Séance du 10 décembre 1999






DOTATIONS DE L'ÉTAT
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

Adoption d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 56, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales. [rapport n° 110 (1999-2000) et avis n° 109 (1999-2000).]
J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a adopté le 5 novembre dernier le projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Le Gouvernement vous propose par ce texte de limiter l'impact négatif que le dernier recensement de population des mois de mars et d'avril derniers risquerait d'avoir sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales.
A législation constante en effet, les quelque deux millions d'habitants supplémentaires qu'il faudra intégrer dans la répartition de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, provoqueraient un brusque recul des dotations de solidarité urbaine et rurale. Ce recul est évalué entre 20 % et 25 % dès l'année 2000.
Chacun s'accorde à reconnaître qu'une telle perspective est inacceptable. Le Gouvernement refuse de laisser s'effondrer la péréquation financière entre les collectivités locales. Le droit constant, c'eût été de laisser la solidarité nationale ne jouer qu'en faveur des communes les plus riches ou les mieux portantes, qui sont, de ce fait, en état d'attirer des habitants supplémentaires.
Le Gouvernement vous propose donc de porter remède à cette situation que vous connaissez bien puisque, la semaine passée, vous avez adopté, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, les dispositions financières que vous jugez nécessaires pour limiter l'impact du recensement sur la DGF.
Ainsi, contre l'avis du Gouvernement, vous avez décidé de modifier l'indexation du contrat de croissance et de solidarité en portant la part du produit intérieur brut dans le calcul de cette indexation de 25 % à 50 % dès l'année 2000. De même, vous avez décidé d'affecter 450 millions de francs à la DSU, la dotation de solidarité urbaine, et à la DSR, la dotation de solidarité rurale, pour annuler l'impact d'un lissage sur deux années des effets du recensement. Au total, le Sénat a accru la facture à la charge de l'Etat en faveur des collectivités locales de 940 millions de francs. J'aimerais que ce chiffre restât gravé dans vos esprits !
Le Gouvernement a fait valoir en temps utile son point de vue sur le projet de budget voté par le Sénat. Je ne crois pas utile de m'y étendre plus avant. Je rappellerai simplement que l'Etat a consenti un effort supplémentaire très conséquent en faveur des collectivités locales dans le projet de budget adopté par l'Assemblée nationale. Ainsi, l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales doit augmenter de 2,4 milliards de francs en 2000. Toutefois, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont jugé important d'affecter un bonus supplémentaire de près de 2 milliards de francs aux collectivités locales en 2000 : la DSU augmentera à nouveau de 500 millions de francs soit, avec la consolidation de l'effort consenti cette année, une majoration d'un milliard de francs l'année prochaine. La dotation d'aménagement sera augmentée de 200 millions de francs tandis que 500 millions de francs seront réservés au financement des communautés d'agglomération.
Une somme de 250 millions de francs sera consacrée à modifier l'indexation de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, qui augmente ainsi de 2,05 % et non pas de 0,82 % comme c'eût été le cas si nous avions procédé à une indexation sur la DGF, après régularisation négative.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous êtes sur la bonne voie ! Continuez ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Enfin, le Gouvernement vous propose de régler la détérioration prévisible dès l'année prochaine des comptes de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.
L'Etat, vous le savez, réduira la surcompensation imposée à la caisse à hauteur d'un milliard de francs en 2000 et de 2 milliards de francs en 2001 tandis que les employeurs cotisant à cette caisse - les collectivités locales et les hôpitaux - devront acquitter une cotisation légèrement augmentée de 0,5 point en 2000 comme en 2001, soit un effort de 550 millions de francs pour les collectivités locales et de 450 millions de francs pour les hôpitaux.
S'agissant de la DGF, le Gouvernement a privilégié une approche tendant à augmenter les effets de la péréquation au détriment d'une croissance indifférenciée des ressources des collectivités locales. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter un lissage sur trois ans, à la hausse comme à la baisse, des effets du recensement général de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. Dans le même temps, afin de protéger les communes qui perdent de la population, le Gouvernement propose de maintenir pendant trois ans leur dotation forfaitaire au niveau atteint en 1999.
Tel est l'objet principal du projet de loi qui vous est soumis. Le Gouvernement a fait le choix de retenir une durée d'étalement légèrement plus importante que celle que préconisait le comité des finances locales, consulté au mois de juillet dernier. Il lui est apparu en effet préférable de demander des efforts financiers à des communes qui en ont les moyens plutôt qu'à celles qui, éligibles à la DSU ou à la DSR, bénéficient de ressources plus limitées et de charges plus élevées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les commissions des finances et des lois vous proposeront de modifier la durée du lissage envisagée par le Gouvernement. Ainsi, elles ont déposé des amendements tendant à ramener à deux années la période de transition au cours de laquelle les mouvements de population ne seraient pas totalement pris en compte dans les dotations.
Je ne vous cacherai pas, comme je l'avais indiqué à vos collègues députés le 5 novembre dernier, mon hostilité à l'égard de cette solution. Même si des ajustements sont possibles en faveur des communes dont les pertes démographiques sont très limitées - je suis d'ailleurs prêt à accepter un amendement dans ce sens - je considère la durée de lissage qui vous est proposée comme un juste équilibre entre la stabilité des ressources des collectivités locales et la capacité financière de l'Etat à soutenir la péréquation des dotations.
En effet, une durée de lissage plus réduite s'accompagnerait soit d'une diminution des dotations de solidarité urbaines et rurales, soit d'un accroissement des charges de l'Etat pour soutenir ces dotations. J'ai rappelé tout à l'heure ce que l'Etat faisait en faveur des collectivités locales. Le Gouvernement estime nécessaire de s'y tenir. Il faut savoir raison garder.
Le souci de préservation des équilibres financiers des collectivités locales comme des mécanismes de péréquation entre celles-ci a conduit le Gouvernement à proposer de corriger le potentiel fiscal retenu pour calculer le prélèvement effectué sur les communes contributrices au fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France. C'est dans le même esprit que l'Assemblée nationale a complété le projet du Gouvernement en intégrant dans le calcul du potentiel fiscal de l'ensemble des collectivités locales la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.
J'indique immédiatement que je proposerai au Sénat d'adopter un amendement qui permettra de renforcer le financement des services départementaux d'incendie et de secours, afin de leur permettre de financer plus aisément la mise à niveau des équipements nécessaires à l'application de la départementalisation de ces services. Le Gouvernement donne là le signe de sa détermination à trouver une solution au problème né à la suite de l'adoption d'une législation qui n'avait pas fait l'objet d'une étude financière sérieuse, contrairement au projet que je vous propose aujourd'hui d'adopter.
Je ne prétends pas, par cet amendement, régler toutes les questions en suspens concernant le monde des sapeurs-pompiers ; mais je vous propose, grâce à une démarche progressive, de répondre aux préoccupations légitimes des élus concernés. Cette réforme étant déjà appliquée pour plus des deux tiers, quelques tensions naissent du fait des écarts, des harmonisations, y compris au sein de chaque département ; tout cela est parfaitement normal. Il s'agit de trouver les mesures permettant d'aller plus loin et de réaliser cette réforme qui, au total, se traduira par un grand progrès dans l'organisation du service public de lutte contre l'incendie et de secours.
J'achèverai mon propos en réaffirmant la confiance que j'ai dans la sagesse des délibérations de la Haute Assemblée. Je sais que le Sénat sait faire prévaloir la défense de l'intérêt général sur les calculs politiques de court terme et qu'il pourra ainsi trouver avec l'Assemblée nationale un terrain d'entente en faveur des collectivités locales. C'est ce que je souhaite pour ma part. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc appelés à délibérer, cet après-midi, du « projet de loi relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales ». C'est là, monsieur le ministre, le titre initial du projet de loi.
Dès son dépôt, ce projet de loi comportait deux parties : une première partie ayant pour objet la prise en compte du résultat du recensement dans le calcul des divers concours que l'Etat apporte aux collectivités locales ; une seconde partie visant à corriger un certain nombre de dispositions, notamment en matière de potentiel fiscal, de la dotation globale de fonctionnement, dispositions qui sont nées de la réforme de la taxe professionnelle et qui peuvent soit gêner le bon fonctionnement du fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, soit perturber le jeu du potentiel fiscal.
Le Sénat a donc souhaité donner un peu plus d'ampleur à cette seconde partie du projet de loi, pour continuer le travail qu'il avait engagé sur la loi relative au développement de l'intercommunalité que vous nous aviez proposée ; nous serons donc amenés à proposer à la Haute Assemblée un certain nombre d'amendements ayant tous pour objet de permettre à la loi du 12 juillet 1999 de s'appliquer partout de la façon la plus positive, et visant donc à corriger, comme c'est bien normal pour un texte de cette importance, quelques petits détails ici ou là.
Je dirai tout d'abord quelques mots sur la première partie de ce texte, qui tend à la prise en compte des résultats du recensement.
La population est, en effet, l'un des critères essentiels que le Gouvernement utilise pour déterminer les soutiens financiers que l'Etat apporte aux collectivités locales, que ce soit, pour calculer le montant de la dotation globale de fonctionnement, pour répartir les dotations, notamment pour déterminer le potentiel fiscal, le revenu par habitant et l'effort fiscal d'une commune, ou que ce soit pour décider l'éligibilité à telle ou telle dotation, notamment aux deux dotations de solidarité contenues dans la DGF, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, qui sont directement liées au critère de population.
L'augmentation de la population conduit mécaniquement, en quelque sorte, à déséquilibrer la répartition interne de la dotation globale de fonctionnement, concours essentiel que l'Etat apporte aux collectivités locales.
Il faut rappeler que cette DGF est composée de deux dotations, la dotation forfaitaire et la dotation d'aménagement, qui comprend les dotations d'intercommunalité, la DSR et la DSU.
Pour 2000, il faudra prendre en compte, dans la population retenue pour calculer le montant de la DGF, ce que l'on appelle la « population DGF », soit 1,5 million d'habitants supplémentaires. Mais, si la totalité de ces habitants supplémentaires était prise en compte pour calculer la dotation forfaitaire, celle-ci augmenterait de 1,7 milliard de francs, alors que la DGF n'augmentera, l'année prochaine, que de 745 millions de francs.
Sur ce montant de 1,7 millliard de francs, 300 millions de francs relèvent de la progression mécanique de la DGF et 1,4 milliard de francs de l'accroissement du nombre d'habitants. Par conséquent, on voit bien que, si on laissait les choses en l'état, il manquerait un milliard de francs pour les dotations d'aménagement.
L'objectif du Gouvernement, à travers le présent projet de loi, est donc de freiner la progression de la dotation forfaitaire afin d'éviter une baisse des crédits de la dotation d'aménagement, notamment de ceux qui sont consacrés à la dotation de solidarité urbaine et à la dotation de solidarité rurale.
Le dispositif proposé par le Gouvernement est relativement simple.
S'agissant de la DGF, pour ne pas pénaliser les dotations de solidarité, le Gouvernement propose un dispositif à trois étages.
Premier étage, il est prévu, pour les communes dont la population augmente, que la prise en compte des nouveaux habitants sera lissée sur trois ans. Cela ramène l'augmentation de la dotation forfaitaire de 1,4 milliard de francs à 437 millions de francs.
Second étage, pour les communes dont la population baisse, le montant de la dotation forfaitaire perçue en 1999 est gelé à son niveau obtenu pendant trois ans. Cette mesure réduit le coût du recensement à 302 millions de francs.
Ces deux étages ne suffisant pas à préserver le montant de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale pour 2000, le Gouvernement a proposé - c'est le troisième étage - une inscription nouvelle de 200 millions de francs dans la loi de finances pour 2000 aux termes de l'article 34 de ce texte.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé à Strasbourg une dotation majorée de 500 millions de francs pour la DSU et, lors de la discussion du budget à l'Assemblée nationale, 150 millions de francs ont pu être dégagés pour la DSR, ce qui permet à ces deux dotations d'aménagement de progresser respectivement de 16 % et de 26 %.
On constate donc que le dispositif qui nous est transmis par l'Assemblée nationale permet aux dotations de solidarité de progresser, mais aboutit à verser aux communes des dotations forfaitaires inférieures à ce qu'elles auraient perçu si l'on avait appliqué le droit actuel.
Le Gouvernement propose, en outre, de lisser toutes les évolutions liées à la population sur la même durée de trois ans.
La commission des finances reconnaît, tout d'abord, la logique qui sous-tend le texte du Gouvernement. Il répond à la volonté de ne pas pénaliser les communes qui perçoivent la dotation de solidarité urbaine et celles qui perçoivent la dotation de solidarité rurale, c'est-à-dire celles qui ont le plus besoin des concours de l'Etat.
Toutefois, nous nous demandons s'il est bien logique de retarder, en l'étalant sur trois ans, la prise en compte de la population nouvelle. Certes, le recencement ne crée pas les habitants, il les révèle ; en même temps, il fait apparaître des besoins supplémentaires que les collectivités doivent satisfaire. C'est la raison pour laquelle il sera proposé un amendement tendant à ramener de trois ans à deux ans la prise en compte des résultats du recensement pour le calcul de la dotation forfaitaire.
Comme nous ne souhaitons pas que la dotation d'aménagement, qu'il s'agisse de la DSU ou de la DSR, diminue, nous avons été amenés à proposer, lors de l'examen du projet de loi de finances, un amendement tendant à augmenter de 250 millions de francs le montant de la majoration de la dotation d'aménagement de la DGF. C'est donc au devenir de cet amendement qu'est subordonné celui que je vous proposerai tout à l'heure. Sans cet amendement, en effet, la DSU et la DSR diminueraient.
Le Sénat souhaite que le cas des communes qui perdent très peu d'habitants fasse l'objet d'un examen particulier. Actuellement, la sanction est en effet la même, qu'une commune perde un habitant ou quelques centaines, voire quelques milliers. Nous serons donc amenés à vous proposer un amendement rendant proportionnelles les conséquences de la perte d'habitants, en accordant aux communes qui perdent peu d'habitants une augmentation de leur dotation forfaitaire résultant de l'application des textes en vigueur.
Nous proposerons enfin, pour parfaire le système, une neutralisation des conséquences négatives du passage à deux ans pour les communes qui pourraient perdre plus rapidement que ne le prévoyait le texte du Gouvernement leur éligibilité à la DSU ou à la DSR.
Telle est notre position sur la première partie de ce texte. Nous reconnaissons sa logique, le bien-fondé de l'idée qui consiste à privilégier les deux dotations d'aménagement, mais nous pensons que le Gouvernement peut aller plus loin et, par exemple, faire bénéficier les collectivités locales de la croissance des recettes de l'Etat : depuis quelques jours, il est difficile au Gouvernement de cacher l'afflux des recettes fiscales. ( M. le ministre fait un geste de dénégation. ) Nous proposons donc, monsieur le ministre, un bon emploi des recettes fiscales que le Gouvernement sera amené à constater dans les jours qui viennent.
Je voudrais maintenant revenir très rapidement sur la seconde partie de ce texte, qui vise à corriger des effets pervers ou néfastes de la réforme de la taxe professionnelle ou des imperfections contenues dans divers textes qui empêchent la loi du 12 juillet 1999 de produire tous ses effets et qui peuvent poser quelques problèmes pour sa mise en oeuvre.
Nous avons pris en compte les réalités du terrain et je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir permis que vos services répondent de façon précise et dans les délais les meilleurs aux questions parfois très complexes que nous avons pu leur poser.
Très naturellement, il s'agit de mesures qui n'ont pas l'allure d'un bel ensemble législatif, mais qui nous permettent de corriger un certain nombre de points.
Vous avez souhaité que nous corrigions les effets de la réforme de la taxe professionnelle, notamment de l'abandon de la part « salaires » dans les bases pour ce qui concerne le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, et le Sénat répondra favorablement à votre demande.
Nous vous proposerons par ailleurs un certain nombre d'autres mesures, notamment pour tenir compte des conséquences du calcul du potentiel fiscal pour la mise en oeuvre de la taxe professionnelle unique ainsi que des conséquences de la mise en oeuvre du regroupement intercommunal des grandes agglomérations.
Vous avez aussi souhaité, comme nous, que la catégorie des communautés urbaines constitue une catégorie relativement fermée, ouverte aux seules grandes agglomérations. Nous essaierons d'en tirer ensemble les conséquences au niveau des concours que l'Etat est amené à leur donner au travers de la DGF.
Enfin, nous avons vu avec intérêt, monsieur le ministre, le Gouvernement nous proposer l'utilisation de crédits non consommés depuis de nombreuses années sur la DGE des communes pour mieux utiliser ces crédits en les transférant dans une dotation qui pourrait constituer un utile complément aux dépenses que les services d'incendie et de secours, les SDIS, sont amenés à supporter dans tout notre pays. La situation étant particulièrement difficile à cet égard, l'amendement du Gouvernement a naturellement reçu un accueil favorable de la commission des finances.
La seconde partie de ce texte a donc pour objet de permettre la bonne application de textes antérieurs auxquels, vous comme nous, nous tenons particulièrement. A cet égard, nous rechercherons un accord avec nos homologues de l'Assemblée nationale pour que les collectivités locales de notre pays, communes et départements, puissent recevoir la DGF qu'elles attendent, une DGF calculée de la façon la plus juste possible et dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances et la commission des lois ont travaillé en étroite collaboration sur ce texte qui vient à son heure, même si cette heure est, au demeurant quelque peu ennuyeuse. En effet, nous sommes à la fin de la session parlementaire, à une époque très proche de la date d'enclenchement des mesures qui découlent du recensement. Mais, surtout, étant donné que les recensements sont rares dans notre pays, les phénomènes qui aboutissent à des constatations de variations importantes de population dans les communes ne se révèlent que relativement rarement. Du coup, les chocs sur les dotations de l'Etat sont importants, ce qui amène à les étaler. C'est tout de même un peu contradictoire par rapport à la réalité desdits phénomènes.
C'est pourquoi vos deux commissions ont essayé de raccourcir le délai qui leur était proposé, la commission des lois s'attardant plus particulièrement, de son côté, aux communes qui, n'ayant perdu qu'un seul habitant, seront aussi mal traitées que celles qui ont perdu 30 % de leur population.
Sur la forme, monsieur le ministre, la commission des lois ne peut pas laisser passer la nouvelle intrusion dans le code général des collectivités territoriales de dispositions comportant un caractère transitoire sans réagir. Je crois qu'un toilettage sur ce point sera bienvenu.
Sur le fond, la prise en compte de 50 % de l'évolution de la population constitue, d'une certaine manière, une tradition. Elle recueille donc notre accord.
Sur le délai de trois ans, en revanche, nous avons un désaccord - je l'ai indiqué il y a un instant - d'autant plus, monsieur le ministre, qu'il existe quand même quelques cas bizarres : une commune qui aurait procédé à un recensement complémentaire au début de l'année 1999 profiterait immédiatement des 50 % liés à l'augmentation de sa population alors qu'une commune dont l'augmentation de population n'est constatée qu'au moment du recensement général verrait ces 50 % étalés sur trois ans - trois ans dans votre texte, deux ans dans le nôtre - et ne serait donc pas traitée de la même manière. Il y a là, je crois, un certain nombre de sources d'injustice qui, si elles sont peut-être marginales, ne pouvaient pas être passées sous silence à cette tribune par la commission des lois.
Le problème des communes qui perdent une partie de leur population a déjà été évoqué par le rapporteur de la commission des finances. Il était tout de même tout à fait choquant qu'une commune qui a perdu un seul habitant voie ses dotations forfaitaires gelées pour autant de temps qu'une commune qui en a perdu 10 %. Les deux amendements que nous avons déposés avec la commission des finances mettent heureusement bon ordre à cette anomalie.
Un autre problème concerne les communes qui sortent du dispositif de solidarité en fonction de l'évolution de leur situation. Sur ce point aussi, les suggestions de nos commissions consistant à lisser cette sortie sont les bienvenues.
Plus généralement, monsieur le ministre, ce texte est l'occasion de poser à nouveau un problème lancinant, qui est celui de l'esprit même de la DGF.
A la commission des lois, comme sur toutes les travées de cette assemblée, nous sommes tous de plus en plus mal à l'aise quand nous entendons parler de concours de l'Etat, d'efforts de l'Etat en direction des collectivités territoriales. En effet, on englobe dans ces efforts, certes ce que l'Etat verse en monnaie, mais sans s'interroger sur l'origine de la décision de versement. L'origine, c'était, pour la DGF, la mise en place de la TVA et la suppression des taxes locales. Il s'agissait donc d'une gestion nationale d'un impôt local avec une idée de péréquation qui a disparu depuis. S'y est substitué la notion de solidarité à laquelle on fait jouer de curieux rôles, assortie d'une notion de vecteur des politiques nationales dans la gestion d'une collectivité à travers la dotation d'intercommunalité, sans parler des suppressions de telle ou telle partie de tel ou tel impôt local, voire de taxe professionnelle compensée par l'Etat.
C'est dans la DGD, c'est donc un effort que consent l'Etat. Non ! Je m'inscris en faux contre cette assertion. Nous ne pouvons pas continuer à accepter cette notion qui est agitée en permanence sous nos yeux, à temps et à contretemps, et qui vient d'être accentuée, si j'ai bien lu la déclaration de votre collègue qui jouait un peu le rôle de secrétaire d'Etat au budget, même s'il est chargé de l'industrie. En effet, il arguait tranquillement que l'effort de l'Etat en direction des collectivités locales était d'autant plus important que l'Etat allait payer la différence entre ce qu'il récupère au titre de l'aide médicale générale et la CMU, et donc que c'était des dépenses qu'il fallait porter au crédit moral des collectivités territoriales. Si j'ai bien entendu, c'est à peu près ce qui a été dit.
Si nous entrons dans un système de relations entre l'Etat et les collectivités territoriales où tout ce que l'Etat dépense n'est dépensé qu'à la place de ces dernières et leur est par conséquent imputable au moins moralement, alors que l'on sait bien que l'Etat sollicite les collectivités en permanence pour toute une série de tâches, je crois qu'un nouveau malentendu va se créer !
Que se passe-t-il ? Nous constatons aujourd'hui que la DGF ne peut pas jouer son rôle. La population augmente de 3 % et la nécessité financière est de 1,4 milliard de francs. Nous suivons exactement, à due concurrence, l'évolution de la population.
Les communes ne font que réclamer leur dû. Vous ne tenez, monsieur le ministre, à l'intérieur de cette réforme due au recensement, que parce que les députés ont abondé, à côté de l'enveloppe normée, la DGF sur deux ou trois points bien ciblés, ce qui ajoute à ce sentiment d'intrusion de l'Etat dans la libre administration des collectivités territoriales. En effet, c'est l'Etat qui décide où vont tomber ces versements - je dis versements et non pas efforts - pour en faire un élément de son souci de l'équilibre des collectivités tel qu'il le conçoit.
Voilà quelques problèmes sur lesquels il y a lieu de réfléchir au-delà du débat d'aujourd'hui.
Je conclurai, monsieur le ministre, par un point de procédure. Il me semble prématuré de convoquer la commission mixte paritaire le 14 décembre. En effet, le Sénat doit se prononcer le soir du même jour sur le projet de loi de finances ; or c'est dans celui-ci que figure le supplément de dotation nécessaire pour étaler la mesure sur deux ans. Personne ne sait quel sort réservera la commission mixte paritaire financière à cette suggestion du Sénat, et pourtant nous devons trancher sur ce point en commission mixte paritaire technique avant de savoir de quoi nous parlons. Cette procédure obère la qualité du travail parlementaire ou à tout le moins sa sérénité. Je tenais à vous le dire en toute simplicité. C'est tout de même là un peu solliciter la procédure au bénéfice de quelques présupposés que nous ne pouvons pas approuver. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 8 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons vise à tirer les conséquences du recensement de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. En effet, le recensement de 1999 a permis de constater une augmentation de la population de deux millions d'habitants. Comme nous le savons tous, ces variations de population ne sont pas sans conséquence sur les budgets des communes, départements et régions et, plus particulièrement, sur la dotation d'aménagement qui regroupe la dotation intercommunalité, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.
Le plus important n'est pas, à notre avis, les variations du montant des dotations qui changent peu, eu égard à la faible prise en compte de la population dans leur calcul, mais les modalités d'éligibilité aux dotations de solidarité ou encore le calcul du potentiel fiscal, pour lequel le facteur population joue un rôle primordial.
Compte tenu du poids que représente la perte pour une commune de son éligibilité à une dotation, vous comprendrez que les élus locaux soient inquiets.
Les répercussions budgétaires pourraient aller jusqu'à déséquilibrer les budgets locaux et créer des difficultés financières sans précédent.
C'est la première raison qui conduit le groupe communiste républicain et citoyen à préférer la solution visant à prendre en compte de façon progressive les variations de la population. Un lissage sur trois ans, à la hausse, comme à la baisse, pour réactualiser la dotation d'aménagement, comme le prévoit le projet de loi, permet d'éviter les ruptures trop brutales dans les budgets des collectivités et de pallier les effets de seuils.
La question des seuils d'éligibilité devrait, par ailleurs, être examinée de plus près, car elle se pose en général, sans qu'il y ait de recensement à prendre en compte. C'est la raison pour laquelle nous défendrons un amendement visant à allonger la durée de lissage lorsqu'une commune cesse d'être éligible à la DSU.
Concernant le dispositif retenu pour la dotation forfaitaire, force est de constater qu'il est perfectible. A l'évidence, le choix qu'avait à faire le Gouvernement n'était pas simple. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se félicitent que le Gouvernement ait opté pour la solution qui ne pénalise pas les communes défavorisées. Ainsi, les communes qui en ont le plus besoin continueront à recevoir davantage, alors que les autres accuseront une progression moindre de leur dotation forfaitaire.
Cependant, l'option de geler pendant trois ans la dotation forfaitaire au niveau atteint en 1999 pour les communes dont la population baisse n'aurait-elle pas pu être nuancée ? N'aurait-il pas été préférable de ne pas réviser à la baisse la dotation forfaitaire des communes qui perdent des populations et de maintenir l'évolution annuelle indexée sur la moitié de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement ? N'aurait-on pu, en quelque sorte, faire abstraction du recensement pour le calcul du montant de la dotation forfaitaire des communes dont la population baisse ?
Cette position médiane aurait, semble-t-il, permis de concilier les effets du recensement et la nécessité pour les communes de voir progresser leur dotation.
Vous le savez, pour nous, la vraie question est là. Il faut revaloriser les dotations de l'Etat en faveur des collectivités locales, afin d'établir une réelle corrélation entre les budgets, les charges transférées, les nouvelles normes ou encore l'aide pour l'application des 35 heures au sein de la fonction publique territoriale.
Les dotations d'Etat en faveur des collectivités, dont nous dénonçons constamment les insuffisances, représentent plus de 50 % des budgets des collectivités, d'où la nécessité de réformer dans son ensemble - sur ce point, je rejoins M. Paul Girod - la fiscalité locale, afin que les principes de la décentralisation, avec au premier chef, celui qui est posé par l'article 72 de la Constitution, qui consacre le principe d'autonomie des collectivités, soit réellement effectif.
Cette question, nous le savons, fait partie des préoccupations du Gouvernement. La mission d'information, commune aux deux assemblées, chargée de dresser le bilan de la décentralisation permettra - nous le souhaitons, en tout cas nous y participons - d'apporter des améliorations.
Force est de constater également que le projet de loi de finances pour 2000 consacre, il faut le reconnaître, des moyens accrus aux collectivités, et je crois que nous y avons largement contribué. Mais ces moyens restent, selon nous, largement insuffisants au regard des besoins, notamment en ce qui concerne les conséquences financières du recensement, auquel le Gouvernement ne consacre que 200 millions de francs de crédits en 2000, alors que l'Association des maires de France et le comité des finances locales évaluent de 1,5 milliard à 1,8 milliard de francs le coût engendré par l'augmentation de la population.
Le Sénat a porté à 450 millions de francs l'abondement exceptionnel de la dotation globale de fonctionnement. Les sénateurs communistes espèrent vivement que ces crédits seront maintenus dans le texte final.
Sans occulter le problème de financement, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen soutiennent le dispositif mis en place par le Gouvernement.
Nous reviendrons, lors de l'examen des articles, sur l'attitude qui ne nous semble pas responsable de la part de la majorité sénatoriale.
Vos propositions, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, ne tiennent pas compte des répercussions brutales qu'elles ne manqueront pas d'avoir sur les budgets locaux. En outre, tout un chapelet de vos amendements ne sont que des cavaliers législatifs. Vous essayez de refaire la loi sur l'intercommunalité - que vous avez votée - parce que, de ci, de là, dans nos régions respectives, nous nous rendons tous compte des lacunes de ce texte. Il va sans dire que notre groupe ne contribuera aucunement au débat que vous voulez instaurer et rejettera les amendements cavaliers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et M. Michel Mercier, rapporteur. Vous avez bien tort !
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends la parole au nom de mon groupe, d'une part, pour soutenir les propositions excellemment formulées par la commission des finances et par la commission des lois et, d'autre part, pour manifester mon inquiétude sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu devant le comité des finances locales, avant la discussion budgétaire, présenter l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, nous avions fait beaucoup d'observations. Je dois reconnaître, et c'est tout à votre honneur, que vous avez tenté de remédier à un certain nombre de difficultés.
Vous avez accepté à l'Assemblée nationale de majorer les crédits pour la dotation de solidarité urbaine. Bien ! Vous avez accepté un amendement visant à majorer les crédits pour la part bourg-centre de la dotation de solidarité rurale. Bien ! Vous avez accepté, surtout, une révision du taux d'indexation de la compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, de manière à démontrer que le Gouvernement n'entendait pas confisquer aux collectivités locales une parcelle de leur autonomie financière. Encore bien !
Reste un point de discussion entre nous, tenant à la prise en compte des résultats du recensement général de la population.
Comme l'ont très bien dit M. Michel Mercier et M. Paul Girod, le projet de loi que vous nous présentez n'est pas satisfaisant : en effet, l'ensemble des élus locaux - ils l'ont indiqué lors du congrès des maires de France, voilà quelques jours - pensait que l'augmentation de population qu'enregistraient leurs communes allait se traduire par une augmentation des dotations de l'Etat. Ils sont très déçus de constater que, lorsqu'une commune, aura vu sa population croître de cent habitants, la dotation de fonctionnement pour 2000 ne tiendra compte que d'une augmentation de 16,33 %. Entre 100 et 16, il y a évidemment un écart assez considérable qu'il vous faudra nous expliquer !
Le texte en vigueur aujourd'hui, dont M. Hoeffel est le père, prévoit qu'un recensement de population, partiel ou général, n'entraîne aucune diminution de dotation pour les communes qui ont perdu des habitants. Ce dispositif se fonde sur le souci louable de ne pas accroître leurs difficultés. Il participe d'une politique d'aménagement du territoire tendant à ne pas sanctionner les pertes de population.
En revanche, pour les communes dont la population augmente, la prise en compte joue, l'année suivante, pour 50 % de l'augmentation.
Telle est la loi de 1993.
Si nous appliquions ce dispositif, il n'y aurait bien évidemment pas de débat entre nous et l'accord des collectivités locales vous serait acquis, monsieur le ministre.
Nous comprenons que l'application de ce texte, dans une année un peu tendue au cours de laquelle chacun fait des efforts de réduction sur les dépenses et sur les prélèvements, se traduirait pour l'Etat par une sortie d'argent importante. Par conséquent, vous nous avez persuadé d'accepter un certain étalement.
Mais il ne s'agit en fait de n'étaler la prise en compte que de la moitié de l'augmentation de la population. Une commune, dont la population augmente de 4 000 habitants, ne bénéficierait, au terme de l'étalement de trois ans que vous proposez, que d'une prise en compte de 2 000 de ses habitants. Cela signifie que les villes dont la population croît, qui sont obligées de financer des équipements supplémentaires, d'ouvrir des classes et des crèches, de développer leurs services sociaux et leurs équipements sportifs, ne bénéficieraient pas d'une prise en compte de l'augmentation de leurs charges dans la DGF.
C'est pourquoi je soutiens la proposition de la commission des finances et de la commission des lois qui consiste à étaler cette augmentation sur deux ans.
Deux systèmes étaient envisageables. Le premier consistait à étaler sur deux ans les conséquences de la loi de 1993 et le second à étaler sur quatre ans la totalité de l'augmentation de la population.
Si vous aviez choisi le second système, on se serait fondé sur la population réelle et l'on aurait évité ces principaux fictifs qui sont le drame de la fiscalité locale et qui nous amènent à débattre à partir de thèses fausses et de valeurs locatives obsolètes.
En fait, nous ne sommes jamais dans la réalité, nous sommes toujours en train de nous battre ou de débattre sur des données dépassées.
Dans un pays moderne, à l'heure des nouvelles technologies, il est quelque peu stupide que la « population DGF » ne soit pas la population française puisqu'elle prend en compte les occupants des résidences secondaires. Il est quelque peu stupide que l'évaluation de la population varie au gré des sautes d'humeur de l'INSEE, de la direction générale des collectivités locales, de tel ou tel ministère, de celui du logement ou de l'équipement, chacun ayant sa propre conception. C'est un peu comme sous l'Ancien Régime où chaque administration avait son ressort, son bailliage !
Par conséquent, je soutiens complètement la proposition de mes deux collègues et j'espère bien que vous nous donnerez satisfaction, monsieur le ministre.
Mais je suis inquiet quant à l'évolution de la DGF. La dotation globale de fonctionnement, il faut le rappeler de manière très ferme, comme l'a fait M. Girod, n'est pas une subvention de l'Etat ! Je sais bien que nos amis de Bercy ont toujours tendance à penser qu'ils sont trop bons de nous donner quelques miettes de l'évolution de la fiscalité française. Mais ils sont dans l'erreur.
Du point de vue juridique - les auteurs de la loi de 1993 y ont beaucoup tenu - la DGF est un prélèvement sur les recettes. Or un prélèvement sur les recettes n'a pas du tout la même finalité qu'une subvention, et les administrations centrales de l'Etat ne sont pas en situation de dire que telle année ou telle année elles feront un effort en augmentant telle ou telle dotation. La DGF est un prélèvement sur recettes, une ressource de substitution pour les collectivités locales afin de remplacer des impôts supprimés.
Mon inquiétude porte très précisément sur trois points.
Je crains, tout d'abord, comme je viens de le dire, de ne voir se dissocier le lien entre la population réelle d'une commune et la DGF. Il faudra, le plus tôt possible, revenir à une prise en compte de la population réelle, peut-être au prix de la suppression de la prise en compte des résidences secondaires.
On pourrait très bien envisager de retenir les calculs de l'INSEE et de ne pas tenir compte des résidences secondaires. Cela gênerait certes quelques communes. Mais pourquoi pas ? Ce serait plus simple : il y aurait identité entre les décomptes de l'INSEE et les chiffres de la direction générale des collectivités locales.
Je crains également qu'en ajoutant 500 millions par-ci, 200 millions par-là, 150 millions par ailleurs pour jouer, non pas au niveau de la masse globale, mais au niveau des sous-comptes, au niveau de la DSU ou de la DSR, on ne change la nature de la DGF.
Comme, par ailleurs, on finance une grande partie du coût de l'intercommunalité par un prélèvement sur la masse de la DGF, c'est la distinction établie par la loi de 1993 entre dotation forfaitaire et dotation d'aménagement qui volerait en éclat.
De plus, avec l'effort de recentralisation que je perçois à l'heure actuelle et dont votre collègue, M. Gayssot, sera un vivant témoignage lorsqu'il présentera le projet de loi relatif à l'urbanisme, au logement et aux transports, j'ai peur que la notion de ressource de substitution destinée à compenser la suppression d'un impôt préexistant, la taxe locale ou la taxe sur les salaires en l'occurrence, ne connaisse des lendemains difficiles.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je souhaite que vous acceptiez, sinon aujourd'hui, du moins en fin de débat, l'étalement sur deux ans.
Je souhaite également qu'on réfléchisse pour faire coïncider la DGF et la population réelle de chaque commune ou de chaque groupement intercommunal.
Je souhaite enfin qu'on cesse de procéder par petits ajouts et que l'on aboutisse à une ressource globale.
La DGF est un des éléments importants de la vie des collectivités locales. Comme je défends ce principe depuis vingt ans, vous comprendrez, monsieur le ministre, mon attachement à cette dotation. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai très bref, car, je ne reprendrai pas dans le détail toutes les explications données par nos excellents rapporteurs sur la composition de la DGF et sur les conséquences de la prise en compte du recensement.
Le débat se fonde sur trois éléments. Le premier découle de la prise en compte de l'indiscutable évolution de la population française mesurée par le recensement de l'INSEE. Le deuxième porte sur la mise en oeuvre de la solidarité entre les communes, en faveur de celles qui enregistrent une baisse de population et qui sont en difficulté. Le troisième élément, qui découle des deux premiers, porte sur l'effort potentiel de l'Etat : ce qu'il est et ce qu'il pourrait être si l'on décidait d'opérer le lissage non pas sur trois ans, mais sur deux ans, comme le demande la majorité sénatoriale.
Tout d'abord, il est souhaitable de se fonder sur la réalité, sur les chiffres du recensement. C'est même une nécessité. Pourtant, ce ne serait pas la première fois qu'un certain nombre de réalités ne seraient pas prises en compte.
M. Jean-Pierre Fourcade et M. Michel Mercier, rapporteur. Pour les bases, par exemple !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je pense effectivement aux bases. Nous sommes dans le virtuel, dans ce domaine mais aussi dans beaucoup d'autres.
Je ne prétends pas qu'il soit bien de continuer dans le virtuel. Je constate cependant que, pour la population, le décalage ne serait que sur trois ans et qu'il est bon que les communes dont la population augmente fassent preuve d'une certaine solidarité envers les communes qui éprouvent des difficultés.
Il est important, ensuite, de relever l'effort accompli par le Gouvernement pour éviter que ce lissage ne se fasse au détriment de la DSU ou de la DSR. Le projet de loi de finances prévoyait initialement un abondement de 200 millions de francs. Après discussion à l'Assemblée nationale, l'effort du Gouvernement a été renforcé, notamment pour la DSU, qui bénéficie d'une majoration de 500 millions de francs. Quant à la DSR, sur proposition de la commission des finances de l'Assemblée nationale, elle a profité d'une majoration de 150 millions de francs pour sa fraction bourg-centre grâce à un prélèvement sur le produit des impositions directes locales de La Poste et de France Télécom versé au FNPTP. Ainsi, la DSU progressera l'année prochaine de 16 % et la DSR, de 4,5 %.
Les propositions du Gouvernement sont donc de nature à préserver et la dotation forfaitaire des communes et les dotations d'aménagement. Elles nous paraissent équilibrées.
Il est vrai qu'on pourrait aller plus loin et, avec un lissage sur deux ans au lieu de trois ans, il faudrait, pour se conformer à la demande de M. le rapporteur, que l'effort du Gouvernement soit plus important encore.
Je rappelle qu'à l'occasion du précédent recensement, la prise en compte avait été étalée non pas sur deux ou trois ans mais sur quatre ans. Ce gouvernement fait donc preuve d'une plus grande rapidité dans la prise en compte des réalités.
En demandant au Gouvernement de faire un effort plus important encore, la commission des finances est en contradiction avec les objectifs qu'elle affiche et qui sont, je vous le rappelle, la limitation des dépenses et la réduction du déficit budgétaire.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il ne s'agit pas d'une dépense !
M. Paul Girod. rapporteur pour avis. C'est un versement !
M. Jean-Claude Peyronnet. La commission des finances me semble oublier sa position globale sur l'ensemble du budget.
J'ajoute enfin que la comparaison entre la situation des dotations telle qu'elle résulte de l'application du contrat de croissance par rapport à ce qu'elle aurait été si nous en étions restés au pacte de stabilité fait apparaître pour l'année 2000, pour les collectivités locales, 2,4 millions de francs supplémentaires auxquels s'ajoutent 1,7 milliard de francs d'abondements spécifiques, soit, au bout du compte, un bonus de plus de 4 milliards de francs,...
M. Michel Mercier, rapporteur. Même le ministre n'avait pas trouvé autant !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... ce qui permet de passer des caps dans des conditions relativement satisfaisantes, malgré tout !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes favorables au dispositif mis en place par le Gouvernement, avec un lissage sur trois ans qui me semble parfaitement équilibré et qui maintient la solidarité entre les collectivités en expansion et celles qui sont en difficulté. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le recensement de 1999, qui, d'ailleurs, est sans doute le dernier recensement exhaustif que connaîtra notre pays, a été réalisé avec deux ans de retard et il sera appliqué avec un décalage de trois ans, de telle sorte que les chiffres qui devaient rénover les données de 1990, au lieu d'être appliqués pour l'année 1997, le seront en l'an 2000.
Douze années de retard, c'est bien la preuve de l'obsolescence ou, du moins, de l'absence de plasticité de notre système financier local, et cela face au bouleversement démographique que connaît notre pays du fait, en particulier, de l'explosion périurbaine.
Puisque notre excellent rapporteur souhaitait que l'on s'en tienne aux réalités du terrain, je vais, tout simplement, m'appuyer sur le département que je connais bien, sur lequel j'ai pu procéder à une simulation de la DGF.
J'ai la chance d'être dans un département dont la progression de population est de 9 % et où les 80 communes qui perdent de la population ne perdent au total que 3 000 habitants alors que l'augmentation est de 90 000 habitants pour les autres communes.
Et ces autres communes, ce ne sont pas des villes, ce sont essentiellement des communes de 500 à 5 000 habitants qui progressent de 25 %, voire de 60 %, pour certaines d'entre elles. C'est en pensant à ces communes en expansion rapide que je me permettrai, monsieur le ministre, de porter un jugement sur votre projet de là.
Je ne crois d'ailleurs pas que ce soit tant le problème de la durée du lissage - sur 2 ou 3 ans - qui soit essentiel que celui de l'obsolescence de la dotation forfaitaire. Bien entendu, puisque j'essaie de défendre les communes en expansion, la durée de deux ans me paraît préférable, d'autant plus qu'un filet de sécurité protège, à très juste titre, les communes qui sont en perte de vitesse.
Je reconnais que des efforts ont été faits : il en est un, cependant, qui n'a jamais été signalé depuis le début de ce débat ou qui a échappé à mon attention, c'est un décret qui a été pris par le Gouvernement avant le recensement et selon lequel on devait tenir compte, pour l'évaluation des populations communales, des doubles comptes. En termes très clairs, cela signifie que, désormais, les étudiants qui étaient décomptés uniquement dans la ville universitaire où ils poursuivent des études compteront également dans leur commune de résidence, où ils créent des besoins importants puisqu'ils y participent généralement à la vie sportive et culturelle. Ces étudiants représentent près d'un demi-million d'habitants supplémentaires.
Monsieur le ministre, vous avez été ministre de l'éducation nationale. Si le Gouvernement dispose à la fin de l'année, dans le collectif budgétaire, de certaines recettes - je ne citerai pas les mêmes chiffres que ceux qui ont été annoncés à l'Assemblée nationale -, je pense qu'il pourrait obtenir, pour ce demi-million de population étudiante supplémentaire, les 250 millions de francs qui permettraient de boucler le lissage en deux ans de la DGF.
Cela étant, je reconnais qu'un effort financier a déjà été accompli.
Ma seule inquiétude porte sur ce que l'on appelle le « rebasage », c'est-à-dire la perpétuation des dotations supplémentaires l'année prochaine.
Je m'interroge sur les effets du lissage, sur deux ans, des autres dotations, tout jouant symétriquement, à la hausse comme à la baisse. En effet, une diminution de la population communale accroît - c'est un paradoxe - la richesse apparente de la commune et risque de lui faire perdre son éligibilité à telle ou telle dotation.
Pour remédier à cet inconvénient, la commission des finances a proposé un mécanisme de garantie. A défaut de ce mécanisme, je me demande s'il ne conviendrait pas d'examiner après un an d'application les conséquences d'un tel étalement sur l'éligibilité de certaines communes.
Mais, au fond, là n'est pas pour moi l'essentiel. L'essentiel, c'est le devenir de la dotation forfaitaire. J'approuve totalement les propos du président du Comité des finances locales.
Quand on aborde la question de la DGF avec un maire, quel n'est pas son étonnement d'apprendre qu'elle n'est indexée qu'à hauteur de 50 % ! Il serait même sans doute plus juste de parler d'un sentiment d'incompréhension, voire de révolte. Les maires sont beaucoup plus sensibles à ce point qu'au choix de la durée du lissage.
L'incompréhension des élus locaux sera encore aggravée par l'effet conjugué de la prise en compte partielle de la croissance de la population et de la retenue sur DGF due à la suppression du contingent, suppression que j'approuve même s'il en résultera un certain brouillard. Les maires ne comprendront pas comment a évolué la dotation forfaitaire.
La demi-indexation de la DGF forfaitaire date, je le sais bien, de la réforme de la DGF, que j'ai d'ailleurs votée. Mais, je l'avoue, je n'avais par perçu, à l'époque, la portée néfaste de cette mesure qui, à court terme, s'appliquait uniquement aux recensements complémentaires. La réforme de la DGF avait d'ailleurs toujours été considérée comme partielle et, une fois retrouvée la marge de péréquation au travers de la dotation d'aménagement, il fallait - c'est ce que l'on disait et je maintiens aujourd'hui, monsieur le ministre, qu'il faut le faire - ouvrir le chantier de la réforme de la dotation forfaitaire.
J'ai simulé l'évolution de la DGF forfaitaire à échéance 2002 pour les communes de mon département. Je ne parle donc pas ici des grandes villes. (M. Fréville présente un document du haut de la tribune.) Bien que vous ne puissiez le constater vous-mêmes, faut d'un dispositif permettant la diffusion de documents dans cet hémicycle, le fait est très net : la dotation forfaitaire pour les communes de moins de 10 000 habitants varie, dans 90 % des cas, dans une fourchette de 600 francs à 1 300 francs par habitant.
De plus, quelles que soient les méthodes, je n'ai pu établir aucune relation significative avec un quelconque facteur discriminant, que ce soit la population ou le potentiel fiscal. Seule l'histoire peut être une explication, si l'on remonte à la taxe locale !
Le seul facteur - il est essentiel - qui discrimine le montant de la DGF, d'une commune à l'autre, c'est le taux de croissance. En effet, plus une commune croît, plus sa DGF par habitant est faible. Ce sont les communes qui connaissent une croissance de 40 % à 50 % qui ont la plus faible DGF, alors que ce sont aussi ces communes-là qui ont les besoins les plus importants, et qui doivent supporter la charge d'équipement !
Monsieur le ministre, je sais très bien que l'objet de ce projet de loi n'est pas d'apporter des corrections à la DGF. Je ne vous fais donc aucun reproche, j'attire seulement votre attention sur la nécessité de mettre en chantier - chantier auquel tout le monde pourrait s'associer - une réforme de la dotation forfaitaire. Ce sera sans doute long et difficile, mais c'est sur ce chemin que nous devons nous engager pour ne pas avoir seulement à expliquer les réformettes que nous sommes en train de voter et qui ressemblent en quelque sorte à des rustines appliquées sur une chambre à air déjà percée de partout !
En conclusion, monsieur le ministre, compte tenu des circonstances financières que nous connaissons en cette fin d'année, j'approuve sans réserve la mesure instaurant un lissage étendu sur deux années. Votre projet de loi constitue une nécessaire adaptation, mais c'est d'une loi de modernisation que nous avons besoin et que j'appelle de tous mes voeux ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons aujourd'hui a pour objet de prendre en compte les conséquences financières de la variation de la population recensée en 1999 sur les dotations versées par l'Etat aux collectivités locales, qu'il s'agisse de la DGF, de la DSU ou de la DSR. A-t-il atteint vraiment son but ?
Telle est la question à laquelle je vais tenter de répondre, après avoir brièvement rappelé les incidences du dernier recensement.
Les premiers résultats du recensement ont été connus en juillet dernier ; mais, pour des raisons techniques, l'exploitation de ces premières données a pris du retard et leur analyse détaillée ne devrait être disponible qu'à l'automne prochain.
De tels délais entre deux recensements poussent à se demander s'il ne serait pas possible de les réaliser de façon plus rapprochée afin d'aligner plus précisément les dotations sur les évolutions démographiques car, dans l'entre-deux, ce sont les collectivités locales, notamment celles dont la population augmente, qui financent les infrastructures et les besoins de ces populations nouvelles.
Les tendances suivantes sont cependant d'ores et déjà connues avec une relative certitude, à savoir : une croissance ralentie de la population, une expansion urbaine continue, notamment dans les métropoles régionales, une répartition qui traduit un certain rééquilibrage entre Paris et la province, mais qui montre aussi que quatre régions - Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nord - Pas-de-Calais - concentrent 43 % de la population.
C'est ici que se pose le principal problème : pour être efficace, la loi ne doit pas s'en tenir aux seuls critères de population ; elle doit prendre en compte les besoins en termes d'aménagement du territoire. Une région riche n'est pas une région sans besoins.
Dans le cas particulier de mon département, la Haute-Savoie, je retiendrai la très forte progression de la population : 11,1 % de plus entre les deux recensements. C'est la troisième plus forte progression en France, après l'Hérault et la Haute-Garonne ; c'est aussi la plus forte hausse parmi les départements de la région Rhône-Alpes ; c'est enfin le premier département dans la catégorie dépourvue de métropole régionale. Quant à Annecy, elle fait partie des villes qui ont connu un taux de croissance annuel de 1 %.
Cette rapide progression se traduit par le fait que la densité est passée, depuis 1990, de 130 à 144 habitants au kilomètre carré. Le sillon alpin de Grenoble à Genève en passant par Annecy constitue la zone la plus dynamique de la région. En outre, il convient de noter que certains espaces ruraux connaissent un regain d'intérêt.
Je me permets d'attirer votre attention sur la particularité d'une telle évolution, car elle pose la question non seulement de la gestion de l'augmentation de population, mais de l'aménagement du territoire lui-même. L'espace devient relativement rare en Haute-Savoie ; c'est largement un espace fragile, car un espace de montagne. Cela implique une gestion précautionneuse de cet espace et des investissements toujours plus importants pour satisfaire les besoins des populations, qu'il s'agisse des logements, des écoles, des moyens de communication ou de l'implantation d'entreprises pour créer de nouveaux emplois.
Or, face à l'impact financier de ce recensement sur le budget des collectivités territoriales, la réponse générale et uniforme apportée par le présent projet de loi paraît imparfaite.
Les rapporteurs des commissions des finances et des lois ont proposé plusieurs amendements pertinents que nous ne saurions que retenir afin de répondre réellement aux besoins des collectivités territoriales.
Premièrement, il est nécessaire de prévoir un étalement sur deux ans, et non trois, de la prise en compte du résultat du recensement, dans le droit-fil des recommandations du Comité des finances locales.
Deuxièmement, nous avons prévu une augmentation de la DSU et de la DSR, afin que ces dotations de solidarité continuent de jouer tout leur rôle.
Ensuite, pour ce qui concerne les communes qui ont enregistré une diminution de population, la précaution même pousse à la modulation des dotations de l'Etat, car elles risquent d'être, à court terme, inéligibles à certaines dotations.
Enfin, il est évident que ce dispositif est complémentaire de l'augmentation des crédits que nous avons votée lors de l'examen de la première partie de la loi de finances et que, je l'espère, nos collègues députés accepteront de retenir lors de l'examen définitif du projet de loi de finances.
Mais s'il est nécessaire d'adopter aujourd'hui ces amendements - qui améliorent le texte proposé - c'est-à-dire la marge de manoeuvre des collectivités locales, il est tout aussi important d'envisager la réforme du système de financement des collectivités locales ainsi qu'une relation plus responsable entre l'Etat et les collectivités.
L'Etat doit, en effet, arrêter de se décharger sur les collectivités locales et de grever ainsi leurs budgets. J'en donnerai quatre exemples, si vous le permettez.
Premièrement, l'Etat se désengage dans ses domaines de compétences, tels que les travaux sur les routes nationales, où il n'assure pas des conditions élémentaires de sécurité et pratique ce que j'appellerai un véritable racket sur les collectivités publiques en encaissant les honoraires de maîtrise d'oeuvre et en récupérant la TVA. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'interroger votre collègue de l'économie et des finances, lors d'une question orale, pour lui demander s'il entend mettre fin à cette situation inacceptable.
Deuxièmement, les collectivités locales subissent le coût croissant des services départementaux d'incendie et de secours, notre rapporteur l'a dit tout à l'heure.
Troisièmement, elles doivent faire face à l'accroissement des dépenses de personnel résultant de l'accord salarial, signé par l'Etat, en date de février 1998.
Enfin, quatrièmement, elles doivent prendre en compte l'inflation des normes, notamment techniques, qui ont des conséquences directes sur leurs interventions et à la définition desquelles elles ne participent nullement. Le coût des normes techniques est ainsi chiffré à 140 milliards de francs d'ici à 2005.
De cette augmentation des charges, il résulte un besoin de financement auquel il n'est répondu, ni par une hausse suffisante et proportionnelle des dotations de l'Etat, solution à laquelle nous ne saurions être favorables, car elle se traduit par une recentralisation des finances locales, ni par une hausse des impôts locaux, les collectivités locales s'étant engagées, depuis plusieurs années, et avec succès, dans la voie d'une « politique volontariste de limitation de la croissance de leurs dépenses de gestion », comme le souligne notre collègue Joël Bourdin dans son rapport de l'Observatoire des finances locales.
C'est donc bien d'une réforme complète des finances locales qu'il s'agit. Le phénomène des abondements successifs des dotations montre d'ailleurs clairement que le fonctionnement de notre système est en train de s'enrayer et qu'il faut prévoir une remise à plat.
A ce titre, je me demande s'il ne faudrait pas envisager un dispositif nouveau dans lequel les dotations de l'Etat reposeraient non pas sur un critère dominant de population, mais sur un critère qui serait véritablement pondéré par des indices qualitatifs reflétant les besoins réels de la collectivité territoriale. En témoigne l'exemple de la Haute-Savoie que je viens d'évoquer.
La réforme de nos finances locales doit être une priorité pour notre démocratie, car elle est garante de clarté et de bonne gestion ; c'est ainsi que nos concitoyens comprendront qui décide, qui paie et à quoi servent leurs impôts.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants apportera son soutien aux amendements présentés par nos éminents rapporteurs, MM. Mercier et Girod, et votera ce texte sous réserve de leur adoption. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les résultats du recensement de 1999 montrent, à première vue, une augmentation globale de la population, plus particulièrement dans les secteurs ruraux.
L'analyse approfondie des chiffres dévoile une tout autre réalité, que je me dois de signaler ici en tant que représentant d'un département de montagne. Cette réalité, c'est le signal d'une véritable fracture territoriale.
En effet, aujourd'hui, 80 % de la population française occupent seulement 20 % du territoire, même si un rééquilibrage entre Paris et les grandes métropoles régionales se dessine autour de l'essor de l'habitat périurbain.
Au contraire, dans les secteurs ruraux à forte dominante agricole, où plus de 13 000 communes perdent des habitants depuis 1990, la chute de la démographie est alarmante.
Le Massif central est particulièrement touché par cette situation et les chiffres qui suivent nous interpellent.
Dans le Cantal, 204 communes sur 260 ont vu leur population chuter, dont certaines de 35 %, et des cantons entiers ont perdu jusqu'à 17 % de leur population en moins de dix ans.
Aussi, au-delà du texte qui nous est proposé, au risque de m'évader quelque peu du débat technique qui nous rassemble cet après-midi et pour lutter efficacement contre ce risque réel de fracture territoriale, quatre grandes orientations me semblent devoir être impulsées par l'Etat : une solidarité nationale renforcée ; une organisation territoriale solidaire ; une politique forte d'aménagement du territoire ; enfin, une nouvelle étape dans la décentralisation.
Pour renforcer la solidarité nationale, tout d'abord le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à traiter de manière solidaire deux situations différentes : celles des communes ayant vu leur population diminuer et celles ayant bénéficié d'une augmentation de leur population.
Vous proposez, monsieur le ministre, pour les communes qui perdent des habitants, le gel pendant trois ans de la dotation forfaitaire. Ainsi, en 2000, ces communes percevront le même montant que l'année précédente, comme en 2001 et 2002, et leur dotation forfaitaire ne recommencera à augmenter qu'en 2003.
Cela permet de ne pas pénaliser le montant des dotations de solidarité, la DSU et la DSR. Ce délai de trois ans semble raisonnable et c'est un sentiment partagé par plusieurs de mes amis du groupe centriste. Il faut se rappeler qu'en 1990 il était de quatre années. Mais je pense que, à l'avenir, il faudra aller encore plus loin et prendre en compte de nouveaux critères territoriaux dans le calcul de la DGF.
En effet, une rénovation des modes de calcul actuel, de façon à reconsidérer les zones à faible population - de plus en plus importantes en surface et dont le rôle est majeur en termes d'aménagement de l'espace - participerait aussi à cet effort de solidarité.
Pour ce qui est de rendre l'organisation territoriale solidaire, la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale que vous avez impulsée, monsieur le ministre, en accord avec les deux assemblées, constitue, sans aucun doute, une avancée significative dans ce sens.
Désormais, des bassins de vie cohérents et homogènes pourront se structurer solidairement, notamment autour des bourgs-centres, pour compenser les pertes d'emploi dans nos campagnes en optimisant leurs moyens et leur développement.
Pour assurer une politique forte d'aménagement du territoire, compte tenu de la très grande diversité de notre territoire mise en lumière par les résultats de ce recensement, une adaptation réelle de cette politique aux difficultés de nos secteurs ruraux est nécessaire.
Face à ces situations particulières, des dispositifs législatifs particuliers doivent absolument être mis en place pour donner à ces territoires une nouvelle chance à l'avenir.
Cet effort national s'avère d'autant plus nécessaire que l'Europe s'appuie sur des critères exclusivement régionaux pour déterminer son soutien au développement rural.
Enfin, une nouvelle étape dans la décentralisation s'avère désormais nécessaire pour mieux répondre, au plus près du terrain, avec tous les acteurs locaux déjà très fortement mobilisés, au besoin urgent de développement de ces territoires.
Monsieur le ministre, ce projet de loi répond à une volonté que je partage, comme plusieurs élus du groupe centriste, de tenir compte solidairement de l'évolution démographique de notre pays dans les dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Les communes rurales en difficulté attendaient ce texte avec une certaine inquiétude, elles seront rassurées. Mais l'ampleur de la fracture territoriale est telle, aujourd'hui, que sa réduction doit devenir une des priorités nationales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er