Séance du 12 décembre 1999






PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'enseignement scolaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Lagauche.
M. René-Pierre Signé. Enfin la gauche ! (Sourires.)
M. Serge Lagauche. Pour la troisième année consécutive, vous nous présentez, madame le ministre, monsieur le ministre, un budget en forte hausse, une hausse largement supérieure à celle du budget de l'Etat. Ce budget reste le premier de la nation et, pour la première fois, dépasse le seuil symbolique des 300 milliards de francs !
Les quelque 308 milliards de francs destinés à l'enseignement scolaire ne seront pas de trop au regard des nombreux objectifs que vous vous êtes fixés dans le cadre de votre ministère, mais aussi compte tenu du coût de la scolarité en France.
Je lisais récemment dans l'une de vos publications, L'Etat de l'école, que le coût de la scolarité d'un enfant, commencée à l'âge de trois ans et menée jusqu'au bac - donc pour la période qui nous intéresse ce soir - était, en 1998, évalué à 520 700 francs, alors que, en 1986, ce coût n'était que de 387 200 francs. Ces chiffres nous éclairent sur le rôle primordial que doit jouer l'Etat pour faire face à cette augmentation du coût édfucatif, rôle qui doit se traduire en termes financiers, mais aussi en termes de réforme.
Cette année est justement celle de toutes les réformes. Engagées à la dernière rentrée scolaire ou mises en oeuvre en 2000, elles donneront un nouvel essor à l'éducation nationale. La charte « Bâtir l'école du xxie siècle », la réforme des collèges, celle des lycées, tous ces projets ne peuvent que susciter l'approbation de tous.
Ces différentes réformes sont toutes fondées sur une plus grande écoute des enfants et sur la prise en compte, autant que possible, de leurs problèmes individuels afin de permettre la réussite du plus grand nombre. Elles sont également fondées sur l'incitation à s'ouvrir sur le monde extérieur, les pratiques diversifiées et les autres cultures. Les jeunes devraient ainsi être mieux armés pour affronter le monde moderne.
Mais la majorité sénatoriale semble très éloignée de cette conception ouverte de l'école. Sur ce point, je ne peux m'empêcher de vous lire un extrait du rapport pour avis de la commission des affaires culturelles, qui traite de ses interrogations quant à la réforme de l'école primaire, extrait qui explique sûrement les raisons cachées du rejet de votre budget. Je cite donc la page 42 - ainsi personne ne pourra venir me dire que je fais un procès d'intention à la majorité sénatoriale !
La commission « exprime notamment la crainte que l'instituteur traditionnel, dont la vocation était "d'instituer", de mettre debout, de faire grandir dans ses élèves ce que ceux-ci ne trouveraient pas dans la société, et dont la spécificité avait déjà été gommée en devenant professeur des écoles, soit aujourd'hui encore un peu plus dépossédé de son identité. Compte tenu des évolutions annoncées, le maître n'est-il pas condamné, du fait de l'irruption de la société dans l'école, des demandes parentales, de la profusion d'intervenants extérieurs et d'animateurs de toute nature, de l'intervention des aides éducateurs, de la multiplication des activités péri et extra-scolaires... à devenir une sorte de "chef d'orchestre" ou d'animateur socio-culturel, alors que son rôle traditionnel était de dispenser un savoir et des connaissances, selon "un rapport rigoureux et austère avec sa discipline qui avait valeur d'exemple pour ses élèves" ? »
M. Jean Chérioux. C'est tout à fait exact !
M. Serge Lagauche. Monsieur Chérioux, personnellement, ces propos me choquent, comme ils choqueront aussi, je pense, le personnel enseignant, qui s'investit pour adapter notre système d'enseignement aux exigences des évolutions rapides de notre société.
M. Jean Chérioux. Pourtant, Jules Ferry ne penserait pas autrement !
M. Serge Lagauche. Oui, le métier d'enseignant change - pas vous ! (M. Jean Chérioux proteste.) Mais il n'est ni une espèce en voie de disparition, ni une espèce menacée.
Oui, l'école doit s'ouvrir sur son environnement extérieur. Ne parle-t-on pas de communauté scolaire ? Non, elle n'est pas une forteresse assiégée par des hordes de parents consuméristes, d'animateurs de tout et de rien et d'emplois-jeunes qui empiètent sur le rôle de l'enseignant !
M. Yann Gaillard. Cela dépend des endroits !
M. Serge Lagauche. Ayez de meilleures fréquentations, mon cher collègue !
M. Jean Chérioux. Si Jules Ferry vous entendait !
M. Serge Lagauche. Un axe très intéressant de la réforme concernant l'école primaire a trait à l'enseignement des langues vivantes dès le CM2 et, bientôt, dès le CM1. J'ai noté que 15 millions de francs étaient prévus, dans le projet de la loi de finances pour l'an 2000, afin de parachever l'expérience en CM2 et de l'initier en CM1. Cela signifie-t-il que l'ensemble des classes de CM2 bénéficieront de cet enseignement à la rentrée prochaine ? J'ai entendu dire que, pour l'instant, 80 % seulement des classes de CM2 sont couvertes. Quant au CM1, combien de classes seront concernées à la rentrée prochaine et dans quel délai peut-on envisager que toutes dispensent cet enseignement ?
Pour ce qui concerne la réforme des collèges, un pas énorme a été fait notamment pour permettre aux jeunes enfants de mieux s'intégrer dès la 6e.
Cette classe est d'une importance capitale et constitue, pour l'enfant, une véritable rupture d'avec le confort sécurisant que représentaient l'école primaire, son professeur des écoles, unique interlocuteur, mais également son unique salle de classe et ses horaires réguliers.
Outre cette unicité de lieu, de temps et d'interlocuteur, ce sont également les méthodes de travail qui changent et le nombre des disciplines qui augmente en 6e. Les initiatives que vous avez prises, madame la ministre, pour faciliter l'insertion des enfants au collège sont excellentes. J'ai parcouru avec attention le Journal de sixième distribué aux enfants de 6e à la rentrée des classes : il est attrayant et bien fait, et il donne envie d'attaquer la vie au collège.
Pour prolonger un peu le confort de l'école primaire, vous avez également prévu l'octroi d'une salle de classe unique. Je souhaite que les établissements disposent des moyens matériels pour appliquer cette mesure.
Les rencontres entre enseignants du CM2 et de la 6e me semblent également constituer une avancée positive. Je souhaiterais que vous me disiez si, sur le terrain, des contacts effectifs ont été pris.
Enfin, parmi les autres dispositions intéressantes concernant les classes de 6e et de 5e, je soulignerai les heures de remise à niveau par petits groupes - effectuées par un autre enseignant que celui qui est chargé de la discipline - et ce dans les disciplines fondamentales, soit la lecture, l'orthographe et le calcul. Cette mesure intéressante me semble délicate dans son application. Bien entendu, j'ai en mémoire la difficile réforme des heures supplémentaires que vous avez dû opérer, et qui n'a d'ailleurs pas toujours été bien perçue par l'ensemble des enseignants.
Je constate que, dans le projet de budget pour l'an 2000, figure une mesure nouvelle de 240 millions de francs qui permettra d'avoir recours aux heures supplémentaires - année, ou HSA, pour financer cette aide personnalisée en classes de 6e et de 5e. A-t-on cependant prévu par ailleurs une formation des enseignants qui auront à effectuer ces heures de remise à niveau dans des disciplines et selon des méthodes qu'ils ne maîtrisent pas nécessairement ? Il ne faudrait pas qu'une gestion difficile empêche une innovation intéressante d'aboutir !
Très intéressantes sont les expériences de travaux croisés, qui, je l'espère, seront, comme prévu, étendues à l'ensemble des classes de 4e à la rentrée scolaire 2000-2001.
Pouvez-vous m'indiquer comment se passent les heures de vie de classe et l'installation des tuteurs ?
J'en viens au lycée, où la réforme ne s'applique qu'à la classe de seconde cette année. Elle s'étendra à la classe de première dès la rentrée prochaine, avec le projet de budget dont nous débattons.
Je ne reviens pas sur la question de l'aide individualisée financée par les heures supplémentaires, puisque le mécanisme, et donc mes interrogations, sont les mêmes que pour le collège.
En revanche, j'apprécie l'aspect plus diversifié des enseignements que la réforme permettra de proposer. Il en est ainsi de l'éducation civique, juridique et sociale, de l'apprentissage des langues avec l'aide d'un assistant de langue étrangère et, surtout, de l'instauration des ateliers d'expression artistique pour les élèves qui le souhaitent, dans les établissements où cet enseignement n'est pas dispensé. Le fait de mener cette expérience en partenariat avec le ministère de la culture la rend particulièrement intéressante, et j'ai bien noté que votre ministère y participait à hauteur de 20 millions de francs pour 2000.
Là encore, sur la réforme du lycée, le commentaire de la commission figurant dans le rapport me paraît complètement hors des réalités. En plus, il est symptomatique de la manière dont sont considérées les exigences de dialogue et de participation citoyenne des lycéens à la vie de leur établissement, quand il est fait état d'une « prétendue inertie des collectivités régionales, qui ont été invitées par le Gouvernement à financer des salles polyvalentes, des "lieux de rencontre" et autres foyers et cafétérias ». La commission poursuit : « Nos lycéens réclament davantage de professeurs que des lieux de rencontres, sauf à privilégier une conception du lycée qui deviendrait un lieu de vie light au sein duquel la transmission des savoirs n'apparaîtrait que secondaire. » Il vaut mieux que j'arrête là cette citation !
M. Jean Chérioux. Elle est pourtant très intéressante !
M. Serge Lagauche. Je le sais, sinon je ne l'aurais pas choisie !
La majorité sénatoriale - écoutez bien, chers collègues ! - ne veut pas entendre les revendications des lycéens.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Mais si !
M. André Maman, rapporteur pour avis. Mais si, nous les écoutons.
M. Serge Lagauche. Non ! Vous croyez les écouter !
M. le président. Messieurs, veuillez laisser parler l'orateur.
M. Serge Lagauche. Ne vous énervez pas, messieurs, c'est dimanche, le jour du repos ! (Sourires.)
M. le président. Poursuivez, monsieur Lagauche.
M. Serge Lagauche. La majorité sénatoriale ne veut donc pas entendre les revendications des lycéens. Pour ma part, je les ai entendus réclamer non pas des « lieux de rencontre » - l'expression est quelque peu maladroite - mais des lieux d'expression, de débat, de vie lycéenne, leur assurant une véritable reconnaissance en tant que citoyens.
Votre politique sociale n'est pas en reste puisque, pour parachever la réforme du système des bourses initiée par vous, après qu'il fut mis à mal par le gouvernement Juppé, vous dégagez encore, cette année, 8,3 millions de francs pour permettre la majoration de 5 000 francs des bourses de lycée destinées à 5 000 élèves de familles modestes entrant en seconde et ayant obtenu d'excellents résultats en troisième.
Au total, plus de 4,2 milliards de francs, dans votre budget, seront destinés aux bourses et secours d'études.
L'initiative que vous venez de prendre, madame la ministre, en matière de prévention contre les conduites à risque dans les établissements scolaires procède du même type de démarche, qui vise à prendre les problèmes en charge au sein même des établissements. Je souhaite donc de tout coeur que l'opération « Repères » soit un succès et permette, à l'avenir, de préserver davantage de jeunes des fléaux que sont la drogue, l'alcool et le suicide qui sont tous d'ailleurs des formes de suicide en eux-mêmes.
Pour terminer sur le sujet des établissements scolaires, vu du côté des élèves et de leurs parents, je souhaiterai m'attarder une minute sur une question que j'ai déjà effleurée au début de mon propos : le coût des études, plus particulièrement au collège et au lycée, notamment le prix des livres scolaires.
Au collège, c'est à l'Etat d'assumer totalement cette dépense, mais le problème se pose avec les cahiers d'exercices, compléments de plus en plus indispensables dans de nombreuses disciplines. Ces cahiers sont à la charge des familles ; pourtant, le tribunal administratif de Bordeaux a donné raison aux parents qui refusaient cet état de fait.
On estime à plus de 100 francs la dépense par élève et par an pour ces cahiers d'exercices. A cette charge s'ajoute celle des livrets scolaires, cahiers de correspondance et autres frais d'affranchissement, entre 30 et 90 francs selon les établissements.
Au lycée, les charges sont encore plus lourdes, puisqu'il faut y ajouter le prix des livres et, pour les élèves des lycées professionnels, les dépenses en équipement personnel, qui peuvent s'élever jusqu'à 6 000 francs par an.
Monsieur le ministre, madame le ministre, vous faites énormément en faveur de la réduction des inégalités sociales dans votre secteur, mais je pense qu'il faudrait réaliser encore un petit effort afin que les dépenses que je viens de citer soient, petit à petit, prises en charge par le budget de l'éducation nationale. Cela serait-il possible ?
J'en viens maintenant aux principaux acteurs de l'éducation : les enseignants et l'ensemble des personnels qui concourent à la lourde tâche éducative.
Le but n'est pas de répéter des chiffres déjà entendus maintes fois ce soir et toujours sujets à caution et à interprétation. Je souhaite tout de même souligner quelques avancées extrêmement positives.
Depuis que vous êtes aux commandes de l'éducation nationale, ce sont plus de 17 000 emplois, toutes catégories confondues, qui auront été créés. Dois-je rappeler que, pour la seule année 1997, dernière année où la loi de finances a été préparée par le gouvernement Juppé, 5 212 postes étaient supprimés ? Ces créations s'effectuent dans un contexte de baisse constante des effectifs scolaires, qui ont diminué d'environ 350 000 en dix ans, notamment de 58 000 pour la seule rentrée 1998.
Pour la seule année 2000, 11 800 créations d'emplois sont prévues. Certaines d'entre elles sont, certes, gagées sur des transformations d'emplois de maîtres d'internat - surveillants d'externat, ou MI-SE, mais l'on ne peut qu'accueillir positivement la création de 3 300 postes d'enseignant et d'encadrement dans l'enseignement scolaire, les 1 000 emplois de MI-SE, les 1 500 emplois d'assistant de langues, les 5 000 emplois-jeunes supplémentaires et les 960 postes de personnel non enseignant. Pour ces derniers, vous renouvelez l'effort qui avait été engagé l'an dernier, quand 616 emplois ATOS avaient été créés, effort qui contraste de manière positive avec les coupes claires effectuées de 1994 à 1997 par les gouvernements Balladur et Juppé.
Malgré vos efforts, il reste beaucoup à faire pour arriver à un taux satisfaisant de présence de personnel non enseignant dans les établissements, et je vous encourage à persévérer dans la voie des créations d'emplois que vous avez prise.
Je m'attarderai un instant sur le nombre d'emplois de professeur des écoles stagiaire : 10 400 dans la loi de finances pour 2000, comme dans celle pour 1999. Vos propres statistiques, monsieur le ministre, prévoient un nombre de départ à la retraite de 14 000 par an, semble-t-il. Le déficit en enseignants du premier degré risque donc de se creuser, même compte tenu de la baisse des effectifs. Comment comptez-vous remédier à cette carence ?
Votre budget comporte également de nombreuses mesures de repyramidage ou autres améliorations de situation des personnels et les différents protocoles d'accord - Jospin, Lang ou Durafour - me semblent être honorés. Il est particulièrement important de prouver ainsi la gratitude du Gouvernement envers les personnels de l'éducation nationale qui, pour des progressions de carrière relativement modestes, ont en charge des tâches de plus en plus diversifiées et doivent faire face à des conditions d'exercice de leur métier de plus en plus difficiles.
A ce titre, je salue également les nombreux efforts consentis aux réseaux d'éducation prioritaires et aux ZEP, notamment dans le cadre du plan de lutte contre la violence.
Dans le budget pour 2000, 4 000 indemnités de sujétions spéciales supplémentaires viendront s'ajouter aux 12 000 existantes ; les enseignants des ZEP devraient voir leur travail facilité puisque les 1 000 créations de MI-SE et les 5 000 aides-éducateurs supplémentaires seront destinés à renforcer les équipes dans ces zones difficiles. La refonte de la carte des ZEP à laquelle vous avez procédé aura permis d'augmenter le nombre d'écoles s'y trouvant de 4 787 en 1997 à 5 617 en 1999.
Je dirai deux mots de la déconcentration du mouvement de mutation des enseignants.
La rentrée de septembre 1999 a constitué la première rentrée placée sous le signe de ce mouvement déconcentré. Le bilan de cette autre réforme paraît très positif. Cela me semble lié, en grande partie, à l'excellente campagne d'information menée par le ministère auprès des enseignants.
Toujours est-il que les demandes de mutation ont sensiblement augmenté, tout comme le taux de satisfaction, qui est passé de 34,1 % à 35,7 %. C'est encore bien peu, me direz-vous, compte tenu de l'immense majorité de laissés-pour-compte ! Mais cela constitue un pas dans la bonne direction, tout comme le calendrier de mutation qui, du fait de la réforme, a été rationalisé.
Quant à l'efficacité du système au regard des besoins de l'éducation nationale, il a permis de mieux coller à ces besoins puisque les postes à pourvoir ont ainsi pu être augmentés de moitié et que le nombre de mutations a été accru de près de 70 %. Tous les chiffres que vous pourrez me communiquer pour compléter mon information, monsieur le ministre, madame la ministre, m'intéresseront.
Pour terminer, j'aborderai la question de la santé des élèves, car c'est un élément essentiel de leur réussite scolaire. Toute la démarche sous-tendue par vos différentes réformes de notre système d'enseignement consiste à considérer l'élève dans sa globalité. C'est pourquoi vous avez décidé, madame la ministre, en mars 1998, un plan de relance de la santé scolaire, secteur sinistré s'il en est, puisque les engagements de M. Bayrou dans le cadre du « Nouveau contrat pour l'école », en ce domaine comme dans bien d'autres, n'ont jamais été honorés.
Après la création de 600 postes médico-sociaux en 1998 et de 400 postes en 1999, l'effort budgétaire est poursuivi cette année avec la création de cent cinquante postes et l'abondement de crédits à concurrence de 4 millions de francs destinés à financer la rémunération de médecins apportant leur concours au service de la promotion de la santé en faveur des élèves.
Nous ne pouvons que nous féliciter de votre décision courageuse de permettre aux infirmières scolaires de délivrer la pilule du lendemain aux jeunes filles qui leur en font la demande. Il s'agit d'une très bonne mesure. Mais, pour qu'elle soit efficace, il faut la présence d'une infirmière dans l'établissement chaque jour de classe. En dépit de vos efforts de créations de poste, le retard est tel que ce ne sera pas toujours le cas.
De plus, cette mesure doit s'inscrire dans une véritable politique de prévention, d'éducation à la santé et à la sexualité continue et progressive, dont la mise en pratique pourrait être largement facilitée par un véritable partenariat avec la médecine de ville et un fonctionnement en réseau. Pour se faire, vous avez voulu généraliser les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté. Où en est-on sur le terrain ? Pouvez-vous préciser leur mode de fonctionnement et si un premier bilan de leur généralisation est disponible ?
De même, l'instauration des vingt heures annuelles d'éducation à la santé pour les classes de 4e est-elle effective ? Si tel est le cas, par qui sont-elles asurées et quel en est le programme ?
Je pense avoir dit l'essentiel de ce qui me tenait à coeur et de ce que voulait exprimer mon collègue Jean-Louis Carrère ! qui n'a hélas, pu être présent cet après-midi.
Ce budget marque de grandes avancées dans l'ambitieuse politique de modernisation du système d'enseignement suivie par le Gouvernement. Il va de soi qu'il reçoit mon entier soutien, comme celui de l'ensemble du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention comportera deux parties très différentes : la première portera sur le réseau scolaire à l'étranger et son évolution ces dernières années, ainsi que sur les difficultés qu'il connaît en ce moment ; la seconde concernera les résultats des propositions d'enquête du Sénat. J'ai préparé cette intervention avec le concours de mon excellent collègue M. Grignon, qui n'a pu, hélas ! être présent aujourd'hui.
Le réseau scolaire français à l'étranger, qui est le plus étendu et le plus efficace du monde, est constitué de 440 écoles homologuées par le ministère de l'éducation nationale et réparties sur tous les continents. Ces écoles scolarisent 157 934 élèves : 66 069 Français, 72 062 nationaux et 19 803 étrangers tiers. Ainsi, le nombre d'élèves français représente 42 % de l'ensemble.
Aucun autre pays ne possède un réseau scolaire aussi important, aussi bien géré et donnant d'aussi bons résultats. Avec près de 12 points de plus que la moyenne des résultats du baccalauréat général en France, qui est de 78,7 %, le taux de réussite au baccalauréat dans les établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, AEFE, qui atteint 90,66 %, est excellent. Ajoutons qu'au concours général les élèves français de l'étranger ont obtenu douze prix, et viennent en deuxième position après Paris et devant les vingt-neuf autres académies.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. André Maman. C'est la plus belle vitrine de la France à l'étranger et de la francophonie. Elle permet à nos enfants expatriés d'être scolarisés comme le sont leurs camarades en France.
Dès qu'une école française est créée dans le monde - et c'est toujours à la suite de la volonté de l'association de parents d'élèves locale, et non du gouvernement français, je tiens à insister sur ce point - on peut être certain que l'expatriation des familles et, par la suite, les investissements, les créations d'entreprises commerciales, financières, industrielles, vont suivre. De nombreuses statistiques le prouvent amplement.
De plus, en scolarisant les enfants étrangers, nous nous faisons des amis, nous formons de futures élites qui resteront proches de la France. Rien n'est plus propice que ce réseau scolaire pour nous rapprocher des autres nations, des autres ethnies, des autres peuples.
Un enfant français à l'étranger - c'est un reproche que l'on nous fait - coûte beaucoup plus cher qu'en France. Je pense donc aux budgets futurs. A ce propose, il faut citer le rôle capital qui a été joué par l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger, l'ANEFE, dont le président, le sénateur honoraire Jacques Habert, reste toujours très vigilant.
Si j'insiste, c'est que, souvent, quand on parle de l'enseignement français à l'étranger, on soulève le coût des études. Pendant des années, au Conseil supérieur des Français à l'étranger, on m'a reproché le prix des études au lycée français de New York, qui était le sujet principal d'attaque. Aujourd'hui, on n'en parle plus car les autres lycées dans le monde ont des frais d'écolage du même ordre.
On nous reproche l'augmentation des frais d'écolage. Or, ils sont identiques à ceux des autres écoles privées établies dans la même ville, qui sont en compétition avec nos écoles. Nous connaissons le coût de l'enseignement d'un jeune Français dans le primaire et dans le secondaire en France. Si nous pouvions obtenir des ressources équivalentes pour nos jeunes de l'étranger, nous n'aurions plus de problème financier.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ça, c'est sûr !
M. André Maman. On me dit : « Vous, les Français de l'étranger, vous ne payez pas d'impôt ! » - je souhaiterais qu'on me le dise officiellement, par écrit, et non plus entre deux portes. Or, c'est faux : nous payons des impôts.
L'enseignement français, de la maternelle au baccalauréat, est considéré comme un des meilleurs du monde, sinon le meilleur.
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. André Maman. Dans les pays les plus développés, j'ai souvent entendu dire, par les étrangers, que nous avions les meilleures institutrices du monde.
MM. René-Pierre Signé et Serge Lagauche. Bravo !
M. André Maman. Nous en sommes fiers, et nous voulons maintenir notre système d'enseignement au niveau le plus élevé. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Vous avez dit le contraire tout à l'heure !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Je croyais que les enfants ne savaient pas lire !
M. André Maman. Je n'ai jamais dit qu'ils ne savaient pas lire, madame la ministre !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Précédemment, vous avez dit que 30 % des élèves ne savaient pas lire !
M. André Maman. Nous avons les meilleurs enseignants du monde à cet échelon-là, et je sais de quoi je parle.
M. le président. En l'instant, M. Maman ne s'exprime pas en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Veuillez poursuivre, monsieur Maman.
M. André Maman. Mais encore faut-il que ce réseau scolaire soit aidé, que le Gouvernement français mette tout en oeuvre pour lui permettre, d'abord, d'accueillir tous les enfants qui voudraient fréquenter ces écoles. Les frais d'écolage sont hélas ! souvent élevés, ce qui peut écarter certains enfants de notre système d'enseignement.
Monsieur le ministre, madame la ministre, je rappelle la promesse faite par les ministres des affaires étrangères qui se sont succédé, quelle que soit leur appartenance politique : aucun enfant français de l'étranger ne sera exclu de notre système scolaire pour des raisons financières. Or, on nous signale maintenant le cas d'enfants - ils sont certes peu nombreux - qui ne peuvent être scolarisés précisément pour des raisons financières.
Il est donc nécessaire de maîtriser les frais d'écolage, qui ont beaucoup augmenté ces dernières années. Il faut accroître le budget des bourses, pour les familles dont les ressources sont modestes. La part prise en charge par l'Etat doit augmenter, c'est une impérieuse nécessité.
Le montant des bourses scolaires est passé de 102 millions de francs en 1991 à 232 millions de francs. C'est un progrès remarquable. Cependant, ce n'est pas assez.
L'Agence avait été créée pour diminuer la part parentale. Or, celle-ci ne cesse d'augmenter, et dépasse maintenant 50 %.
En 1999, on dénombre 17 115 boursiers sur un total de 66 609 élèves, c'est-à-dire qu'un enfant sur quatre est boursier. Mais on omet de dire qu'il ne s'agit pas toujours de bourses complètes. En effet, il arrive qu'elles soient limitées à 10 ou 20 %, ce qui est intenable pour des familles ayant plusieurs enfants.
Le réseau scolaire de l'étranger est placé sous la tutelle de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, créée par la loi du 6 juillet 1990 et dont nous fêterons bientôt le dixième anniversaire.
Malheureusement, cette agence a été placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, puis de la coopération. Nous ne cessons de regretter l'absence du ministère de l'éducation nationale. Nous réclamons une cotutelle de l'Agence. Nous vous l'avions dit, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles. M. Védrine et vous-même nous aviez laissé quelque espoir. Pourtant, rien n'a été fait. (Si ! sur la travées socialistes.) Non, pour ce qui est de la cotutelle, puisque le ministère de l'éducation nationale reste à l'écart. Or, il doit prendre la place qui lui revient de droit.
Ici, je voudrais formuler des craintes très vives à propos de l'inflexion que semble prendre la direction de l'Agence quant à l'homologation de nouvelles écoles et à la résorption du réseau par la déshomologation.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je tiens à savoir si cette attitude nouvelle, qui inquiète beaucoup les associations de parents d'élèves, qui pensaient que l'on créerait de nouvelles écoles, ainsi que le monde enseignant en général, dépend uniquement de la volonté de l'Agence, ou bien si elle est le résultat d'une réflexion au plus haut niveau. Certes, la direction de l'enseignement scolaire, la DESCO, est cosignataire de la liste d'accréditation établie chaque année, mais ce n'est pas suffisant.
Est-il vrai, par exemple, que certaines écoles homologuées sont menacées au Etats-Unis, comme l'Agence l'a fait entendre récemment ? Je rappelle que, dans ce pays, le plus important du monde, nous comptons trente-neuf écoles françaises homologuées, dont beaucoup sont accréditées depuis des dizaines d'années. Nous avons eu récemment la visite de l'Agence, et nous avons cru comprendre que l'enquête qu'elle a menée pourrait déboucher sur des déshomologations. Si ces dernières résultaient de cessations d'activité, comme en Côte d'Ivoire, ou de manquements graves, nous pourrions le comprendre. Mais comment expliquer à une... proviseuse... disons une dame proviseur d'un lycée très important de San Francisco accrédité depuis quarante ans que celui-ci perdra peut-être son accréditation ? On ne comprend vraiment pas !
On nous parle de redéploiements au profit de l'Europe centrale et orientale, ainsi que de l'Asie de l'Est et du Sud-Est. Mais cela ne doit pas entraîner de conséquences injustifiées ailleurs dans le monde !
Rappelons que la loi du 10 juillet 1989, élaborée sous l'égide du ministre de l'éducation nationale de l'époque, M. Lionel Jospin, dont vous étiez le conseiller, monsieur le ministre, avait bien pris acte de la spécificité de l'enseignement français à l'étranger, dans le domaine aussi bien des programmes que de l'administration et de l'organisation.
Les écoles françaises à l'étranger ne peuvent être exactement identiques à celles de métropole. Dans ces écoles, certaines heures de cours doivent être consacrées à la langue et à la civilisation locales, ce qui suppose une certaine souplesse, que la direction de l'Agence ne nous semble pas suffisamment prendre en compte.
Je voudrais être rassuré quant à l'avenir du réseau scolaire français à l'étranger, car, et ce sera la conclusion de cette première partie de mon intervention, une vive inquiétude s'y fait jour. Ce n'est pas en employant un style cassant, en manquant souvent à la courtoisie la plus élémentaire et en traitant les divers acteurs de l'enseignement comme s'ils étaient incompétents, alors qu'ils sont très souvent des pédagogues de valeur, que l'on résoudra le problème ! Une telle attitude se dessine pourtant très nettement depuis quelques mois, et vous en obtiendrez peut-être confirmation par les courriers de certains ambassadeurs de France à l'étranger.
Je voudrais maintenant aborder la seconde partie de mon intervention.
Encore une fois, le premier budget de l'Etat est celui qui augmente le plus par rapport à l'année précédente, avec 308,7 milliards de francs inscrits dans le projet de budget pour 2000. L'augmentation, qui est de 3,5 %, soit 10 milliards de francs supplémentaires, est nettement supérieure à la progression générale des dépenses, qui est de 0,9 %.
L'année dernière, la commission d'enquête du Sénat, dont le rapporteur était mon excellent collègue Francis Grignon, qui, je le répète, ne peut malheureusement être présent aujourd'hui dans cet hémicycle, avait constaté que, en dépit de dotations considérables et d'une rente démographique favorable, l'éducation nationale continuait à être confrontée à d'importants dysfonctionnements. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelles ont été les mesures prises afin de mieux contrôler l'utilisation des moyens attribués au système scolaire et d'en améliorer la gestion ?
Je souhaite tout d'abord attirer l'attention sur le fait qu'il n'a été remédié à aucun des dysfonctionnements que la commission avait pu constater lors de l'élaboration de son rapport.
Le projet de budget pour 2000 prévoit la création de 4 300 emplois, dont 3 360 d'enseignant dans le second degré, 810 de personnel ATOS et 150 de personnel médico-sociaux, pour un coût de 267 millions de francs, et ce alors que le nombre d'élèves ne cesse de diminuer depuis dix ans. Madame le ministre, monsieur le ministre, vous privilégiez l'objectif de la qualité en améliorant le taux d'encadrement et en favorisant la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Cela ne passe-t-il pas aussi par une gestion plus rigoureuse des moyens mis à la disposition du ministère de l'éducation nationale ?
A titre d'exemple, la multiplicité des options continue d'alourdir considérablement le coût de l'enseignement du second degré, en amenant la mobilisation de professeurs devant de petits groupes d'élèves. De plus, le système d'options, parce qu'il permet d'éviter la sectorisation, est parfois détourné de sa vocation à des fins sélectives.
Par ailleurs, il eût été souhaitable que les moyens soient en partie réorientés, afin de pallier certains dysfonctionnements.
Les enseignants en surnombre sont ainsi près de 10 000, pour un coût évalué à 3 milliards de francs, alors que, parallèlement, nous continuons à manquer de professeurs en anglais, en espagnol, en sciences physiques et en sciences de la vie et de la terre. Ce défaut de rigueur dans la gestion des enseignants conduit le ministère à faire jouer abusivement des variables d'ajustement, ce qui a pour effet d'alimenter la dérive budgétaire.
En effet, depuis l'interdiction de procéder à de nouveaux recrutements de maîtres auxiliaires, l'éducation nationale a tenté de retrouver une certaine souplesse de gestion en recourant à des professeurs contractuels et à des vacataires : 15 000 maîtres auxiliaires ont ainsi été réemployés à la rentrée scolaire de 1999, auxquels s'ajoutent 8 000 contractuels et un grand nombre de vacataires qui échappent à tout recensement. Le projet de budget pour 2000 prévoit encore de financer le recrutement de 3 000 contractuels.
De surcroît, plus de 65 000 emplois-jeunes ont été créés depuis 1997. Les jeunes embauchés à ce titre se sont vu confier une mission éducative pour laquelle ils ne sont pas formés. Le coût des salaires des aides éducateurs et des charges afférentes est estimé à 1 milliard de francs.
Les effets de ce dispositif sont certes bénéfiques à court terme, puisqu'il permet de résorber le chômage des jeunes diplômés. Toutefois, sur quoi ces emplois-jeunes déboucheront-ils ? Allez-vous pérenniser ces emplois au sein de l'éducation nationale, en créant un concours spécifique qui permettra à leurs bénéficiaires d'être titularisés ? Ou bien allez-vous tous les licencier au terme de leur contrat ? Ce n'est pas la signature d'un accord-cadre avec sept grandes entreprises, qui s'engagent à embaucher 3 600 d'entre eux, qui vous permettra de résoudre ce problème !
Monsieur le ministre, je ne peux que constater avec regret qu'aucune des propositions de la commission d'enquête n'a été retenue, notamment celles qui avaient trait au renforcement du contrôle du Parlement sur la gestion de l'éducation nationale.
Nous avions en effet proposé la création d'un « jaune » budgétaire, ce qui aurait obligé le ministère à faire clairement apparaître l'effectif des enseignants qui n'enseignent pas, plus particulièrement de ceux qui bénéficient de décharges réglementaires, de mises à disposition ou de détachements. Or il n'en est rien ! Les parlementaires ne disposent que du « bleu » budgétaire, dont la lecture reste difficile et ne nous permet pas d'estimer clairement le nombre d'emplois occupés par des enseignants.
Ce projet de budget ignore totalement les propositions de la commission d'enquête. Comment aurait-il pu en être autrement, monsieur le ministre, puisque vous avez critiqué son rapport, sans même avoir vérifié la pertinence de vos affirmations. Le 16 novembre dernier, vous avez déclaré, devant nos collègues députés, que les chiffres de ce rapport sont « si fantaisistes qu'ils mélangent mises à disposition et détachements » et que « les enseignants élus députés étaient classés dans les mises à disposition ».
Vous souhaitiez nous réclamer votre dû ! Eh bien, monsieur le ministre, je vous répondrai que le Sénat n'a pas mélangé les mises à disposition et les détachements, et que les enseignants élus députés sont bien classés parmi les détachés.
Votre attitude à l'égard du Sénat, votre refus de prendre en compte la moindre de ses propositions en vue d'améliorer les perspectives d'avenir de nos enfants conduiront les membres du groupe de l'Union centriste à ne pas voter votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la majorité issue de la gauche plurielle, l'éducation nationale constitue une priorité majeure, ainsi que l'a exprimé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, en juin 1997.
M. Emmanuel Hamel. Pour nous aussi !
Mme Hélène Luc. Oui, mais cela ne s'est jamais traduit dans les faits !
Nous souscrivons pleinement à ce choix. Vous aurez ainsi pu prendre note, monsieur le ministre, de l'affirmation réitérée par les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen de leur ambition et de leur volonté de permettre à chaque jeune de notre pays d'être placé en situation de réussite et de développer au mieux ses talents et ses capacités, afin de se préparer de façon optimale à sa future vie professionnelle, personnelle et sociale.
Puisque je parle de réussite, permettez-moi, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, de me réjouir du succès du lancement d'Ariane 5, précurseur d'autres avancées, notamment commerciales, et de féliciter tous les ingénieurs, techniciens et personnels qui ont contribué à ce succès. (M. Hamel applaudit.)
Vous pouvez en effet applaudir nos techniciens, mon cher collègue !
Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin de la législature et, au regard de ce projet de budget de l'enseignement scolaire, un bilan d'étape peut être dressé, qui viendra nourrir la nécessaire réflexion sur le devenir à plus long terme de notre système éducatif.
Je ne reprendrai pas ici les nombreux chiffres qui ont été cités par mes collègues de l'Assemblée nationale et par notre rapporteur spécial. Eu égard à la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je souhaiterais axer mon propos sur le défi que doit relever notre école.
En ce domaine, les attentes de nos concitoyens sont très fortes, et nous devons considérer cet intérêt comme un atout considérable. On constate en effet dans notre pays un profond attachement au service public de l'éducation, dont on exige que la qualité soit toujours plus grande et que la modernité prenne en compte des besoins toujours évolutifs dans les domaines des connaissances, des technologies, des pratiques éducatives.
Nous nous inscrivons pleinement dans cette approche, dans ce mouvement de fond de notre société, et toutes nos interventions, tant à cette tribune que sur le terrain, où nous oeuvrons en permanence avec les partenaires de l'école, ont pour premier objet d'apporter des réponses à ces grands défis qui conditionnent l'avenir économique et humain de notre pays.
L'un d'entre eux, et non des moindres, est celui de la pérennité de la compétence régalienne de l'Etat en matière de scolarisation, qui doit être assurée.
Au moment où les tenants de l'ultralibéralisation, en France et ailleurs, prônent la transformation en marchandise et la privatisation de la formation, appâtés qu'ils sont par les profits gigantesques qui pourraient en résulter, il est nécessaire de réaffirmer et de conforter, par nos propos mais aussi par la politique mise en oeuvre, nos grands principes républicains, qui font de notre pays une référence, un exemple reconnu dans le monde entier.
Monsieur le ministre, à l'occasion de la conférence de Seattle, qui représentait une menace pour notre système éducatif, vous avez rappelé l'attachement du Gouvernement à notre conception de l'école.
Vous trouverez toujours chez les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen la même détermination, le même engagement indéfectible, tant il y va en cette affaire de la place et du rôle de la France dans le prochain siècle.
Mais il faut que les actes traduisent cette volonté commune, s'agissant aussi bien de la mission confiée à l'école que des moyens à lui attribuer.
L'un des meilleurs atouts pour progresser dans cette voie, monsieur le ministre, réside dans la capacité à réussir la transformation progressiste de l'école, préalable nécessaire à de nouvelles avancées qualitatives et quantitatives.
Pour l'heure, notre système éducatif, après une période positive d'expansion, plafonne en termes de démocratisation, ce qui signifie qu'il souffre d'un manque d'équité.
En effet, l'affirmation de l'égalité des chances de réussite pour tous est en panne, et une frange importante de la population scolaire ne parvient pas à s'approprier les savoirs indispensables et vit sa scolarité sur un mode négatif.
Les inégalités scolaires sont multiformes et omniprésentes : elles renvoient à des crises sociales fortes, mais aussi à des disparités géographiques, de recrutement et de dotations humaines et matérielles des établissements, ainsi qu'en matière de filières d'enseignement proposées, de contenus et de débouchés.
L'indispensable réduction de ces inégalités relève de la solidarité nationale et du partage le plus large possible des savoirs. Il faut s'y atteler, madame le ministre, monsieur le ministre. Vous avez ouvert des chantiers, vous avez lancé des réformes ; vos partenaires vous aideront à en élaborer les objectifs et les modalités.
Je citerai comme exemples représentatifs de cette politique la mise en oeuvre du plan d'urgence en Seine-Saint-Denis, les recrutements nouveaux d'enseignants et de personnels non enseignants, l'aide personnalisée par petits groupes et les mesures nouvelles décidées à la suite des mouvements lycéens. Mais, compte tenu des retards accumulés par les politiques de la droite, laquelle considère le service public non pas comme un investissement humain utile, mais comme une charge indue...
M. Emmanuel Hamel. Allons !
Mme Hélène Luc. ... je suis convaincue qu'il faut aller désormais plus loin et plus haut. Il s'agit de poser de façon radicalement nouvelle la question des liens entre la formation, le travail et, plus généralement, l'ensemble des activités concourant à l'épanouissement des individus. L'école du xxie siècle doit être capable de donner un nouveau souffle à la société, dont elle représente le socle pour le changement. Elle doit être toujours à la recherche d'une universalité qui place l'être humain dans ce qu'il y a de meilleur.
Cela implique bien sûr que les enseignants transmettent des savoirs. Mais la méthodologie en matière d'acquisition des savoirs, qui revêt aujourd'hui une importance cruciale, n'est plus celle d'il y a quinze ans : elle revient, comme l'a dit M. le ministre, à apprendre à apprendre, car une partie de la connaissance, notamment avec le multimédia, provient de l'extérieur. On peut dire, à mon avis, que le rôle de l'enseignant dans les établissements scolaires est une question qui progresse.
L'école doit dispenser des valeurs de communautés linguistiques, sans oublier pour cela l'enseignement des langues régionales, des valeurs liées à notre histoire, à celle des grands hommes, avec les périodes historiques qui fondent notre mémoire. Elle doit aussi enseigner les sciences, qui progressent et qui doivent prendre une place plus importante encore dans l'enseignement.
Il importe aussi, à la faveur des prévisions de baisse sensible du nombre d'élèves dans les prochaines années et des marges budgétaires nouvelles dégagées par la croissance, de considérer aujourd'hui comme réaliste et possible l'objectif d'un effectif maximum de vingt-cinq à trente élèves par classe, avec une modulation suivant les niveaux et les situations des établissements. Un nombre de trente élèves dans les classes de terminale constitue un début, mais il faut aller plus loin et plus vite.
Un tel engagement de la nation, avec la programmation budgétaire progressive et précise des recrutements correspondants - la loi d'orientation de 1989 l'édictait d'ailleurs - doit être réalisé. Tous, jeunes, enseignants, parents, élus plébiscitent une telle disposition non pour elle-même, mais pour ce qu'elle apporterait de modernité en termes de dimension humaine du groupe, d'individualisation inéluctable et d'amélioration de l'acte éducatif. Tous ces partenaires, qui constituent un gisement d'experts dont l'apport est irremplaçable, en sont à juste titre persuadés : un tel objectif est un passage obligé, une évolution indispensable pour innover, pour transformer, pour créer des dynamiques et des pratiques nouvelles, bref pour fonder les conditions de l'école du xxie siècle. La gauche, par une telle décision, enrichirait d'une empreinte nouvelle la liste des avancées progressistes qu'elle a su imprimer dans l'histoire de notre service public d'éducation.
Vous me direz, monsieur le ministre, qu'une telle mesure obérerait les finances publiques au-delà du raisonnable. Procédez donc au préalable à une simulation précise et transparente prenant en compte la conjoncture démographique et économique nouvelle ; la faisabilité du projet en découlera.
Vous me direz peut-être, madame, monsieur le ministre, que, voilà plusieurs décennies, les classes étaient bien plus chargées et que la réussite scolaire n'en était pas pour autant entravée. Mais, comme vous le savez, le public n'est plus le même ; ses caractéristiques, ses besoins sont totalement différents aujourd'hui ; s'agissant ainsi de l'expression orale, un rapport récent de l'inspection générale de l'éducation nationale souligne que seuls 30 % des élèves la maîtriseraient réellement. Comment, sinon par une diminution significative des effectifs, créer des conditions propices à un développement correct et efficace de cette dimension intellectuelle dont la fonction est cruciale pour tout apprentissage et pour toute vie sociale ?
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2000 augmente de 3,5 %, alors que la progression de l'ensemble des crédits est de 0,9 %. Cette augmentation permet de sous-tendre des mesures positives de titularisation, de création de postes, de suppression de droits d'examen, notamment. Mais cela reste très insuffisant, car le budget enregistre une hausse des heures supplémentaires de 10 %, heures supplémentaires qu'il faudrait transformer en postes budgétaires. Ainsi, 30 000 emplois ATOS seraient nécessaires alors que 1 000 postes seulement sont créés.
Mon amie Nicole Borvo interviendra spécifiquement, tout à l'heure, sur les services de santé scolaire et sur les dernières initiatives prises par Mme la ministre déléguée. Je tiens néanmoins, madame la ministre, à vous faire part de mon accord sur votre décision concernant la pilule du lendemain. Vous répondez ainsi à une détresse des jeunes filles à laquelle il faut bien faire face, étant entendu qu'il ne faut pas pour autant diminuer notre effort en matière de contraception.
Les crédits affectés à l'aide personnalisée en 6e et en 5e et à l'aide individualisée au lycée progressent clairement et s'élèvent à 240 millions de francs. Il est regrettable que ces aides soient dispensées sous forme d'heures supplémentaires, et qu'elles ne donnent pas lieu à création de postes budgétaires. Il faut créer des postes.
Vous le savez, madame, monsieur le ministre, les personnes occupant des emplois-jeunes sont préoccupées par l'acquisition d'une formation et d'un emploi stable. Pouvez-vous nous redire quelles mesures vous entendez prendre ? Ces jeunes ont retrouvé, c'est certain, la satisfaction d'être utiles, la joie de vivre - je le dis très sincèrement - et la joie de travailler ; mais maintenant, ils veulent plus, comme c'est normal.
Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen adoptent, s'agissant de votre politique, une position constructive d'interpellation en faveur de la réussite d'une transformation progressiste de l'école ; cette dernière suppose une programmation et un budget qui soient les supports d'un service public consolidé et fortifié. La décentralisation a apporté indiscutablement des éléments positifs, mais elle ne doit pas nuire à l'unicité du service public.
La gauche réussira sa transformation de l'école en revendiquant l'histoire, les réalisations, les acquis de l'école républicaine. Elle le fera tout d'abord en s'inscrivant dans la continuité des mobilisations, des luttes, des engagements professionnels, syndicaux, politiques qui ont fait le service public laïc d'éducation ; elle le fera aussi en enracinant les évolutions d'aujourd'hui dans le patrimoine culturel, scientifique, technologique, intellectuel de notre pays ; elle le fera en osant le bilan critique, sans concessions, des certitudes, des habitudes, des rigidités de l'esprit de corps, de l'étatisme qui freinent les modifications indispensables. Les enseignants progressent dans cette voie, et il faut leur faire confiance, les associer. La gauche réussira enfin sa transformation de l'école en combattant ceux qui, autour de l'école et dans l'école, enferment la jeunesse dans un présent étriqué et dans un avenirincertain.
L'école a besoin d'un vrai projet politique liant sa transformation à celle de la société française.
Pour la majorité sénatoriale, qui ne voit pas l'intérêt d'avoir un programme, il suffit de dépenser moins, mais mieux.
M. Pierre Martin. C'est tout à fait ça !
Mme Hélène Luc. Pour moi, ce n'est pas du tout un programme ! Il y a eu certes beaucoup de gâchis, mais, aujourd'hui, la situation est ce qu'elle est !
Il nous faut maintenant faire preuve du même esprit citoyen de création que les auteurs du plan Langevin-Wallon, à la Libération, c'est-à-dire ne pas vouloir restaurer l'école d'hier, ne pas se contenter de corriger les défauts de l'école d'aujourd'hui, mais travailler à sa transformation du service public d'éducation.
L'école doit s'imprégner du goût d'une culture moderne, du désir de vivre ensemble, de vivre bien pour soi-même, mais avec les autres, dans des institutions justes. Cette ambition, les membres du groupe communiste républicain et citoyen veulent la mettre au service de la réussite d'une politique de gauche.
Telles sont, madame, monsieur le ministre, les remarques et les propositions que je souhaitais faire au nom des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen. Nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a parfois opposé, dans la préparation de notre débat d'aujourd'hui, les éléments quantitatifs et les apects qualitatifs du projet de budget que vous nous soumettez.
Cette opposition ne me paraît pas fondée, s'agissant du premier budget de la nation. La volonté de réforme du Gouvernement, en l'espèce, ne pourrait s'accomplir sans un effort financier significatif.
C'est pourquoi je souhaite d'abord exprimer ma fierté et celle de mes collègues socialistes de soutenir un gouvernement qui a, en trois exercices budgétaires, accru de 10 % l'effort national en faveur de l'éducation. Le budget de l'enseignement scolaire dépasse, pour la première fois, les 300 milliards de francs. Plus de 6 600 postes ont été créés depuis la rentrée de 1997. Si les chiffres ne sont pas tout, celui-ci est parlant, au moins autant que celui des 5 000 postes supprimés par vos deux prédécesseurs !
Cet élément quantitatif, je ne le développerai pas plus ici. C'est par le redéploiement des crédits, c'est par l'affectation de cet effort que se signale d'abord la qualité du projet de budget de l'enseignement scolaire pour l'année 2000.
Je rappellerai seulement, madame, monsieur le ministre, que, en tenant compte de la baisse démographique, c'est une progression des crédits de 4 % par élève scolarisé que vous proposez à notre vote. Vous mettez à profit la diminution des effectifs d'élèves pour améliorer le taux de l'encadrement scolaire. Plutôt que de réduire le nombre d'enseignants, vous réduisez la taille des classes et vous créez des soutiens nouveaux. Voilà, au-delà des chiffres, l'expression d'une volonté politique.
Il faudrait aussi souligner la cohérence manifestée par ces crédits avec l'engagement de toute une législature en faveur de la qualité de l'enseignement scolaire. Je saluerai simplement l'intégration efficace des aides éducateurs aux équipes pédagogiques, l'amélioration des statuts des personnels enseignants, en particulier des directeurs d'école - il reste certes beaucoup à faire en matière d'abaissement du seuil des décharges afin de restituer son caractère attrayant à cette fonction importante - enfin, la déconcentration du mouvement des professeurs, en passe de réussir pleinement. Faut-il rappeler ici que la gestion des ressources humaines était purement et simplement inconnue rue de Grenelle avant 1998 ?
Voilà pour les grandes lignes. Il ne s'agit pas d'être triomphalistes : personne ne soutiendrait qu'un ensemble administratif aussi vaste que l'éducation nationale peut être géré facilement, et personne n'affirmerait non plus que les problèmes éducatifs peuvent être réglés par l'école seule. Mais c'est justement parce que l'école se trouve, malgré elle, en charge de tâches qui la dépassent que la collectivité se doit de la rendre toujours plus efficace, de la moderniser et de la faire évoluer en permanence dans le respect de toute la population scolaire.
Je veux insister sur les crédits et les mesures qui garantissent le caractère équitable de la diffusion des savoirs de base. Je note ainsi la création de 1 500 postes d'assistant de langues étrangères et de 5 000 emplois-jeunes supplémentaires en vue d'épauler le personnel enseignant.
Je pense également au renforcement de la liaison entre le CM2 et la 6e, à l'introduction du tutorat et de l'aide personnalisée pour les élèves de 6e et de 5e, à la diversification des méthodes d'enseignement.
Je pense, enfin, au projet de partition des collèges de plus de 1 000 élèves.
Garantir l'accès équitable des élèves à l'école passera aussi par votre décision de rétablir les bourses des collèges, par l'institution des fonds sociaux des cantines, des collèges et des lycées, par l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire et son versement dès le premier enfant : 4 milliards de francs sont inscrits dans votre projet de budget à ces divers titres.
Il faudrait aussi évoquer les nouvelles mesures prises pour accueillir un tiers d'enfants handicapés en plus dans les établissements.
Il faudrait encore parler du plan de lutte contre la violence et de ses mesures simples, dont l'application porte ses premiers fruits.
Gouvernement, majorité plurielle, que disons-nous au fond ? Qu'il n'y a pas d'autre choix que celui de l'égalité des chances, sans restriction ! Sans nier les difficultés ni les écueils, nous disons que l'accès du plus grand nombre à un socle de connaissances fondamentales est la condition première pour réaliser une société de liberté telle que nous l'entendons, une société qui permette à chacun de faire effectivement le libre choix de son devenir personnel et professionnel, c'est-à-dire le projet et le modèle de société où se reconnaissent l'écrasante majorité des Français. Tout autre choix, en matière éducative, est régressif et condamne, à terme, les chances du pays.
Madame la ministre, lorsque je me félicitais, il y a un instant, de la partition des établissements surchargés, vous vous doutez bien que je ne pensais qu'à l'intérêt général de la nation, car mon département, l'un des plus ruraux, rencontre en matière scolaire des difficultés d'ordre tout différent.
Il y a deux ans, ici même et à la même occasion, j'avais évoqué devant vous la question des ZEP en zone rurale. Des efforts ont été faits, et je tiens à vous en remercier personnellement, madame la ministre, vous qui êtes venue dans la Nièvre nous apporter votre soutien.
Aujourd'hui, c'est encore à ces régions que je pense, en émettant le voeu que s'y développe la scolarisation dès l'âge de deux ans, qui concerne aujourd'hui le tiers des petits Français, principalement dans les grandes zones urbaines. Or la scolarisation précoce est aussi une nécessité en zone rurale, ne serait-ce que parce que le besoin d'ouverture des enfants y est considérable, ou encore parce que le salaire de leur mère est souvent la condition indispensable pour que le foyer s'en sorte.
Madame la ministre, je sais, avec les sénateurs socialistes, combien il est difficile d'agir pour que l'école du xxie siècle réponde aux défis, inconnus jusqu'alors, qui sont les siens. Nous n'en sommes que plus confiants envers votre action et celle de M. Claude Allègre.
Nous savons aussi à quel point il est utile de maîtriser la dépense publique, comme a choisi de le faire avec succès le Gouvernement. Sachez que nous n'en apprécions que mieux l'effort qualitatif et quantitatif consenti par le pays en faveur de l'éducation de ses enfants. Nous soutiendrons, bien évidemment, cet effort dans cette assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, je suis le dernier orateur à m'exprimer dans ce débat, mais, je l'espère, not the least , malgré la grande brièveté de mon intervention. (Sourires.)
C'est effectivement en peu de mots mais avec beaucoup de conviction, monsieur le ministre, que je voudrais vous parler à mon tour de l'enseignement français à l'étranger.
Je profite de l'occasion que m'offre l'examen de votre budget pour reprendre le dialogue que j'ai eu l'honneur d'entamer avec vous le 7 octobre dernier, ici même au Sénat, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Après avoir souligné la qualité et la densité de notre réseau d'écoles à l'étranger ainsi que l'augmentation de l'enveloppe des bourses, j'avais, ce jour, déploré que, malgré ces éléments favorables, nous ne soyons toujours pas en mesure de profiter de l'attrait de notre culture et de notre système d'enseignement auprès des citoyens de nombreux pays, ni d'offrir à tous les enfants français de par le monde la chance d'étudier dans des écoles françaises parce qu'elles sont trop chères.
J'avais réclamé « une grande politique et les moyens de cette politique ».
Je n'ai pas eu l'occasion de vous le dire alors, monsieur le ministre, mais sachez que je me suis réjoui de la réponse que vous m'aviez apportée, parce que vous aviez bien voulu à la fois manifester votre accord sur le constat et faire état de votre engagement dans la direction qui me paraît être la bonne en déclarant qu'il fallait qu' « avec votre collègue Hubert Védrine » vous recherchiez ensemble « des solutions et des moyens qui satisfassent cette nécessaire grande ambition de la France ».
Monsieur le ministre, on connaît votre naturelle ouverture sur l'international et votre désir de promouvoir notre culture dans le monde : ne le faisiez-vous pas hier encore à Boston et à Washington ? On sait aussi combien vous êtes conscient de l'importance de voir nos compatriotes plus nombreux à l'étranger et les décideurs de demain formés dans notre langue.
Mais tout va aujourd'hui plus vite, et le temps presse. Il est plus que temps de mettre en chantier cette grande oeuvre qui honorerait le gouvernement auquel vous appartenez. C'est à vous de l'en convaincre, monsieur le ministre, l'initiative vous appartient ! Tous les acteurs concernés sont d'ailleurs prêts à s'associer à vous, car une véritable mise à plat est nécessaire, qui permettrait une approche nouvelle et moderne, souple et adaptée aux différents contextes et aux différents pays, y compris au niveau des financements.
Pour mener à bien ce grand chantier, vous pourrez compter non seulement sur la communauté éducative - et je tiens à souligner à cet égard ma considération pour le travail accompli, en particulier par les chefs d'établissement - mais aussi sur le dévouement traditionnel des associations de parents d'élèves et des comités de gestion, dont les membres et les entreprises auxquelles ceux-ci appartiennent sont souvent à l'origine de la création de nos écoles.
Vous pourrez compter aussi sur les membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, que vous avez récemment honoré de votre présence, ainsi que sur les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Ce chantier passe, au-delà des différentes actions que vous avez déjà entreprises - en particulier sur le plan pédagogique - par un engagement plus complet, notamment financier, de votre ministère aux côtés du ministre des affaires étrangères. Le projet de budget que nous examinons vous en offre-t-il la possibilité ?
Quant aux textes qui régissent le statut de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, leur adaptation, qui permettrait la mise en oeuvre de la politique dont nous avons besoin, n'est qu'une affaire de volonté. C'est cette volonté que je serais heureux de vous entendre réaffirmer.
Je souhaiterais également, monsieur le ministre, que vous nous informiez sur l'état actuel de votre concertation avec votre collègue chargé des affaires étrangères, ainsi que sur les projets du Gouvernement en ce qui concerne, je me permets de vous citer à nouveau, cette « nécessaire grande ambition de la France ». (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quel est le sujet de notre débat d'aujourd'hui ? C'est, au-delà des moyens budgétaires, l'avenir du service public d'éducation français. Ce service public est pour nous essentiel, parce qu'il est indissociable de l'idée que nous nous faisons de la République, j'ai été amené à le rappeler encore ces jours dernier dans un autre pays, qui a une autre logique que le nôtre.
Notre projet est simple : nous voulons donner à notre service public, à notre école, l'ambition et les moyens d'affronter les défis techniques, économiques, et donc les défis sociaux, du prochain siècle : ceux qui sont issus de l'explosion des savoirs et des connaissances, ceux qui sont liés à l'introduction massive des nouvelles technologies qui vont bouleverser totalement les méthodes d'éducation.
Cette adaptation, voire cette mutation, doit se faire en s'appuyant sur les succès et sur la qualité de cet enseignement.
A ce sujet, j'ai entendu un orateur se contredire au cours de deux interventions successives. Je lui réponds donc que, même si je cherche à améliorer encore notre système d'enseignement, celui-ci reste incontestablement l'un des meilleurs du monde, et c'est d'ailleurs l'un de nos plus grands atouts : la raison numéro un pour laquelle des entreprises étrangères viennent s'installer en France est, selon une enquête du journal l'Expansion , la qualité de notre système d'enseignement. C'est pourquoi je considère que tenir, dans des enceintes commes celle-ci, des propos tendant à ternir l'image de notre système d'enseignement, c'est mener une mauvaise action contre notre pays. (M. Lagauche applaudit.)
Dans le même temps, il faut moderniser et transformer ses méthodes, sa gestion : elle doit être plus réactive, plus transparente, plus efficace.
Adapter l'école aux défis de demain, instaurer une gestion moderne du service public de l'école, ce sont deux volets indissociables ; c'est, en fin de compte, le même projet.
Sur ce projet, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il pourrait - qu'il devrait - y avoir un vrai consensus par-delà les oppositions politiques. Le travail de votre commission d'enquête le montre : sur beaucoup de points, il pose avec sérieux de vraies questions et diffère fort peu, d'ailleurs, de celui qu'a effectué l'Assemblée nationale sur les mêmes sujets.
J'ai déjà répondu en partie à plusieurs des questions que m'a posées votre commission, et, comme je m'y suis engagé, j'adresserai au président Gouteyron, dans le courant de la semaine prochaine, une réponse très détaillée sur chacune de ses propositions.
J'ai de nombreux points d'accord avec lui, mais aussi quelques points de désaccord.
Il est quand même intéressant de noter qu'un certain nombre des propositions de votre commission rejoignent les chantiers que j'ai entrepris, s'agissant notamment de la déconcentration ou du remplacement. Je remarque d'ailleurs que l'un d'entre vous a parlé pendant dix minutes de rapports que nous avions commandés et dont nous allons appliquer les conclusions comme s'il s'agissait de propositions originales.
Du travail de votre commission, on peut soit faire un usage polémique et caricatural, soit, au contraire, le considérer comme un élément important du débat public sur l'école. A ce sujet, autant le rapport écrit de votre commission comprend de nombreuses propositions solides et sérieuses qui méritent d'être prises en compte, autant la présentation publique qui en a été faite et qui a été reprise par les journaux est une caricature.
Dénoncer les 30 000 enseignants qui ne sont pas devant des élèves en mélangeant les détachements, les mises à dispostion et l'exercice du droit syndical, c'est de la polémique, et cela ne résout pas le problème !
Le droit syndical dans la fonction publique est-il une anomalie de gestion ? Est-il anormal de détacher des enseignants auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, afin de propager notre culture à l'étranger ? Est-il anormal de détacher des enseignants auprès du Parlement pour l'exercice d'un mandat parlementaire ? Les chiffres qui ont été fournis lors de la conférence de presse sont totalement fantaisistes !
Heureusement, ceux de votre rapport sont plus sérieux : ils font état de 1 500 décharges syndicales, 1 150 mises à disposition d'organismes d'intérêt général, dont plus du tiers font l'objet d'un remboursement.
On peut, certes, discuter pour savoir si un détachement à la Ligue de l'enseignement est correct, si une mise à disposition à l'Institut Charles-de-Gaulle est utile. C'est un sujet de débat. Mais nous en prenons la responsabilité.
Il y a, c'est vrai, de 1 000 à 2 000 mises à disposition - mais elles ne dépendent pas du ministre ! - pouvant exister au niveau local dans des conditions incertaines. Il y a là un problème de gestion, je le reconnais. Mais il concerne 0,2 % de l'ensemble des enseignants ! En raison des alternances politiques - je vous le dis sans fard - tout le monde y a sa part de responsabilité. Mais j'y mettrai bon ordre !
La caricature, c'est de dénoncer en même temps les surnombres du second degré et les créations d'emplois ! Pour n'avoir plus de surnombres sans création d'emplois, il faut fermer pendant deux sessions le concours de l'agrégation ! Est-ce la proposition que vous me faites, messieurs les rapporteurs ?
La caricature, c'est de regretter que tout le débat soit organisé autour des questions quantitatives, alors que nous sommes ceux qui, justement, ont clairement annoncé que les enjeux étaient maintenant qualitatifs, ce qui n'était pas, vous en conviendrez, le positionnement politique le plus confortable pour un gouvernement de gauche ! Il faut donc être de bonne foi.
Je rappelle tout de même que l'amorce de la baisse des effectifs d'élèves dans le second degré date de 1994. Je rappelle également que la crise de recrutement des enseignants, qui aurait dû conduire à un calibrage des concours, était déjà tangible en 1994. Je rappelle, enfin, que la multiplication des options, parée des couleurs des réformes pédagogiques, que dénonce aujourd'hui la commission, ce n'est pas moi qui l'ai décidée. J'en ai seulement hérité.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Malheureusement, il s'agit de budgets que vous aviez votés.
M. Serge Lagauche. Voilà un héritage que vous ne pouvez renier !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'en conclus que d'autres que moi auraient sans doute eu grand besoin des analyses de votre commission pour gérer le système éducatif. Mais, vous comme d'autres, vous avez des idées quand vous n'êtes pas au gouvernement, mais vous n'en n'avez plus lorsque vous y êtes !
Pour ma part, je n'ai pas le sentiment d'avoir déserté dans ce combat pour la modernisation de la gestion du système éducatif. Je remets de l'ordre.
J'en veux pour preuve - et c'est la première fois ; avant, on ajustait grâce à la croissance - le redéploiement géographique entre académies en fonction de la démographie et des réalités sociales. J'en veux pour preuve le plan de développement de la Seine-Saint-Denis et des départements d'outre-mer, dont Mme Luc a rendu compte avec une grande précision.
J'en veux pour preuve également la remise en ordre des remplacements dans le premier et le second degré, et l'affectation des enseignants en surnombre. Nous procédons à une baisse régulière des places mises aux concours du second degré afin de faire disparaître les surnombres budgétaires, mais cela sans brutalité, car les étudiants qui ont préparé ces concours méritent comme d'autres d'avoir leur chance.
La diminution du nombre de maîtres auxiliaires, vous l'avez notée.
J'y ajouterai la baisse de la précarité des ATOS, grâce à une action vigoureuse de recrutement de titulaires : plus 35 % cette année. Nous nous sommes attaqués à ce véritable fléau. Nous devrions stabiliser, en 1999, presque autant de contractuels que ces deux dernières années, et ce sans quasiment de créations d'emploi.
Au-delà de cette remise en ordre, nous menons une action en profondeur pour moderniser la gestion du système éducatif.
Déconcentration du mouvement : nous avons mis fin à un système archaïque. Contrairement aux pronostics de certains, la déconcentration fonctionne. Elle permet de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des postes et des personnes, de mettre en oeuvre une véritable gestion des ressources humaines - impossible à réaliser de manière centralisée - et d'assurer progressivement une meilleure adaptation des enseignants à leur poste et, en même temps, de donner satisfaction aux personnels dans leur choix de mutation.
Lorsque j'entends ici des voix de l'opposition s'élever pour critiquer la déconcentration, je me permets de répondre, d'une part, que cela est en contradiction avec ce que l'opposition a toujours réclamé et qu'elle n'a pas fait lorsqu'elle était au pouvoir - M. Bayrou, avant de devenir ministre, était un grand apôtre de la déconcentration... dans ses discours, mais, une fois au Gouvernement, il ne l'a pas faite - et, d'autre part, que ce n'est pas moi que vous critiquez mais des centaines de fonctionnaires qui accomplissent un travail extraordinaire pour mettre en oeuvre cette déconcentration, en travaillant le soir très tard et souvent le dimanche pour que tous les programmes informatiques soient opérationnels et que tout se passe bien.
Les personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service de santé, sont une des grandes priorités du budget pour l'an 2000. Il n'y avait pas eu de créations d'emplois aussi nombreuses depuis 1993 ! Le rôle de ces personnels est en effet déterminant pour la bonne marche des établissements et la bonne gestion de tout le système éducatif. Il faut tirer toutes les conclusions - et nous les tirons - de la table ronde ATOSS réunie l'année dernière.
Parlons des remplacements.
Quand j'ai ouvert le sujet à la rentrée 1997, que n'a-t-on pas entendu ! Aujourd'hui, c'est une exigence partagée par tous.
Les absences sont une calamité dans beaucoup d'instances, et pas seulement à l'éducation nationale...
Qu'avons-nous fait ? Avec la table ronde « Pas de classe sans enseignant », nous avons identifié les différentes causes, installé un système de suivi systématique et mis de l'ordre dans les pratiques de l'administration qui étaient bien souvent, elles aussi, causes d'absences.
Dès la rentrée, les moyens de remplacement ont été gérés pour la première fois de manière systématique, au même titre que les moyens d'enseignement.
Vous voulez des résultats ? Vous voulez des chiffres ? Eh bien, je vais vous en donner !
En 1996-1997, 7,5 % des cours étaient non assurés - ne confondez pas avec les absences, lesquelles étaient bien supérieures, puisqu'elles dépassaient 13 % - ce chiffre concerne ce qui se passait après remplacement. De 7,5 %, on est passé à 6,5 % en 1997-1998, pour tomber à 3,9 % en 1998-1999. En septembre 1999, nous étions à 1,65 %. Nous allons donc dans la bonne direction ! Naturellement, l'objectif est d'arriver à zéro.
Comme vous le voyez, nous nous préoccupons de la qualité de la gestion.
Mais l'essentiel reste de répondre aux défis du système éducatif. Les choix du Gouvernement en la matière sont clairs.
Je voudrais l'affirmer très nettement : oui, l'école change, oui, l'école va changer, oui, l'école va être bouleversée. L'intrusion des nouvelles technologies dans l'école, hors de l'école, à côté de l'école, dans un monde qui change, va imposer ce changement.
Le métier d'enseignant changera. A ceux qui évoquent avec nostalgie les problèmes qui pouvaient se poser à la fin du siècle dernier, je répondrai que cette époque était certes confrontée à la mise en place d'un certain nombre de systèmes, mais que cela n'a rien à voir avec la situation actuelle. C'est un peu comme de comparer l'armée de la défaite de Sedan avec l'armée d'aujourd'hui !
Les principes de l'école républicaine, en revanche, restent les mêmes pour nous : c'est l'égalité des chances pour tous, c'est aider plus ceux qui en ont le plus besoin, et c'est veiller à ce que cette école républicaine, gratuite et laïque puisse former des citoyens, et des citoyens qui trouvent un travail.
A cette fin, il faut que cette école ne soit pas en retard dans sa modernisation par rapport à ce qui peut se produire dans un secteur qui a de plus en plus tendance à devenir marchand.
La modernisation de l'école est donc une nécessité, et ces réformes, nous les faisons. Parce qu'elles sont maintenant admises, elles ne provoquent pas de réactions, et n'intéressent donc pas les médias. Peut-être devrions-nous d'ailleurs susciter quelques manifestations ici ou là... (Sourires.)
L'école du xxie siècle se met en place. La réforme des collèges se met en place, la réforme des lycées également.
Pour ce qui est de l'enseignement professionnel intégré, allez un peu dans vos circonscriptions, et vous verrez que des négociations ont lieu entre les lycées professionnels et les entreprises pour le mettre en place.
Se mettent également en place la relance de l'éducation prioritaire, dont Mme Royal parlera sans doute, et le développement des nouvelles technologies à l'école.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, d'après l'indicateur mis en place par les sociétés américaines de logiciels, la France était huitième en Europe dans l'emploi d'Internet par les adolescents. Nous sommes numéro un maintenant ! Tous les lycées sont câblés et 70 % des collèges le sont. Nous portons maintenant notre effort sur l'école.
Et cet effort en matière de nouvelles technologies sera prolongé par un effort en matière de télé-enseignement, domaine dans lequel nous sommes d'ores et déjà le troisième opérateur mondial.
En ce qui concerne la lutte contre la violence, nous aurons l'occasion dans quelques semaines d'annoncer la phase II du plan violence.
Mais la situation a déjà beaucoup changé : alors que nous avions un sentiment de montée constante de la violence depuis 1994, on constate pour la première fois, comme l'a établi le rapport Debarbieux, une décroissance dans certaines zones et une stabilisation dans d'autres.
Cette amélioration de la situation ne nous satisfait pas pour autant, et nous sommes décidés à mener jusqu'au bout la lutte contre la violence scolaire. Nous poursuivrons donc nos efforts.
Avec le programme « Nouvelles chances », l'école est en effet son propre recours : nous prenons en charge les 50 000 élèves qui en sortaient aucune qualification.
Beaucoup de questions ont été posées à propos des aides-éducateurs, alors qu'il me semble y avoir déjà répondu tant en commission qu'à l'occasion de questions orales. Mais on me pose toujours les mêmes questions. La pédagogie consiste certes à se répéter sans cesse jusqu'à ce que l'on soit parvenu à se faire comprendre, mais vous pourriez peut-être faire l'économie de ces répétitions.
Je le dis donc une bonne fois pour toutes : il y a 60 000 emplois-jeunes aides-éducateurs. J'ai arrêté leur recrutement parce que je voulais m'assurer de leurs débouchés. J'ai négocié avec un certain nombre d'entreprises. Nous avons signé aujourd'hui, monsieur Maman, non pas 3 000 contrats mais 19 500 contrats avec des entreprises, ce qui dépasse déjà le flux annuel de sortie des aides-éducateurs. Je pense que nous dépasserons largement ce chiffre dans le courant du mois de janvier prochain, si j'en crois les journaux... puisque certaines fédérations patronales annoncent ce qu'elles vont faire dans les journaux !
Maintenant que nous avons assuré ces débouchés pour les aides-éducateurs, nous pourrons en embaucher d'autres, à condition que la rotation se fasse bien : il faudra s'assurer que la signature de contrats à des niveaux élevés avec des grandes entreprises ou avec des fédérations a bien sa traduction sur le terrain.
Ces emplois-jeunes, c'est la transformation complète de l'école. Nous avons introduit à l'école un système instauré voilà quarante ans à l'université : des assistants qui aident les enseignants. Ils ne se substituent en rien aux enseignants, ils les aident. La preuve en est que si, demain, je disais que l'on supprime les postes d'aides-éducateurs, il y aurait une manifestation monstre de ceux-là mêmes qui étaient opposés à leur création. Les enseignants reconnaissent maintenant leur rôle d'intermédiaires, de médiateurs.
L'école est en train de changer et les aides-éducateurs initient les élèves aux nouvelles technologies, les aident à se familiariser avec les métiers de l'art, ou avec le sport, par exemple.
Nous continuons à engager des chantiers. Leur point commun, c'est l'aide à l'élève.
L'élève est le centre du système éducatif. Qu'on le veuille ou non, c'est lui qui doit faire l'objet de toute l'attention. Nous n'avons pas varié d'unn iota cette ligne de conduite.
Si nous recevons un soutien complet de toutes les associations de parents d'élèves - ce que vous ne mentionnez pas - y compris de celle des parents d'élève de l'enseignement privé, dont le secrétaire général a éprouvé hier le besoin de faire une déclaration dans ce sens, c'est bien parce que nous avons remis l'élève au centre du système éducatif.
L'aide à l'élève est apportée dans le primaire, au collège et au lycée.
Il s'agit non seulement d'aider les plus faibles, mais aussi de reconnaître les talents, grâce aux bourses accordées au mérite au lycée dans l'enseignement supérieur.
Des chantiers sont en cours. Allons-nous nous arrêter après ces réalisations ? Non ! nous continuerons et nous traiterons des dossiers dont nous ne nous sommes pas encore occupés, faute de temps.
Contrairement à ce que certains prétendent, je ne fais pas d'effet d'annonce. Tout au long de ma vie, j'ai toujours fait ce que j'ai annoncé.
Nous nous occupons maintenant des personnels de direction et d'inspection. Ils sont essentiels pour l'éducation nationale. Mais ce n'est pas simple : il nous faut non seulement revaloriser la situation de certains pour inciter les jeunes à s'intéresser à ces métiers, alors qu'ils sont relativement mal mal rémunérés, mais aussi faire en sorte que les modes de recrutement se fondent davantage sur le talent et moins sur les galons, si je puis dire. Il faut mieux former ces personnels et leur offrir une meilleure insertion. C'est ce que nous allons faire.
Si les enseignants commencent à mesurer les conséquences de la déconcentration, il n'en est pas de même des représentants des parents que vous êtes et des représentants de la société, comme vous l'avez dit.
Nous devons progresser dans la voie de la déconcentration par l'installation des bassins d'éducation, par une coordination accrue entre les ordres d'enseignement et par une meilleure prise en compte de l'intérêt des élèves et des parents.
Nous allons également nous attaquer aux conditions de travail des enseignants au quotidien, mais aussi à leurs possibilités de mobilité vers d'autres métiers.
Avec la rénovation des IUFM, nous allons promouvoir une formation plus professionnelle, moins « théorisante ». Le vocabulaire ésotérique n'apporte rien. Je suis tout à fait favorable à cette évolution.
Dans la deuxième partie de l'année, nous entamerons le grand chantier, notre grand chantier. Mais ce sera difficile parce qu'il se heurtera à un sentiment bien français.
Ce chantier, c'est la formation, l'éducation diplômante tout au long de la vie.
Il s'agit de permettre à chacun, à n'importe quel moment de sa vie, s'il veut s'éduquer, se former, progresser, de bénéficier d'une reconnaissance de sa volonté d'étudier.
Nous avons commencé à travailler dans ce sens avec les universités. Il faudra que nous généralisions le développement de l'université des « seniors », c'est-à-dire que nous favorisions l'accès à la formation de tous les adultes qui le souhaitent, en particulier des retraités, qui sont maintenant demandeurs.
Je répondrai maintenant très rapidement sur quelques points particuliers sur lesquels vous m'avez interrogé.
S'agissant des crédits de mise en sécurité des écoles, monsieur Delong, je vous indique que la totalité de ces crédits ont été délégués au ministère de l'intérieur. C'est donc une question à poser au ministre de l'intérieur. Je l'interrogerai moi-même également car, naturellement, je souhaite qu'on continue à pouvoir utiliser ces crédits.
S'agissant des gratifications versées dans le cadre des conventions de stage, je précise qu'il appartient non pas à l'élève mais au lycée de les négocier.
J'ai été interrogé sur la violence. J'ai déjà répondu sur ce point, et M. Carle n'est pas là.
J'en viens à la Guyane.
Je souligne, monsieur Othily, qu'un effort important en matière de constructions scolaires a été prévu dans le précédent contrat de plan : 120 millions de francs, dont 53 millions de francs pour notre ministère, avec l'objectif de construire 115 classes et 30 logements.
Un plan de rattrapage a été élaboré en 1999 pour renforcer cet effort. En sus du contrat de plan, une enveloppe exceptionnelle de 66 millions de francs a été allouée, dont 10 millions de francs pour l'éducation nationale, afin d'accélérer le rythme. Au total, il s'agit donc de 186 millions de francs, dont 63 millions de francs financés par le ministère de l'éducation nationale.
Un effort complémentaire important a été réalisé en matière d'emplois : en 1998, 341 postes, dont 120 dans le premier degré, 160 dans le second degré et 66 postes d'ATOS ; en 1999, 220 postes, dont 67 dans le premier degré, 123 dans le second degré et 30 postes d'ATOS ; en 2000, entre 200 et 220 postes, à répartir. Sur la période 1998-2000, cela fait donc 780 postes !
Je rappelle qu'au total nous aurons créé, entre 1998 et 2000, 3 715 emplois dans les départements d'outre-mer.
Quant aux perspectives s'agissant du prochain contrat de plan en Guyane, elles sont de 240 millions de francs pour notre ministère.
Je crois donc, monsieur le sénateur, que nous sommes très conscients des problèmes de la Guyane et, j'ose le dire, que nous sommes le premier Gouvernement à nous y être attaqué.
La seule action qui a été menée par le précédent gouvernement a été la création d'un rectorat en Guyane. Mais il s'agissait d'un rectorat « tout nu » : un recteur, un chauffeur et une voiture. Le recteur n'avait même pas de local ; il se déplaçait sans cesse en Guyane parce qu'il ne pouvait pas se poser. C'était le recteur itinérant !
Nous avons installé un rectorat. Nous avons loué des bâtiments.
M. Georges Othily. Nous réclamons la construction d'un rectorat neuf !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. La construction est prévue. Mais nous avons d'ores et déjà loué des bâtiments. Par rapport à une voiture, c'est déjà mieux !
Monsieur Lagauche, vos chiffres concernant les personnels ayant demandé leur mutation ne sont pas tout à fait les bons : 43 % ont obtenu satisfaction. J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que chacun d'entre vous recevra un compte rendu exact, analytique, de l'ensemble du mouvement déconcentré.
Je remercie Mme Luc pour son analyse sur l'enseignement professionnel et l'enseignement technique. Elle a émis un certain nombre de suggestions dont nous aurons l'occasion de parler.
J'évoquerai maintenant l'enseignement du français à l'étranger et, symétriquement, un sujet que vous n'avez pas abordé, celui de l'enseignement international en France. Les deux questions sont liées.
L'un et l'autre doivent être améliorés.
L'enseignement international en France dépend de mon ministère. Je puis donc dire que nous allons petit à petit prendre des initiatives car il est vrai que nous avons du mal à accueillir certains étrangers compte tenu du nombre insuffisant de lycées internationaux.
J'attache personnellement une très grande importance à l'enseignement français à l'étranger. Je suis venu devant les représentants des Français de l'étranger. Nous avons mis en place une commission mixte avec le ministère des affaires étrangères. Nous avons décidé de nous investir dans la formation pédagogique des enseignants.
Nous allons associer des établissements à l'étranger et des établissements français via Internet afin d'instaurer un véritable partenariat.
Nous allons par ailleurs améliorer l'inspection des lycées français à l'étranger et la formation pédagogique continue des enseignants.
Pour aller au-delà, il faut opérer un changement qui ne dépend pas que de moi. (M. Carle s'exclame.) Je vous parle très franchement, monsieur le sénateur. Il en est de même pour les activités culturelles à l'étranger, les centres culturels à l'étranger...
S'agissant des bourses aux étudiants étrangers venant en France, mon ministère pourrait faire un petit effort. Je souhaiterais, par exemple, faire un effort particulier pour les anciens élèves des lycées français à l'étranger. Il me semble en effet anormal que les étrangers qui ont fait l'effort d'étudier dans un lycée français à l'étranger ne se voient pas offrir la possibilité de poursuivre leurs études en France.
Mais l'organisation française attribue cette compétence à l'administration des affaires étrangères, qui va me rétorquer : « Vous donnez plus d'argent, et nous gérons le problème. » Je lui oppose un niet catégorique. Si le ministère de l'éducation nationale accorde de l'argent, il doit participer à la gestion ; je ne ferai aucune exception à cette règle.
Au-delà du problème financier, il s'agit d'un débat politique. Mais le problème mérite d'être abordé.
Vos questions mesdames, messieurs les sénateurs sont utiles, elles prouvent qu'il y a un besoin. J'ai d'ailleurs reçu une lettre de M. Penne et je ferai part de cette question au Premier ministre.
Il ne s'agit pas là d'une petite affaire. Elle conduit même, à terme, à se poser la question suivante : est-ce que la direction générale des affaires culturelles du Quai d'Orsay doit être conservée dans sa forme actuelle ? Mais ce problème dépend non pas de moi, mais du ministère des affaires étrangères.
L'intérêt de mon ministère pour ce problème est total, mais son incapacité à aller plus loin que ce que je vous ai dit l'est tout autant.
M. André Ferrand. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Ferrand, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. André Ferrand. Je suis tout à fait conscient que le problème est interministériel. Lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement, je m'étais d'ailleurs adressé à M. le Premier ministre. Il était présent et vous m'aviez répondu en son nom. Je poursuis donc aujourd'hui le dialogue avec vous.
Sachez que je suis intervenu à peu près dans les mêmes termes lors de la discussion du projet de budget des affaires étrangères.
J'ai mis deux fers au feu, et un troisième auprès du Premier ministre. (Sourires.)
Je suis très conscient des problèmes que vous avez exposés, mon attitude le prouve. Je sais aussi que le temps presse. Nous avons pourtant le sentiment de tourner en rond, monsieur le ministre.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous réponds très franchement que ce problème n'est pas nouveau et qu'il a autant gêné les précédents gouvernements ! En effet, dès lors qu'il s'agit de restructurer un ministère, le ministère « conquérant », si je puis dire, se trouve dans une position délicate.
Dès lors, vous comprendrez que je ne peux pas vous répondre autre chose que ce que je vous ai dit, à savoir que cette requête ne s'adresse pas à moi.
Encore une fois, l'intérêt de mon ministère pour cette question est total. Je l'ai d'ailleurs montré en allant devant les Français de l'étranger. Ce ne sont donc pas seulement des discours !
Nous avons mis en place des formations ; nous avons fait des choses !
Aller au-delà reviendrait à frôler la ligne blanche. Or je ne peux pas la franchir !
Si le ministre des affaires étrangères vous dit que l'AEFE doit passer sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale ou être en co-tutelle avec ce ministère, alors on avancera sur ce problème. Cela dépend de lui. Même le Premier ministre ne va pas imposer un arbitrage à la hache si le ministre des affaires étrangères n'est pas décidé à procéder à ce changement. Votre question s'adresse donc au ministre des affaires étrangères ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Hamel et Ferrand applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en écoutant certains orateurs, les rapporteurs en particulier, je me suis demandée si nous vivions dans le même pays. J'ai en effet entendu un discours caricatural...
M. René-Pierre Signé. Choquant !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... dénigrant le système scolaire,...
M. Serge Lagauche. Très juste !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... et portant atteinte, à plusieurs reprises, à sa réputation.
M. René-Pierre Signé. Oui, c'était choquant !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Et je ne parle ni des approximations, ni des chiffres faux, ni des contradictions de tous ordres !
Monsieur Delong, rapporteur spécial, vous avez fait une description désastreuse du système scolaire. Le Gouvernement ne vous suivra pas sur ce chemin.
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Elle est malheureusement exacte !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous avez en particulier repris le discours, ô combien dépassé - il y a même très longtemps que je n'avais pas entendu évoquer ce thème, monsieur le sénateur ! - de la baisse du niveau du baccalauréat.
Non, monsieur le sénateur, le niveau du baccalauréat ne baisse pas ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Depuis le temps que la nation engage des moyens considérables sur le système scolaire, heureusement même qu'il s'élève, ne vous en déplaise, monsieur le sénateur !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. Ce n'est pas crédible !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous m'avez fait penser, en tenant ce discours, aux conservateurs du siècle dernier ou du début de ce siècle qui étaient tout simplement hostiles à l'école publique, laïque et obligatoire !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. J'attendais ça !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Si les enfants d'ouvriers allaient à l'école, ils auraient peut-être de mauvaises pensées,...
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. C'est d'une pauvreté !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... peut-être refuseraient-ils de travailler aussi dur pour des salaires de misère, bref, on ne trouverait plus d'ouvriers - on l'a entendu, à l'époque !
Certains conservateurs pourtant élus s'étaient également opposés à l'accès des femmes au baccalauréat sous le prétexte, disaient-ils, qu'elles n'auraient plus envie de faire des enfants et qu'elles obéiraient beaucoup moins à leurs maris !
Monsieur le sénateur, laissez-moi vous dire que l'augmentation du nombre de bacheliers, cela s'appelle tout simplement la démocratisation du système scolaire de la République ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. René-Pierre Signé. Ils ont la même mentalité ! Cela n'a pas changé !
M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial. C'est trop risible pour qu'on réponde !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Vous avez ensuite évoqué la ségrégation entre établissements, pour la déplorer.
Nous répondons à ce problème. Et à vos amis qui, pendant quatre ans, ont abandonné la politique de l'éducation prioritaire, nous rappelons que nous avons relancé cette politique et réintégré 1 600 établissements scolaires - écoles et collèges - en zones d'éducation prioritaires afin de donner plus aux élèves qui ont le moins.
Vous avez évoqué la question de la mise en sécurité des établissements scolaires. Claude Allègre y a répondu.
En effet, ces crédits ont été délégués aux préfets et peuvent donc encore être engagés. Sur le reliquat des crédits qui n'avaient pas été consommés, nous avons mis en place une importante opération de division de gros collèges : il s'agit, par cette mesure, de mettre en sécurité les collèges qui, en raison de classes surchargées, éprouvent des difficultés pour assurer la discipline.
Monsieur Maman, il faudra nous expliquer par quel mystère les enseignants, qui sont formidables à l'étranger pour éduquer les enfants de diplomates, de cadres supérieurs et de banquiers, deviennent soudain, selon vous, si mauvais dès lors qu'ils exercent en France ! En effet, à vous en croire, un élève sur deux ne saurait pas lire en sortant de l'école primaire.
Là encore, vous avez caricaturé de façon inacceptable l'ensemble des réformes qui sont mises en place.
Vous nous avez dit que les cours devenaient des activités ludiques... Or c'est une option radicalement opposée qui est actuellement retenue dans le système scolaire puisque, tant la charte pour bâtir l'école du xxie siècle que les contrats éducatifs locaux et les états généraux de la lecture ont pour objectif de recentrer l'école sur l'apprentissage des savoirs, de prévenir les difficultés scolaires dès qu'elles sont identifiées et de renforcer le contenu pédagogique dans l'enseignement !
Les états généraux de la lecture, que vous avez qualifiés de délétères, sont tout sauf cela, puisqu'ils ont débouché sur des décisions concrètes - celles que vos amis n'ont pas su mettre en place - afin précisément de renforcer l'efficacité de l'école !
Mais comment ces approximations me surprendraient-elles, alors que vous avez mélangé les inspecteurs d'académie et les inspecteurs pédagogiques régionaux, avant de confondre les mises à disposition avec les détachements ? Pour dire les choses clairement sur le système scolaire, encore faut-il être précis sur ce dont on parle !
S'agissant des sorties scolaires, vous n'avez manifestement pas lu les textes actuellement en vigueur. C'est tout le contraire de ce que vous avez dit ! En effet, dans un souci de clarification des règles de responsabilité, j'ai ouvert, pour le plus grand bien des écoles, ce lourd chantier de remise à plat de la vingtaine de circulaires qui concernaient les sorties scolaires et il n'y a plus désormais qu'un seul texte ! Là encore, nous avons fait le travail que nos prédécesseurs n'ont pas fait...
M. Martin s'est plaint à la fois d'un excès d'emplois dans le système éducatif et d'un trop grand nombre d'élèves par classe. Il a dénoncé l'excès de fonctionnaires... mais il en réclame pour son département !
M. René-Pierre Signé. Eh oui, c'est toujours comme ça !
Mme Nicole Borvo. Il faut faire des miracles !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il avance sur l'illettrisme des chiffres qui relèvent du fantasme en disant que 30 % des élèves ne sauraient ni lire, ni écrire, ni compter. Ce faisant, il porte préjudice au système scolaire, en le dénigrant de manière inadmissible.
Le nombre d'élèves en difficulté est désormais clairement établi, puisque ces élèves sont repérés lors des journées d'appel de préparation à la défense : il y a exactement 9,6 % de jeunes - et c'est déjà beaucoup ! - qui ont de graves difficultés dans la maîtrise des langages : l'expression orale, la lecture et l'écriture. C'est aussi un chantier auquel nous nous attelons.
Vous qui êtes issus des rangs de la majorité sénatoriale et qui avez agité le spectre de l'illettrisme, je vous en prie, une bonne foi pour toutes, changer de fonds de commerce, car, en avançant des chiffres faux, vous portez atteinte à l'image de marque des élèves, au travail qu'accomplissent tous les jours les enseignants dans leurs classes, vous portez tout simplement atteinte à l'image de marque et à la réputation du système scolaire français, qui, justement, est considéré à l'étranger comme le meilleur du monde !
M. René-Pierre Signé. Et vous portez atteinte à la France !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. M. Martin, qui dénonce le nombre trop élevé de fonctionnaires, n'en réclame pas moins la création de postes de médecins scolaires. Précisément, en trois ans, nous avons créé 1 300 postes de personnels médico-sociaux. Vous avouerez, monsieur Martin, que c'est un peu plus que les quarante postes créés en quatre ans par vos amis pour faire face au problème, difficile en effet, de la médecine scolaire !
M. Martin a enfin évoqué la question de la parité avec l'enseignement privé. L'enseignement privé, comme par hasard, est défendu, lui !
M. René-Pierre Signé. Ça, il aime bien !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. La loi est strictement respectée : s'il y a des différences de cotisations de retraite, elles tiennent au fait que les systèmes de retraite sont différents, tout simplement parce que le statut de maître du privé est spécifique.
M. Carle a confondu allègrement les mises à disposition, qui sont strictement contrôlées, et les détachements, qui sont remboursés. Je ne m'y attarderai donc pas.
Il a bien évidemment agité aussi le spectre de l'illétrisme. Je vous répondrai une bonne fois pour toutes que si l'on repère lors des journées d'appel de préparation à la défense 9,6 % de jeunes qui ont des difficultés avec la lecture, l'écriture et le langage oral, cela signifie que notre pays parvient à hisser 91 % de jeunes à un niveau de maîtrise des outils fondamentaux de l'école ! Permettez-moi de vous dire que cette performance, qui est sans doute une des meilleures du monde, est exceptionnelle. Mais il est vrai que, sans la maîtrise de ces langages de base, il n'y a pas de citoyenneté possible ! Nous continuerons à améliorer l'efficacité du système. Tel est bien, d'ailleurs, l'un des objectifs des différents budgets de l'éducation nationale que nous vous présentons.
Vous avez avancé comme formule miracle le partenariat et la proximité. C'est précisément toute la logique des actions qui sont actuellement engagées, ne serait-ce que la déconcentration mise en place par Claude Allègre. Il s'agit bien de rapprocher les décisions du terrain.
Les contrats éducatifs locaux donnent précisément aux équipes pédagogiques les outils de proximité nécessaires pour mettre en place les partenariats.
On pourrait citer d'autres mesures, telles que la mise en place, dans les différentes académies, de médiateurs qui permettent, là encore, de régler les problèmes au plus près du terrain.
Monsieur Othily, permettez-moi de vous dire qu'en critiquant le système scolaire vous ne vous épargnez pas un certain nombre d'approximations !
Vous critiquez les évaluations en CM 2 alors qu'il n'existe pas d'évaluation en CM 2, monsieur Othily ! Elles se font en CE 2.
Les chiffres que vous avez cités à ce propos sont inexacts ou approximatifs. Ils ont là aussi pour conséquence de dénigrer les résultats des élèves et ceux du système scolaire.
Bien évidemment, vous avez mis le doigt sur un certain nombre de problèmes, mais jamais - c'est une observation générale que l'on peut faire - vous n'avez mis en valeur les items qui progressaient. Cela n'existe pas, des élèves qui baissent dans toutes les matières ! Ils progressent dans certaines, ils ont des difficultés dans d'autres.
Alors, cessez de caricaturer le système scolaire comme vous le faites !
Je ne reviens pas sur les questions relatives à la Guyane puisque Claude Allègre y a répondu.
M. Serge Lagauche, vous avez - enfin ! - et je voudrais vous en remercier, ainsi que Mme Luc et M. Signé, fait entendre dans cet hémicycle un discours positif sur le système scolaire, sans passer sous silence les difficultés qui peuvent aussi exister. Je vous en remercie au nom des enseignants et des élèves, qui travaillent, ne l'oublions pas !
Vous avez bien décrit le rôle primordial et les perspectives des réformes. Vous avez ainsi été le seul, disais-je à l'instant, avec Mme Luc et M. Signé, à saluer l'engagement des équipes pédagogiques, à défendre l'école et son évolution.
Vous m'avez demandé quel était l'état d'application des réformes au collège.
La mesure de remise à niveau a été massivement appliquée puisque, selon les premiers éléments du rapport de l'inspection, plus de 80 % des collèges ont mis en place ce dispositif. L'articulation entre le CM 2 et la classe de 6e est assurée dans environ 70 % des collèges. Les heures de vie de classe et de tutorat ont été adoptées par 40 % des collèges.
Enfin, vous avez évoqué une question délicate : la classe de référence en 6e est l'une des mesures les plus difficiles à mettre en place, souvent à cause de problèmes de matériels, de disponibilité de classe ou parce que cela perturbe un peu l'organisation. Je compte cependant maintenir la pression pour que ce qui n'a pas pu être fait à l'occasion de la rentrée scolaire le soit tout au long de l'année et à l'occasion de la prochaine rentrée scolaire.
Je vous remercie du soutien que vous venez d'apporter à la prévention des conduites à risques. Un travail très approfondi a été conduit dans ce domaine, en particulier par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie la MILDT. Le guide pratique qu'elle a diffusé dans les établissements scolaires a été très bien accueilli.
Pour agir, il faut comprendre, savoir et être informé. Il faut pouvoir parler d'égal à égal avec les magistrats, les policiers, savoir de quoi l'on parle et mettre l'accent sur la prévention.
Enfin, vous avez évoqué longuement la question de la gratuité. Cette question me préoccupe également.
La dotation consacrée à l'acquisition des manuels scolaires au collège a été sensiblement augmentée puisqu'elle est passée de 317 millions de francs à 347 millions de francs. J'ai par ailleurs demandé que les sections d'enseignement général et professionnel adaptés, connues sous le sigle de SEGPA, qui, trop souvent, sont privées de manuels scolaires, puissent bénéficier de cette augmentation.
En ce qui concerne les fournitures scolaires annexes, j'ai, à plusieurs reprises, rappelé aux autorités académiques et aux chefs d'établissement qu'aucune dépense indue ne devait être mise à la charge des familles et que les frais relatifs à l'acquisition de matériels pédagogiques ou à usage collectif sont à la charge des collectivités locales compétentes. J'ai également rappelé le principe de gratuité en matière de sorties scolaires.
J'en viens aux frais de scolarité non assurés par les collectivités, comme les fournitures scolaires à usage individuel - vous avez évoqué les cahiers d'exercices, et c'est une vraie question. Ces fournitures peuvent être prises en charge, pour les familles modestes, par les bourses de collèges et de lycées et par les fonds sociaux, dont la dotation a été augmentée. Enfin, l'allocation de rentrée scolaire, qui peut également être utilisée pour l'acquisition de ces fournitures individuelles, a été revalorisée et portée à 1 600 francs, son bénéfice a été ouvert aux familles d'un enfant.
Il faut souligner par ailleurs que le projet de loi de finances a supprimé les droits acquittés par les élèves du second degré pour l'inscription et le passage des examens. Cette mesure représente un coût de 130 millions de francs.
Madame Luc, vous avez abondamment développé le sujet de l'enseignement technique et professionnel. M. Allègre vous a longuement répondu. Je n'y reviendrai donc pas.
Vous avez fait une description particulièrement complète et pertinente de tous les dispositifs mis à la disposition des élèves les plus en difficulté.
Vous avez également posé des questions sur l'option et les groupes NTA - nouvelles technologies appliquées, dans les collèges ; j'y suis particulièrement attentive.
Vous avez demandé des garanties à propos de la mise en place de ces groupes.
Pour permettre une bonne application de cette mesure et une restitution aux collèges des moyens dont ils disposaient pour les classes de 4e et de 3e technologiques pour qu'ils les affectent à la mise en place des groupes « nouvelles technologies appliquées », les collèges recevront les dotations nécessaires à la rentrée 2000. Les groupes pourront ainsi être mis en place sans pour autant constituer une filière de relégation.
Monsieur Signé, vous avez dit votre fierté devant les efforts qui sont engagés. Je suis sensible à votre soutien.
Vous avez mis l'accent sur l'aspect qualitatif. En effet, tout l'effort que nous mettons en oeuvre, M. Allègre et moi, tend à faire en sorte que le système scolaire prenne le tournant qualitatif après avoir assumé quantitativement la scolarisation de toutes les générations de notre pays.
Vous avez aussi exprimé votre attachement au réseau d'écoles rurales. L'éducation prioritaire en milieu rural, que vous connaissez bien, sera encore renforcée. Je crois qu'il n'y a pas de fatalité à la disparition du service public en milieu rural, au contraire. Les inspecteurs d'académie sont actuellement chargés d'animer des commissions ayant pour mission de réfléchir à la mise en réseau des petits collèges ruraux, qui sont pour moi un sujet de préoccupation en raison de l'effondrement des effectifs dans certains endroits. Il faut améliorer l'offre scolaire de ces petits collèges ruraux et les mettre en réseau à la fois pour conforter la qualité de l'enseignement qui y est dispensé et donner aux élèves l'envie d'y rester. A ce propos, je voudrais saluer l'effort tout particulier que fait le département de la Nièvre pour développer les internats ruraux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est en étant assuré de sa tâche, accueillant à tous et attentif à chacun, que notre système scolaire répondra à sa mission de démocratisation, en donnant plus à ceux qui ont le moins, en étant ancré sur le réel, en intégrant les nouveaux moyens de communication, les nouvelles technologies, sans soumission au désordre.
C'est en étant fort d'une véritable identité, en mettant toujours en avant la priorité donnée à la transmission des savoirs, des connaissances, à l'acquisition des savoir-faire et à la conquête de leur autonomie par les élèves, qui doivent devenir des adultes responsables, que notre système sera à la fois plus juste et, ce faisant, plus efficace. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'éducation nationale, la recherche et la technologie : I. - Enseignement scolaire.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 838 768 554 francs. »