant au niveau de la prévention des conflits, une
« force de réaction » civile, capable d'intervenir avant le déclenchement de la
crise violente et pouvant également assurer les tâches civiles de
l'après-conflit ou faire face aux situations de crise humanitaire.
D'autres sujets devraient aussi pouvoir trouver leur place dans les évolutions
à venir : les relations transatlantiques renouvelées, les relations avec les
pays neutres, la place de la dissuasion nucléaire dans le système de sécurité
européenne.
J'en viens au processus de paix au Moyen-Orient.
Lors d'une mission sénatoriale, qui s'est déroulée il y a quelques jours en
Israël, nous avons eu la possibilité de rencontrer les principaux acteurs de la
vie politique israélienne, qu'ils soient dans la majorité d'Ehud Barak ou dans
l'opposition. Alors même que nos contacts se développaient, était présent dans
la région M. Ross, en précurseur de Mme Albright.
Nos interlocuteurs ont évoqué les différentes étapes de négociations publiques
- pour les plus récentes, Oslo et Wye Plantation - et ont fait allusion à
d'autres, plus discrètes. Il me paraît que, parmi les points les plus
compliqués, Jérusalem reste une difficulté majeure. Le problème des colonies
doit, malgré les réticences israéliennes plus ou moins fortes, pouvoir être
négociable. Il semble qu'Israël soit décidé à évacuer le Sud-Liban, même d'une
façon unilatérale. Il n'est pas possible d'ignorer, dans de telles situations,
les contestations éventuelles à l'intérieur de la Syrie, donc les problèmes de
succession du régime Hassad. Le président Arafat cherche plus encore que les
Israéliens, semble-t-il, le réconfort américain, mais quelles appréciations
peut-on porter sur l'influence politique d'un groupe protestataire qui vient de
se manifester publiquement contre le président palestinien ?
Les Américains sont à la fois recherchés et un peu redoutés. Un grand appel
est adressé à l'Europe. L'Europe doit et peut apporter son aide. Certains de
nos interlocuteurs ont évoqué l'instauration de programmes multipartites avec
l'Europe. Le domaine de l'eau, ainsi, fut souvent cité.
M. Védrine nous a fait une déclaration intéressante sur la situation au
Moyen-Orient, mais, monsieur le ministre, quelle attention souhaitez-vous
porter sur ces problèmes de coopération régionale ? Pouvez-vous nous dire
comment les pays amis européens souhaitent s'impliquer dans le processus de
paix ? Cette question a été abordée devant notre délégation par Shimon Peres,
aujourd'hui ministre de la coopération régionale.
S'agissant de la renégociation de Lomé, je voudrais rappeler que, les 7 et 8
décembre, a eu lieu à Bruxelles la réunion du Conseil ACP-Union européenne.
Ministre de la coopération, vous avez beaucoup insisté ces derniers temps sur
la nécessité « de convaincre les pays africains de faire le nécessaire pour
qu'un accord intervienne afin d'éviter un vide juridique que les adversaires de
cette relation privilégiée entre l'Europe et les pays ACP pourraient utiliser
». En effet, le temps presse, et si bien des différents groupes de travail ont
parfois avancé, il y a des dossiers qui ne bougent pas.
Nous savons tous que, sans accord avant mars 2000, la mise en conformité avec
les nouvelles lois du commerce international pourrait avoir de graves
conséquences pour les économies et pour les sociétés des pays ACP.
Les derniers avatars de l'OMC ne sont pas faits pour rassurer ceux qui
s'intéressent à l'avenir de ces pays. Un calendrier issu des négociations en
cours prévoit la perspective d'une intégration complète des pays ACP.
Dans un contexte international en mutation, avec une chute des programmes
mondiaux d'aide au développement - chute à laquelle la France n'échappe pas -
il est essentiel d'affirmer que le développement et le renforcement de l'état
de droit ainsi que la consolidation des principes démocratiques doivent être
concomitants avec le développement économique. Monsieur le ministre, vous
allez, je l'espère, répondre à ces interrogations, mais je souhaiterais vous
faire deux suggestions.
Tout d'abord, je souhaiterais que vous organisiez un débat annuel au Sénat sur
la coopération afin que nous puissions mesurer l'efficacité de notre aide
publique au développement.
(Très bien ! sur les bancs de la
commission.)
Ensuite, je crois qu'il faudrait associer plus encore les collectivités
territoriales à l'effort de la France pour l'aide publique au développement.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe socialiste votera les crédits
que vous nous proposez, parce que vous avez su sortir votre budget de la
spirale déflationniste dans laquelle il était tombé depuis cinq ans ou huit
ans, c'est à discuter, et il n'était pas facile de résister à Bercy, nous nous
en rendons compte, malgré notre aide permanente.
Mais l'ampleur des missions qui incombent à votre ministère est fantastique
et, pour bien les remplir, il faut que l'Etat prenne conscience qu'une bonne
diplomatie a un coût et qu'il doit vous donner, à vous-même et à vos
successeurs, des moyens accrus.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion
de la discussion du budget du ministère des affaires étrangères, que je
voterai,...
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et la francophonie.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
... je souhaite faire porter mon intervention plus particulièrement sur les
relations franco-allemandes. Celles-ci sont caractérisées par des aspects
incontestablement positifs, d'autres donnant lieu à des interrogations.
Depuis l'après-guerre, et particulièrement depuis le traité de l'Elysée,
l'entente entre nos deux pays a été le fondement de la construction européenne.
Chaque fois que la France et l'Allemagne étaient d'accord, l'Union européenne a
progressé. Il est normal qu'il y ait, au départ, discussion, voire divergence,
sur des thèmes aussi essentiels que la réforme des institutions européennes,
l'élargissement de l'Union, ou la politique européenne de défense. Mais les
lignes de clivage qui sont évoquées à ce propos sont-elles aussi profondes
qu'on nous l'affirme parfois, ou les différences de point de vue sont-elles
susceptibles d'être surmontées à court terme ? Nos intérêts, sur ces plans, me
paraissent suffisamment communs pour qu'une convergence se dégage du débat
franco-allemand.
Sur le plan économique, les accords intervenus récemment entre DASA et
Aérospatiale et entre Framatome et Siemens, venant après Airbus - belle
réalisation commune -, c'est-à-dire dans des secteurs porteurs, sont de nature
à renforcer l'esprit de coopération.
Nous devons nous en féliciter, car ces accords viennent étayer la volonté de
coopération politique. Ils surviennent à un moment particulièrement opportun
pour dissiper les doutes de ceux qui craignaient que l'Allemagne de Berlin ne
soit d'une nature différente de l'Allemagne de Bonn. C'est la démonstration, je
crois, que les relations franco-allemandes résistent finalement bien aux
alternances politiques, d'un côté comme de l'autre, et qu'elles sont
considérées comme un principe intangible de la politique menée par les
gouvernements qui se succèdent chez nous comme chez nos voisins.
Dans ce contexte global, nous devons cependant être attentifs à certains
aspects concrets qui, si nous n'y prenons garde, risquent de ternir cette
impression générale. Quelques exemples viennent à l'appui de ce constat.
La fermeture de certains centres culturels en Allemagne et la menace qui pèse
sur d'autres institutions culturelles, la fermeture imminente des consulats
généraux de Leipzig et de Mayence, le premier, seul consulat de France dans
l'ancienne Allemagne de l'Est,...
MM. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial
et M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Exactement !
M. Daniel Hoeffel.
... le second dans la ville même où siège le ministre-président de
Rhénanie-Palatinat, chargé actuellement par l'Allemagne de la mission de
coordination des relations culturelles franco-allemandes, en sont une
illustration.
La suppression d'un certain nombre de consulats peut, monsieur le ministre,
être justifiée par des considérations d'ordre budgétaire, car je n'ignore pas
qu'elle permet de créer des ambassades dans de nouveaux pays. Mais faut-il pour
autant que ces fermetures interviennent chez nos partenaires les plus proches,
là où une présence consulaire a une signification toute particulière ?
A ce propos, quelle suite a été donnée à la déclaration du sommet
franco-allemand de Potsdam de novembre 1998 ? Selon cette déclaration, d'une
part, « nous étudierons avec nos partenaires de l'Union européenne la
possibilité de mise en place de bureaux communs pour la délivrance de visas »
et, d'autre part, « nous examinerons la possibilité de désigner des
ambassadeurs communs à nos deux pays ».
La concrétisation de telles orientations serait de nature à limiter les
inconvénients résultant de la fermeture de consulats et à atténuer les effets
des redéploiements.
Un autre exemple symbolique de la réduction de notre présence en Allemagne est
celui du refus d'accepter l'offre de la ville de Baden-Baden, qui fut le siège
de l'état-major des forces françaises en Allemagne, de transformer l'ancien
mess des officiers en maison des associations franco-allemandes, ce qui aurait
pu éviter le sentiment de rupture consécutif au retrait des forces françaises
en Allemagne.
Quant à la suppression par Air France de la ligne aérienne entre Berlin,
nouveau siège du Gouvernement et capitale de l'Allemagne, et Strasbourg,
capitale parlementaire européenne, elle ne tient aucun compte de la réalité, et
cela d'autant moins qu'elle est intervenue malencontreusement, ou
maladroitement, au cours du mois où Berlin remplaçait Bonn et où le Parlement
européen s'installait dans son nouveau palais, à Strasbourg.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Quelle maladresse !
M. Daniel Hoeffel.
Nous constatons que, sur le plan culturel et sur le plan linguistique, il n'y
a pas, bien au contraire, progression dans l'apprentissage de la langue du
voisin, et le sentiment prévaut que, même dans les régions frontalières - j'en
parle en connaissance de cause - de part et d'autre, il y a recul à cet
égard.
On peut se poser la question de savoir si les méthodes pédagogiques, trop
orientées vers un enseignement de la langue littéraire et pas assez vers un
apprentissage de la langue à usage courant, ne sont pas de nature à être
dissuasives...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
... et à faire en sorte que l'anglais devienne la langue de communication
entre Français et Allemands, accentuant ainsi son hégémonie, en particulier au
détriment du français.
Or les relations entre nos deux pays dépendent, certes, comme il est
nécessaire, d'une coopération confiante entre chefs d'Etat et gouvernements, de
rencontres au sommet, de relations industrielles et commerciales privilégiées,
de jumelages entre associations et collectivités locales dont le rôle est
essentiel, mais leur solidité et leur pérennité est aussi tributaire de la
capacité de s'entendre des populations, particulièrement des jeunes sur qui ne
plane plus l'ombre des événements qui ont marqué la première moitié de notre
siècle.
L'histoire de nos relations passées ne doit pas être un obstacle à la
réconciliation, à la coopération, à l'amitié entre deux pays sur lesquels
repose l'avenir de la construction européenne. Et l'on ne peut que regretter, à
cet égard, les publications aux titres provocateurs qui cherchent à nier la
réalité du couple franco-allemand et qui, en essayant de l'ébranler, veulent en
réalité enrayer le processus de construction européenne au nom d'une nostalgie
du passé.
Dans la phase décisive que nous traversons, il n'y a de place ni pour le
doute, ni pour l'essoufflement, ni pour la crise de fatigue, expression qui,
selon certains, caractériserait les relations franco-allemandes. Nous comptons
sur vous, monsieur le ministre, pour contribuer à les maintenir sous le signe
de la confiance réciproque en l'avenir, en veillant à ce qu'à tous les niveaux
cette confiance imprègne notre action.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais,
en préambule, me féliciter à mon tour du coup d'arrêt donné cette année à la
diminution relative des crédits du ministère des affaires étrangères.
Comme cela a déjà été souligné, c'est la première fois, depuis cinq ans, que
la courbe s'infléchit. Ce résultat récompense en grande partie, j'en suis sûr,
les efforts entrepris pour moderniser et pour ouvrir ce ministère.
Mais je voudrais surtout profiter de ce moment privilégié pour évoquer les
points sur lesquels, je l'ai remarqué en particulier à l'occasion de mes
déplacements à l'étranger, il est nécessaire d'attirer spécialement votre
attention, monsieur le ministre, et pour aborder une nouvelle fois, tant
l'enjeu est important, la question de l'enseignement français à l'étranger.
Dans la première partie de mon intervention, je parlerai d'abord du Conseil
supérieur des Français de l'étranger et du volontariat civil à l'étranger, puis
je vous demanderai de bien vouloir nous dire ce qui a été entrepris depuis l'an
dernier pour aider nos compatriotes retraités de la zone CFA, avant de conclure
par un rapide examen, sous quelques aspects, de la situation de nos postes à
l'étranger.
Nous avions proposé l'an dernier, monsieur le ministre, un certain nombre de
mesures propres à renforcer le rôle et à améliorer l'efficacité du CSFE, en
particulier par l'affectation d'administrateurs auprès des commissions, afin
d'assurer la continuité de l'action de celles-ci entre des réunions trop
espacées.
Depuis, et je vous en donne volontiers acte, un progrès a été accompli avec la
mise à disposition des quatre commissions permanentes de deux agents du
secrétariat général du CSFE. Il appartient maintenant aux responsables de ces
commissions d'apprendre à travailler avec eux, afin de tirer le meilleur profit
de cette mesure.
Par ailleurs, nos efforts doivent continuer à porter sur les autres points que
j'avais évoqués, mais il est également toujours nécessaire que le président du
CSFE, qui est le ministre des affaires étrangères, veuille bien continuer à
jouer son rôle de promotion - si j'ose dire ! - de cet organisme auprès de nos
ambassades comme auprès de ses propres membres, qui se sentiront confortés dans
leur double mission de défense de nos compatriotes de l'étranger, mais
également des intérêts de la France.
Quant au volontariat à l'international, je ne puis ici que joindre avec force
ma voix à celles qui demandent que le projet de loi relatif à cette question
nous revienne rapidement et en l'état de l'Assemblée nationale. Je sais que
l'on pourra ensuite faire confiance à vos services, ainsi qu'à ceux de la
direction des relations économiques extérieures du ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie, la DREE, du Comité français des manifestations
économiques à l'étranger, le CFME, et de l'Agence pour la coopération
technique, industrielle et commerciale, l'ACTIM, pour prendre, dès la
promulgation de la loi, des textes d'application aussi favorables que
possible.
S'agissant de la situation difficile de nos compatriotes à qui sont dus des
arriérés importants par les caisses de retraite de certains Etats africains de
la zone CFA, vous aviez bien voulu, l'an dernier, retenir ma suggestion de
faire évaluer les montants concernés, en particulier au Congo et au Cameroun,
afin de régler définitivement un problème qui, vous en conviendrez, a beaucoup
trop duré.
Nous savons, monsieur le ministre, que les montants en jeu ne sont pas tels
qu'il ne soit pas possible de prendre une décision généreuse et de donner des
instructions pour que ce pénible abcès soit rapidement et complètement vidé.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous saurez obtenir pour
cela la nécessaire coopération de votre collègue, le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie ?
J'ouvre maintenant le dossier de nos postes à l'étranger. Je ne les connais
évidemment pas tous, mais je souhaite vous faire part de mes réflexions à la
suite d'un certain nombre de visites dans des pays fort divers.
A tout seigneur, tout honneur, je ne vous surprendrai pas en soulignant
combien sont essentiels le rôle et la personnalité de l'ambassadeur, ainsi que,
souvent, vous le savez, monsieur le ministre, de son conjoint.
Dans un contexte où le politique, l'économique, le scientifique et le culturel
s'interpénètrent profondément, au point de rendre parfois indiscernables les
frontières qui, autrefois, paraissaient les séparer, quand les questions
d'image et de communication sont devenues fondamentales, l'ambassadeur doit
être l'intégrateur, le créateur de synergie, le chef d'orchestre qui apporte
l'harmonie, et donc l'efficacité, au sein d'un ensemble où tous les acteurs, du
secteur public comme du secteur privé, doivent, à leur pupitre, jouer leur
partition.
Sa mission sera d'autant plus facile à remplir que toutes ses troupes seront
abritées sous le même toit. A cet égard, voilà deux jours, je disais ici même à
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, combien il me
paraissait important que, sauf cas exceptionnels, nos postes d'expansion
économique soient logés dans les mêmes locaux que nos ambassades. En effet, la
concertation s'en trouve extraordinairement facilitée, en particulier entre les
conseillers commerciaux et les conseillers de coopération et d'action
culturelle, dont les métiers se rejoignent de plus en plus souvent.
Je voudrais maintenant parler de nos consulats. Il s'agit d'un sujet
particulièrement important pour nos compatriotes de l'étranger, mais aussi pour
les nationaux des pays hôtes souhaitant obtenir des visas.
Je soulignerai d'abord les remarquables réalisations accomplies en matière de
communication. On a véritablement « surfé » sur la vague Internet, et notre
réseau, j'ai pu moi-même le constater, est aujourd'hui particulièrement rapide
et performant, y compris quand il s'agit de la délivrance des visas dits «
Schengen ». Il faut en faire compliment à la Direction des Français à
l'étranger et des étrangers en France, qui, comme pour le site du CSFE, a su
faire bien et vite. Je vous conseille en particulier, mes chers collègues,
avant tout départ à l'étranger, de consulter le site « Conseils aux voyageurs »
de votre pays de destination.
Les efforts doivent maintenant porter sur les locaux et sur les effectifs, en
particulier en ce qui concerne les agents titulaires.
Les personnels des services des visas font un métier difficile : la fraude
sévit et, cependant, il n'est pas question de décourager les ressortissants
étrangers, qui sont les bienvenus en France, qu'ils soient étudiants,
stagiaires, investisseurs ou touristes. Ces personnels doivent donc savoir
allier vigilance et courtoisie, et il faut leur faciliter la tâche en
aménageant ou en agrandissant les locaux et en renforçant, lorsque cela est
nécessaire, leurs effectifs.
S'agissant toujours des personnels, on sait que la fusion des deux ministères
a permis de dégager quatre-vingt-douze postes. Un nombre suffisant d'agents
sera-t-il affecté dans les postes à l'étranger ? Pourriez-vous, monsieur le
ministre, nous éclairer sur vos intentions définitives à ce sujet ?
J'en viens maintenant à la seconde partie de mon intervention.
Elle concernera, comme je l'ai annoncé, notre politique en matière
d'enseignement à l'étranger.
Je dirai brièvement que nous souhaitons tous que, dans l'Europe qui se
construit et le monde qui se globalise, notre pays et notre langue tiennent
toute leur place et résistent à l'uniformisation. Pour cela, il faut que les
Français expatriés soient plus nombreux, et donc que des écoles puissent
accueillir leurs enfants.
A cet égard, nous avons la chance extraordinaire de posséder une culture et un
système d'enseignement qui attirent, en tout cas dans certains pays, beaucoup
d'étrangers, appartenant la plupart du temps à la catégorie des « décideurs »
ou, en tout cas, à celle des nationaux influents.
Or, si notre réseau d'écoles à l'étranger est, certes, excellent et
relativement dense, et si, pour avoir eu cinq enfants qui y ont été élèves et
pour avoir présidé une association gestionnaire de parents d'élèves, je sais
que nous pouvons en être fiers, je constate cependant que nous ne savons pas
tirer tout le profit de cette situation, et je le déplore.
Il nous faut une grande politique, une politique ambitieuse pour
l'enseignement français à l'étranger.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. André Ferrand.
Pour cela, il faut une volonté et des moyens.
Certes, des efforts sont consentis et le budget des bourses augmente
maintenant régulièrement, par exemple de 15 millions de francs cette année,
mais cela n'est pas le sujet. Compte tenu de l'enjeu, il faut placer la barre à
un tout autre niveau.
Tout d'abord, il est nécessaire de consacrer davantage d'argent public à ce
secteur. Faut-il massivement et spécialement doter le budget des affaires
étrangères, ou bien solliciter la participation de celui de l'éducation
nationale, ce qui impliquerait probablement que celui-ci exerce également des
responsabilités au sein de l'AEFE ? Je ne suis pas certain de la réponse, même
si je crois la seconde solution plus réaliste en termes budgétaires.
Monsieur le ministre, j'ai posé cette question au Premier ministre voilà peu,
après la rentrée scolaire, lors d'une séance de questions d'actualité au
Gouvernement.
Vous n'aviez pu être présent ce jour-là, et ce fut votre collègue le ministre
de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, qui m'a répondu à la place du
Premier ministre et en sa présence.
Après avoir levé toute équivoque quant à la volonté du Gouvernement de
conduire cette politique ambitieuse, M. Allègre a fait la déclaration suivante
: « Je suis prêt, comme mon collègue Hubert Védrine, à ce que nous recherchions
ensemble des solutions et des moyens qui satisfassent cette nécessaire grande
ambition de la France. »
Je me réjouis de cette réponse, monsieur le ministre, car elle montre que nous
sommes d'accord sur le constat. Il reste à passer à la conception et à la
réalisation.
Mais l'enseignement français à l'étranger ou à destination des étrangers, ce
n'est pas seulement notre réseau d'écoles, de collèges et de lycées, c'est
aussi l'Alliance française, les instituts français, toutes nos actions de
formation technique et professionnelle, et encore la grande question des études
supérieures des étudiants étrangers en France. Edufrance a pour mission de nous
permettre de rivaliser avec nos concurrents étrangers, qui ont pris une belle
avance.
Quant au financement, j'ai parlé tout à l'heure d'argent public, mais chacun
d'entre nous connaît le rôle qu'ont joué et que jouent toujours nos entreprises
à tous les niveaux de notre action dans ce domaine. Ne pourrait-on imaginer une
coordination de ces efforts du secteur privé et un encouragement à les
accentuer et à les généraliser ?
Monsieur le ministre, il suffirait sans doute d'en avoir la volonté et de vous
assurer la bienveillance de votre collègue de Bercy, où l'on a le secret des
mesures incitatives. Elles seraient, pour notre économie, autant d'excellents
investissements, largement payés de retour, tant nous savons qu'un dirigeant,
un cadre qui est passé par nos écoles devient un allié précieux pour nos
entreprises.
Mais ce n'est pas que sur le plan économique qu'il est utile et agréable
d'avoir affaire à de tels interlocuteurs.
Sur le plan politique, et j'en terminerai par là, je suis convaincu que, comme
nos commissaires européens, MM. Barnier et Lamy, ou votre collègue M.
Moscovici, vous appréciez, monsieur le ministre, la facilité et la qualité de
vos contacts avec la vice-présidente de la Commission européenne, Mme Loyola de
Palacio, ancienne élève du lycée français de Madrid. Contrairement à M. Noyer,
elle nous a reçus à Strasbourg en s'exprimant dans un français impeccable !
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert-Denis Del Picchia.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous indiquer pourquoi je
voterai les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000. Je
formulerai ensuite quelques remarques, peut-être quelques critiques, ainsi que
quelques propositions.
Je voterai ce projet de budget, parce que j'approuve très largement votre
action, ainsi que les efforts de M. Védrine pour conduire la politique
étrangère de la France, en harmonie avec le Président de la République, afin
que notre diplomatie contribue à assurer la défense de nos intérêts
fondamentaux et à conserver à notre pays une place toujours très forte dans une
Europe en pleine mutation.
Je voterai aussi ces crédits en raison du rôle qui est le nôtre à l'ONU. Comme
M. Estier, j'ai pu constater sur place, à New York, que nos diplomates
excellent dans leur tâche parfois ingrate, toujours très difficile, face à une
hyperpuissance débitrice, mais toujours pleine de l'ambition de jouer les
gendarmes du monde. Qu'il me soit donc permis d'adresser mes félicitations à
l'équipe qui fait entendre la voix de la France dans cette enceinte, souvent
dénigrée mais qui reste de premier plan.
J'applaudis également, bien sûr, au redressement du montant des contributions
volontaires aux organisations internationales. Cela était, certes, absolument
nécessaire.
Je me réjouis également de la modernisation et de l'adaptation du ministère,
ainsi que de l'arrivée en force d'Internet, par le biais du site « Conseils aux
voyageurs » et de celui du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Bien entendu, je voterai aussi, en tant qu'élu des Français de l'étranger,
pour les crédits affectés aux communautés françaises expatriées. Cela va de soi
!
En revanche, je ne peux me satisfaire d'une « fausse augmentation » des
crédits, qui ne peut être considérée, en réalité, que comme l'inversion d'une
tendance à la baisse. Cela est satisfaisant, mais ce n'est pas suffisant. Mes
collègues ont d'ailleurs expliqué les relations existant entre pourcentage
d'augmentation et inflation, ainsi qu'entre dollar et franc. Je n'y reviendrai
pas.
Certes, que l'on me comprenne bien : je ne suis pas favorable à une
augmentation des dépenses de l'Etat. Je rappelle d'ailleurs que cela n'a pas
été le cas ces dernières années.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'année prochaine, 21 milliards de francs
seront alloués au budget des affaires étrangères et de la coopération. Or, en
1993, ces mêmes crédits atteignaient 23 milliards de francs. Toutefois, les
crédits pour l'action extérieure de la France ne s'élèveront pas à 21 milliards
de francs l'année prochaine, monsieur le ministre, mais à 54 milliards de
francs.
Alors, de grâce, il faudra bien un jour que le gouvernement en place, quel
qu'il soit d'ailleurs, comprenne qu'il est nécessaire de faire un inventaire de
l'action extérieure de la France, et que cette action a besoin d'un financement
coordonné.
Mes chers collègues, n'oublions pas que c'est la première fois que le budget
des affaires étrangères est à peine supérieur aux crédits de l'action
extérieure du ministère de l'économie et des finances, et ce, bien sûr, grâce à
la fusion entre affaires étrangères et coopération, faute de quoi l'on ne
parviendrait pas au même niveau.
A mon sens, c'est incompréhensible, ou alors il faut que l'on me démontre que
le Quai d'Orsay a changé d'adresse et que c'est Bercy qui gère le réseau, mais
aussi les crises du Kosovo, de Grozny, qui assure la présence française,
développe notre influence culturelle, défend la francophonie ou aide au
développement.
On est tenté de dire que, sans augmenter les dépenses de l'Etat, il nous
paraîtrait logique de diminuer les crédits extérieurs du ministère des finances
pour reporter cette somme sur le budget des affaires étrangères.
(Sourires.)
Je vois à vos sourires qu'il s'agit d'un vaste débat, que
nous n'aborderons pas ce soir. Mais nous pouvons y réfléchir un peu !
Je me limiterai, monsieur le ministre, à quelques points qui me tiennent à
coeur.
Tout d'abord, s'agissant des Français de l'étranger, comme mes collègues, je
me félicite de la progression de 25 % des crédits de bourse. Comme l'a souligné
M. Penne, c'est très important. En effet, vous le savez, monsieur le ministre,
c'est la fuite en avant, pour ne pas dire le tonneau des Danaïdes, pour
l'enseignement du français à l'étranger : on augmente régulièrement le montant
des bourses, mais les sommes ne suffisent même pas à combler les augmentations
incontrôlées des frais d'écolage.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Robert-Denis Del Picchia.
Je vais vous l'expliquer par quelques chiffres.
De 1998 à 1999, selon les statistiques les plus récentes de l'Agence pour
l'enseignement du français à l'étranger, les bourses scolaires ont augmenté de
20 millions de francs. Très bien ! Bravo, même ! Mais, dans le même temps, la
participation des établissements à la rémunération des professeurs résidents -
entraînant donc des frais de scolarité - est passée de 338 600 000 francs à 371
300 000 francs, soit 33 millions de francs de plus à la charge des parents.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
C'est encore vrai !
M. Robert-Denis Del Picchia.
Merci, monsieur Penne !
Sur un autre plan, l'Agence a, semble-t-il, fait le choix de diminuer le
nombre des coopérants du service national, les CSN. Jusqu'à présent, ils
représentaient 10 % des effectifs. Or l'Agence n'envisage pas de faire appel
aux futurs volontaires civils, elle veut recruter localement. Ce choix nous
paraît discutable si l'on pense d'abord au niveau des recrutés locaux dans
certains pays - à condition, d'ailleurs, qu'on en trouve - et, surtout, le
remplacement de plusieurs centaines de CSN par des recrutés locaux va
contribuer à une nouvelle augmentation des frais d'écolage.
Les conséquences directes de l'explosion du prix de la scolarisation des
enfants français à l'étranger, nous pouvons les constater dans le tableau
suivant, qui est fort simple. Selon vos propres statistiques, celles de la
direction des Français de l'étranger, monsieur le ministre, il y a actuellement
à l'étranger 32 405 enfants français âgés de quatre à six ans, 185 523 enfants
âgés de six à dix-sept ans, soit un total de 218 000 jeunes français -
j'arrondis - en âge d'être scolarisés. Or, savez-vous combien il y a d'enfants
scolarisés dans les écoles françaises ? Je vais vous le dire : 66 759 ! L'écart
est très impressionnant !
Alors, vous allez me répondre que les enfants non scolarisés ont peut-être
d'autres raisons. Or, sur les 151 000 enfants non scolarisés, 80 % - 121 000 -
résident pourtant dans les centres importants où existent des écoles
françaises. La conclusion est donc simple : à l'étranger, malgré l'Agence,
malgré de fantastiques réseaux, malgré les quelque 2 milliards de francs de
subventions de votre ministère - malgré les bourses, monsieur Penne -, deux
enfants sur trois ne sont pas scolarisés dans les écoles françaises, tout
simplement, pour la plupart d'entre eux, parce que l'école est trop chère.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
Triste vérité !
M. Robert-Denis Del Picchia.
On peut se poser la question, monsieur le ministre, et je vous la pose :
l'Agence remplit-elle encore sa mission de service public ?
M. Pierre Biarnès.
Elle ne l'a jamais remplie !
M. Robert-Denis Del Picchia.
Merci, mon cher collègue !
Au demeurant, quelle est exactement cette mission aujourd'hui ? En dix ans,
les choses ont beaucoup évolué et nous allons nous trouver bientôt dans une
impasse, monsieur le ministre.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Nous y sommes déjà
!
M. Robert-Denis Del Picchia.
Il est grand temps d'une réflexion sur l'avenir de l'Agence.
Cette réflexion, qui doit être consensuelle et dépasser les clivages
politiques, doit absolument déboucher sur une vraie définition de notre
politique pour l'enseignement français à l'étranger, mais aussi sur des
décisions et des mises en pratique immédiates.
A propos de réflexion, monsieur le ministre, disons au passage qu'elle devrait
peut-être avoir lieu aussi sur le fonctionnement du réseau des instituts
culturels, sur lequel il y aurait beaucoup à dire ! Nous n'avons
malheureusement pas trop de temps ce soir.
Pour ce qui est des volontaires civils, vous le savez, j'ai rapporté le projet
de loi les concernant. Nous espérons tous qu'il sera adopté en janvier par
l'Assemblée nationale et les délégués du CSFE attendent d'être consultés sur
son décret d'application. Je le répète ici, il y a urgence pour les entreprises
françaises et pour vos services à l'étranger.
Si j'ai émis des doutes sur l'application du système en France, en revanche,
je crois en son fonctionnement à l'étranger, dans les entreprises et dans le
réseau diplomatique et culturel, avec des réserves toutefois, monsieur le
ministre, sur deux catégories de volontaires qui manqueront dans les postes :
les spécialistes en informatique et les médecins.
Certes, le budget pour 2000 n'est pas encore directement concerné, mais il
faudrait toutefois préparer l'avenir dans ce domaine, en particulier pour
l'informatique, en prévoyant des formations internes et peut-être des
recrutements spécifiques.
On a beaucoup parlé des effectifs : 92 emplois sont inscrits au budget, c'est
bien, d'autant que, l'an dernier, c'était 120 de moins et que le ministère a
perdu, je le rappelle, 900 emplois en neuf ans.
Ces 92 emplois renforceront les postes, nous dit-on. Mais combien seront
effectivement affectés à l'étranger ? Mon collègue André Ferrand a posé la
question. On parle d'une vingtaine, mais j'aimerais avoir quelques précisions
sur ce point.
Sur le même plan, monsieur le ministre, nous attendons avec beaucoup d'intérêt
les résultats des réflexions sur l'évolution de la carte diplomatique et
consulaire, en particulier dans l'Union européenne. M. Hoeffel a cité quelques
exemples intéressants, et les délégués du CSFE voudraient être associés sinon
aux décisions, du moins, d'une façon ou d'une autre, à la réflexion.
Nous souhaiterions aussi beaucoup disposer un jour de la liste des propriétés
de l'Etat à l'étranger. Je ne suis pas sénateur depuis longtemps, mais je suis
néanmoins très étonné : j'ai essayé de me renseigner, mais je n'ai pas obtenu
le renseignement. Il n'y a pas de liste des propriétés de l'Etat à l'étranger
!
M. Pierre Biarnès.
Et la réserve du Sénat ! Quelqu'un en sait-il quelque chose ?
(
Sourires.)
M. Robert-Denis Del Picchia.
Le parc immobilier reste très flou. Affaires étrangères, culture, finances,
n'est-il pas possible à chaque chef de poste d'établir une fiche pour son ou
ses pays ? Cela pourrait déboucher sur une réflexion sur les investissements !
Pourquoi ne pas recourir au leasing, comme l'a évoqué M. Durand-Chastel ? En
tout cas, il faudrait une meilleure gestion. Ce voeu nous concerne directement,
monsieur le ministre - et nous espérons qu'il ne restera pas pieux - car nous
souhaitons connaître le véritable état des lieux de la coopération.
La réunification des moyens est une bonne chose, mais nous aimerions un peu
plus de transparence pour mieux comprendre, comme l'a souhaité M. de Villepin,
cette nouvelle politique de coopération, en espérant avec M. Penne qu'elle ne
sera pas virtuelle.
Si l'on ne peut que se réjouir de l'augmentation de 25 millions de francs des
subventions à l'action audiovisuelle extérieure, il faut toutefois souligner
que cette aide est minime : elle représente 0,02 % ! Cela aidera toutefois TV
5, qui a nettement amélioré ses programmes, sa diffusion, son audience. Pour le
bien de l'image de la France et de la francophonie, bravo ! Nous félicitons
très publiquement son directeur, Jean Stock, et, à travers lui, toute son
équipe. Toutefois, monsieur le ministre, je dois attirer votre attention sur la
gravité de la situation de TV 5 Amérique. Les commentaires sont très clairs :
très mauvaise programmation, très mauvaise politique commerciale, très mauvaise
communication. Echec total !
Je sais que cela est dû à une direction québécoise très défaillante. Je sais
aussi que l'on a changé de direction, mais le doute subsiste et, cette fois,
nous n'avons pas droit à l'erreur. Or cette erreur semble - c'est le cas de le
dire - programmée. Aussi, monsieur le ministre, je dois très solennellement
vous demander de réagir.
Quelles sont les possibilités ?
La poursuite d'une double direction ne permettra certainement pas de relever
TV 5 Amérique. Il faudrait renégocier à haut niveau avec les Canadiens pour
leur faire accepter une seule direction commune à Paris, mais cela paraît
invraisemblable.
Dans le cas contraire, il faudrait laisser végéter ce qui existe, mais créer
une filiale américaine de TV 5 Paris qui porterait une autre raison sociale.
Cela paraît également difficile à réaliser.
Enfin - et ce serait la meilleure solution, que je préconise, si je peux me le
permettre -, la création d'une société indépendante pourrait être envisagée, à
condition qu'elle ne s'appelle pas TV 5, qu'elle ne fasse pas allusion au
chiffre cinq, car l'image est invendable aux Etats-Unis et dans toutes les
Amériques en raison des mauvais résultats actuels de la chaîne. Pourquoi ne pas
l'appeler tout simplement France 4 ? Il y a bien France 2 et France 3 ! Grâce
aux différents modules numériques de TV 5, celle-ci pourrait livrer la plus
grande partie des programmes et négocier en parallèle les droits pour cette
chaîne. Cela ne reviendrait pas très cher, car les éléments seraient fournis
par TV 5.
Quant aux Canadiens, ils ne seraient pas satisfaits, certes, mais on pourrait
laisser TV 5 Québec végéter comme c'est le cas et mourir de sa belle mort. Je
sais que cela va poser des problèmes diplomatiques et peut-être faire « grincer
des dents », comme on dit, mais il en va, monsieur le ministre, de notre
présence audiovisuelle sur le tiers de la planète, de la présence de la
francophonie et de la France. Nous le proposons tout simplement, pour reprendre
un slogan publicitaire à la mode, « parce que cela le vaut bien ».
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, la maigre progression budgétaire de votre ministère, de
0,6 % inférieure à l'accroissement général du budget - elle est de 0,9 % -
montre, hélas !, que les affaires étrangères ne sont pas une priorité majeure
de votre gouvernement. Je le déplore.
Parmi les quatre axes majeurs de votre budget, je retiendrai l'affirmation du
rôle de la France dans les instances multilatérales et le développement de
l'appui aux Français de l'étranger. Je vous suggérerai une meilleure
concertation avec le ministère de l'économie et des finances et une politique
étrangère ambitieuse à l'occasion de la présidence française de l'Union.
La conférence interministérielle de Seattle vient de confirmer qu'aujourd'hui
des décisions essentielles pour la vie de nos concitoyens pouvaient se prendre
en dehors de nos frontières et que notre diplomatie devait peser de tout son
poids pour parvenir à des résultats satisfaisants.
Cette réunion a eu le mérite de rappeler le rôle des relations multilatérales
dans un monde dominé par une « hyperpuissance », pour reprendre l'expression de
M. Védrine. Les critiques à l'égard de l'OMC, comme il l'a rappelé, me
paraissent injustifiées car mieux vaut une institution de dialogue et de
décision, aussi imparfaite soit-elle, que l'application du droit du plus fort
de manière unilatérale.
J'ai constaté avec plaisir que certains pays, autrefois non alignés, étaient
sensibles à la philosophie politique française et à la démarche européenne. Il
y aura sans doute là un moyen pour la France et l'Union de peser davantage,
sachant que la compréhension est parfois meilleure, eu égard aux relations
antérieures qui ont existé et qui existent encore avec l'ancienne Union
française ou le Commonwealth.
La préservation de cette bonne intelligence n'est d'ailleurs pas incompatible
avec la fusion administrative de la coopération et des affaires étrangères
stricto sensu
, que vous menez à bien.
Ces pays, que nous espérons en devenir, savent aussi que les Etats-Unis
résistent rarement à la tentation d'influer sur la politique intérieure d'un
autre pays.
Il est donc primordial de consolider la politique multilatérale de la France,
meilleur rempart contre l'hégémonisme. Les 3,4 milliards de francs qui sont
alloués aux contributions obligatoires et volontaires dans les institutions
internationales permettront à notre pays d'orienter certains programmes et de
faire recruter des administrateurs français à tous les niveaux. Ils aideront à
défendre notre statut de puissance nucléaire et notre siège permanent au
Conseil de sécurité. C'est une bonne chose.
Notre politique étrangère a besoin de l'aide des Français de l'étranger, qui
jouent un rôle essentiel dans la diffusion de notre culture, de notre langue,
et qui sont des relais économiques essentiels dans le monde entier.
MM. Jean-Pierre Cantegrit, Hubert Durand-Chastel et André Maman.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
J'approuve ainsi l'augmentation des crédits qui leurs sont consacrés, que ce
soit pour le rapatriement, pour les actions de sécurité et d'assistance ou
simplement pour les aider à vivre mieux leur situation d'expatriés.
La progression du nombre de nos compatriotes vivant à l'étranger est
d'ailleurs un signe de dynamisme et d'esprit d'entreprise. Je souhaite
néanmoins attirer votre attention sur la nécessité de rendre les établissements
scolaires financièrement accessibles à tous les enfants d'expatriés. Mais je
sais que vous êtes sensible à ce problème.
En ce qui concerne les relations entre le ministère des affaires étrangères et
le ministère de l'économie et des finances, il me semble utile de revenir sur
des règles de base. Dans votre ministère, 610 emplois ont été supprimés entre
1993 et 1998. Je ne suis pas certain que cette réduction ait été le fruit d'une
stratégie concertée entre les deux ministères, mais plutôt la concrétisation
d'une réduction des dépenses publiques que j'aurai vue plus utilement appliquée
à d'autres administrations.
Il en va sans doute de même, hélas !, pour l'évolution de la carte
diplomatique et consulaire.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ce n'est jamais au bon endroit !
M. Aymeri de Montesquiou.
Permettez-moi, monsieur Charasse, de ne pas être d'accord avec vous !
En revanche, la fermeture de certains de nos consulats dans les pays de
l'Union européenne me semble normale ; elle va dans le sens d'une citoyenneté
européenne : la fermeture récente du consulat de Florence, des consulats
généraux de Venise et de Mayence témoignent d'abord de la réalité de l'entité
communautaire.
La défense des intérêts de la France étant l'objectif des deux ministères, cet
objectif serait mieux défendu par une stratégie commune. Cette dernière
pourrait s'appliquer, entre autres, à la délivrance des visas. Votre ministère
pourrait utilement prendre l'avis du secrétariat d'Etat au commerce extérieur
et mettre en place une stratégie de délivrance de visas, en particulier pour
les étudiants que nous accueillons et les bourses que nous octroyons. Seraient
alors distingués les Etats aux fortes potentialités économiques. Monsieur le
ministre, j'aimerais recueillir votre avis sur cette question.
Enfin, je souhaite insister sur la présidence de l'Union européenne qui
incombera à notre pays au second semestre de l'an 2000. Vous le savez, cette
présidence est un moment suffisamment rare, et ce le sera de plus en plus avec
l'élargissement de l'Union, pour en faire un moment fort de la vie politique
nationale et, mais cela va de soi, européenne et internationale.
La réussite de la conférence intergouvernementale sur la réforme des
institutions est - vous l'avez confirmé - une de vos priorités, et je la
partage. Cette réforme est évidemment indispensable avant de songer à admettre
tout nouveau membre.
J'ai toujours été pro-européen, vous serez donc peut-être surpris de mes
propos, mais je ne vois pas d'urgence à élargir l'Europe des Quinze, si ce
n'est en vertu du « communautairement correct ».
Allons-nous risquer de mettre en danger le sens et la profondeur de l'aventure
communautaire ?
Allons-nous risquer la dilution libre-échangiste pour ne plus ressentir de
culpabilité envers des Etats que nous avions laissés de l'autre côté du mur
?
Prenons le temps. Travaillons avec ces Etats, sans promettre de dates, par le
biais d'accords d'association. Prenons le temps de la réflexion sur les limites
géographiques de l'Europe que nous voulons construire.
Je suis particulièrement inquiet lorsque le président Clinton conseille
vivement à l'Union européenne, et l'on se demande au nom de quoi, d'ouvrir sa
porte à la Turquie !
Monsieur le ministre, l'Europe paraît encore trop lointaine à nos concitoyens,
alors qu'elle a de plus en plus de répercussions sur leur vie quotidienne. Je
ne suis pas souverainiste, mais un référendum sur l'élargissement serait-il
envisageable ?
Durant la présidence française, il existera aussi une véritable nécessité de
mettre en oeuvre une politique étrangère de sécurité mieux concertée, à la
mesure du poids économique de l'Union européenne.
Vous disposez déjà, bien sûr, d'outils de qualité et de personnel compétent à
la représentation permanente, à la direction de la coopération européenne, au
SGCI et avec vos interlocuteurs des différents ministères. Mais, pour que la
présidence française soit particulièrement efficace, les chaînes de décision,
la réactivité devraient mobiliser plus de moyens.
Pour mener à bien cette présidence, est-il trop tard pour déployer des moyens
financiers et humains supplémentaires ?
D'autres aspects pourraient être développés à l'occasion de ce budget. Par
exemple, je suis avec beaucoup d'intérêt les nouvelles formes de relations
internationales qui se mettent en place, notamment les actions menées par les
collectivités locales. Elles ne concurrencent pas celles de votre ministère
mais sont d'un appoint précieux. Le travail de recensement et d'analyse conduit
actuellement par la commission nationale de coopération décentralisée est très
utile et permettra aux citoyens de mieux comprendre le sens des actions menées
par leur commune, leur département ou leur région.
Dans les pays où les collectivités développent de nombreux projets, il me
semble indispensable qu'un professionnel de la coopération décentralisée soit
identifié dans les ambassades. Certains postes ont la chance d'avoir un
correspondant. Monsieur le ministre, comptez-vous développer cette méthode ?
Monsieur le ministre, vos moyens sont notoirement insuffisants. Je crois que
Michel Debré fut le dernier ministre des affaires étrangères à avoir arraché
une augmentation importante pour son budget.
Je ferai une réflexion et une proposition pour augmenter vos ressources.
Si les Américains veulent gendarmer la totalité du monde, l'Europe, elle,
n'est directement concernée que par le tiers de la planète. Une défense
européenne doit donc s'exercer sur un périmètre défini : l'Europe, la
Méditerranée et une grande partie de l'Afrique. Le budget de la défense des
quinze pays de l'Union représente aujourd'hui 60 % de celui des Etats-Unis. Une
défense européenne vraiment intégrée, utilisant des matériels communs,
réalisera des économies d'échelle considérables en étant beaucoup plus efficace
avec un budget moindre. Je serais heureux que les futures économies réalisées
dans le budget de la défense permettent d'augmenter les crédits de votre
ministère.
Je voudrais paraphraser et inverser l'axiome de Clausewitz : la diplomatie est
la forme originelle de la défense. Avec 5 % des crédits de la défense qui vous
seraient affectés, votre budget augmenterait de près de 50 %. Je suis convaincu
que vous en feriez le meilleur usage. Je suis convaincu qu'une diplomatie aux
moyens largement étendus permettrait à notre pays de mieux exprimer son
génie.
Cette proposition pourra sembler à certains chimérique et trop lointaine dans
le futur. Alors, considérons le présent. Les 35 heures en année pleine
coûterait 105 milliards de francs, près de cinq fois votre budget. Je ne
voudrais pas vous faire succomber à la tentation, mais ne pensez-vous pas
qu'une modeste fraction de cette somme considérable - je le répète - pourrait
être mieux utilisée par votre ministère pour défendre les intérêts de notre
pays, entre autres son économie et, donc, créer vraiment des emplois ?
Le ministre des affaires étrangères conduit avec compétence et courage un
vaisseau magnifique qui devrait avoir les moyens budgétaires de mener une
diplomatie encore plus efficace. Membre du Rassemblement démocratique social et
européen, je soutiens son action et voterai son trop modeste budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès.
Monsieur le ministre, le budget du ministère des affaires étrangères que vous
présentez à l'examen et à l'approbation du Sénat n'est pas très différent de
ceux qui ont été élaborés depuis de longues années par vous-même et, avant
vous, par vos prédécesseurs. Je veux dire par là qu'il n'est vraiment pas
satisfaisant pour le sénateur des Français de l'étranger que je suis,
c'est-à-dire pour un parlementaire qui est, plus que d'autres, tout
particulièrement soucieux non seulement des intérêts légitimes et des
préoccupations souvent angoissantes de nos compatriotes expatriés, mais aussi,
au-delà de la spécificité catégorielle de son mandat, de la réalisation des
ambitions de notre pays dans le monde.
Plusieurs de mes collègues vous ont déjà dit ou vous diront combien ils jugent
une fois de plus insuffisants, au regard de ces préoccupations et de ces
ambitions, les crédits prévus pour le bon fonctionnement de nos ambassades et
de nos consulats, comme de nos services culturels et éducatifs extérieurs. Je
partage leurs inquiétudes et leur insatisfaction.
Dans le trop faible temps de parole qui m'est imparti, je souhaite attirer
tout particulièrement votre attention sur deux très graves questions : celle
des recrutés locaux - j'y reviens à nouveau - et celle de notre réseau
scolaire.
En ce qui concerne le problème des recrutés locaux, je tiens seulement à vous
redire, à la faveur de ce débat budgétaire, combien je suis choqué par la
décision qui vient d'être prise par l'Assemblée nationale, au terme d'une
procédure constitutionnellement des plus contestables et sur l'initiative de
votre ministère, de supprimer le statut d'agent public des services extérieurs
de l'Etat, que reconnaissait jusqu'à présent à ces personnels une jurisprudence
administrative constante.
Je comprends très bien les raisons financières qui ont poussé vos services en
cette affaire ; je vais en reparler dans un instant. Mais, je n'en persiste pas
moins à considérer que cette initiative, qui consacre un recours d'année en
année grandissant à des « soutiers » sans défense - comment trouver un mot plus
adéquat ? - de la diffusion de notre langue et de notre culture au dehors, est
socialement et moralement inadmissible, surtout de la part d'un gouvernement
qui, comme moi, se réclame des valeurs de justice et de progrès.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, c'est un cri d'alarme
que je pense de mon devoir de pousser, une fois de plus, comme quelques autres
ce soir, et aussi, comme pour le problème des recrutés locaux, un cri
d'indignation.
Notre réseau de quelque 400 établissements scolaires français à l'étranger est
de très bonne qualité. Mais, faute de crédits publics suffisants, il est de
plus en plus à la charge des parents et, de ce fait, il est progressivement et
inexorablement devenu un réseau d'écoles pour les riches, français ou
étrangers, en dépit du correctif des bourses, qui est très insuffisant pour
pouvoir renverser cette tendance. A 1 500 francs par élève et par mois
ouvrable, en moyenne internationale, des milliers de familles françaises à
revenus modestes, non éligibles néanmoins aux bourses scolaires - car celles-ci
sont, de fait, réservées à des milieux très démunis - ne peuvent pas ou ne
peuvent plus inscrire leurs enfants dans les écoles de ce réseau. C'est tout
particulièrement le cas dans les pays de l'hémisphère sud, où les familles
françaises, très souvent binationales, sont d'ordinaire plus mal loties que
celles qui sont établies dans les pays industriels d'Europe et d'Amérique du
Nord. Une telle situation est très injuste pour ces familles et leurs enfants.
Elle est contraire aussi à nos intérêts nationaux les plus fondamentaux car, à
terme, ces enfants, qui sont éduqués dans une langue étrangère, faute de
pouvoir l'être en français, représentent des parts grandissantes du marché
international langagier, culturel et, ensuite, commercial et politique qui sont
perdues pour notre pays.
Je sais très bien, monsieur le ministre, qu'il est très difficile, voire
impossible pour vos services de faire plus que ce qu'ils font actuellement, à
travers l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, placée sous la
tutelle de votre direction des relations culturelles. Mais pourquoi donc le
ministère de l'éducation nationale s'obstine-t-il depuis des années à refuser
d'accepter la cotutelle de cette agence et à contribuer, pour partie, à son
financement ? Jusqu'à quand ce refus autiste va-t-il durer ? Qu'attend le chef
du Gouvernement pour intimer l'ordre de changer d'attitude aux responsables de
ce ministère, cependant considérablement mieux doté que le vôtre ? Les Français
de l'étranger ne seraient-ils pas considérés, rue de Grenelle et rue de
Varenne, comme des Français à part entière ?
Monsieur le ministre, si le temps de parole qui m'est imparti était un peu
plus long, je pourrais aborder bien d'autres domaines où il est clair que votre
département, faute de crédits suffisants, est contraint de recourir à des
solutions de moins en moins satisfaisantes, quand ce n'est pas à de simples
expédients, pour l'accomplissement de ses diverses missions.
Je pourrais vous parler aussi, entre autres choses, des agents consulaires de
moins en moins qualifiés, parce que moins payés que d'autres plus compétents
mais plus coûteux, qui tendent, de ce fait, à réserver un accueil souvent
déplorable aux usagers ; ou bien de nos centres et de nos instituts culturels
qui ne fonctionnent presque plusqu'avec des vacataires payés à l'heure, sans
aucune protection sociale ; ou bien encore de toutes ces fermetures
intempestives de consulats qui sont intervenues ces années-ci.
Généralisant mon propos, je rappellerai simplement que, pour entretenir un
réseau diplomatique et consulaire encore comparable à celui des Etats-Unis
d'Amérique, en dépit des fermetures que je viens d'évoquer, et des réseaux
scolaires et culturels sans équivalent dans le monde, votre ministère, en
dehors des dotations au titre des anciens services de la coopération qui lui
sont à présent rattachés, ne dispose de guère plus, depuis des années, que de
0,90 % des crédits du budget total de la République, les relèvements de ces
crédits, quand ils interviennent parfois, comme cette année, n'étant que
d'ampleur homéopathique.
De toute évidence, faute d'assez de vent, il va bien falloir nous résigner
pour de bon, un jour ou l'autre, à ramasser les voiles. Il faudra alors avoir
le courage politique de le dire, au lieu de continuer à faire rituellement,
année après année, des déclarations incantatoires, qui ne trompent plus
personne, sur le rôle de notre pays dans le monde. Mais ce jour-là sera un jour
de grande tristesse !
A vrai dire, de la présence de la France au-dehors, aujourd'hui comme depuis
bien longtemps, à Paris et dans nos provinces, tout le monde se moque, ou peu
s'en faut, comme le montre, aujourd'hui encore, la tardiveté de ce débat
programmé au creux de la nuit. C'est même une très vieille histoire.
« Labourage et pâturage, voilà, sire, les deux mamelles de la France, nos
vraies mines d'or du Pérou », disait déjà, il y a près de quatre siècles, Sully
à Henry IV, qui voulait engager la France dans l'aventure ultra-marine, en
créant des compagnies à charte, à l'instar des Hollandais et des Anglais de ce
temps-là.
« La Corrèze plutôt que le Zambèze », écrira Raymond Cartier dans
Paris-Match,
en 1953, quelque 350 ans plus tard.
Remarquable continuité de pensée, qui se prolonge jusqu'à nos jours, au
tréfonds de la conscience d'un peuple qui, ainsi que disent les Allemands, se
sent « heureux » chez lui « comme Dieu en France », même s'il râle tout le
temps.
A quoi bon « aller chercher fortune aux lointains pays », comme celui des deux
pigeons qui « s'aimaient d'amour tendre » mais qui était néanmoins parti voir
ailleurs, et dont se moque La Fontaine, ce monument de notre sagesse nationale,
n'est-ce pas ?
Et c'est ainsi que, dans l'élaboration - par les héritiers successifs de Sully
- de nos budgets très étroitement hexagonaux, il est si difficile de faire
passer le vent du grand large, car ceux, très rares, qui en ont le goût ne sont
jamais en mesure de bloquer le métro ou le périphérique, alors que nos
gouvernements, celui d'aujourd'hui comme ceux d'hier, ne sont guère sensibles
qu'à l'exercice de la force physique, dès lors que celle-ci, bien sûr, peut
être dérangeante pour les autres citoyens-électeurs.
Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que les critiques que je viens
de formuler ne sont pas, en fait, adressées à vous-même, même si c'est devant
vous que je les exprime, faute d'autres interlocuteurs plus identifiables.
Comme tout cela est désolant ! En tout état de cause, à considérer les
chiffres de votre budget, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser ni
s'autocongratuler.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention pourrait être comparée au huitième mariage du roi Henri VIII et
sera une victoire de l'optimisme sur l'expérience.
(Sourires.)
En effet, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, depuis plusieurs
mois, j'ai eu l'occasion de vous solliciter au sujet du budget du Conseil de
l'Europe.
La discussion budgétaire, qui se tient à une heure tardive, mais dans un cadre
presque intime, m'offre cependant une nouvelle tribune et l'occasion de redire,
une fois encore, combien il est important de soutenir de façon concrète, et
donc financièrement, l'action du Conseil de l'Europe.
L'Assemblée du Conseil de l'Europe, c'est une incomparable cellule de
réflexion et une force de proposition qui regroupe les représentants des
parlements des quarante et un pays composant la grande Europe.
Il est nécessaire de le rappeler de temps en temps : l'Europe ne se limite pas
à l'Union européenne.
La France doit accorder à cette institution qu'elle a conduite sur les fonts
baptismaux il y a quarante ans les moyens d'accomplir la mission qui est la
sienne.
Tout d'abord, la présentation du budget doit être revue.
La représentation nationale ne peut se satisfaire de la présentation globale
du budget. Cette institution ne dispose d'aucune ligne budgétaire spécifique,
ce qui interdit tout contrôle de la représentation nationale sur les dépenses
et rend impossible tout débat sur le sujet.
La question a déjà été soulevée dans d'autres enceintes, à plusieurs reprises
et de façons diverses sans avoir donné lieu à des réponses. La question abordée
aujourd'hui n'est donc pas nouvelle mais la présidence française de l'Union
européenne devrait constituer l'occasion d'y apporter enfin une réponse.
Il est notamment indispensable, tant pour des raisons de forme que de fond, de
corriger la présentation du titre IV.
En effet, et ce n'est qu'un rappel, la contribution française au budget du
Conseil de l'Europe comporte, outre des contributions obligatoires et des
souscriptions à des programmes spécifiques - souscriptions correspondant à des
contributions volontaires - des fonds affectés au fonctionnement de la Cour de
justice.
Le coût - estimé à 5 millions de francs - du poste de commissaire aux droits
de l'homme obère considérablement, à hauteur d'environ 20 %, le budget de
fonctionnement du Conseil de l'Europe. La France devrait donner l'exemple à ses
collègues des autres pays membres, en dissociant le budget de la Cour de
justice de la contribution globale de façon à constituer au plus vite pour ce
poste un budget annexe.
Il est indispensable que le Gouvernement accorde aux parlementaires la
transparence qu'ils réclament en adoptant une rédaction et une présentation
détaillée selon les postes.
Il faut aussi détailler les programmes et les montants des participations
financières.
Seule une telle présentation permettra à la représentation nationale de suivre
les actions menées et d'en apprécier le bien-fondé, d'autant que la France est
le seul pays à adhérer systématiquement à tous les accords partiels, voyant
ainsi sa contribution s'accroître de plus de 47 millions de francs et passer de
128 millions de francs à 175 millions de francs.
Je formulerai d'autres suggestions, monsieur le ministre, si vous le voulez
bien.
Il conviendrait tout d'abord de créer une ligne correspondant à des indemnités
versées ou à verser aux parlementaires du Conseil de l'Europe, sur le modèle de
celle qui concerne les élus du Parlement européen.
Il faudrait également connaître le détail des dépenses de fonctionnement et
des autres dépenses liées au Conseil de l'Europe, ainsi que les frais de
fonctionnement et de représentation de l'ambassade de France auprès du
Conseil.
D'autres questions se posent encore.
A l'article 40, agrégat 03, le poste : « interventions du ministre des
affaires européennes » a augmenté de 9 millions de francs, passant à 24 150 446
francs. Sans doute est-ce en liaison avec la présidence française de l'Union
européenne. Mais concerne-t-il en tout ou en partie seulement le Conseil de
l'Europe ?
Au titre IV, interventions publiques, les mesures de non-reconduction
d'ajustement ou de transferts internes concernent-elles le Conseil de l'Europe
?
Monsieur le ministre, la présidence française de l'Union européenne et le
tropisme de l'élargissement érigé en dogme ne doivent pas faire perdre de vue
les difficultés qui attendent une Europe élargie et déjà si disparate.
La sagesse devrait sans doute nous conduire à engager une vraie réflexion, qui
ne confonde pas vitesse et précipitation. L'Europe des Quinze est déjà un
monstre administratif bouffi d'autosatisfaction, gonflé par les frais de
réception et de traduction.
M. Attali, en prônant dans un rapport remis au Gouvernement une Europe élargie
à quarante pays, plaide, très astucieusement et sans le savoir, en faveur du
renforcement des pouvoirs du Conseil de l'Europe. L'Europe de M. Attali existe
donc déjà. Et si nous lui accordions un peu plus d'attention !
Le second sujet que je voudrais évoquer à cette tribune, très brièvement
d'ailleurs, concerne le Kosovo.
Mon interrogation porte plus expressément sur le rôle que doit jouer la
France, au regard non pas des orientations, mais des mesures qui doivent être
prises et appliquées sans tarder par ces organisations internationales dont
notre pays est l'un des principaux acteurs. C'est ainsi que les crédits
annoncés par l'Union européenne et donc par la France n'étaient toujours pas
débloqués le 25 octobre dernier.
Plus que sur des mots ou des constatations, la restructuration de l'économie
du pays repose essentiellement sur la restauration agricole et le maintien de
la vie rurale. J'en ai d'ailleurs fait le rapport au Conseil de l'Europe.
Or, cette reconstruction, qui repose sur l'un des quatre piliers de l'équipe
Kouchner, est confiée à un Français. Officier de réserve, ce dernier a laissé
sa famille, son exploitation agricole en Champagne-Ardennes dont il est
originaire, pour se rendre au Kosovo afin d'y apporter son aide et ses
compétences. Là-bas, il utilise son ordinateur et son portable personnels et
vit sous une tente dans des conditions extrêmement modestes, alors que les
autorités européennes sont installées dans le musée de Pristina. C'est
l'illustration même des problèmes spécifiques que vivent nos compatriotes
là-bas, et qu'on n'imagine certainement pas à Paris.
Or, nous pouvons agir sans tarder, sur la destruction des mines antipersonnel,
nous avons en France une société spécialisée qui attend des instructions pour
entreprendre le déminage. Sur la dépollution des terres, une centaine de
pluvérisateurs sont nécessaires et nous connaissons la société fournisseur. Sur
l'enlèvement des cadavres d'animaux qui restent encore sur le sol, une société
d'équarrissage normande est prête à intervenir.
J'ajoute que l'ONF et l'INRA ont été contactés afin de participer au
réensemencement des espaces agricoles et au reboisement des forêts.
Il faudrait par ailleurs quelques tonnes de ciment pour que les paysans
kosovars restaurent leurs habitations car il ne leur reste que des briques de
démolition.
Grâce à de telles actions, les paysans kosovars pourraient très rapidement
regagner leur lopin de terre, sortir de leur situation d'assistés et retrouver
très vite l'autosuffisance.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. Daniel Goulet.
Par ailleurs, le pont de Pec, qui a été détruit, est actuellement remplacé par
un pont métallique provisoire posé par l'administration américaine qui entend
bien le reprendre lorsqu'elle quittera le pays. Or, il est impossible de
débloquer le dossier de la reconstruction de ce pont. Les Français ont proposé
un projet, mais ils se sont vu opposer un refus qui nous paraît
incompréhensible.
Constats, projets, initiatives ne manquent pas ; mais ils sont bloqués, faute
d'argent.
Vous conviendrez que ces situations ne sont plus acceptables.
On ne compte plus les responsables politiques qui sont allés au Kosovo, quand
ils ne sont pas sur le point d'y partir. Certains crient, comme moi, leur
étonnement et déplorent leur impuissance à faire oeuvre utile. D'autres, plus
nombreux, font montre d'auto-satisfaction.
Bien que l'enceinte de notre assemblée ne s'y prête guère, j'ai envie de crier
: « Assez ! », assez de mots, de colloques, de conférences de donateurs, d'ONG
qui, pour certaines, deviennent de véritables professionnels de la misère.
Pourquoi 330 ONG sont-elles présentes au Kosovo ? Fort heureusement, j'ai pu
constater que celles qui sont d'origine française remplissent bien leur mission
!
Monsieur le ministre, ce sont des actes précis et efficaces qu'il faut
envisager même si nous pouvons considérer qu'ils peuvent être au départ assez
modestes, leurs effets seraient à coup sûr significatifs.
Nous avons sur place des compatriotes dont la compétence et la générosité sont
unanimement appréciées. Faisons en sorte de les sortir de leur isolement en les
comprenant et en les aidant, dans le sens qu'ils nous indiquent. C'est au sein
des organismes internationaux que la France doit donc se montrer efficace,
faire preuve d'une très ferme détermination et surtout d'une grande exigence
dans l'application et le suivi des mesures retenues.
C'est ainsi que la France aura bien rempli sa mission et qu'elle sera digne
des vertus d'humanisme qu'on lui accorde ordinairement.
J'aimerais tant, monsieur le ministre, que, pour une fois, vous soyez en
mesure de contredire mes affirmations !
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Monsieur le ministre, jusqu'à présent nous avons à peu près tenu les délais
établis par la conférence des présidents. Si vous pouviez répondre à l'ensemble
des orateurs en une trentaine de minutes, vous contribueriez au bon déroulement
de la discussion budgétaire.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du genre s'agissant du
budget des affaires étrangères, c'est de parler du budget et de tout autre
chose. Chacun peut donc comprendre mon embarras de devoir répondre le plus
complètement possible à des questions nombreuses et diverses.
Certaines questions s'adressaient à M. Hubert Védrine, qui aurait aimé y
répondre. Mais il a dû se rendre à Helsinki, où ses collègues et lui-même
recherchent en ce moment la manière la plus efficace de peser sur la Russie
afin de trouver d'autres solutions que celle qui est aujourd'hui mise en oeuvre
en Tchétchénie.
Je voudrais d'abord remercier les rapporteurs ainsi que le président de la
commission des affaires étrangères, M. de Villepin. Vous avez rappelé le
caractère souvent consensuel du débat relatif au budget des affaires
étrangères, qui ne se traduit pas toujours par un vote consensuel ! J'ai des
raisons particulières de me féliciter, car tous les orateurs ont dit, malgré
les réserves qu'ils ont exprimées, qu'il voteraient le budget qui leur était
présenté non pas tant pour les crédits qu'il comporte, mais pour l'action que
nous conduisons. J'ai donc bien compris que, pour beaucoup d'entre vous, c'est
peut-être plus ce dernier argument qui emportait la décision que les seules
considérations budgétaires.
Si j'ai cité M. de Villepin, c'est parce que M. Hubert Védrine a regretté de
ne pas avoir eu le temps de le faire lui-même à l'occasion de son intervention.
Je tenais à le rappeler, car vous êtes pour beaucoup, monsieur de Villepin,
dans ce climat consensuel qui, souvent, prévaut autour de nos discussions.
Je voudrais brièvement cibler un peu mieux avec vous les crédits de
coopération internationale.
C'est la deuxxième fois que je vous présente le projet de budget des affaires
étangères dans sa composante « Coopération et francophonie ». J'entends par là
l'ensemble des crédits d'intervention que nous consacrons à notre politique
extérieure et que nous mettons en oeuvre avec les services nés de la réforme de
la coopération. Après les crédits de l'année de rodage, ce sont donc ceux du
régime de croisière qui sont soumis à votre vote.
Certains continuent de regretter - je sais que c'est le cas de M. de Villepin
- un certain manque de lisibilité de ces crédits à l'intérieur du budget. Je
vais donc essayer de répondre à ses interrogations, comme d'ailleurs à celles
de Mme Brisepierre sur l'efficacité de notre réforme.
Je reviendrai un instant sur l'impact de la réforme de notre dispositif de
coopération, puis je vous exposerai les grandes lignes du projet du budget.
Le nouveau dispositif de coopération a été mis en place au cours de l'année
1999. L'appareil administratif était prêt au 1er janvier. La DGCID était
constituée de la fusion des services de la coopération et de la DGCRST. Elle
comptait un peu moins de 600 agents. C'est évidemment une direction importante
dans l'ensemble affaires étrangères-coopération. Elle s'installait pour partie
rue Monsieur et boulevard Saint-Germain. Nous n'avions pas pu, et nous le
regrettons, trouver un site unique pour l'installer, mais les deux adresses ne
sont pas si éloignées ; le fonctionnement de l'ensemble ne peut donc pas en
être trop affecté.
J'ai compris que, selon vous, la DGCID avait encore besoin de roder son
fonctionnement. L'un de vous a qualifié la DGCID d'« usine à gaz frileuse », ce
qui signifie qu'il y a de toute évidence une mauvaise utilisation du gaz,
(Sourires.)
...
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ça va exploser !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... ou que celui-ci serait de mauvaise qualité !
Lorsque nous avons mis en place cette réforme, nous avions évidemment la
certitude qu'il faudrait évaluer la manière dont elle serait conduite et,
éventuellement, si nécessaire, la corriger. Il faut donc apporter ici ou là
quelques corrections, sinon dans l'organigramme, du moins dans le
fonctionnement de cette grande direction. Nous en parlons avec ses responsables
et nous trouverons les solutions qu'appelle ce métissage encore insuffisant,
cette ouverture encore insuffisante - cela a été rappelé par certains - dont,
croyez-moi, nous sommes conscients !
Les questions touchant aux statuts des personnels et à leurs régimes de
rémunérations avaient été réglées au préalable dans leur principe. La mise en
oeuvre de solutions retenues n'est pas achevée, mais elle se poursuit sans
à-coups particuliers. M. Hubert Védrine a d'ailleurs utilisé la dynamique créée
par notre réforme pour lancer la fusion des corps de chancellerie et
d'administration centrale dans des corps unique plus souples et mieux adaptés
aux besoins de l'administration comme aux aspirations des agents. Après la
fusion des corps de la catégorie A, désormais acquise, nous allons réaliser
celle des autres catégories de personnel.
Deuxième temps fort, le CICID s'est réuni et a fixé les contours de la zone de
solidarité prioritaire. Ce faisant, il arrêtait les conditions d'intervention
de nos instruments de coopération. Nous avons donc lancé les procédures de
révision des textes correspondants, cela vaut pour le statut de l'AFD et le
décret sur le FAC, qui deviendra le fonds de solidarité prioritaire, en
cohérence avec la zone de solidarité prioritaire, au 1er janvier prochain. Il
faudra s'adapter à ce nouveau sigle. La discussion n'est pas achevée. En plein
accord, sur le fond, avec M. Charasse, je souhaite que les parlementaires
continuent de jouer le rôle qui a été le leur depuis 1959 dans le nouveau
dispositif. Il reste à nous entendre sur les modalités de ce système original
de contrôle parlementaire. Je n'anticiperai pas sur la suite des débats.
La ZSP comporte cinquante-huit pays, parmi lesquels figurent la
quasi-intégralité des pays africains - je le précise à l'intention de ceux qui
craignaient que la réforme n'affaiblisse notre sollicitude et notre volonté de
coopérer avec les pays africains - comme le Maghreb, la Palestine, le Liban,
plusieurs pays d'Asie du Sud-Est et ceux qui environnent nos départements et
territoires d'outre-mer ; tous sont potentiellement bénéficiaires de notre
aide, sous réserve de la qualité des projets que nous définissons ensemble.
Chaque année, le CICID redéfinira la liste des pays de la ZSP, en fonction
d'un certain nombre de critères parmi lesquels le respect des droits de l'homme
et des principes démocratiques, la bonne gestion des affaires publiques et la
lutte contre la corruption. J'insiste sur cette dernière parce qu'elle fait
l'objet d'un ciblage particulier, notamment dans le cadre de la renégociation
des accords de Lomé.
Plusieurs d'entre vous me demandent comment nous assurons la compatibilité
entre une zone d'intervention plus large que l'ancien champ et le maintien en
masse de nos crédits d'aide projet. Ma réponse est triple : d'abord une plus
grande sélectivité des projets au regard de leur efficacité et de l'implication
effective de nos partenaires, ensuite le basculement d'une partie des projets
sur les crédits mis en oeuvre par l'AFD pour les opérations d'infrastructures
de santé et d'éducation et la mise en oeuvre d'un supplément de crédits qui
correspond à vos voeux. Vous aurez apprécié comme moi l'augmentation des
autorisations de programmes du titre VI de 350 millions de francs, dont 210
millions de francs au titre du FAC et 140 millions de francs au titre de
l'AFD.
Depuis le début de l'année, nous avons redéployé des personnels au profit des
nouveaux pays de la ZSP et, dès cet automne, les premiers projets hors de
l'ex-champ ont pu être négociés avec ces pays et seront décidés en comité
directeur du FAC la semaine prochaine, pour le Vietnam, le Liban, Cuba, le
Ghana, par exemple.
J'ajoute que ces mouvements de personnels - ce sont 1000 personnes qui ont été
déplacées dans le cadre de la réforme, ce qui est considérable ! - avaient
aussi pour objectif de mêler les cultures des anciens de la « coopération » et
des anciens de la « DG ». Ainsi, la coopération internationale que nous
proposons à nos partenaires, développés ou moins développés, s'en trouve
modernisée, plus adaptée à des réalités qui, elles aussi, ont changé, au Nord
comme au Sud.
Je vous concède, madame Brisepierre, que ce métissage n'est pas homogène sur
l'ensemble de notre dispositif, que notre objectif ne sera pas atteint avant
quelques années, qu'il y a encore ici ou là des problèmes de comportement des
uns vis-à-vis des autres, ce qui explique parfois le malaise ou le mal-être
observé dans certains postes ; nous y veillons.
La nouvelle mécanique de la coopération est en tout cas lancée et je pense
qu'après quelques mois d'adaptation elle va fonctionner ; elle fonctionne déjà,
je crois, efficacement.
Ainsi que l'a indiqué M. Hubert Védrine, le budget des affaires étrangères
pour l'an 2000 rompt avec la décroissance régulière des budgets précédents. Il
est vrai qu'il ne s'agit pas d'un budget prioritaire, mais il faudrait remonter
très loin pour en trouver un. Bien qu'ayant été parlementaire pendant
vingt-sept ans, je ne crois pas me souvenir d'avoir jamais vu, au cours de
cette période, un budget des affaires étrangères reconnu comme étant un budget
prioritaire. On a dit tout à l'heure qu'il fallait remonter à Michel Debré !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A Talleyrand !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
En tout cas, les choses commencent à changer. Mais il
est évident que ce n'est pas seulement le budget 2000 qui pourra faire la
preuve de cette inflexion ; ce sont également les budgets suivants, en
particulier le budget 2001 et je vous donne déjà rendez-vous, parce que nous ne
serons pas de trop pour parvenir à un budget satisfaisant !
Les crédits de la DGCID progressent de 0,1 %, passant de 9,232 milliards de
francs à 9,240 milliards de francs. C'est peu, mais c'est complètement
nouveau.
Bien entendu, cette évolution n'est pas générale et ne porte pas sur toutes
les catégories de crédits de coopération. Dans cette arithmétique de hausses et
de baisses, nous avons profité d'économies acceptables pour financer nos
besoins et nos priorités.
Je pense aux crédits d'ajustement structurel, dont la consommation a encore
chuté en 1999 et qui deviendront, j'en accepte l'augure, inutiles dès lors que
les annulations de dettes des pays pauvres très endettés décidées par le G7
auront produit leurs effets. J'ajoute, à cet égard, que cette mesure libérera
des marges de manoeuvre sur les budgets des pays correspondants, qui pourront
être utilisées sur des projets de coopération. La lutte contre la pauvreté et
le renforcement de l'Etat de droit en seront les principaux bénéficiaires. Or
c'est dans ces domaines que nous avons un savoir-faire reconnu.
Au sujet de cette baisse constatée et regrettée, il faut tout de même rappeler
qu'elle s'explique parfois parce que la situation financière de certains pays
africains s'est améliorée ; que d'autres bailleurs, le FMI par exemple, ont pu
les aider, ce qui diminue notre part dans l'appui reconnu à ces pays ; que
malheureusement aussi des conflits dans certains de ces pays n'ont pas permis
le développement normal de programmes d'appui entraînant la sous-consommation
d'un certain nombre de crédits.
Mais c'est surtout la quasi-disparition des protocoles financiers, passant de
15 milliards de francs à 1,6 milliard de francs en quelques années, qui
explique très largement la baisse observée par plusieurs d'entre vous. Cela
signifie, c'est vrai, qu'on aide moins nos entreprises à exporter, qu'elles
sont plus compétitives et que les marchés financiers internationaux sont aussi
preneurs de leurs opérations.
L'assistance technique figure au nombre de vos préoccupations et des nôtres
aussi. Elle libère encore des crédits cette année. Parallèlement, les dotations
correspondantes gagnent en flexibilité, ce qui devrait permettre de recourir à
une expertise différente, intervenant dans des conditions de délai différentes,
sur des programmes et avec des objectifs parfois plus serrés.
Le travail confié à Jean Némo à ce sujet entre dans la phase d'élaboration des
recommandations. M. Hubert Védrine et moi-même en tirerons les conséquences au
début de l'année prochaine, et nous aurons certainement l'occasion, si vous le
souhaitez, d'en parler. C'est une question capitale, mais la question se pose
de savoir jusqu'où aller trop loin dans la déflation. C'est presque, en dessous
d'un seuil, un problème de visibilité.
La question de l'abandon systématique de la substitution est aussi posée. Nous
pouvons nous interroger notamment sur le point de savoir si, en matière
d'enseignement supérieur, la présence d'enseignants français ne serait pas
parfois, ici ou là, utile. La question, là aussi, mérite d'être évoquée.
Ce budget, en tout cas, permet d'assurer les priorités qui ont été fixées
aussi bien en matière de coopération-développement qu'en matière de coopération
culturelle. Hubert Védrine a cité les principales mesures nouvelles. Je n'en
citerai pas d'autres car le temps me manque. Je rappellerai simplement notre
volonté de développer notre capacité d'influence extérieure, d'identifier et de
fidéliser les élites chez nos partenaires, et de confirmer notre position en
matière de coopération au développement.
Nous cherchons à développer notre influence par une meilleure présence sur les
plans médiatique, diplomatique et géographique.
Une meilleure présence médiatique passe par l'audiovisuel extérieur, dont Mme
Pourtaud nous a entretenus. Les crédits qui y sont consacrés seront augmentés
de 25 millions de francs, conformément à notre engagement de réaliser le plan
TV5, conduit par le président Stock. J'apprécie d'ailleurs les compliments que
vous avez exprimés à son intention et à celle de son équipe.
Il est vrai que Jean Stock n'est pas responsable de l'ensemble de la
constellation TV5. Il y a également TV5 Canada-Québec : c'est un attelage à
double commande, Canada et Québec, qui vient de renouveler sa direction,
puisqu'un nouveau président vient d'être désigné.
Le contact est établi avec Jean Stock ; espérons que le dialogue sera fécond
pour donner au signal émis sur le continent américain une meilleure
attractivité !
De toute évidence, le succès n'est au rendez-vous ni aux Etats-Unis ni - et
c'est plus préoccupant pour nous - en Amérique latine, où pourtant une demande
de télévision en français existe. Il faut donc que le signal que nous émettons
là-bas soit de qualité, c'est une de nos préoccupations.
La réflexion est engagée, nous en reparlerons certainement dans le courant de
l'année prochaine. S'il apparaissait que les efforts entrepris n'atteignaient
pas l'objectif poursuivi, il faudrait se reposer la question de savoir si c'est
une chaîne française extérieure qu'il y aurait lieu de promouvoir à nouveau.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Notre influence passe aussi par une meilleure présence
dans les institutions multilatérales.
Nous augmentons le volume de nos contributions volontaires aux organisations
internationales, certains d'entre vous l'on rappelé. Nous tirons là profit du
travail qu'avait fait votre collègue député Yves Tavernier, mais aussi des
appels que vous nous avez lancés depuis plusieurs années.
Nous aidons nos partenaires en développement à accroître aussi leur présence
dans ces enceintes. Nous avons abondé les fonds créés à cet effet à l'OMC.
A ce sujet, je dirai que, si l'échec de Seattle n'est pas seulement imputable
au défaut d'implication des pays en développement à la préparation du sommet,
cette circonstance y a certainement contribué pour beaucoup, et je crois que
nous devrons les aider dans l'avenir à mieux s'impliquer dans les organismes où
le sort commun est décidé.
Au-delà, je vois évidemment une raison supplémentaire d'aider nos partenaires,
c'est de constituer avec eux des groupes de pression influents.
La francophonie, d'ailleurs, est utilisée chaque fois que faire se peut pour
essayer de forger à l'avance des positions communes dans ces rendez-vous. La
conférence économiques de Monaco sur ce sujet en avait établi le principe.
La préparation du sommet de Moncton a été assez exemplaire. Elle s'est faite
sur des bases raisonnables et avec une volonté partagée de rendre plus
efficaces les instruments dont nous l'avions dotée. Je fais là référence aux
audits et aux évaluations que la France a réclamés avec insistance et qui ont
conduit à un certain nombre de décisions qui devraient être positives. Je pense
en particulier à l'agence universitaire de la francophonie. Nous sommes en tout
cas parvenus à construire un nouveau programme ambitieux, à moyens constants,
pour le prochain
biennum
. L'exercice mérite aussi d'être souligné et je
pense que cette réussite est porteuse d'avenir pour notre langue et notre
culture.
La deuxième idée force, vous en avez beaucoup parlé les uns et les autres pour
dénoncer sa mise en oeuvre insuffisante et le manque de moyens qui y sont
affectés, c'est d'identifier et de fidéliser les élites futures chez nos
partenaires. C'est toute la question de l'accueil en France des étudiants
étrangers. M. Hubert Védrine y a fait allusion. Il a rappelé le montant des
mesures prises au profit d'EduFrance et des bourses d'excellence du programme
Eiffel. Les orientations déterminées l'an dernier sont confirmées, les moyens
consacrés augmentés, et c'est bien toute notre politique d'accueil des
étudiants qui est renforcée et rendue plus attrayante pour les candidats
potentiels.
Je n'en dis pas davantage, mais je suis bien d'accord avec vous pour
considérer que la question des visas appelle des traitements plus positifs,
même si des progrès ont été réalisés et même s'il arrive que nous soyons un peu
hésitants à accorder des visas pour des premiers cycles, ce qui revient à
condamner l'enseignement supérieur dans les pays d'où proviennent ces
étudiants. C'est une question à laquelle je vous rends attentifs, elle est tout
de même préoccupante.
Je sais que la concurrence américaine, nord-américaine en particulier, est
forte et qu'il y a un tropisme qui n'affecte pas seulement les étudiants
africains. Les étudiants européens n'y échappent pas complètement.
Mais, sur ce sujet, je voudrais que l'on sache aussi raison garder et que l'on
conserve présentes à l'esprit un certain nombre de réalités comme le fait que
la France demeure, et de très loin, le pays d'accueil des étudiants
africains.
Il faut donc, en effet, que nous nous donnions les moyens, non seulement de
recevoir ces étudiants, mais de les accueillir vraiment dans un environnement
qui fasse la place aussi bien au logement qu'à l'insertion sociale.
J'en viens à notre volonté de confirmer la place de la France dans l'aide
publique au développement.
Nos crédits APD sont globalement préservés dans le budget pour 2000. Les
dotations en autorisations de programmes du fonds de solidarité prioritaire et
des dons-projets mis en oeuvre par l'agence française de développement sont
reconduites à 2,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances qui
vous a été proposé, avec des crédits de paiement qui progressent de 5 %. Si
vous acceptez de voter les amendements du Gouvernement, l'augmentation sera
encore plus significative.
Nous avons, en réalité, repensé profondément l'utilisation de tous nos
instruments, notamment pour assurer l'élargissement du champ de la ZSP. Dès à
présent, des pays qui n'étaient pas dans le champ sont éligibles au FAC ; je
pense aussi bien aux pays du Maghreb que du Mashreck ou d'Asie du Sud-Est, qui
ne bénéficiaient auparavant que des crédits du titre IV.
Pour 2000, nous allons modifier nos procédures de programmation en instituant
des « réserves régionales » de crédits aux côtés des classiques enveloppes
indicatives par pays. Nous nous donnerons ainsi, à la fois, une plus grande
souplesse et des moyens plus visibles pour conduire des projets régionaux, en
particulier sur des régions où une nouvelle coopération est à construire. Cela
vaut d'ailleurs aussi bien dans la ZSP, pour le fonds de solidarité
prioritaire, que dans les pays d'Europe de l'Est, pour les projets financés par
le COCOP.
Ce projet de budget devrait nous permettre d'inverser une tendance lourde. Les
chiffres représentatifs de notre effort d'aide publique au développement, au
sens du comité d'aide au développement de l'OCDE, viennent de sortir pour 1998.
Certes, la France conserve son rang de premier bailleur bilatéral du comité
d'aide au développement en proportion de son produit intérieur brut, mais cela
à 0,40 % et nous ne sommes plus qu'à la troisième place en volume net. La
baisse n'est pas encore stoppée. Elle devrait l'être en 2000, par la
conjonction de la stabilité de nos crédits et de la mise en oeuvre des mesures
d'annulation de dettes décidées à Cologne par le G7.
Nombre d'entre vous se sont interrogés sur le processus d'annulation de la
dette. Je les renvoie à l'actualité. Des contributions bilatérales permettront
le bouclage du financement de cette initiative d'aide. Les ventes d'or, selon
la procédure très spécifique décidée par le Fonds monétaire international,
commencent ou sont en cours. Tout le monde est bien convenu que les marges de
manoeuvre dégagées par ces annulations de dettes doivent être utilisées en
priorité à la lutte contre la pauvreté.
Nous sommes aussi convaincus que, si l'aide publique au développement n'est
pas maintenue, les pays concernés, même si on les aide à résorber leur dette,
ne pourront, à eux seuls, conduire les projets de développement nécessaire.
Dans le même temps que la dette s'annule, l'aide publique doit continuer à être
au rendez-vous de la solidarité.
J'ai parlé de manière implicite de la coopération que l'on qualifie de « hors
l'Etat ». Elle est au coeur de nouvelles dynamiques.
Plusieurs d'entre vous y ont fait allusion pour soutenir la volonté que nous
avons mise en oeuvre de développer cette coopération qui implique, au-delà des
collectivités locales, les populations. C'est en cela que cette coopération est
également riche, car elle nous aide à modifier le regard que les Françaises et
les Français, en particulier les plus jeunes, portent sur ces pays lointains.
Cela me paraît tout à fait essentiel.
En tout cas, les collectivités françaises, pour leur part, manifestent leur
intérêt. Elles ont participé très activement à un certain nombre de rencontres
organisées par pays : le Vietnam à Poitiers, le Mali à Angers, le Niger à
Juvisy et à Saint-Brieuc, les Caraïbes en Haïti, la Côte d'Ivoire à Abidjan,
les pays de l'océan Indien à Tananarive et le Burkina-Faso à Rouen.
Un peu comme point d'orgue de toute cette réflexion engagée, ont eu lieu les
rencontres nationales de la coopération décentralisée, qui ont été un grand
succès.
Je ne saurais terminé ce point sans mentionner, même s'il ne se traduit pas
par une dotation budgétaire spécifique en l'an 2000, l'espoir que je place dans
le dispositif du volontariat civil, que vous avez examiné en octobre dernier.
C'est, si vous m'autorisez l'expression, une de mes grandes entreprises. C'est
notre réponse à la fin de la conscription en coopération. L'enjeu est de
taille. Plusieurs d'entre vous l'ont souligné. Cela a été le cas de M.
Durand-Chastel et évidemment de M. Del Picchia puisqu'il a été le rapporteur de
ce projet de loi.
L'enjeu est de taille pour le réseau des établissements scolaires à
l'étranger, pour nos établissements culturels, pour nos entreprises, pour nos
organisations non gouvernementales, et, évidemment, pour nos pays partenaires,
qui demeurent « en attente de France ». C'est aussi une réponse à l'aspiration
citoyenne et solidaire de nombreux jeunes gens et jeunes filles qui souhaitent
mettre leurs compétences et leur enthousiasme au service de l'intérêt
général.
S'agissant du calendrier, c'est normalement le 20 janvier que l'Assemblée
nationale examinera le texte en première lecture, qui pourrait revenir devant
le Sénat le 9 février. Par conséquent, le souhait que plusieurs d'entre vous
avaient exprimé de faire vite car le temps presse devrait être satisfait.
Le budget des affaires étrangères peut être considéré, globalement, comme un
bon budget, compte tenu des contraintes budgétaires que nous avons par
ailleurs. En tout cas, il traduit une claire détermination à inverser une
tendance que vous aviez, à juste titre, dénoncée. Les choix politiques que M.
Hubert Védrine et moi-même vous avons exposés seront mis en oeuvre avec
détermination et avec des moyens que nous considérons comme adaptés. C'est pour
ces raisons, bien sûr, que nous vous demandons de voter ce budget. Au
demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez déjà indiqué votre
intention, et je vous en remercie.
Monsieur le président, je ne pourrai pas répondre à toutes les questions qui
ont été posées. Mais M. Hubert Védrine et moi-même adresserons par écrit aux
inéressés les réponses aux questions qui n'ont pas été abordées et notre
sentiment sur les propositions donnerons souvent très constructives que
plusieurs d'entre vous ont présentées.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bien !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
J'ajouterai simplement que, s'agissant de l'actualité,
on a peu parlé de l'humanitaire.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Les crédits augmentent !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Pourtant, l'année 1999 aura, hélas !, été féconde en
événements nous ayant amenés à intervenir au Kosovo, en Turquie, en Grèce et au
Timor, sans parler des suites du cyclone Mitch, puisque l'humanitaire
s'applique aussi aux catastrophes naturelles.
Le fonds d'urgence humanitaire a été abondé en conséquence en cours d'année.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, il est en augmentation de 10,5 %.
Si la situation humanitaire l'exigeait, le fonds serait abondé en loi de
finances rectificative.
Il y a eu le Kosovo, certes, mais il y a eu aussi Brazzaville, le Soudan, la
Sierra Leone et quelques autres pays où nous avons continué à exercer notre
solidarité. Je dis cela pour réfuter le jugement parfois un peu brutal selon
lequel le Kosovo aurait fait oublier le reste, en clair aurait fait oublier
l'Afrique. C'est faux : nous nous en préoccupons car nous savons que la
situation des réfugiés y reste encore très préoccupante.
S'agissant de l'enseignement, vous avez évoqué la question du dialogue avec le
ministère de l'éducation nationale. Le dialogue continue !
M. Pierre Biarnès.
Mais un seul parle !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
J'observe d'ailleurs que vous aurez été probablement le
censeur le plus sévère ce soir.
M. Pierre Biarnès.
Qui aime bien châtie bien !
(Rires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'est ainsi que je l'ai compris ! Je veux croire que
c'est la seule raison.
Mais, s'agissant de la réflexion que nous conduisons dans les services de la
coopération et de la francophonie, nous pensons, comme beaucoup d'entre vous,
que la seule manière d'obtenir des moyens à la hauteur de nos ambitions c'est
bien que le grand partenaire qu'est le ministère de l'éducation nationale
s'implique davantage : c'est de cela que nous parlons avec Claude Allègre !
J'espère que nos efforts convergents produiront, là aussi, des résultats. En
tout cas, le ministère des affaires étrangères y est très attentif, car nous
savons bien que de nombreuses familles françaises vivant à l'étranger ne sont
plus en situation de scolariser leur enfant, surtout lorsqu'il y a deux ou
trois enfants.
La maîtrise des frais d'écolage fait l'objet d'un suivi par l'AEFE. La
question des droits d'écolage se pose également lorsqu'il s'agit d'ouvrir ces
établissements aux élèves non français. En effet, même si les frais d'écolage
sont très élevés, souvent, ceux des établissements français le sont beaucoup
moins que ceux d'établissements étrangers comparables.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est exact !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Il faut prendre en compte ces réalités.
Une question a été posée sur l'inventaire de notre patrimoine. Un tableau
général des propriétés existe à l'étranger, le TGPE. Ce tableau dresse un
inventaire réglementaire établi sous la responsabilité de la Direction générale
des impôts, conformément aux dispositions fixées par le code des domaines de
l'Etat.
Je rappellerai l'état des lieux : notre parc immobilier compte, en propriété,
524 435 mètres carrés et, en location, 174 275 mètres carrés.
Le
leasing -
je crois que c'est M. Charasse, alors ministre du budget, qui
se trouve à l'origine de cette autre manière de disposer des biens
(M.
Charasse, rapporteur spécial, fait un signe d'assentiment)
- peut, en
effet, dans certains cas, être la meilleure solution. Nous n'y sommes pas
opposés.
Le service des visas a également été l'objet de nombreuses questions. Je
rappellerai simplement que le fonds de concours assis sur les droits de
chancellerie rapporte une centaine de millions de francs par an au ministère
des affaires étrangères. Ce fonds de concours avait été porté, de 1997 à juin
2000, à 30 % des droits de chancellerie. Le ministère demande sa reconduction
et l'augmentation à 100 % du montant des droits, afin de disposer de crédits
supplémentaires pour poursuivre les travaux de modernisation qui ont été
entrepris, mais qui restent encore très insuffisants.
Pour ce qui est des personnels, nous avons mis un terme au développement du
recours aux recrutements locaux, ce qui a été demandé par plusieurs d'entre
vous. Nous sommes en effet convaincus que c'est la bonne manière de traiter les
demandes de visa avec tout le sérieux et l'humanité nécessaires. Nous avonc
donc choisi d'assurer l'encadrement des équipes consulaires par des agents
titulaires. Nous voulons y affecter une part importante des emplois qui ont été
obtenus en LFI 2000 ; les chiffres vous ont déjà été fournis.
Le nombre des visas délivrés aux étudiants en 1999 a été augmenté de 30 % par
rapport à 1998. Cette progression atteint 36 % pour l'Afrique francophone au
sud du Sahara et 43 % pour le Maghreb. Le chiffre global de 30 % est donc plus
important pour les régions précitées, ce qui répond à vos préoccupations.
Je répondrai par écrit à plusieurs questions particulières. Je dispose des
éléments nécessaires pour le faire, y compris à propos des implantations de la
délégation française à Tallin dont nous a parlé M. Pelletier.
En ce qui concerne le Kosovo, je vous ferai simplement observer, madame
Bidard-Reydet, qu'après les mobilisations des crédits humanitaires en 1999, ce
sont la reconstruction et le développement qui retiennent notre attention.
N'oublions pas non plus le Monténégro, qui se trouve dans une situation
extrêmement préoccupante, tout comme l'Albanie et la Macédoine qui comptent sur
nous. Nous voudrions surtout éviter que les mêmes causes ne produisent les
mêmes effets. En Bosnie, l'Europe avait payé un lourd tribut, sans avoir été
impliquée dans le développement et la reconstruction.
M. Goulet a évoqué un certain nombre d'entreprises qui ne sont pas satisfaites
de ne pas avoir pu voir aboutir leurs projets au Kosovo. Je les invite à se
mettre en rapport avec M. Fauroux ; il est là pour cela !
S'agissant du pont de Pec que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est un
Français qui y joue le rôle de préfet, M. Le Roy ; il s'agit d'une personne de
grande qualité. Peut-être pourriez-vous étudier cette question avec lui aussi.
En tout cas, je vous rappelle que 1 milliard d'euros est prévu pour la
reconstruction du Kosovo. Sur ce milliard d'euros, la part de la France
représente 17 %.
(M. Pierre Biarnès s'exclame.)
S'agissant des recrutés locaux, vous avez fait allusion à l'audit réalisé par
l'ambassadeur Patrick Amiot qui vaut plan d'action pour la revalorisation et la
modernisation de la gestion des recrutés locaux. Ce plan d'action a été adressé
à l'ensemble des postes en vue d'une concertation sur le terrain. Mais il fait
également l'objet d'une concertation avec les autres administrations
françaises, afin d'éviter les disparités que vous dénonciez tout à l'heure.
Je vous rappelle que nous avons choisi de confier les emplois les plus
sensibles à des agents titulaires, le recrutement local étant progressivement
réorienté, dans les années à venir, vers les pays de la zone OCDE, où le
problème des visas est moins sensible.
Nous oeuvrons aussi pour l'harmonisation des rémunérations des personnels qui
servent au sein des postes d'expansion économique et des postes diplomatiques
français.
M. Cantegrit a évoqué la situation des sociétés françaises de bienfaisance. Je
comprends que les contrôles dont elles sont l'objet provoquent quelques
irritations ici et là. Nous subventionnons cent cinq sociétés françaises de
bienfaisance et il n'est pas anormal que le ministère des affaires étrangères
sollicite des documents relatifs à la comptabilité de ces associations, ne
serait-ce que pour apprécier le bien-fondé des demandes d'argent public
qu'elles nous présentent. On ne comprendrait pas que nous refusions de leur
appliquer les règles auxquelles sont soumises les associations en France.
Peut-être faut-il conduire ces contrôles avec plus de diplomatie. Je veux bien
faire passer ce message.
S'agissant de la couverture des dépenses médicales, notre dispositif d'aide
sociale à l'étranger prévoit que des secours occasionnels peuvent être
attribués : 3,2 millions de francs ont été accordés à ce titre en 1998, dont 80
% sont consacrés à la couverture des dépenses de santé de Français le plus
souvent allocataires des comités consulaires pour la protection et l'action
sociale. Par conséquent, il existe des possibilités d'aide complémentaire.
Les moyens budgétaires sont-ils suffisants pour répondre aux demandes ?
M. Pierre Biarnès.
Non !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je suis prêt à en convenir, mais c'est un combat que
nous continuons de mener et je crois que des progrès ont été réalisés à cet
égard.
S'agissant des handicapés, je rappellerai que l'aide dispensée à l'étranger
tient compte de la gravité de l'état de l'enfant, puisqu'elle peut atteindre
800 francs par mois. D'ailleurs, le taux de l'allocation pour enfant handicapé
a été relevé dans quarante-deux circonscriptions consulaires depuis le 24
février 1999, à la suite de l'avis rendu par la commission permanente, ce qui
signifie que les instructions d'application ont été assouplies.
Si on veut mettre en place un dispositif allant au-delà des instructions
actuellement applicables, cela exigerait une nouvelle consultation de la
commission permanente pour la protection sociale des Français à l'étranger.
M. Ferrand a posé la question des retraites. Je lui dirai simplement que nous
avons noué des relations sur ce sujet avec le Gabon. Une nouvelle rencontre est
prévue en février 2000, donc très prochainement, afin de faire le point sur les
dossiers litigieux, que la caisse nationale doit étudier.
S'agissant du Congo et du Cameroun, la mission d'enquête doit démarrer très
prochainement. La lettre de mission est prête ; le cabinet des affaires
sociales a donné son accord. Nous attendons la réponse de Bercy. Mais les
inspecteurs ont été désignés par les deux autres ministères. Nous sommes donc
prêts à travailler dès que le feu vert du ministère des finances nous
parviendra. Bien évidemment, nous vous tiendrons informés des résultats de
cette mission.
M. Neuwirth a parlé du dossier qui lui tient à coeur, la population. Je crois
pouvoir le rassurer : parmi les critères qui sont pris en considération en
matière de lutte contre la pauvreté figure, bien entendu, celui de la
population.
M. Xavier de Villepin m'autorisera peut-être à ne pas développer ici les
éléments de réponse à la question qu'il a posée sur l'Europe de la défense.
(M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères,
fait un signe d'assentiment.)
Je pourrais évoquer le comité politique et de
sécurité, le comité militaire et l'état-major, qui sont les nouveaux organes
politiques et militaires, mais, compte tenu du temps de parole dont je dispose,
je ne peux que les citer.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ne les réveillons pas !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Là aussi, une réponse écrite complète pourra vous être
adressée. Pour ce qui est des contributions volontaires, je souhaite vous
rendre attentifs au fait que nous sommes le quatrième contributeur obligatoire
aux Nations unies. Cependant, la plupart de nos partenaires amalgament leur
effort volontaire et leur contribution obligatoire. Comme nos contributions
volontaires sont beaucoup moins élevées, si l'on prend tout en compte, nous
reculons de manière très sensible. Nous ne pourrons donc que nous féliciter
d'avoir pu, cette année, augmenter nos contributions volontaires.
Je dois rappeler les actions que nous menons, avec un certain nombre d'agences
des Nations unies, dans le cadre d'une coopération bimultilatérale qui nous
permet, avec les mêmes moyens, de mieux cibler les actions que nous conduisons.
C'est vrai du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, mais
c'est vrai aussi du fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP. Notre
contribution au PNUD augmente de 25 % pour l'an 2000, ce qui est tout à fait
important !
Monsieur Hoeffel, je partage votre conviction, la relation franco-allemande
est solide et pérenne, et la fermeture des consulats, que vous regrettez, ce
que je peux comprendre, ne devrait pas remettre en cause cet axe qui garde, à
mon avis, toute sa pertinence.
Il faut, c'est vrai, que nous soyons capables d'échanges linguistiques et, si
les Allemands se soucient de la baisse en France du nombre d'élèves apprenant
l'allemand, il nous faut aussi nous inquiéter du phénomène symétrique.
Je veux simplement dire que les diplomates qui veulent apprendre des langues
plus « étrangères » ou plus étranges ne sont désormais autorisés à le faire que
s'ils connaissent déjà non seulement l'anglais mais aussi l'allemand. Nous
considérons donc que l'allemand est une langue de base pour nos diplomates.
Je remercie M. de Montesquiou d'avoir rappelé que la carte de nos consulats
doit s'apprécier aussi en tenant compte de la réalité européenne.
En matière de coopération diplomatique dans ce domaine, je répondrai que c'est
nous qui mettons, par exemple, à la disposition du chargé d'affaires allemand
des bureaux au Cap-Vert. Nous avons des installations communes au Kazakhstan
et, par ailleurs, à Banja Luka. Les restrictions budgétaires en Allemagne
compromettent malheureusement les deux projets immobiliers communs que nous
avons à Praia, au Cap-Vert, et à Chisinãu, en Moldavie.
Ce sont ces mêmes restrictions budgétaires qui vont d'ailleurs entraîner la
fermeture d'une vingtaine de représentations consulaires et diplomatiques
allemandes, mais cela créera peut-être aussi de nouvelles opportunités de
coopération. Comme nous le disons parfois, d'un mal il peut parfois sortir un
bien, notamment en termes de coopération.
Cette politique est donc engagée et nous avons l'intention de la
poursuivre.
J'en arrive à la question de la présidence européenne. Nous avons un budget
prévisionnel de 100 millions de francs destiné à financer quatre priorités,
notamment préparer l'avenir de l'Union dans une Europe élargie.
Nous n'avons guère le temps de débattre, à cette heure, de l'élargissement,
mais je signale qu'entre les diplomates qui mettent en avant les préoccupations
de sécurité et ceux qui, soucieux d'économie et de social, mettent en avant les
préoccupations de cohérence et de cohésion, il peut y avoir une différence
d'approche. Si on considère l'Europe comme une communauté globale, intégrant
l'économique comme le social, l'élargissement soulève nombre de questions qu'il
faut avoir présentes à l'esprit.
Vous savez aussi l'importance que revêt pour nous le sommet Euro-méditerranée,
qui sera certainement l'un des temps forts de la présidence française. J'ai
rencontré mon homologue espagnol, hier à Bruxelles, et nous avons évoqué les
dossiers de la présidence portugaise, car certains se prolongeront sous la
présidence française.
J'en viens aux accords de Lomé. C'est tard dans la nuit, et même ce matin, que
les discussions ont été interrompues à Bruxelles ; elles avaient commencé
avant-hier, dans le cadre d'une conférence ministérielle Europe-ACP. Nous
pouvons très raisonnablement penser que l'essentiel est fait et que l'accord
sera signé en janvier, ou février au plus tard. Les aspects politiques et
institutionnels ont pratiquement tous fait l'objet d'un accord. C'est vrai pour
la question du dialogue politique, la fameuse question de la gouvernance, et
pour la lutte contre la corruption. Or c'était un élément tout à fait essentiel
pour nous.
Il reste, du point de vue politique et institutionnel, une question en suspens
sur la durée de la future convention, sur la durée de la période de transition
; les pays européens souhaiteraient quinze ans, les pays ACP trente ans. Je ne
doute pas que nous trouverons une solution, peut-être autour de vingt ans, ce
qui nous paraîtrait raisonnable.
En ce qui concerne les stratégies de développement et le secteur privé,
l'accord a été totalement obtenu. J'avais l'honneur de présider le groupe de
travail qui traitait de cette question, mais ce n'était pas la plus
délicate.
S'agissant du volet commercial, là aussi, c'est la presque totalité des points
qui a fait l'objet d'un accord,
ad referendum
, bien sûr, notamment le
cadre de la coopération commerciale. Nous avons obtenu, et je m'y suis employé
hier matin, que soit introduite une consultation avec la partie européenne
avant que les ACP qui ne sont pas au nombre des pays les moins avancés décident
de ne pas s'insérer dans un accord de partenariat économique régionalisé APER.
La thèse française a prévalu, qui consiste à faire de l'intégration économique
régionale le point de passage pour l'intégration dans l'économie mondiale. Nous
redoutions, en effet, qu'un certain nombre de pays n'essaient de se soustraire
à cette intégration économique régionale. Il fallait donc poser le principe
d'une consultation de l'Europe et des pays ACP sur ce point.
S'agissant du STABEX et du SYSMIN, que certains voulaient voir disparaître, un
accord que nous n'espérions plus a été obtenu hier.
Quant au neuvième fonds européen de développement, nous nous sommes mis
d'accord sur le volume de 13,8 milliards d'euros et nous avons accepté le
maintien des clés de contribution du huitième FED. La France, je vous y rends
attentifs, a accepté de continuer à contribuer à hauteur de 24,3 %, ce qui fait
d'elle le premier donateur du FED. Aussi, quand, sur le terrain, vous entendez
regretter la part insuffisante de la France et dans le même temps féliciter
l'Europe, n'hésitez pas à rappeler que, lorsque l'Europe intervient en Afrique,
la France participe pour presque 25 %.
Monsieur Penne, les résultats de la troisième conférence ministérielle nous
permettent d'être optimistes et d'envisager une issue proche de la négociation,
ce qui nous évitera le vide juridique que vous redoutiez.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
Bonne nouvelle !
M. Charles Josselin,
ministre délégué
J'en viens aux relations avec le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie. Le champ multilatéral est de plus
en plus essentiel en matière de coopération. Quand je dis multilatéral, ce
n'est pas seulement l'Europe, ce ne sont pas seulement les Nations unies, c'est
aussi le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Nous nous donnons
les moyens de dialoguer avec le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie afin que nos préoccupations, notamment en matière de coopération et
de développement, puissent être intégrées dans la position de l'administrateur
de la France au sein de ces institutions.
Je représente très souvent la France, par délégation du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, dans les réunions du comité de
développement de la Banque mondiale. Je crois pouvoir dire que le ministre des
affaires étrangères et de la coopération, nouvel ensemble, est aussi acteur de
la politique française au sein de ces instances financières et économiques,
dont vous savez évidemment comme moi l'importance. C'est là un point auquel je
tenais à vous rendre attentifs.
Les institutions que nous avons mises en place dans le cadre de la réforme, en
créant les lieux de l'interministérialité ou de l'arbitrage gouvernemental,
permettent au Premier ministre d'indiquer les orientations et les directions
que tous les ministères doivent évidemment suivre.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 86 450 797 francs. »