Séance du 12 décembre 1999
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lagauche.
M. René-Pierre Signé.
Enfin la gauche !
(Sourires.)
M. Serge Lagauche.
Pour la troisième année consécutive, vous nous présentez, madame le ministre,
monsieur le ministre, un budget en forte hausse, une hausse largement
supérieure à celle du budget de l'Etat. Ce budget reste le premier de la nation
et, pour la première fois, dépasse le seuil symbolique des 300 milliards de
francs !
Les quelque 308 milliards de francs destinés à l'enseignement scolaire ne
seront pas de trop au regard des nombreux objectifs que vous vous êtes fixés
dans le cadre de votre ministère, mais aussi compte tenu du coût de la
scolarité en France.
Je lisais récemment dans l'une de vos publications,
L'Etat de l'école,
que le coût de la scolarité d'un enfant, commencée à l'âge de trois ans et
menée jusqu'au bac - donc pour la période qui nous intéresse ce soir - était,
en 1998, évalué à 520 700 francs, alors que, en 1986, ce coût n'était que de
387 200 francs. Ces chiffres nous éclairent sur le rôle primordial que doit
jouer l'Etat pour faire face à cette augmentation du coût édfucatif, rôle qui
doit se traduire en termes financiers, mais aussi en termes de réforme.
Cette année est justement celle de toutes les réformes. Engagées à la dernière
rentrée scolaire ou mises en oeuvre en 2000, elles donneront un nouvel essor à
l'éducation nationale. La charte « Bâtir l'école du xxie siècle », la réforme
des collèges, celle des lycées, tous ces projets ne peuvent que susciter
l'approbation de tous.
Ces différentes réformes sont toutes fondées sur une plus grande écoute des
enfants et sur la prise en compte, autant que possible, de leurs problèmes
individuels afin de permettre la réussite du plus grand nombre. Elles sont
également fondées sur l'incitation à s'ouvrir sur le monde extérieur, les
pratiques diversifiées et les autres cultures. Les jeunes devraient ainsi être
mieux armés pour affronter le monde moderne.
Mais la majorité sénatoriale semble très éloignée de cette conception ouverte
de l'école. Sur ce point, je ne peux m'empêcher de vous lire un extrait du
rapport pour avis de la commission des affaires culturelles, qui traite de ses
interrogations quant à la réforme de l'école primaire, extrait qui explique
sûrement les raisons cachées du rejet de votre budget. Je cite donc la page 42
- ainsi personne ne pourra venir me dire que je fais un procès d'intention à la
majorité sénatoriale !
La commission « exprime notamment la crainte que l'instituteur traditionnel,
dont la vocation était "d'instituer", de mettre debout, de faire grandir dans
ses élèves ce que ceux-ci ne trouveraient pas dans la société, et dont la
spécificité avait déjà été gommée en devenant professeur des écoles, soit
aujourd'hui encore un peu plus dépossédé de son identité. Compte tenu des
évolutions annoncées, le maître n'est-il pas condamné, du fait de l'irruption
de la société dans l'école, des demandes parentales, de la profusion
d'intervenants extérieurs et d'animateurs de toute nature, de l'intervention
des aides éducateurs, de la multiplication des activités péri et
extra-scolaires... à devenir une sorte de "chef d'orchestre" ou d'animateur
socio-culturel, alors que son rôle traditionnel était de dispenser un savoir et
des connaissances, selon "un rapport rigoureux et austère avec sa discipline
qui avait valeur d'exemple pour ses élèves" ? »
M. Jean Chérioux.
C'est tout à fait exact !
M. Serge Lagauche.
Monsieur Chérioux, personnellement, ces propos me choquent, comme ils
choqueront aussi, je pense, le personnel enseignant, qui s'investit pour
adapter notre système d'enseignement aux exigences des évolutions rapides de
notre société.
M. Jean Chérioux.
Pourtant, Jules Ferry ne penserait pas autrement !
M. Serge Lagauche.
Oui, le métier d'enseignant change - pas vous !
(M. Jean Chérioux proteste.)
Mais il n'est ni une espèce en voie de
disparition, ni une espèce menacée.
Oui, l'école doit s'ouvrir sur son environnement extérieur. Ne parle-t-on pas
de communauté scolaire ? Non, elle n'est pas une forteresse assiégée par des
hordes de parents consuméristes, d'animateurs de tout et de rien et
d'emplois-jeunes qui empiètent sur le rôle de l'enseignant !
M. Yann Gaillard.
Cela dépend des endroits !
M. Serge Lagauche.
Ayez de meilleures fréquentations, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux.
Si Jules Ferry vous entendait !
M. Serge Lagauche.
Un axe très intéressant de la réforme concernant l'école primaire a trait à
l'enseignement des langues vivantes dès le CM2 et, bientôt, dès le CM1. J'ai
noté que 15 millions de francs étaient prévus, dans le projet de la loi de
finances pour l'an 2000, afin de parachever l'expérience en CM2 et de l'initier
en CM1. Cela signifie-t-il que l'ensemble des classes de CM2 bénéficieront de
cet enseignement à la rentrée prochaine ? J'ai entendu dire que, pour
l'instant, 80 % seulement des classes de CM2 sont couvertes. Quant au CM1,
combien de classes seront concernées à la rentrée prochaine et dans quel délai
peut-on envisager que toutes dispensent cet enseignement ?
Pour ce qui concerne la réforme des collèges, un pas énorme a été fait
notamment pour permettre aux jeunes enfants de mieux s'intégrer dès la 6e.
Cette classe est d'une importance capitale et constitue, pour l'enfant, une
véritable rupture d'avec le confort sécurisant que représentaient l'école
primaire, son professeur des écoles, unique interlocuteur, mais également son
unique salle de classe et ses horaires réguliers.
Outre cette unicité de lieu, de temps et d'interlocuteur, ce sont également
les méthodes de travail qui changent et le nombre des disciplines qui augmente
en 6e. Les initiatives que vous avez prises, madame la ministre, pour faciliter
l'insertion des enfants au collège sont excellentes. J'ai parcouru avec
attention le
Journal de sixième
distribué aux enfants de 6e à la rentrée
des classes : il est attrayant et bien fait, et il donne envie d'attaquer la
vie au collège.
Pour prolonger un peu le confort de l'école primaire, vous avez également
prévu l'octroi d'une salle de classe unique. Je souhaite que les établissements
disposent des moyens matériels pour appliquer cette mesure.
Les rencontres entre enseignants du CM2 et de la 6e me semblent également
constituer une avancée positive. Je souhaiterais que vous me disiez si, sur le
terrain, des contacts effectifs ont été pris.
Enfin, parmi les autres dispositions intéressantes concernant les classes de
6e et de 5e, je soulignerai les heures de remise à niveau par petits groupes -
effectuées par un autre enseignant que celui qui est chargé de la discipline -
et ce dans les disciplines fondamentales, soit la lecture, l'orthographe et le
calcul. Cette mesure intéressante me semble délicate dans son application. Bien
entendu, j'ai en mémoire la difficile réforme des heures supplémentaires que
vous avez dû opérer, et qui n'a d'ailleurs pas toujours été bien perçue par
l'ensemble des enseignants.
Je constate que, dans le projet de budget pour l'an 2000, figure une mesure
nouvelle de 240 millions de francs qui permettra d'avoir recours aux heures
supplémentaires - année, ou HSA, pour financer cette aide personnalisée en
classes de 6e et de 5e. A-t-on cependant prévu par ailleurs une formation des
enseignants qui auront à effectuer ces heures de remise à niveau dans des
disciplines et selon des méthodes qu'ils ne maîtrisent pas nécessairement ? Il
ne faudrait pas qu'une gestion difficile empêche une innovation intéressante
d'aboutir !
Très intéressantes sont les expériences de travaux croisés, qui, je l'espère,
seront, comme prévu, étendues à l'ensemble des classes de 4e à la rentrée
scolaire 2000-2001.
Pouvez-vous m'indiquer comment se passent les heures de vie de classe et
l'installation des tuteurs ?
J'en viens au lycée, où la réforme ne s'applique qu'à la classe de seconde
cette année. Elle s'étendra à la classe de première dès la rentrée prochaine,
avec le projet de budget dont nous débattons.
Je ne reviens pas sur la question de l'aide individualisée financée par les
heures supplémentaires, puisque le mécanisme, et donc mes interrogations, sont
les mêmes que pour le collège.
En revanche, j'apprécie l'aspect plus diversifié des enseignements que la
réforme permettra de proposer. Il en est ainsi de l'éducation civique,
juridique et sociale, de l'apprentissage des langues avec l'aide d'un assistant
de langue étrangère et, surtout, de l'instauration des ateliers d'expression
artistique pour les élèves qui le souhaitent, dans les établissements où cet
enseignement n'est pas dispensé. Le fait de mener cette expérience en
partenariat avec le ministère de la culture la rend particulièrement
intéressante, et j'ai bien noté que votre ministère y participait à hauteur de
20 millions de francs pour 2000.
Là encore, sur la réforme du lycée, le commentaire de la commission figurant
dans le rapport me paraît complètement hors des réalités. En plus, il est
symptomatique de la manière dont sont considérées les exigences de dialogue et
de participation citoyenne des lycéens à la vie de leur établissement, quand il
est fait état d'une « prétendue inertie des collectivités régionales, qui ont
été invitées par le Gouvernement à financer des salles polyvalentes, des "lieux
de rencontre" et autres foyers et cafétérias ». La commission poursuit : « Nos
lycéens réclament davantage de professeurs que des lieux de rencontres, sauf à
privilégier une conception du lycée qui deviendrait un lieu de vie
light
au sein duquel la transmission des savoirs n'apparaîtrait que secondaire. » Il
vaut mieux que j'arrête là cette citation !
M. Jean Chérioux.
Elle est pourtant très intéressante !
M. Serge Lagauche.
Je le sais, sinon je ne l'aurais pas choisie !
La majorité sénatoriale - écoutez bien, chers collègues ! - ne veut pas
entendre les revendications des lycéens.
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial.
Mais si !
M. André Maman,
rapporteur pour avis.
Mais si, nous les écoutons.
M. Serge Lagauche.
Non ! Vous croyez les écouter !
M. le président.
Messieurs, veuillez laisser parler l'orateur.
M. Serge Lagauche.
Ne vous énervez pas, messieurs, c'est dimanche, le jour du repos !
(Sourires.)
M. le président.
Poursuivez, monsieur Lagauche.
M. Serge Lagauche.
La majorité sénatoriale ne veut donc pas entendre les revendications des
lycéens. Pour ma part, je les ai entendus réclamer non pas des « lieux de
rencontre » - l'expression est quelque peu maladroite - mais des lieux
d'expression, de débat, de vie lycéenne, leur assurant une véritable
reconnaissance en tant que citoyens.
Votre politique sociale n'est pas en reste puisque, pour parachever la réforme
du système des bourses initiée par vous, après qu'il fut mis à mal par le
gouvernement Juppé, vous dégagez encore, cette année, 8,3 millions de francs
pour permettre la majoration de 5 000 francs des bourses de lycée destinées à 5
000 élèves de familles modestes entrant en seconde et ayant obtenu d'excellents
résultats en troisième.
Au total, plus de 4,2 milliards de francs, dans votre budget, seront destinés
aux bourses et secours d'études.
L'initiative que vous venez de prendre, madame la ministre, en matière de
prévention contre les conduites à risque dans les établissements scolaires
procède du même type de démarche, qui vise à prendre les problèmes en charge au
sein même des établissements. Je souhaite donc de tout coeur que l'opération «
Repères » soit un succès et permette, à l'avenir, de préserver davantage de
jeunes des fléaux que sont la drogue, l'alcool et le suicide qui sont tous
d'ailleurs des formes de suicide en eux-mêmes.
Pour terminer sur le sujet des établissements scolaires, vu du côté des élèves
et de leurs parents, je souhaiterai m'attarder une minute sur une question que
j'ai déjà effleurée au début de mon propos : le coût des études, plus
particulièrement au collège et au lycée, notamment le prix des livres
scolaires.
Au collège, c'est à l'Etat d'assumer totalement cette dépense, mais le
problème se pose avec les cahiers d'exercices, compléments de plus en plus
indispensables dans de nombreuses disciplines. Ces cahiers sont à la charge des
familles ; pourtant, le tribunal administratif de Bordeaux a donné raison aux
parents qui refusaient cet état de fait.
On estime à plus de 100 francs la dépense par élève et par an pour ces cahiers
d'exercices. A cette charge s'ajoute celle des livrets scolaires, cahiers de
correspondance et autres frais d'affranchissement, entre 30 et 90 francs selon
les établissements.
Au lycée, les charges sont encore plus lourdes, puisqu'il faut y ajouter le
prix des livres et, pour les élèves des lycées professionnels, les dépenses en
équipement personnel, qui peuvent s'élever jusqu'à 6 000 francs par an.
Monsieur le ministre, madame le ministre, vous faites énormément en faveur de
la réduction des inégalités sociales dans votre secteur, mais je pense qu'il
faudrait réaliser encore un petit effort afin que les dépenses que je viens de
citer soient, petit à petit, prises en charge par le budget de l'éducation
nationale. Cela serait-il possible ?
J'en viens maintenant aux principaux acteurs de l'éducation : les enseignants
et l'ensemble des personnels qui concourent à la lourde tâche éducative.
Le but n'est pas de répéter des chiffres déjà entendus maintes fois ce soir et
toujours sujets à caution et à interprétation. Je souhaite tout de même
souligner quelques avancées extrêmement positives.
Depuis que vous êtes aux commandes de l'éducation nationale, ce sont plus de
17 000 emplois, toutes catégories confondues, qui auront été créés. Dois-je
rappeler que, pour la seule année 1997, dernière année où la loi de finances a
été préparée par le gouvernement Juppé, 5 212 postes étaient supprimés ? Ces
créations s'effectuent dans un contexte de baisse constante des effectifs
scolaires, qui ont diminué d'environ 350 000 en dix ans, notamment de 58 000
pour la seule rentrée 1998.
Pour la seule année 2000, 11 800 créations d'emplois sont prévues. Certaines
d'entre elles sont, certes, gagées sur des transformations d'emplois de maîtres
d'internat - surveillants d'externat, ou MI-SE, mais l'on ne peut qu'accueillir
positivement la création de 3 300 postes d'enseignant et d'encadrement dans
l'enseignement scolaire, les 1 000 emplois de MI-SE, les 1 500 emplois
d'assistant de langues, les 5 000 emplois-jeunes supplémentaires et les 960
postes de personnel non enseignant. Pour ces derniers, vous renouvelez l'effort
qui avait été engagé l'an dernier, quand 616 emplois ATOS avaient été créés,
effort qui contraste de manière positive avec les coupes claires effectuées de
1994 à 1997 par les gouvernements Balladur et Juppé.
Malgré vos efforts, il reste beaucoup à faire pour arriver à un taux
satisfaisant de présence de personnel non enseignant dans les établissements,
et je vous encourage à persévérer dans la voie des créations d'emplois que vous
avez prise.
Je m'attarderai un instant sur le nombre d'emplois de professeur des écoles
stagiaire : 10 400 dans la loi de finances pour 2000, comme dans celle pour
1999. Vos propres statistiques, monsieur le ministre, prévoient un nombre de
départ à la retraite de 14 000 par an, semble-t-il. Le déficit en enseignants
du premier degré risque donc de se creuser, même compte tenu de la baisse des
effectifs. Comment comptez-vous remédier à cette carence ?
Votre budget comporte également de nombreuses mesures de repyramidage ou
autres améliorations de situation des personnels et les différents protocoles
d'accord - Jospin, Lang ou Durafour - me semblent être honorés. Il est
particulièrement important de prouver ainsi la gratitude du Gouvernement envers
les personnels de l'éducation nationale qui, pour des progressions de carrière
relativement modestes, ont en charge des tâches de plus en plus diversifiées et
doivent faire face à des conditions d'exercice de leur métier de plus en plus
difficiles.
A ce titre, je salue également les nombreux efforts consentis aux réseaux
d'éducation prioritaires et aux ZEP, notamment dans le cadre du plan de lutte
contre la violence.
Dans le budget pour 2000, 4 000 indemnités de sujétions spéciales
supplémentaires viendront s'ajouter aux 12 000 existantes ; les enseignants des
ZEP devraient voir leur travail facilité puisque les 1 000 créations de MI-SE
et les 5 000 aides-éducateurs supplémentaires seront destinés à renforcer les
équipes dans ces zones difficiles. La refonte de la carte des ZEP à laquelle
vous avez procédé aura permis d'augmenter le nombre d'écoles s'y trouvant de 4
787 en 1997 à 5 617 en 1999.
Je dirai deux mots de la déconcentration du mouvement de mutation des
enseignants.
La rentrée de septembre 1999 a constitué la première rentrée placée sous le
signe de ce mouvement déconcentré. Le bilan de cette autre réforme paraît très
positif. Cela me semble lié, en grande partie, à l'excellente campagne
d'information menée par le ministère auprès des enseignants.
Toujours est-il que les demandes de mutation ont sensiblement augmenté, tout
comme le taux de satisfaction, qui est passé de 34,1 % à 35,7 %. C'est encore
bien peu, me direz-vous, compte tenu de l'immense majorité de
laissés-pour-compte ! Mais cela constitue un pas dans la bonne direction, tout
comme le calendrier de mutation qui, du fait de la réforme, a été
rationalisé.
Quant à l'efficacité du système au regard des besoins de l'éducation
nationale, il a permis de mieux coller à ces besoins puisque les postes à
pourvoir ont ainsi pu être augmentés de moitié et que le nombre de mutations a
été accru de près de 70 %. Tous les chiffres que vous pourrez me communiquer
pour compléter mon information, monsieur le ministre, madame la ministre,
m'intéresseront.
Pour terminer, j'aborderai la question de la santé des élèves, car c'est un
élément essentiel de leur réussite scolaire. Toute la démarche sous-tendue par
vos différentes réformes de notre système d'enseignement consiste à considérer
l'élève dans sa globalité. C'est pourquoi vous avez décidé, madame la ministre,
en mars 1998, un plan de relance de la santé scolaire, secteur sinistré s'il en
est, puisque les engagements de M. Bayrou dans le cadre du « Nouveau contrat
pour l'école », en ce domaine comme dans bien d'autres, n'ont jamais été
honorés.
Après la création de 600 postes médico-sociaux en 1998 et de 400 postes en
1999, l'effort budgétaire est poursuivi cette année avec la création de cent
cinquante postes et l'abondement de crédits à concurrence de 4 millions de
francs destinés à financer la rémunération de médecins apportant leur concours
au service de la promotion de la santé en faveur des élèves.
Nous ne pouvons que nous féliciter de votre décision courageuse de permettre
aux infirmières scolaires de délivrer la pilule du lendemain aux jeunes filles
qui leur en font la demande. Il s'agit d'une très bonne mesure. Mais, pour
qu'elle soit efficace, il faut la présence d'une infirmière dans
l'établissement chaque jour de classe. En dépit de vos efforts de créations de
poste, le retard est tel que ce ne sera pas toujours le cas.
De plus, cette mesure doit s'inscrire dans une véritable politique de
prévention, d'éducation à la santé et à la sexualité continue et progressive,
dont la mise en pratique pourrait être largement facilitée par un véritable
partenariat avec la médecine de ville et un fonctionnement en réseau. Pour se
faire, vous avez voulu généraliser les comités d'éducation à la santé et à la
citoyenneté. Où en est-on sur le terrain ? Pouvez-vous préciser leur mode de
fonctionnement et si un premier bilan de leur généralisation est disponible
?
De même, l'instauration des vingt heures annuelles d'éducation à la santé pour
les classes de 4e est-elle effective ? Si tel est le cas, par qui sont-elles
asurées et quel en est le programme ?
Je pense avoir dit l'essentiel de ce qui me tenait à coeur et de ce que
voulait exprimer mon collègue Jean-Louis Carrère ! qui n'a hélas, pu être
présent cet après-midi.
Ce budget marque de grandes avancées dans l'ambitieuse politique de
modernisation du système d'enseignement suivie par le Gouvernement. Il va de
soi qu'il reçoit mon entier soutien, comme celui de l'ensemble du groupe
socialiste.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, mon intervention comportera deux parties très différentes : la
première portera sur le réseau scolaire à l'étranger et son évolution ces
dernières années, ainsi que sur les difficultés qu'il connaît en ce moment ; la
seconde concernera les résultats des propositions d'enquête du Sénat. J'ai
préparé cette intervention avec le concours de mon excellent collègue M.
Grignon, qui n'a pu, hélas ! être présent aujourd'hui.
Le réseau scolaire français à l'étranger, qui est le plus étendu et le plus
efficace du monde, est constitué de 440 écoles homologuées par le ministère de
l'éducation nationale et réparties sur tous les continents. Ces écoles
scolarisent 157 934 élèves : 66 069 Français, 72 062 nationaux et 19 803
étrangers tiers. Ainsi, le nombre d'élèves français représente 42 % de
l'ensemble.
Aucun autre pays ne possède un réseau scolaire aussi important, aussi bien
géré et donnant d'aussi bons résultats. Avec près de 12 points de plus que la
moyenne des résultats du baccalauréat général en France, qui est de 78,7 %, le
taux de réussite au baccalauréat dans les établissements de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, AEFE, qui atteint 90,66 %, est excellent.
Ajoutons qu'au concours général les élèves français de l'étranger ont obtenu
douze prix, et viennent en deuxième position après Paris et devant les
vingt-neuf autres académies.
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. André Maman.
C'est la plus belle vitrine de la France à l'étranger et de la francophonie.
Elle permet à nos enfants expatriés d'être scolarisés comme le sont leurs
camarades en France.
Dès qu'une école française est créée dans le monde - et c'est toujours à la
suite de la volonté de l'association de parents d'élèves locale, et non du
gouvernement français, je tiens à insister sur ce point - on peut être certain
que l'expatriation des familles et, par la suite, les investissements, les
créations d'entreprises commerciales, financières, industrielles, vont suivre.
De nombreuses statistiques le prouvent amplement.
De plus, en scolarisant les enfants étrangers, nous nous faisons des amis,
nous formons de futures élites qui resteront proches de la France. Rien n'est
plus propice que ce réseau scolaire pour nous rapprocher des autres nations,
des autres ethnies, des autres peuples.
Un enfant français à l'étranger - c'est un reproche que l'on nous fait - coûte
beaucoup plus cher qu'en France. Je pense donc aux budgets futurs. A ce
propose, il faut citer le rôle capital qui a été joué par l'Association
nationale des écoles françaises de l'étranger, l'ANEFE, dont le président, le
sénateur honoraire Jacques Habert, reste toujours très vigilant.
Si j'insiste, c'est que, souvent, quand on parle de l'enseignement français à
l'étranger, on soulève le coût des études. Pendant des années, au Conseil
supérieur des Français à l'étranger, on m'a reproché le prix des études au
lycée français de New York, qui était le sujet principal d'attaque.
Aujourd'hui, on n'en parle plus car les autres lycées dans le monde ont des
frais d'écolage du même ordre.
On nous reproche l'augmentation des frais d'écolage. Or, ils sont identiques à
ceux des autres écoles privées établies dans la même ville, qui sont en
compétition avec nos écoles. Nous connaissons le coût de l'enseignement d'un
jeune Français dans le primaire et dans le secondaire en France. Si nous
pouvions obtenir des ressources équivalentes pour nos jeunes de l'étranger,
nous n'aurions plus de problème financier.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Ça, c'est sûr !
M. André Maman.
On me dit : « Vous, les Français de l'étranger, vous ne payez pas d'impôt ! »
- je souhaiterais qu'on me le dise officiellement, par écrit, et non plus entre
deux portes. Or, c'est faux : nous payons des impôts.
L'enseignement français, de la maternelle au baccalauréat, est considéré comme
un des meilleurs du monde, sinon le meilleur.
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
M. André Maman.
Dans les pays les plus développés, j'ai souvent entendu dire, par les
étrangers, que nous avions les meilleures institutrices du monde.
MM. René-Pierre Signé et Serge Lagauche.
Bravo !
M. André Maman.
Nous en sommes fiers, et nous voulons maintenir notre système d'enseignement
au niveau le plus élevé.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous avez dit le contraire tout à l'heure !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Je croyais que les
enfants ne savaient pas lire !
M. André Maman.
Je n'ai jamais dit qu'ils ne savaient pas lire, madame la ministre !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Précédemment, vous avez dit que 30 % des élèves ne
savaient pas lire !
M. André Maman.
Nous avons les meilleurs enseignants du monde à cet échelon-là, et je sais de
quoi je parle.
M. le président.
En l'instant, M. Maman ne s'exprime pas en qualité de rapporteur pour avis de
la commission des affaires culturelles.
Veuillez poursuivre, monsieur Maman.
M. André Maman.
Mais encore faut-il que ce réseau scolaire soit aidé, que le Gouvernement
français mette tout en oeuvre pour lui permettre, d'abord, d'accueillir tous
les enfants qui voudraient fréquenter ces écoles. Les frais d'écolage sont
hélas ! souvent élevés, ce qui peut écarter certains enfants de notre système
d'enseignement.
Monsieur le ministre, madame la ministre, je rappelle la promesse faite par
les ministres des affaires étrangères qui se sont succédé, quelle que soit leur
appartenance politique : aucun enfant français de l'étranger ne sera exclu de
notre système scolaire pour des raisons financières. Or, on nous signale
maintenant le cas d'enfants - ils sont certes peu nombreux - qui ne peuvent
être scolarisés précisément pour des raisons financières.
Il est donc nécessaire de maîtriser les frais d'écolage, qui ont beaucoup
augmenté ces dernières années. Il faut accroître le budget des bourses, pour
les familles dont les ressources sont modestes. La part prise en charge par
l'Etat doit augmenter, c'est une impérieuse nécessité.
Le montant des bourses scolaires est passé de 102 millions de francs en 1991 à
232 millions de francs. C'est un progrès remarquable. Cependant, ce n'est pas
assez.
L'Agence avait été créée pour diminuer la part parentale. Or, celle-ci ne
cesse d'augmenter, et dépasse maintenant 50 %.
En 1999, on dénombre 17 115 boursiers sur un total de 66 609 élèves,
c'est-à-dire qu'un enfant sur quatre est boursier. Mais on omet de dire qu'il
ne s'agit pas toujours de bourses complètes. En effet, il arrive qu'elles
soient limitées à 10 ou 20 %, ce qui est intenable pour des familles ayant
plusieurs enfants.
Le réseau scolaire de l'étranger est placé sous la tutelle de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, créée par la loi du 6 juillet
1990 et dont nous fêterons bientôt le dixième anniversaire.
Malheureusement, cette agence a été placée sous la tutelle du ministère des
affaires étrangères, puis de la coopération. Nous ne cessons de regretter
l'absence du ministère de l'éducation nationale. Nous réclamons une cotutelle
de l'Agence. Nous vous l'avions dit, monsieur le ministre, lors de votre
audition par la commission des affaires culturelles. M. Védrine et vous-même
nous aviez laissé quelque espoir. Pourtant, rien n'a été fait.
(Si ! sur la
travées socialistes.)
Non, pour ce qui est de la cotutelle, puisque le
ministère de l'éducation nationale reste à l'écart. Or, il doit prendre la
place qui lui revient de droit.
Ici, je voudrais formuler des craintes très vives à propos de l'inflexion que
semble prendre la direction de l'Agence quant à l'homologation de nouvelles
écoles et à la résorption du réseau par la déshomologation.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je tiens à savoir si cette attitude
nouvelle, qui inquiète beaucoup les associations de parents d'élèves, qui
pensaient que l'on créerait de nouvelles écoles, ainsi que le monde enseignant
en général, dépend uniquement de la volonté de l'Agence, ou bien si elle est le
résultat d'une réflexion au plus haut niveau. Certes, la direction de
l'enseignement scolaire, la DESCO, est cosignataire de la liste d'accréditation
établie chaque année, mais ce n'est pas suffisant.
Est-il vrai, par exemple, que certaines écoles homologuées sont menacées au
Etats-Unis, comme l'Agence l'a fait entendre récemment ? Je rappelle que, dans
ce pays, le plus important du monde, nous comptons trente-neuf écoles
françaises homologuées, dont beaucoup sont accréditées depuis des dizaines
d'années. Nous avons eu récemment la visite de l'Agence, et nous avons cru
comprendre que l'enquête qu'elle a menée pourrait déboucher sur des
déshomologations. Si ces dernières résultaient de cessations d'activité, comme
en Côte d'Ivoire, ou de manquements graves, nous pourrions le comprendre. Mais
comment expliquer à une... proviseuse... disons une dame proviseur d'un lycée
très important de San Francisco accrédité depuis quarante ans que celui-ci
perdra peut-être son accréditation ? On ne comprend vraiment pas !
On nous parle de redéploiements au profit de l'Europe centrale et orientale,
ainsi que de l'Asie de l'Est et du Sud-Est. Mais cela ne doit pas entraîner de
conséquences injustifiées ailleurs dans le monde !
Rappelons que la loi du 10 juillet 1989, élaborée sous l'égide du ministre de
l'éducation nationale de l'époque, M. Lionel Jospin, dont vous étiez le
conseiller, monsieur le ministre, avait bien pris acte de la spécificité de
l'enseignement français à l'étranger, dans le domaine aussi bien des programmes
que de l'administration et de l'organisation.
Les écoles françaises à l'étranger ne peuvent être exactement identiques à
celles de métropole. Dans ces écoles, certaines heures de cours doivent être
consacrées à la langue et à la civilisation locales, ce qui suppose une
certaine souplesse, que la direction de l'Agence ne nous semble pas
suffisamment prendre en compte.
Je voudrais être rassuré quant à l'avenir du réseau scolaire français à
l'étranger, car, et ce sera la conclusion de cette première partie de mon
intervention, une vive inquiétude s'y fait jour. Ce n'est pas en employant un
style cassant, en manquant souvent à la courtoisie la plus élémentaire et en
traitant les divers acteurs de l'enseignement comme s'ils étaient incompétents,
alors qu'ils sont très souvent des pédagogues de valeur, que l'on résoudra le
problème ! Une telle attitude se dessine pourtant très nettement depuis
quelques mois, et vous en obtiendrez peut-être confirmation par les courriers
de certains ambassadeurs de France à l'étranger.
Je voudrais maintenant aborder la seconde partie de mon intervention.
Encore une fois, le premier budget de l'Etat est celui qui augmente le plus
par rapport à l'année précédente, avec 308,7 milliards de francs inscrits dans
le projet de budget pour 2000. L'augmentation, qui est de 3,5 %, soit 10
milliards de francs supplémentaires, est nettement supérieure à la progression
générale des dépenses, qui est de 0,9 %.
L'année dernière, la commission d'enquête du Sénat, dont le rapporteur était
mon excellent collègue Francis Grignon, qui, je le répète, ne peut
malheureusement être présent aujourd'hui dans cet hémicycle, avait constaté
que, en dépit de dotations considérables et d'une rente démographique
favorable, l'éducation nationale continuait à être confrontée à d'importants
dysfonctionnements. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelles ont été les mesures
prises afin de mieux contrôler l'utilisation des moyens attribués au système
scolaire et d'en améliorer la gestion ?
Je souhaite tout d'abord attirer l'attention sur le fait qu'il n'a été remédié
à aucun des dysfonctionnements que la commission avait pu constater lors de
l'élaboration de son rapport.
Le projet de budget pour 2000 prévoit la création de 4 300 emplois, dont 3 360
d'enseignant dans le second degré, 810 de personnel ATOS et 150 de personnel
médico-sociaux, pour un coût de 267 millions de francs, et ce alors que le
nombre d'élèves ne cesse de diminuer depuis dix ans. Madame le ministre,
monsieur le ministre, vous privilégiez l'objectif de la qualité en améliorant
le taux d'encadrement et en favorisant la scolarisation des enfants de moins de
trois ans. Cela ne passe-t-il pas aussi par une gestion plus rigoureuse des
moyens mis à la disposition du ministère de l'éducation nationale ?
A titre d'exemple, la multiplicité des options continue d'alourdir
considérablement le coût de l'enseignement du second degré, en amenant la
mobilisation de professeurs devant de petits groupes d'élèves. De plus, le
système d'options, parce qu'il permet d'éviter la sectorisation, est parfois
détourné de sa vocation à des fins sélectives.
Par ailleurs, il eût été souhaitable que les moyens soient en partie
réorientés, afin de pallier certains dysfonctionnements.
Les enseignants en surnombre sont ainsi près de 10 000, pour un coût évalué à
3 milliards de francs, alors que, parallèlement, nous continuons à manquer de
professeurs en anglais, en espagnol, en sciences physiques et en sciences de la
vie et de la terre. Ce défaut de rigueur dans la gestion des enseignants
conduit le ministère à faire jouer abusivement des variables d'ajustement, ce
qui a pour effet d'alimenter la dérive budgétaire.
En effet, depuis l'interdiction de procéder à de nouveaux recrutements de
maîtres auxiliaires, l'éducation nationale a tenté de retrouver une certaine
souplesse de gestion en recourant à des professeurs contractuels et à des
vacataires : 15 000 maîtres auxiliaires ont ainsi été réemployés à la rentrée
scolaire de 1999, auxquels s'ajoutent 8 000 contractuels et un grand nombre de
vacataires qui échappent à tout recensement. Le projet de budget pour 2000
prévoit encore de financer le recrutement de 3 000 contractuels.
De surcroît, plus de 65 000 emplois-jeunes ont été créés depuis 1997. Les
jeunes embauchés à ce titre se sont vu confier une mission éducative pour
laquelle ils ne sont pas formés. Le coût des salaires des aides éducateurs et
des charges afférentes est estimé à 1 milliard de francs.
Les effets de ce dispositif sont certes bénéfiques à court terme, puisqu'il
permet de résorber le chômage des jeunes diplômés. Toutefois, sur quoi ces
emplois-jeunes déboucheront-ils ? Allez-vous pérenniser ces emplois au sein de
l'éducation nationale, en créant un concours spécifique qui permettra à leurs
bénéficiaires d'être titularisés ? Ou bien allez-vous tous les licencier au
terme de leur contrat ? Ce n'est pas la signature d'un accord-cadre avec sept
grandes entreprises, qui s'engagent à embaucher 3 600 d'entre eux, qui vous
permettra de résoudre ce problème !
Monsieur le ministre, je ne peux que constater avec regret qu'aucune des
propositions de la commission d'enquête n'a été retenue, notamment celles qui
avaient trait au renforcement du contrôle du Parlement sur la gestion de
l'éducation nationale.
Nous avions en effet proposé la création d'un « jaune » budgétaire, ce qui
aurait obligé le ministère à faire clairement apparaître l'effectif des
enseignants qui n'enseignent pas, plus particulièrement de ceux qui bénéficient
de décharges réglementaires, de mises à disposition ou de détachements. Or il
n'en est rien ! Les parlementaires ne disposent que du « bleu » budgétaire,
dont la lecture reste difficile et ne nous permet pas d'estimer clairement le
nombre d'emplois occupés par des enseignants.
Ce projet de budget ignore totalement les propositions de la commission
d'enquête. Comment aurait-il pu en être autrement, monsieur le ministre,
puisque vous avez critiqué son rapport, sans même avoir vérifié la pertinence
de vos affirmations. Le 16 novembre dernier, vous avez déclaré, devant nos
collègues députés, que les chiffres de ce rapport sont « si fantaisistes qu'ils
mélangent mises à disposition et détachements » et que « les enseignants élus
députés étaient classés dans les mises à disposition ».
Vous souhaitiez nous réclamer votre dû ! Eh bien, monsieur le ministre, je
vous répondrai que le Sénat n'a pas mélangé les mises à disposition et les
détachements, et que les enseignants élus députés sont bien classés parmi les
détachés.
Votre attitude à l'égard du Sénat, votre refus de prendre en compte la moindre
de ses propositions en vue d'améliorer les perspectives d'avenir de nos enfants
conduiront les membres du groupe de l'Union centriste à ne pas voter votre
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers
collègues, pour la majorité issue de la gauche plurielle, l'éducation nationale
constitue une priorité majeure, ainsi que l'a exprimé le Premier ministre dans
sa déclaration de politique générale, en juin 1997.
M. Emmanuel Hamel.
Pour nous aussi !
Mme Hélène Luc.
Oui, mais cela ne s'est jamais traduit dans les faits !
Nous souscrivons pleinement à ce choix. Vous aurez ainsi pu prendre note,
monsieur le ministre, de l'affirmation réitérée par les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen de leur ambition et de leur volonté de
permettre à chaque jeune de notre pays d'être placé en situation de réussite et
de développer au mieux ses talents et ses capacités, afin de se préparer de
façon optimale à sa future vie professionnelle, personnelle et sociale.
Puisque je parle de réussite, permettez-moi, madame la ministre, monsieur le
ministre, mes chers collègues, de me réjouir du succès du lancement d'Ariane 5,
précurseur d'autres avancées, notamment commerciales, et de féliciter tous les
ingénieurs, techniciens et personnels qui ont contribué à ce succès.
(M. Hamel applaudit.)
Vous pouvez en effet applaudir nos techniciens, mon cher collègue !
Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin de la législature et, au regard de ce
projet de budget de l'enseignement scolaire, un bilan d'étape peut être dressé,
qui viendra nourrir la nécessaire réflexion sur le devenir à plus long terme de
notre système éducatif.
Je ne reprendrai pas ici les nombreux chiffres qui ont été cités par mes
collègues de l'Assemblée nationale et par notre rapporteur spécial. Eu égard à
la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je souhaiterais axer mon
propos sur le défi que doit relever notre école.
En ce domaine, les attentes de nos concitoyens sont très fortes, et nous
devons considérer cet intérêt comme un atout considérable. On constate en effet
dans notre pays un profond attachement au service public de l'éducation, dont
on exige que la qualité soit toujours plus grande et que la modernité prenne en
compte des besoins toujours évolutifs dans les domaines des connaissances, des
technologies, des pratiques éducatives.
Nous nous inscrivons pleinement dans cette approche, dans ce mouvement de fond
de notre société, et toutes nos interventions, tant à cette tribune que sur le
terrain, où nous oeuvrons en permanence avec les partenaires de l'école, ont
pour premier objet d'apporter des réponses à ces grands défis qui conditionnent
l'avenir économique et humain de notre pays.
L'un d'entre eux, et non des moindres, est celui de la pérennité de la
compétence régalienne de l'Etat en matière de scolarisation, qui doit être
assurée.
Au moment où les tenants de l'ultralibéralisation, en France et ailleurs,
prônent la transformation en marchandise et la privatisation de la formation,
appâtés qu'ils sont par les profits gigantesques qui pourraient en résulter, il
est nécessaire de réaffirmer et de conforter, par nos propos mais aussi par la
politique mise en oeuvre, nos grands principes républicains, qui font de notre
pays une référence, un exemple reconnu dans le monde entier.
Monsieur le ministre, à l'occasion de la conférence de Seattle, qui
représentait une menace pour notre système éducatif, vous avez rappelé
l'attachement du Gouvernement à notre conception de l'école.
Vous trouverez toujours chez les sénateurs du groupe communiste républicain
et citoyen la même détermination, le même engagement indéfectible, tant il y va
en cette affaire de la place et du rôle de la France dans le prochain
siècle.
Mais il faut que les actes traduisent cette volonté commune, s'agissant aussi
bien de la mission confiée à l'école que des moyens à lui attribuer.
L'un des meilleurs atouts pour progresser dans cette voie, monsieur le
ministre, réside dans la capacité à réussir la transformation progressiste de
l'école, préalable nécessaire à de nouvelles avancées qualitatives et
quantitatives.
Pour l'heure, notre système éducatif, après une période positive d'expansion,
plafonne en termes de démocratisation, ce qui signifie qu'il souffre d'un
manque d'équité.
En effet, l'affirmation de l'égalité des chances de réussite pour tous est en
panne, et une frange importante de la population scolaire ne parvient pas à
s'approprier les savoirs indispensables et vit sa scolarité sur un mode
négatif.
Les inégalités scolaires sont multiformes et omniprésentes : elles renvoient à
des crises sociales fortes, mais aussi à des disparités géographiques, de
recrutement et de dotations humaines et matérielles des établissements, ainsi
qu'en matière de filières d'enseignement proposées, de contenus et de
débouchés.
L'indispensable réduction de ces inégalités relève de la solidarité nationale
et du partage le plus large possible des savoirs. Il faut s'y atteler, madame
le ministre, monsieur le ministre. Vous avez ouvert des chantiers, vous avez
lancé des réformes ; vos partenaires vous aideront à en élaborer les objectifs
et les modalités.
Je citerai comme exemples représentatifs de cette politique la mise en oeuvre
du plan d'urgence en Seine-Saint-Denis, les recrutements nouveaux d'enseignants
et de personnels non enseignants, l'aide personnalisée par petits groupes et
les mesures nouvelles décidées à la suite des mouvements lycéens. Mais, compte
tenu des retards accumulés par les politiques de la droite, laquelle considère
le service public non pas comme un investissement humain utile, mais comme une
charge indue...
M. Emmanuel Hamel.
Allons !
Mme Hélène Luc.
... je suis convaincue qu'il faut aller désormais plus loin et plus haut. Il
s'agit de poser de façon radicalement nouvelle la question des liens entre la
formation, le travail et, plus généralement, l'ensemble des activités
concourant à l'épanouissement des individus. L'école du xxie siècle doit être
capable de donner un nouveau souffle à la société, dont elle représente le
socle pour le changement. Elle doit être toujours à la recherche d'une
universalité qui place l'être humain dans ce qu'il y a de meilleur.
Cela implique bien sûr que les enseignants transmettent des savoirs. Mais la
méthodologie en matière d'acquisition des savoirs, qui revêt aujourd'hui une
importance cruciale, n'est plus celle d'il y a quinze ans : elle revient, comme
l'a dit M. le ministre, à apprendre à apprendre, car une partie de la
connaissance, notamment avec le multimédia, provient de l'extérieur. On peut
dire, à mon avis, que le rôle de l'enseignant dans les établissements scolaires
est une question qui progresse.
L'école doit dispenser des valeurs de communautés linguistiques, sans oublier
pour cela l'enseignement des langues régionales, des valeurs liées à notre
histoire, à celle des grands hommes, avec les périodes historiques qui fondent
notre mémoire. Elle doit aussi enseigner les sciences, qui progressent et qui
doivent prendre une place plus importante encore dans l'enseignement.
Il importe aussi, à la faveur des prévisions de baisse sensible du nombre
d'élèves dans les prochaines années et des marges budgétaires nouvelles
dégagées par la croissance, de considérer aujourd'hui comme réaliste et
possible l'objectif d'un effectif maximum de vingt-cinq à trente élèves par
classe, avec une modulation suivant les niveaux et les situations des
établissements. Un nombre de trente élèves dans les classes de terminale
constitue un début, mais il faut aller plus loin et plus vite.
Un tel engagement de la nation, avec la programmation budgétaire progressive
et précise des recrutements correspondants - la loi d'orientation de 1989
l'édictait d'ailleurs - doit être réalisé. Tous, jeunes, enseignants, parents,
élus plébiscitent une telle disposition non pour elle-même, mais pour ce
qu'elle apporterait de modernité en termes de dimension humaine du groupe,
d'individualisation inéluctable et d'amélioration de l'acte éducatif. Tous ces
partenaires, qui constituent un gisement d'experts dont l'apport est
irremplaçable, en sont à juste titre persuadés : un tel objectif est un passage
obligé, une évolution indispensable pour innover, pour transformer, pour créer
des dynamiques et des pratiques nouvelles, bref pour fonder les conditions de
l'école du xxie siècle. La gauche, par une telle décision, enrichirait d'une
empreinte nouvelle la liste des avancées progressistes qu'elle a su imprimer
dans l'histoire de notre service public d'éducation.
Vous me direz, monsieur le ministre, qu'une telle mesure obérerait les
finances publiques au-delà du raisonnable. Procédez donc au préalable à une
simulation précise et transparente prenant en compte la conjoncture
démographique et économique nouvelle ; la faisabilité du projet en
découlera.
Vous me direz peut-être, madame, monsieur le ministre, que, voilà plusieurs
décennies, les classes étaient bien plus chargées et que la réussite scolaire
n'en était pas pour autant entravée. Mais, comme vous le savez, le public n'est
plus le même ; ses caractéristiques, ses besoins sont totalement différents
aujourd'hui ; s'agissant ainsi de l'expression orale, un rapport récent de
l'inspection générale de l'éducation nationale souligne que seuls 30 % des
élèves la maîtriseraient réellement. Comment, sinon par une diminution
significative des effectifs, créer des conditions propices à un développement
correct et efficace de cette dimension intellectuelle dont la fonction est
cruciale pour tout apprentissage et pour toute vie sociale ?
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2000 augmente de 3,5 %, alors que la
progression de l'ensemble des crédits est de 0,9 %. Cette augmentation permet
de sous-tendre des mesures positives de titularisation, de création de postes,
de suppression de droits d'examen, notamment. Mais cela reste très insuffisant,
car le budget enregistre une hausse des heures supplémentaires de 10 %, heures
supplémentaires qu'il faudrait transformer en postes budgétaires. Ainsi, 30 000
emplois ATOS seraient nécessaires alors que 1 000 postes seulement sont
créés.
Mon amie Nicole Borvo interviendra spécifiquement, tout à l'heure, sur les
services de santé scolaire et sur les dernières initiatives prises par Mme la
ministre déléguée. Je tiens néanmoins, madame la ministre, à vous faire part de
mon accord sur votre décision concernant la pilule du lendemain. Vous répondez
ainsi à une détresse des jeunes filles à laquelle il faut bien faire face,
étant entendu qu'il ne faut pas pour autant diminuer notre effort en matière de
contraception.
Les crédits affectés à l'aide personnalisée en 6e et en 5e et à l'aide
individualisée au lycée progressent clairement et s'élèvent à 240 millions de
francs. Il est regrettable que ces aides soient dispensées sous forme d'heures
supplémentaires, et qu'elles ne donnent pas lieu à création de postes
budgétaires. Il faut créer des postes.
Vous le savez, madame, monsieur le ministre, les personnes occupant des
emplois-jeunes sont préoccupées par l'acquisition d'une formation et d'un
emploi stable. Pouvez-vous nous redire quelles mesures vous entendez prendre ?
Ces jeunes ont retrouvé, c'est certain, la satisfaction d'être utiles, la joie
de vivre - je le dis très sincèrement - et la joie de travailler ; mais
maintenant, ils veulent plus, comme c'est normal.
Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen adoptent, s'agissant de votre politique, une position constructive
d'interpellation en faveur de la réussite d'une transformation progressiste de
l'école ; cette dernière suppose une programmation et un budget qui soient les
supports d'un service public consolidé et fortifié. La décentralisation a
apporté indiscutablement des éléments positifs, mais elle ne doit pas nuire à
l'unicité du service public.
La gauche réussira sa transformation de l'école en revendiquant l'histoire,
les réalisations, les acquis de l'école républicaine. Elle le fera tout d'abord
en s'inscrivant dans la continuité des mobilisations, des luttes, des
engagements professionnels, syndicaux, politiques qui ont fait le service
public laïc d'éducation ; elle le fera aussi en enracinant les évolutions
d'aujourd'hui dans le patrimoine culturel, scientifique, technologique,
intellectuel de notre pays ; elle le fera en osant le bilan critique, sans
concessions, des certitudes, des habitudes, des rigidités de l'esprit de corps,
de l'étatisme qui freinent les modifications indispensables. Les enseignants
progressent dans cette voie, et il faut leur faire confiance, les associer. La
gauche réussira enfin sa transformation de l'école en combattant ceux qui,
autour de l'école et dans l'école, enferment la jeunesse dans un présent
étriqué et dans un avenirincertain.
L'école a besoin d'un vrai projet politique liant sa transformation à celle de
la société française.
Pour la majorité sénatoriale, qui ne voit pas l'intérêt d'avoir un programme,
il suffit de dépenser moins, mais mieux.
M. Pierre Martin.
C'est tout à fait ça !
Mme Hélène Luc.
Pour moi, ce n'est pas du tout un programme ! Il y a eu certes beaucoup de
gâchis, mais, aujourd'hui, la situation est ce qu'elle est !
Il nous faut maintenant faire preuve du même esprit citoyen de création que
les auteurs du plan Langevin-Wallon, à la Libération, c'est-à-dire ne pas
vouloir restaurer l'école d'hier, ne pas se contenter de corriger les défauts
de l'école d'aujourd'hui, mais travailler à sa transformation du service public
d'éducation.
L'école doit s'imprégner du goût d'une culture moderne, du désir de vivre
ensemble, de vivre bien pour soi-même, mais avec les autres, dans des
institutions justes. Cette ambition, les membres du groupe communiste
républicain et citoyen veulent la mettre au service de la réussite d'une
politique de gauche.
Telles sont, madame, monsieur le ministre, les remarques et les propositions
que je souhaitais faire au nom des sénateurs du groupe communiste républicain
et citoyen. Nous voterons votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a
parfois opposé, dans la préparation de notre débat d'aujourd'hui, les éléments
quantitatifs et les apects qualitatifs du projet de budget que vous nous
soumettez.
Cette opposition ne me paraît pas fondée, s'agissant du premier budget de la
nation. La volonté de réforme du Gouvernement, en l'espèce, ne pourrait
s'accomplir sans un effort financier significatif.
C'est pourquoi je souhaite d'abord exprimer ma fierté et celle de mes
collègues socialistes de soutenir un gouvernement qui a, en trois exercices
budgétaires, accru de 10 % l'effort national en faveur de l'éducation. Le
budget de l'enseignement scolaire dépasse, pour la première fois, les 300
milliards de francs. Plus de 6 600 postes ont été créés depuis la rentrée de
1997. Si les chiffres ne sont pas tout, celui-ci est parlant, au moins autant
que celui des 5 000 postes supprimés par vos deux prédécesseurs !
Cet élément quantitatif, je ne le développerai pas plus ici. C'est par le
redéploiement des crédits, c'est par l'affectation de cet effort que se signale
d'abord la qualité du projet de budget de l'enseignement scolaire pour l'année
2000.
Je rappellerai seulement, madame, monsieur le ministre, que, en tenant compte
de la baisse démographique, c'est une progression des crédits de 4 % par élève
scolarisé que vous proposez à notre vote. Vous mettez à profit la diminution
des effectifs d'élèves pour améliorer le taux de l'encadrement scolaire. Plutôt
que de réduire le nombre d'enseignants, vous réduisez la taille des classes et
vous créez des soutiens nouveaux. Voilà, au-delà des chiffres, l'expression
d'une volonté politique.
Il faudrait aussi souligner la cohérence manifestée par ces crédits avec
l'engagement de toute une législature en faveur de la qualité de l'enseignement
scolaire. Je saluerai simplement l'intégration efficace des aides éducateurs
aux équipes pédagogiques, l'amélioration des statuts des personnels
enseignants, en particulier des directeurs d'école - il reste certes beaucoup à
faire en matière d'abaissement du seuil des décharges afin de restituer son
caractère attrayant à cette fonction importante - enfin, la déconcentration du
mouvement des professeurs, en passe de réussir pleinement. Faut-il rappeler ici
que la gestion des ressources humaines était purement et simplement inconnue
rue de Grenelle avant 1998 ?
Voilà pour les grandes lignes. Il ne s'agit pas d'être triomphalistes :
personne ne soutiendrait qu'un ensemble administratif aussi vaste que
l'éducation nationale peut être géré facilement, et personne n'affirmerait non
plus que les problèmes éducatifs peuvent être réglés par l'école seule. Mais
c'est justement parce que l'école se trouve, malgré elle, en charge de tâches
qui la dépassent que la collectivité se doit de la rendre toujours plus
efficace, de la moderniser et de la faire évoluer en permanence dans le respect
de toute la population scolaire.
Je veux insister sur les crédits et les mesures qui garantissent le caractère
équitable de la diffusion des savoirs de base. Je note ainsi la création de 1
500 postes d'assistant de langues étrangères et de 5 000 emplois-jeunes
supplémentaires en vue d'épauler le personnel enseignant.
Je pense également au renforcement de la liaison entre le CM2 et la 6e, à
l'introduction du tutorat et de l'aide personnalisée pour les élèves de 6e et
de 5e, à la diversification des méthodes d'enseignement.
Je pense, enfin, au projet de partition des collèges de plus de 1 000
élèves.
Garantir l'accès équitable des élèves à l'école passera aussi par votre
décision de rétablir les bourses des collèges, par l'institution des fonds
sociaux des cantines, des collèges et des lycées, par l'augmentation de
l'allocation de rentrée scolaire et son versement dès le premier enfant : 4
milliards de francs sont inscrits dans votre projet de budget à ces divers
titres.
Il faudrait aussi évoquer les nouvelles mesures prises pour accueillir un
tiers d'enfants handicapés en plus dans les établissements.
Il faudrait encore parler du plan de lutte contre la violence et de ses
mesures simples, dont l'application porte ses premiers fruits.
Gouvernement, majorité plurielle, que disons-nous au fond ? Qu'il n'y a pas
d'autre choix que celui de l'égalité des chances, sans restriction ! Sans nier
les difficultés ni les écueils, nous disons que l'accès du plus grand nombre à
un socle de connaissances fondamentales est la condition première pour réaliser
une société de liberté telle que nous l'entendons, une société qui permette à
chacun de faire effectivement le libre choix de son devenir personnel et
professionnel, c'est-à-dire le projet et le modèle de société où se
reconnaissent l'écrasante majorité des Français. Tout autre choix, en matière
éducative, est régressif et condamne, à terme, les chances du pays.
Madame la ministre, lorsque je me félicitais, il y a un instant, de la
partition des établissements surchargés, vous vous doutez bien que je ne
pensais qu'à l'intérêt général de la nation, car mon département, l'un des plus
ruraux, rencontre en matière scolaire des difficultés d'ordre tout
différent.
Il y a deux ans, ici même et à la même occasion, j'avais évoqué devant vous la
question des ZEP en zone rurale. Des efforts ont été faits, et je tiens à vous
en remercier personnellement, madame la ministre, vous qui êtes venue dans la
Nièvre nous apporter votre soutien.
Aujourd'hui, c'est encore à ces régions que je pense, en émettant le voeu que
s'y développe la scolarisation dès l'âge de deux ans, qui concerne aujourd'hui
le tiers des petits Français, principalement dans les grandes zones urbaines.
Or la scolarisation précoce est aussi une nécessité en zone rurale, ne
serait-ce que parce que le besoin d'ouverture des enfants y est considérable,
ou encore parce que le salaire de leur mère est souvent la condition
indispensable pour que le foyer s'en sorte.
Madame la ministre, je sais, avec les sénateurs socialistes, combien il est
difficile d'agir pour que l'école du xxie siècle réponde aux défis, inconnus
jusqu'alors, qui sont les siens. Nous n'en sommes que plus confiants envers
votre action et celle de M. Claude Allègre.
Nous savons aussi à quel point il est utile de maîtriser la dépense publique,
comme a choisi de le faire avec succès le Gouvernement. Sachez que nous n'en
apprécions que mieux l'effort qualitatif et quantitatif consenti par le pays en
faveur de l'éducation de ses enfants. Nous soutiendrons, bien évidemment, cet
effort dans cette assemblée.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers
collègues, je suis le dernier orateur à m'exprimer dans ce débat, mais, je
l'espère,
not the least
, malgré la grande brièveté de mon
intervention.
(Sourires.)
C'est effectivement en peu de mots mais avec beaucoup de conviction,
monsieur le ministre, que je voudrais vous parler à mon tour de l'enseignement
français à l'étranger.
Je profite de l'occasion que m'offre l'examen de votre budget pour reprendre
le dialogue que j'ai eu l'honneur d'entamer avec vous le 7 octobre dernier, ici
même au Sénat, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Après avoir souligné la qualité et la densité de notre réseau d'écoles à
l'étranger ainsi que l'augmentation de l'enveloppe des bourses, j'avais, ce
jour, déploré que, malgré ces éléments favorables, nous ne soyons toujours pas
en mesure de profiter de l'attrait de notre culture et de notre système
d'enseignement auprès des citoyens de nombreux pays, ni d'offrir à tous les
enfants français de par le monde la chance d'étudier dans des écoles françaises
parce qu'elles sont trop chères.
J'avais réclamé « une grande politique et les moyens de cette politique ».
Je n'ai pas eu l'occasion de vous le dire alors, monsieur le ministre, mais
sachez que je me suis réjoui de la réponse que vous m'aviez apportée, parce que
vous aviez bien voulu à la fois manifester votre accord sur le constat et faire
état de votre engagement dans la direction qui me paraît être la bonne en
déclarant qu'il fallait qu' « avec votre collègue Hubert Védrine » vous
recherchiez ensemble « des solutions et des moyens qui satisfassent cette
nécessaire grande ambition de la France ».
Monsieur le ministre, on connaît votre naturelle ouverture sur l'international
et votre désir de promouvoir notre culture dans le monde : ne le faisiez-vous
pas hier encore à Boston et à Washington ? On sait aussi combien vous êtes
conscient de l'importance de voir nos compatriotes plus nombreux à l'étranger
et les décideurs de demain formés dans notre langue.
Mais tout va aujourd'hui plus vite, et le temps presse. Il est plus que temps
de mettre en chantier cette grande oeuvre qui honorerait le gouvernement auquel
vous appartenez. C'est à vous de l'en convaincre, monsieur le ministre,
l'initiative vous appartient ! Tous les acteurs concernés sont d'ailleurs prêts
à s'associer à vous, car une véritable mise à plat est nécessaire, qui
permettrait une approche nouvelle et moderne, souple et adaptée aux différents
contextes et aux différents pays, y compris au niveau des financements.
Pour mener à bien ce grand chantier, vous pourrez compter non seulement sur la
communauté éducative - et je tiens à souligner à cet égard ma considération
pour le travail accompli, en particulier par les chefs d'établissement - mais
aussi sur le dévouement traditionnel des associations de parents d'élèves et
des comités de gestion, dont les membres et les entreprises auxquelles ceux-ci
appartiennent sont souvent à l'origine de la création de nos écoles.
Vous pourrez compter aussi sur les membres du Conseil supérieur des Français
de l'étranger, que vous avez récemment honoré de votre présence, ainsi que sur
les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Ce chantier passe, au-delà des différentes actions que vous avez déjà
entreprises - en particulier sur le plan pédagogique - par un engagement plus
complet, notamment financier, de votre ministère aux côtés du ministre des
affaires étrangères. Le projet de budget que nous examinons vous en offre-t-il
la possibilité ?
Quant aux textes qui régissent le statut de l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger, leur adaptation, qui permettrait la mise en oeuvre de la
politique dont nous avons besoin, n'est qu'une affaire de volonté. C'est cette
volonté que je serais heureux de vous entendre réaffirmer.
Je souhaiterais également, monsieur le ministre, que vous nous informiez sur
l'état actuel de votre concertation avec votre collègue chargé des affaires
étrangères, ainsi que sur les projets du Gouvernement en ce qui concerne, je me
permets de vous citer à nouveau, cette « nécessaire grande ambition de la
France ».
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants
et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quel est le sujet de
notre débat d'aujourd'hui ? C'est, au-delà des moyens budgétaires, l'avenir du
service public d'éducation français. Ce service public est pour nous essentiel,
parce qu'il est indissociable de l'idée que nous nous faisons de la République,
j'ai été amené à le rappeler encore ces jours dernier dans un autre pays, qui a
une autre logique que le nôtre.
Notre projet est simple : nous voulons donner à notre service public, à notre
école, l'ambition et les moyens d'affronter les défis techniques, économiques,
et donc les défis sociaux, du prochain siècle : ceux qui sont issus de
l'explosion des savoirs et des connaissances, ceux qui sont liés à
l'introduction massive des nouvelles technologies qui vont bouleverser
totalement les méthodes d'éducation.
Cette adaptation, voire cette mutation, doit se faire en s'appuyant sur les
succès et sur la qualité de cet enseignement.
A ce sujet, j'ai entendu un orateur se contredire au cours de deux
interventions successives. Je lui réponds donc que, même si je cherche à
améliorer encore notre système d'enseignement, celui-ci reste incontestablement
l'un des meilleurs du monde, et c'est d'ailleurs l'un de nos plus grands atouts
: la raison numéro un pour laquelle des entreprises étrangères viennent
s'installer en France est, selon une enquête du journal
l'Expansion
, la
qualité de notre système d'enseignement. C'est pourquoi je considère que tenir,
dans des enceintes commes celle-ci, des propos tendant à ternir l'image de
notre système d'enseignement, c'est mener une mauvaise action contre notre
pays.
(M. Lagauche applaudit.)
Dans le même temps, il faut moderniser et transformer ses méthodes, sa gestion
: elle doit être plus réactive, plus transparente, plus efficace.
Adapter l'école aux défis de demain, instaurer une gestion moderne du service
public de l'école, ce sont deux volets indissociables ; c'est, en fin de
compte, le même projet.
Sur ce projet, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il pourrait -
qu'il devrait - y avoir un vrai consensus par-delà les oppositions politiques.
Le travail de votre commission d'enquête le montre : sur beaucoup de points, il
pose avec sérieux de vraies questions et diffère fort peu, d'ailleurs, de celui
qu'a effectué l'Assemblée nationale sur les mêmes sujets.
J'ai déjà répondu en partie à plusieurs des questions que m'a posées votre
commission, et, comme je m'y suis engagé, j'adresserai au président Gouteyron,
dans le courant de la semaine prochaine, une réponse très détaillée sur chacune
de ses propositions.
J'ai de nombreux points d'accord avec lui, mais aussi quelques points de
désaccord.
Il est quand même intéressant de noter qu'un certain nombre des propositions
de votre commission rejoignent les chantiers que j'ai entrepris, s'agissant
notamment de la déconcentration ou du remplacement. Je remarque d'ailleurs que
l'un d'entre vous a parlé pendant dix minutes de rapports que nous avions
commandés et dont nous allons appliquer les conclusions comme s'il s'agissait
de propositions originales.
Du travail de votre commission, on peut soit faire un usage polémique et
caricatural, soit, au contraire, le considérer comme un élément important du
débat public sur l'école. A ce sujet, autant le rapport écrit de votre
commission comprend de nombreuses propositions solides et sérieuses qui
méritent d'être prises en compte, autant la présentation publique qui en a été
faite et qui a été reprise par les journaux est une caricature.
Dénoncer les 30 000 enseignants qui ne sont pas devant des élèves en
mélangeant les détachements, les mises à dispostion et l'exercice du droit
syndical, c'est de la polémique, et cela ne résout pas le problème !
Le droit syndical dans la fonction publique est-il une anomalie de gestion ?
Est-il anormal de détacher des enseignants auprès de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, afin de propager notre culture à
l'étranger ? Est-il anormal de détacher des enseignants auprès du Parlement
pour l'exercice d'un mandat parlementaire ? Les chiffres qui ont été fournis
lors de la conférence de presse sont totalement fantaisistes !
Heureusement, ceux de votre rapport sont plus sérieux : ils font état de 1 500
décharges syndicales, 1 150 mises à disposition d'organismes d'intérêt général,
dont plus du tiers font l'objet d'un remboursement.
On peut, certes, discuter pour savoir si un détachement à la Ligue de
l'enseignement est correct, si une mise à disposition à l'Institut
Charles-de-Gaulle est utile. C'est un sujet de débat. Mais nous en prenons la
responsabilité.
Il y a, c'est vrai, de 1 000 à 2 000 mises à disposition - mais elles ne
dépendent pas du ministre ! - pouvant exister au niveau local dans des
conditions incertaines. Il y a là un problème de gestion, je le reconnais. Mais
il concerne 0,2 % de l'ensemble des enseignants ! En raison des alternances
politiques - je vous le dis sans fard - tout le monde y a sa part de
responsabilité. Mais j'y mettrai bon ordre !
La caricature, c'est de dénoncer en même temps les surnombres du second degré
et les créations d'emplois ! Pour n'avoir plus de surnombres sans création
d'emplois, il faut fermer pendant deux sessions le concours de l'agrégation !
Est-ce la proposition que vous me faites, messieurs les rapporteurs ?
La caricature, c'est de regretter que tout le débat soit organisé autour des
questions quantitatives, alors que nous sommes ceux qui, justement, ont
clairement annoncé que les enjeux étaient maintenant qualitatifs, ce qui
n'était pas, vous en conviendrez, le positionnement politique le plus
confortable pour un gouvernement de gauche ! Il faut donc être de bonne foi.
Je rappelle tout de même que l'amorce de la baisse des effectifs d'élèves dans
le second degré date de 1994. Je rappelle également que la crise de recrutement
des enseignants, qui aurait dû conduire à un calibrage des concours, était déjà
tangible en 1994. Je rappelle, enfin, que la multiplication des options, parée
des couleurs des réformes pédagogiques, que dénonce aujourd'hui la commission,
ce n'est pas moi qui l'ai décidée. J'en ai seulement hérité.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Malheureusement, il s'agit de budgets que vous aviez votés.
M. Serge Lagauche.
Voilà un héritage que vous ne pouvez renier !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
J'en conclus que d'autres que moi auraient sans doute eu grand besoin des
analyses de votre commission pour gérer le système éducatif. Mais, vous comme
d'autres, vous avez des idées quand vous n'êtes pas au gouvernement, mais vous
n'en n'avez plus lorsque vous y êtes !
Pour ma part, je n'ai pas le sentiment d'avoir déserté dans ce combat pour la
modernisation de la gestion du système éducatif. Je remets de l'ordre.
J'en veux pour preuve - et c'est la première fois ; avant, on ajustait grâce à
la croissance - le redéploiement géographique entre académies en fonction de la
démographie et des réalités sociales. J'en veux pour preuve le plan de
développement de la Seine-Saint-Denis et des départements d'outre-mer, dont Mme
Luc a rendu compte avec une grande précision.
J'en veux pour preuve également la remise en ordre des remplacements dans le
premier et le second degré, et l'affectation des enseignants en surnombre. Nous
procédons à une baisse régulière des places mises aux concours du second degré
afin de faire disparaître les surnombres budgétaires, mais cela sans brutalité,
car les étudiants qui ont préparé ces concours méritent comme d'autres d'avoir
leur chance.
La diminution du nombre de maîtres auxiliaires, vous l'avez notée.
J'y ajouterai la baisse de la précarité des ATOS, grâce à une action
vigoureuse de recrutement de titulaires : plus 35 % cette année. Nous nous
sommes attaqués à ce véritable fléau. Nous devrions stabiliser, en 1999,
presque autant de contractuels que ces deux dernières années, et ce sans
quasiment de créations d'emploi.
Au-delà de cette remise en ordre, nous menons une action en profondeur pour
moderniser la gestion du système éducatif.
Déconcentration du mouvement : nous avons mis fin à un système archaïque.
Contrairement aux pronostics de certains, la déconcentration fonctionne. Elle
permet de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des postes et
des personnes, de mettre en oeuvre une véritable gestion des ressources
humaines - impossible à réaliser de manière centralisée - et d'assurer
progressivement une meilleure adaptation des enseignants à leur poste et, en
même temps, de donner satisfaction aux personnels dans leur choix de
mutation.
Lorsque j'entends ici des voix de l'opposition s'élever pour critiquer la
déconcentration, je me permets de répondre, d'une part, que cela est en
contradiction avec ce que l'opposition a toujours réclamé et qu'elle n'a pas
fait lorsqu'elle était au pouvoir - M. Bayrou, avant de devenir ministre, était
un grand apôtre de la déconcentration... dans ses discours, mais, une fois au
Gouvernement, il ne l'a pas faite - et, d'autre part, que ce n'est pas moi que
vous critiquez mais des centaines de fonctionnaires qui accomplissent un
travail extraordinaire pour mettre en oeuvre cette déconcentration, en
travaillant le soir très tard et souvent le dimanche pour que tous les
programmes informatiques soient opérationnels et que tout se passe bien.
Les personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de
service de santé, sont une des grandes priorités du budget pour l'an 2000. Il
n'y avait pas eu de créations d'emplois aussi nombreuses depuis 1993 ! Le rôle
de ces personnels est en effet déterminant pour la bonne marche des
établissements et la bonne gestion de tout le système éducatif. Il faut tirer
toutes les conclusions - et nous les tirons - de la table ronde ATOSS réunie
l'année dernière.
Parlons des remplacements.
Quand j'ai ouvert le sujet à la rentrée 1997, que n'a-t-on pas entendu !
Aujourd'hui, c'est une exigence partagée par tous.
Les absences sont une calamité dans beaucoup d'instances, et pas seulement à
l'éducation nationale...
Qu'avons-nous fait ? Avec la table ronde « Pas de classe sans enseignant »,
nous avons identifié les différentes causes, installé un système de suivi
systématique et mis de l'ordre dans les pratiques de l'administration qui
étaient bien souvent, elles aussi, causes d'absences.
Dès la rentrée, les moyens de remplacement ont été gérés pour la première fois
de manière systématique, au même titre que les moyens d'enseignement.
Vous voulez des résultats ? Vous voulez des chiffres ? Eh bien, je vais vous
en donner !
En 1996-1997, 7,5 % des cours étaient non assurés - ne confondez pas avec les
absences, lesquelles étaient bien supérieures, puisqu'elles dépassaient 13 % -
ce chiffre concerne ce qui se passait après remplacement. De 7,5 %, on est
passé à 6,5 % en 1997-1998, pour tomber à 3,9 % en 1998-1999. En septembre
1999, nous étions à 1,65 %. Nous allons donc dans la bonne direction !
Naturellement, l'objectif est d'arriver à zéro.
Comme vous le voyez, nous nous préoccupons de la qualité de la gestion.
Mais l'essentiel reste de répondre aux défis du système éducatif. Les choix du
Gouvernement en la matière sont clairs.
Je voudrais l'affirmer très nettement : oui, l'école change, oui, l'école va
changer, oui, l'école va être bouleversée. L'intrusion des nouvelles
technologies dans l'école, hors de l'école, à côté de l'école, dans un monde
qui change, va imposer ce changement.
Le métier d'enseignant changera. A ceux qui évoquent avec nostalgie les
problèmes qui pouvaient se poser à la fin du siècle dernier, je répondrai que
cette époque était certes confrontée à la mise en place d'un certain nombre de
systèmes, mais que cela n'a rien à voir avec la situation actuelle. C'est un
peu comme de comparer l'armée de la défaite de Sedan avec l'armée d'aujourd'hui
!
Les principes de l'école républicaine, en revanche, restent les mêmes pour
nous : c'est l'égalité des chances pour tous, c'est aider plus ceux qui en ont
le plus besoin, et c'est veiller à ce que cette école républicaine, gratuite et
laïque puisse former des citoyens, et des citoyens qui trouvent un travail.
A cette fin, il faut que cette école ne soit pas en retard dans sa
modernisation par rapport à ce qui peut se produire dans un secteur qui a de
plus en plus tendance à devenir marchand.
La modernisation de l'école est donc une nécessité, et ces réformes, nous les
faisons. Parce qu'elles sont maintenant admises, elles ne provoquent pas de
réactions, et n'intéressent donc pas les médias. Peut-être devrions-nous
d'ailleurs susciter quelques manifestations ici ou là...
(Sourires.)
L'école du xxie siècle se met en place. La réforme des collèges se met en
place, la réforme des lycées également.
Pour ce qui est de l'enseignement professionnel intégré, allez un peu dans vos
circonscriptions, et vous verrez que des négociations ont lieu entre les lycées
professionnels et les entreprises pour le mettre en place.
Se mettent également en place la relance de l'éducation prioritaire, dont Mme
Royal parlera sans doute, et le développement des nouvelles technologies à
l'école.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, d'après l'indicateur mis en place par
les sociétés américaines de logiciels, la France était huitième en Europe dans
l'emploi d'Internet par les adolescents. Nous sommes numéro un maintenant !
Tous les lycées sont câblés et 70 % des collèges le sont. Nous portons
maintenant notre effort sur l'école.
Et cet effort en matière de nouvelles technologies sera prolongé par un effort
en matière de télé-enseignement, domaine dans lequel nous sommes d'ores et déjà
le troisième opérateur mondial.
En ce qui concerne la lutte contre la violence, nous aurons l'occasion dans
quelques semaines d'annoncer la phase II du plan violence.
Mais la situation a déjà beaucoup changé : alors que nous avions un sentiment
de montée constante de la violence depuis 1994, on constate pour la première
fois, comme l'a établi le rapport Debarbieux, une décroissance dans certaines
zones et une stabilisation dans d'autres.
Cette amélioration de la situation ne nous satisfait pas pour autant, et nous
sommes décidés à mener jusqu'au bout la lutte contre la violence scolaire. Nous
poursuivrons donc nos efforts.
Avec le programme « Nouvelles chances », l'école est en effet son propre
recours : nous prenons en charge les 50 000 élèves qui en sortaient aucune
qualification.
Beaucoup de questions ont été posées à propos des aides-éducateurs, alors
qu'il me semble y avoir déjà répondu tant en commission qu'à l'occasion de
questions orales. Mais on me pose toujours les mêmes questions. La pédagogie
consiste certes à se répéter sans cesse jusqu'à ce que l'on soit parvenu à se
faire comprendre, mais vous pourriez peut-être faire l'économie de ces
répétitions.
Je le dis donc une bonne fois pour toutes : il y a 60 000 emplois-jeunes
aides-éducateurs. J'ai arrêté leur recrutement parce que je voulais m'assurer
de leurs débouchés. J'ai négocié avec un certain nombre d'entreprises. Nous
avons signé aujourd'hui, monsieur Maman, non pas 3 000 contrats mais 19 500
contrats avec des entreprises, ce qui dépasse déjà le flux annuel de sortie des
aides-éducateurs. Je pense que nous dépasserons largement ce chiffre dans le
courant du mois de janvier prochain, si j'en crois les journaux... puisque
certaines fédérations patronales annoncent ce qu'elles vont faire dans les
journaux !
Maintenant que nous avons assuré ces débouchés pour les aides-éducateurs, nous
pourrons en embaucher d'autres, à condition que la rotation se fasse bien : il
faudra s'assurer que la signature de contrats à des niveaux élevés avec des
grandes entreprises ou avec des fédérations a bien sa traduction sur le
terrain.
Ces emplois-jeunes, c'est la transformation complète de l'école. Nous avons
introduit à l'école un système instauré voilà quarante ans à l'université : des
assistants qui aident les enseignants. Ils ne se substituent en rien aux
enseignants, ils les aident. La preuve en est que si, demain, je disais que
l'on supprime les postes d'aides-éducateurs, il y aurait une manifestation
monstre de ceux-là mêmes qui étaient opposés à leur création. Les enseignants
reconnaissent maintenant leur rôle d'intermédiaires, de médiateurs.
L'école est en train de changer et les aides-éducateurs initient les élèves
aux nouvelles technologies, les aident à se familiariser avec les métiers de
l'art, ou avec le sport, par exemple.
Nous continuons à engager des chantiers. Leur point commun, c'est l'aide à
l'élève.
L'élève est le centre du système éducatif. Qu'on le veuille ou non, c'est lui
qui doit faire l'objet de toute l'attention. Nous n'avons pas varié d'unn iota
cette ligne de conduite.
Si nous recevons un soutien complet de toutes les associations de parents
d'élèves - ce que vous ne mentionnez pas - y compris de celle des parents
d'élève de l'enseignement privé, dont le secrétaire général a éprouvé hier le
besoin de faire une déclaration dans ce sens, c'est bien parce que nous avons
remis l'élève au centre du système éducatif.
L'aide à l'élève est apportée dans le primaire, au collège et au lycée.
Il s'agit non seulement d'aider les plus faibles, mais aussi de reconnaître
les talents, grâce aux bourses accordées au mérite au lycée dans l'enseignement
supérieur.
Des chantiers sont en cours. Allons-nous nous arrêter après ces réalisations ?
Non ! nous continuerons et nous traiterons des dossiers dont nous ne nous
sommes pas encore occupés, faute de temps.
Contrairement à ce que certains prétendent, je ne fais pas d'effet d'annonce.
Tout au long de ma vie, j'ai toujours fait ce que j'ai annoncé.
Nous nous occupons maintenant des personnels de direction et d'inspection. Ils
sont essentiels pour l'éducation nationale. Mais ce n'est pas simple : il nous
faut non seulement revaloriser la situation de certains pour inciter les jeunes
à s'intéresser à ces métiers, alors qu'ils sont relativement mal mal rémunérés,
mais aussi faire en sorte que les modes de recrutement se fondent davantage sur
le talent et moins sur les galons, si je puis dire. Il faut mieux former ces
personnels et leur offrir une meilleure insertion. C'est ce que nous allons
faire.
Si les enseignants commencent à mesurer les conséquences de la
déconcentration, il n'en est pas de même des représentants des parents que vous
êtes et des représentants de la société, comme vous l'avez dit.
Nous devons progresser dans la voie de la déconcentration par l'installation
des bassins d'éducation, par une coordination accrue entre les ordres
d'enseignement et par une meilleure prise en compte de l'intérêt des élèves et
des parents.
Nous allons également nous attaquer aux conditions de travail des enseignants
au quotidien, mais aussi à leurs possibilités de mobilité vers d'autres
métiers.
Avec la rénovation des IUFM, nous allons promouvoir une formation plus
professionnelle, moins « théorisante ». Le vocabulaire ésotérique n'apporte
rien. Je suis tout à fait favorable à cette évolution.
Dans la deuxième partie de l'année, nous entamerons le grand chantier, notre
grand chantier. Mais ce sera difficile parce qu'il se heurtera à un sentiment
bien français.
Ce chantier, c'est la formation, l'éducation diplômante tout au long de la
vie.
Il s'agit de permettre à chacun, à n'importe quel moment de sa vie, s'il veut
s'éduquer, se former, progresser, de bénéficier d'une reconnaissance de sa
volonté d'étudier.
Nous avons commencé à travailler dans ce sens avec les universités. Il faudra
que nous généralisions le développement de l'université des « seniors »,
c'est-à-dire que nous favorisions l'accès à la formation de tous les adultes
qui le souhaitent, en particulier des retraités, qui sont maintenant
demandeurs.
Je répondrai maintenant très rapidement sur quelques points particuliers sur
lesquels vous m'avez interrogé.
S'agissant des crédits de mise en sécurité des écoles, monsieur Delong, je
vous indique que la totalité de ces crédits ont été délégués au ministère de
l'intérieur. C'est donc une question à poser au ministre de l'intérieur. Je
l'interrogerai moi-même également car, naturellement, je souhaite qu'on
continue à pouvoir utiliser ces crédits.
S'agissant des gratifications versées dans le cadre des conventions de stage,
je précise qu'il appartient non pas à l'élève mais au lycée de les négocier.
J'ai été interrogé sur la violence. J'ai déjà répondu sur ce point, et M.
Carle n'est pas là.
J'en viens à la Guyane.
Je souligne, monsieur Othily, qu'un effort important en matière de
constructions scolaires a été prévu dans le précédent contrat de plan : 120
millions de francs, dont 53 millions de francs pour notre ministère, avec
l'objectif de construire 115 classes et 30 logements.
Un plan de rattrapage a été élaboré en 1999 pour renforcer cet effort. En sus
du contrat de plan, une enveloppe exceptionnelle de 66 millions de francs a été
allouée, dont 10 millions de francs pour l'éducation nationale, afin
d'accélérer le rythme. Au total, il s'agit donc de 186 millions de francs, dont
63 millions de francs financés par le ministère de l'éducation nationale.
Un effort complémentaire important a été réalisé en matière d'emplois : en
1998, 341 postes, dont 120 dans le premier degré, 160 dans le second degré et
66 postes d'ATOS ; en 1999, 220 postes, dont 67 dans le premier degré, 123 dans
le second degré et 30 postes d'ATOS ; en 2000, entre 200 et 220 postes, à
répartir. Sur la période 1998-2000, cela fait donc 780 postes !
Je rappelle qu'au total nous aurons créé, entre 1998 et 2000, 3 715 emplois
dans les départements d'outre-mer.
Quant aux perspectives s'agissant du prochain contrat de plan en Guyane, elles
sont de 240 millions de francs pour notre ministère.
Je crois donc, monsieur le sénateur, que nous sommes très conscients des
problèmes de la Guyane et, j'ose le dire, que nous sommes le premier
Gouvernement à nous y être attaqué.
La seule action qui a été menée par le précédent gouvernement a été la
création d'un rectorat en Guyane. Mais il s'agissait d'un rectorat « tout nu »
: un recteur, un chauffeur et une voiture. Le recteur n'avait même pas de local
; il se déplaçait sans cesse en Guyane parce qu'il ne pouvait pas se poser.
C'était le recteur itinérant !
Nous avons installé un rectorat. Nous avons loué des bâtiments.
M. Georges Othily.
Nous réclamons la construction d'un rectorat neuf !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
La construction est prévue. Mais nous avons d'ores et déjà loué des bâtiments.
Par rapport à une voiture, c'est déjà mieux !
Monsieur Lagauche, vos chiffres concernant les personnels ayant demandé leur
mutation ne sont pas tout à fait les bons : 43 % ont obtenu satisfaction.
J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que chacun d'entre vous recevra un
compte rendu exact, analytique, de l'ensemble du mouvement déconcentré.
Je remercie Mme Luc pour son analyse sur l'enseignement professionnel et
l'enseignement technique. Elle a émis un certain nombre de suggestions dont
nous aurons l'occasion de parler.
J'évoquerai maintenant l'enseignement du français à l'étranger et,
symétriquement, un sujet que vous n'avez pas abordé, celui de l'enseignement
international en France. Les deux questions sont liées.
L'un et l'autre doivent être améliorés.
L'enseignement international en France dépend de mon ministère. Je puis donc
dire que nous allons petit à petit prendre des initiatives car il est vrai que
nous avons du mal à accueillir certains étrangers compte tenu du nombre
insuffisant de lycées internationaux.
J'attache personnellement une très grande importance à l'enseignement français
à l'étranger. Je suis venu devant les représentants des Français de l'étranger.
Nous avons mis en place une commission mixte avec le ministère des affaires
étrangères. Nous avons décidé de nous investir dans la formation pédagogique
des enseignants.
Nous allons associer des établissements à l'étranger et des établissements
français via Internet afin d'instaurer un véritable partenariat.
Nous allons par ailleurs améliorer l'inspection des lycées français à
l'étranger et la formation pédagogique continue des enseignants.
Pour aller au-delà, il faut opérer un changement qui ne dépend pas que de
moi.
(M. Carle s'exclame.)
Je vous parle très franchement, monsieur le
sénateur. Il en est de même pour les activités culturelles à l'étranger, les
centres culturels à l'étranger...
S'agissant des bourses aux étudiants étrangers venant en France, mon ministère
pourrait faire un petit effort. Je souhaiterais, par exemple, faire un effort
particulier pour les anciens élèves des lycées français à l'étranger. Il me
semble en effet anormal que les étrangers qui ont fait l'effort d'étudier dans
un lycée français à l'étranger ne se voient pas offrir la possibilité de
poursuivre leurs études en France.
Mais l'organisation française attribue cette compétence à l'administration des
affaires étrangères, qui va me rétorquer : « Vous donnez plus d'argent, et nous
gérons le problème. » Je lui oppose un
niet
catégorique. Si le ministère
de l'éducation nationale accorde de l'argent, il doit participer à la gestion ;
je ne ferai aucune exception à cette règle.
Au-delà du problème financier, il s'agit d'un débat politique. Mais le
problème mérite d'être abordé.
Vos questions mesdames, messieurs les sénateurs sont utiles, elles prouvent
qu'il y a un besoin. J'ai d'ailleurs reçu une lettre de M. Penne et je ferai
part de cette question au Premier ministre.
Il ne s'agit pas là d'une petite affaire. Elle conduit même, à terme, à se
poser la question suivante : est-ce que la direction générale des affaires
culturelles du Quai d'Orsay doit être conservée dans sa forme actuelle ? Mais
ce problème dépend non pas de moi, mais du ministère des affaires
étrangères.
L'intérêt de mon ministère pour ce problème est total, mais son incapacité à
aller plus loin que ce que je vous ai dit l'est tout autant.
M. André Ferrand.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Ferrand, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. André Ferrand.
Je suis tout à fait conscient que le problème est interministériel. Lors d'une
séance de questions d'actualité au Gouvernement, je m'étais d'ailleurs adressé
à M. le Premier ministre. Il était présent et vous m'aviez répondu en son nom.
Je poursuis donc aujourd'hui le dialogue avec vous.
Sachez que je suis intervenu à peu près dans les mêmes termes lors de la
discussion du projet de budget des affaires étrangères.
J'ai mis deux fers au feu, et un troisième auprès du Premier ministre.
(Sourires.)
Je suis très conscient des problèmes que vous avez exposés, mon attitude le
prouve. Je sais aussi que le temps presse. Nous avons pourtant le sentiment de
tourner en rond, monsieur le ministre.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous réponds très franchement que ce problème n'est pas nouveau et qu'il a
autant gêné les précédents gouvernements ! En effet, dès lors qu'il s'agit de
restructurer un ministère, le ministère « conquérant », si je puis dire, se
trouve dans une position délicate.
Dès lors, vous comprendrez que je ne peux pas vous répondre autre chose que ce
que je vous ai dit, à savoir que cette requête ne s'adresse pas à moi.
Encore une fois, l'intérêt de mon ministère pour cette question est total. Je
l'ai d'ailleurs montré en allant devant les Français de l'étranger. Ce ne sont
donc pas seulement des discours !
Nous avons mis en place des formations ; nous avons fait des choses !
Aller au-delà reviendrait à frôler la ligne blanche. Or je ne peux pas la
franchir !
Si le ministre des affaires étrangères vous dit que l'AEFE doit passer sous la
tutelle du ministère de l'éducation nationale ou être en co-tutelle avec ce
ministère, alors on avancera sur ce problème. Cela dépend de lui. Même le
Premier ministre ne va pas imposer un arbitrage à la hache si le ministre des
affaires étrangères n'est pas décidé à procéder à ce changement. Votre question
s'adresse donc au ministre des affaires étrangères !
(Applaudissements sur
les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Hamel et Ferrand
applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, en écoutant certains orateurs,
les rapporteurs en particulier, je me suis demandée si nous vivions dans le
même pays. J'ai en effet entendu un discours caricatural...
M. René-Pierre Signé.
Choquant !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... dénigrant le système scolaire,...
M. Serge Lagauche.
Très juste !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... et portant atteinte, à plusieurs reprises, à sa
réputation.
M. René-Pierre Signé.
Oui, c'était choquant !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Et je ne parle ni des approximations, ni des chiffres
faux, ni des contradictions de tous ordres !
Monsieur Delong, rapporteur spécial, vous avez fait une description
désastreuse du système scolaire. Le Gouvernement ne vous suivra pas sur ce
chemin.
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial.
Elle est malheureusement exacte !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Vous avez en particulier repris le discours, ô combien
dépassé - il y a même très longtemps que je n'avais pas entendu évoquer ce
thème, monsieur le sénateur ! - de la baisse du niveau du baccalauréat.
Non, monsieur le sénateur, le niveau du baccalauréat ne baisse pas !
(Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Depuis le temps que la nation engage des moyens considérables sur
le système scolaire, heureusement même qu'il s'élève, ne vous en déplaise,
monsieur le sénateur !
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas crédible !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Vous m'avez fait penser, en tenant ce discours, aux
conservateurs du siècle dernier ou du début de ce siècle qui étaient tout
simplement hostiles à l'école publique, laïque et obligatoire !
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial.
J'attendais ça !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Si les enfants d'ouvriers allaient à l'école, ils
auraient peut-être de mauvaises pensées,...
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial.
C'est d'une pauvreté !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... peut-être refuseraient-ils de travailler aussi dur
pour des salaires de misère, bref, on ne trouverait plus d'ouvriers - on l'a
entendu, à l'époque !
Certains conservateurs pourtant élus s'étaient également opposés à l'accès des
femmes au baccalauréat sous le prétexte, disaient-ils, qu'elles n'auraient plus
envie de faire des enfants et qu'elles obéiraient beaucoup moins à leurs maris
!
Monsieur le sénateur, laissez-moi vous dire que l'augmentation du nombre de
bacheliers, cela s'appelle tout simplement la démocratisation du système
scolaire de la République !
(Applaudissements sur les travées socialistes
ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. René-Pierre Signé.
Ils ont la même mentalité ! Cela n'a pas changé !
M. Jacques-Richard Delong,
rapporteur spécial.
C'est trop risible pour qu'on réponde !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Vous avez ensuite évoqué la ségrégation entre
établissements, pour la déplorer.
Nous répondons à ce problème. Et à vos amis qui, pendant quatre ans, ont
abandonné la politique de l'éducation prioritaire, nous rappelons que nous
avons relancé cette politique et réintégré 1 600 établissements scolaires -
écoles et collèges - en zones d'éducation prioritaires afin de donner plus aux
élèves qui ont le moins.
Vous avez évoqué la question de la mise en sécurité des établissements
scolaires. Claude Allègre y a répondu.
En effet, ces crédits ont été délégués aux préfets et peuvent donc encore être
engagés. Sur le reliquat des crédits qui n'avaient pas été consommés, nous
avons mis en place une importante opération de division de gros collèges : il
s'agit, par cette mesure, de mettre en sécurité les collèges qui, en raison de
classes surchargées, éprouvent des difficultés pour assurer la discipline.
Monsieur Maman, il faudra nous expliquer par quel mystère les enseignants, qui
sont formidables à l'étranger pour éduquer les enfants de diplomates, de cadres
supérieurs et de banquiers, deviennent soudain, selon vous, si mauvais dès lors
qu'ils exercent en France ! En effet, à vous en croire, un élève sur deux ne
saurait pas lire en sortant de l'école primaire.
Là encore, vous avez caricaturé de façon inacceptable l'ensemble des réformes
qui sont mises en place.
Vous nous avez dit que les cours devenaient des activités ludiques... Or c'est
une option radicalement opposée qui est actuellement retenue dans le système
scolaire puisque, tant la charte pour bâtir l'école du xxie siècle que les
contrats éducatifs locaux et les états généraux de la lecture ont pour objectif
de recentrer l'école sur l'apprentissage des savoirs, de prévenir les
difficultés scolaires dès qu'elles sont identifiées et de renforcer le contenu
pédagogique dans l'enseignement !
Les états généraux de la lecture, que vous avez qualifiés de délétères, sont
tout sauf cela, puisqu'ils ont débouché sur des décisions concrètes - celles
que vos amis n'ont pas su mettre en place - afin précisément de renforcer
l'efficacité de l'école !
Mais comment ces approximations me surprendraient-elles, alors que vous avez
mélangé les inspecteurs d'académie et les inspecteurs pédagogiques régionaux,
avant de confondre les mises à disposition avec les détachements ? Pour dire
les choses clairement sur le système scolaire, encore faut-il être précis sur
ce dont on parle !
S'agissant des sorties scolaires, vous n'avez manifestement pas lu les textes
actuellement en vigueur. C'est tout le contraire de ce que vous avez dit ! En
effet, dans un souci de clarification des règles de responsabilité, j'ai
ouvert, pour le plus grand bien des écoles, ce lourd chantier de remise à plat
de la vingtaine de circulaires qui concernaient les sorties scolaires et il n'y
a plus désormais qu'un seul texte ! Là encore, nous avons fait le travail que
nos prédécesseurs n'ont pas fait...
M. Martin s'est plaint à la fois d'un excès d'emplois dans le système éducatif
et d'un trop grand nombre d'élèves par classe. Il a dénoncé l'excès de
fonctionnaires... mais il en réclame pour son département !
M. René-Pierre Signé.
Eh oui, c'est toujours comme ça !
Mme Nicole Borvo.
Il faut faire des miracles !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il avance sur l'illettrisme des chiffres qui relèvent
du fantasme en disant que 30 % des élèves ne sauraient ni lire, ni écrire, ni
compter. Ce faisant, il porte préjudice au système scolaire, en le dénigrant de
manière inadmissible.
Le nombre d'élèves en difficulté est désormais clairement établi, puisque ces
élèves sont repérés lors des journées d'appel de préparation à la défense : il
y a exactement 9,6 % de jeunes - et c'est déjà beaucoup ! - qui ont de graves
difficultés dans la maîtrise des langages : l'expression orale, la lecture et
l'écriture. C'est aussi un chantier auquel nous nous attelons.
Vous qui êtes issus des rangs de la majorité sénatoriale et qui avez agité le
spectre de l'illettrisme, je vous en prie, une bonne foi pour toutes, changer
de fonds de commerce, car, en avançant des chiffres faux, vous portez atteinte
à l'image de marque des élèves, au travail qu'accomplissent tous les jours les
enseignants dans leurs classes, vous portez tout simplement atteinte à l'image
de marque et à la réputation du système scolaire français, qui, justement, est
considéré à l'étranger comme le meilleur du monde !
M. René-Pierre Signé.
Et vous portez atteinte à la France !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
M. Martin, qui dénonce le nombre trop élevé de
fonctionnaires, n'en réclame pas moins la création de postes de médecins
scolaires. Précisément, en trois ans, nous avons créé 1 300 postes de
personnels médico-sociaux. Vous avouerez, monsieur Martin, que c'est un peu
plus que les quarante postes créés en quatre ans par vos amis pour faire face
au problème, difficile en effet, de la médecine scolaire !
M. Martin a enfin évoqué la question de la parité avec l'enseignement privé.
L'enseignement privé, comme par hasard, est défendu, lui !
M. René-Pierre Signé.
Ça, il aime bien !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
La loi est strictement respectée : s'il y a des
différences de cotisations de retraite, elles tiennent au fait que les systèmes
de retraite sont différents, tout simplement parce que le statut de maître du
privé est spécifique.
M. Carle a confondu allègrement les mises à disposition, qui sont strictement
contrôlées, et les détachements, qui sont remboursés. Je ne m'y attarderai donc
pas.
Il a bien évidemment agité aussi le spectre de l'illétrisme. Je vous répondrai
une bonne fois pour toutes que si l'on repère lors des journées d'appel de
préparation à la défense 9,6 % de jeunes qui ont des difficultés avec la
lecture, l'écriture et le langage oral, cela signifie que notre pays parvient à
hisser 91 % de jeunes à un niveau de maîtrise des outils fondamentaux de
l'école ! Permettez-moi de vous dire que cette performance, qui est sans doute
une des meilleures du monde, est exceptionnelle. Mais il est vrai que, sans la
maîtrise de ces langages de base, il n'y a pas de citoyenneté possible ! Nous
continuerons à améliorer l'efficacité du système. Tel est bien, d'ailleurs,
l'un des objectifs des différents budgets de l'éducation nationale que nous
vous présentons.
Vous avez avancé comme formule miracle le partenariat et la proximité. C'est
précisément toute la logique des actions qui sont actuellement engagées, ne
serait-ce que la déconcentration mise en place par Claude Allègre. Il s'agit
bien de rapprocher les décisions du terrain.
Les contrats éducatifs locaux donnent précisément aux équipes pédagogiques les
outils de proximité nécessaires pour mettre en place les partenariats.
On pourrait citer d'autres mesures, telles que la mise en place, dans les
différentes académies, de médiateurs qui permettent, là encore, de régler les
problèmes au plus près du terrain.
Monsieur Othily, permettez-moi de vous dire qu'en critiquant le système
scolaire vous ne vous épargnez pas un certain nombre d'approximations !
Vous critiquez les évaluations en CM 2 alors qu'il n'existe pas d'évaluation
en CM 2, monsieur Othily ! Elles se font en CE 2.
Les chiffres que vous avez cités à ce propos sont inexacts ou approximatifs.
Ils ont là aussi pour conséquence de dénigrer les résultats des élèves et ceux
du système scolaire.
Bien évidemment, vous avez mis le doigt sur un certain nombre de problèmes,
mais jamais - c'est une observation générale que l'on peut faire - vous n'avez
mis en valeur les items qui progressaient. Cela n'existe pas, des élèves qui
baissent dans toutes les matières ! Ils progressent dans certaines, ils ont des
difficultés dans d'autres.
Alors, cessez de caricaturer le système scolaire comme vous le faites !
Je ne reviens pas sur les questions relatives à la Guyane puisque Claude
Allègre y a répondu.
M. Serge Lagauche, vous avez - enfin ! - et je voudrais vous en remercier,
ainsi que Mme Luc et M. Signé, fait entendre dans cet hémicycle un discours
positif sur le système scolaire, sans passer sous silence les difficultés qui
peuvent aussi exister. Je vous en remercie au nom des enseignants et des
élèves, qui travaillent, ne l'oublions pas !
Vous avez bien décrit le rôle primordial et les perspectives des réformes.
Vous avez ainsi été le seul, disais-je à l'instant, avec Mme Luc et M. Signé, à
saluer l'engagement des équipes pédagogiques, à défendre l'école et son
évolution.
Vous m'avez demandé quel était l'état d'application des réformes au
collège.
La mesure de remise à niveau a été massivement appliquée puisque, selon les
premiers éléments du rapport de l'inspection, plus de 80 % des collèges ont mis
en place ce dispositif. L'articulation entre le CM 2 et la classe de 6e est
assurée dans environ 70 % des collèges. Les heures de vie de classe et de
tutorat ont été adoptées par 40 % des collèges.
Enfin, vous avez évoqué une question délicate : la classe de référence en 6e
est l'une des mesures les plus difficiles à mettre en place, souvent à cause de
problèmes de matériels, de disponibilité de classe ou parce que cela perturbe
un peu l'organisation. Je compte cependant maintenir la pression pour que ce
qui n'a pas pu être fait à l'occasion de la rentrée scolaire le soit tout au
long de l'année et à l'occasion de la prochaine rentrée scolaire.
Je vous remercie du soutien que vous venez d'apporter à la prévention des
conduites à risques. Un travail très approfondi a été conduit dans ce domaine,
en particulier par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et
la toxicomanie la MILDT. Le guide pratique qu'elle a diffusé dans les
établissements scolaires a été très bien accueilli.
Pour agir, il faut comprendre, savoir et être informé. Il faut pouvoir parler
d'égal à égal avec les magistrats, les policiers, savoir de quoi l'on parle et
mettre l'accent sur la prévention.
Enfin, vous avez évoqué longuement la question de la gratuité. Cette question
me préoccupe également.
La dotation consacrée à l'acquisition des manuels scolaires au collège a été
sensiblement augmentée puisqu'elle est passée de 317 millions de francs à 347
millions de francs. J'ai par ailleurs demandé que les sections d'enseignement
général et professionnel adaptés, connues sous le sigle de SEGPA, qui, trop
souvent, sont privées de manuels scolaires, puissent bénéficier de cette
augmentation.
En ce qui concerne les fournitures scolaires annexes, j'ai, à plusieurs
reprises, rappelé aux autorités académiques et aux chefs d'établissement
qu'aucune dépense indue ne devait être mise à la charge des familles et que les
frais relatifs à l'acquisition de matériels pédagogiques ou à usage collectif
sont à la charge des collectivités locales compétentes. J'ai également rappelé
le principe de gratuité en matière de sorties scolaires.
J'en viens aux frais de scolarité non assurés par les collectivités, comme les
fournitures scolaires à usage individuel - vous avez évoqué les cahiers
d'exercices, et c'est une vraie question. Ces fournitures peuvent être prises
en charge, pour les familles modestes, par les bourses de collèges et de lycées
et par les fonds sociaux, dont la dotation a été augmentée. Enfin, l'allocation
de rentrée scolaire, qui peut également être utilisée pour l'acquisition de ces
fournitures individuelles, a été revalorisée et portée à 1 600 francs, son
bénéfice a été ouvert aux familles d'un enfant.
Il faut souligner par ailleurs que le projet de loi de finances a supprimé les
droits acquittés par les élèves du second degré pour l'inscription et le
passage des examens. Cette mesure représente un coût de 130 millions de
francs.
Madame Luc, vous avez abondamment développé le sujet de l'enseignement
technique et professionnel. M. Allègre vous a longuement répondu. Je n'y
reviendrai donc pas.
Vous avez fait une description particulièrement complète et pertinente de tous
les dispositifs mis à la disposition des élèves les plus en difficulté.
Vous avez également posé des questions sur l'option et les groupes NTA -
nouvelles technologies appliquées, dans les collèges ; j'y suis
particulièrement attentive.
Vous avez demandé des garanties à propos de la mise en place de ces
groupes.
Pour permettre une bonne application de cette mesure et une restitution aux
collèges des moyens dont ils disposaient pour les classes de 4e et de 3e
technologiques pour qu'ils les affectent à la mise en place des groupes «
nouvelles technologies appliquées », les collèges recevront les dotations
nécessaires à la rentrée 2000. Les groupes pourront ainsi être mis en place
sans pour autant constituer une filière de relégation.
Monsieur Signé, vous avez dit votre fierté devant les efforts qui sont
engagés. Je suis sensible à votre soutien.
Vous avez mis l'accent sur l'aspect qualitatif. En effet, tout l'effort que
nous mettons en oeuvre, M. Allègre et moi, tend à faire en sorte que le système
scolaire prenne le tournant qualitatif après avoir assumé quantitativement la
scolarisation de toutes les générations de notre pays.
Vous avez aussi exprimé votre attachement au réseau d'écoles rurales.
L'éducation prioritaire en milieu rural, que vous connaissez bien, sera encore
renforcée. Je crois qu'il n'y a pas de fatalité à la disparition du service
public en milieu rural, au contraire. Les inspecteurs d'académie sont
actuellement chargés d'animer des commissions ayant pour mission de réfléchir à
la mise en réseau des petits collèges ruraux, qui sont pour moi un sujet de
préoccupation en raison de l'effondrement des effectifs dans certains endroits.
Il faut améliorer l'offre scolaire de ces petits collèges ruraux et les mettre
en réseau à la fois pour conforter la qualité de l'enseignement qui y est
dispensé et donner aux élèves l'envie d'y rester. A ce propos, je voudrais
saluer l'effort tout particulier que fait le département de la Nièvre pour
développer les internats ruraux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est en étant assuré de sa tâche,
accueillant à tous et attentif à chacun, que notre système scolaire répondra à
sa mission de démocratisation, en donnant plus à ceux qui ont le moins, en
étant ancré sur le réel, en intégrant les nouveaux moyens de communication, les
nouvelles technologies, sans soumission au désordre.
C'est en étant fort d'une véritable identité, en mettant toujours en avant la
priorité donnée à la transmission des savoirs, des connaissances, à
l'acquisition des savoir-faire et à la conquête de leur autonomie par les
élèves, qui doivent devenir des adultes responsables, que notre système sera à
la fois plus juste et, ce faisant, plus efficace.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. -
Enseignement scolaire.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 1 838 768 554 francs. »