Séance du 13 décembre 1999
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de la justice.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai décidé de présenter cette année le projet de budget de la justice d'une manière un peu différente.
Le rapport qui vous a été distribué contient toutes les indications chiffrées. Je n'y reviendrai donc pas. Je tiens seulement à rappeler que ce projet de budget se caractérise par la poursuite de l'effort entrepris en faveur de la justice depuis le vote de la loi de programme sur la justice de 1995 et intensifié par le gouvernement actuel.
Ainsi, les crédits de la justice pour 2000 progressent de 3,9 %, atteignant 27,29 milliards de francs. Cette hausse intervient après une augmentation de 5,6 % en 1999 et de 4 % en 1998. La loi de programme visait en effet à accroître les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs sur cinq ans. Son application a été prolongée jusqu'en 2000.
De même, les effectifs seront considérablement renforcés en 2000, puisque 1 237 emplois seront créés, contre 939 en 1999 et 762 en 1998. Je rappelle que la loi de programme votée en 1995 prévoyait 5 760 créations d'emplois budgétaires.
J'en viens donc immédiatement à mes principales observations.
Je constate tout d'abord - ce sera ma première observation - que l'effort budgétaire réel fourni en faveur de la justice ne se traduit pas encore - mais il y faut bien sûr du temps - par une amélioration notable, pour le justiciable, du fonctionnement de la justice.
Ainsi, le stock d'affaires en cours auprès de la Cour de cassation, des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance s'est encore accru en 1998, tandis que la durée moyenne des procédures s'est encore allongée.
Les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel sont également confrontés à une augmentation inquiétante de leurs stocks d'affaires. Ainsi, à Paris, celui-ci était de 50 575 affaires en 1998, pour 16 561 affaires réglées. Quant au délai moyen de jugement dans les cours administratives d'appel, il est passé d'un an en 1993 à près de trois ans en 1998.
Certes, les juridictions doivent faire face à un flux toujours croissant d'affaires nouvelles, tandis qu'une partie non négligeable des emplois créés ne sont réellement pourvus qu'avec un décalage de plusieurs années, en raison des impératifs de recrutement et de formation.
Pour autant, la justice sera jugée sur sa capacité, le moment venu, c'est-à-dire au fur et à mesure des mois et des années, à tirer le meilleur parti des moyens financiers et humains qui sont mis à sa disposition pour améliorer la qualité du service public de la justice.
Ma deuxième observation concernera le nombre de postes vacants - j'ai déjà évoqué cette question l'année dernière, j'y reviens cette année - et la difficulté d'obtenir un chiffre fiable à cet égard auprès de la chancellerie.
En 1997, l'Union syndicale des magistrats avait envoyé à toutes les juridictions un questionnaire relatif au nombre de postes officiellement vacants et à celui des postes vacants de fait. Cette enquête avait été éclairante : alors que la chancellerie avançait un taux de 3 % d'emplois vacants - soit 195 postes budgétaires de magistrat sur un total de 6 287 - les réponses au questionnaire conduisaient à évaluer ledit taux à 7,7 %, soit à 482 postes vacants.
Aujourd'hui, malheureusement, cette ambiguïté subsiste. Curieusement, lorsque je me rends dans les juridictions, ce qui m'arrive fréquemment, la question des vacances de postes est toujours soulevée et constitue l'un des principaux griefs des magistrats. La chancellerie, au contraire, assure que la gestion des effectifs a été considérablement améliorée et que le nombre des vacances d'emplois aurait atteint un niveau incompressible - 0,17 % pour 1999 - ce qui correspondrait, d'après les calculs de la chancellerie, à onze emplois vacants ! Qui croire ?
Je vais donc devoir, à moins que vous ne le fassiez vous-même, madame le garde des sceaux, adresser à tous les chefs de cour, au titre des pouvoirs de contrôle sur place et sur pièces des rapporteurs spéciaux, un questionnaire pour tenter d'évaluer le nombre exact de vacances, tant pour les magistrats que pour les fonctionnaires des greffes des juridictions de l'ordre judiciaire. Je trouve regrettable de devoir revenir sur ce point : quel est le bon chiffre ? Finalement, on n'en sait rien !
Ma troisième observation portera sur la nécessité de renforcer les crédits consacrés à l'entretien des juridictions et des services des établissements pénitentiaires.
Les crédits de fonctionnement mis à disposition des juridictions et des établissements pénitentiaires ne permettent pas, en effet, d'assurer l'entretien courant de ces bâtiments. Ainsi, faute de moyens suffisants, les travaux de maintenance, de modernisation du parc et d'adaptation aux normes de sécurité ne sont pas réalisés, ce qui oblige à effectuer, de manière beaucoup trop fréquente, de gros travaux de réparation, voire de reconstruction, financés sur les crédits du titre V.
A ce propos, plusieurs de mes collègues de la commission des finances ont soulevé la question de la sécurité dans les palais de justice et les établissements pénitentiaires. Quelle est la commission de sécurité compétente ? Quelles sont notamment les responsabilités respectives des chefs de juridiction ou des directeurs d'établissement pénitentiaire, de l'autorité préfectorale et du maire ? Le Gouvernement pourrait-il donner au Sénat toutes les indications utiles sur ce point ?
Il est urgent que le ministère de la justice obtienne les crédits nécessaires à l'entretien de son parc immobilier. A défaut, cette administration, qui est déjà parfois en infraction avec les règles élémentaires de sécurité, risque d'engager un jour lourdement sa responsabilité devant l'opinion publique.
Ma quatrième observation visera la nécessité d'adopter une nouvelle loi de programme pour permettre d'achever la rénovation des juridictions et des établissements pénitentiaires.
A ce titre, la loi de programme relative à la justice avait prévu une enveloppe de 8,1 milliards de francs en autorisations de programme, dont 4,5 milliards de francs pour les services judiciaires et 3 milliards de francs pour les services pénitentiaires. Rappelons que ces crédits ont permis de lancer un programme de réhabilitation du parc immobilier de la justice. Pour autant, les besoins restent encore énormes, et de nombreux bâtiments demeurent vétustes, inadaptés à l'accueil du public, voire dangereux. Un certain nombre de mes collègues de la commission des finances l'ont souligné avec force lorsque nous avons examiné les crédits de la justice.
En outre, faute de crédits suffisants pour effectuer en même temps les travaux d'équipement concernant les services judiciaires et ceux qui intéressent les services pénitentiaires, la réalisation de certaines opérations a été différée. Il est à craindre que ce retard ne sera pas comblé. Pourriez-vous indiquer au Sénat, madame la ministre, les raisons précises de cette situation, qui a d'ailleurs conduit - appelons un chat un chat - à remettre parfois en cause le vote de certains projets de budget ?
Pour remédier à cet état de fait, il me paraît nécessaire d'adopter une nouvelle loi de programme pour la justice qui permette d'achever le programme de rénovation du parc immobilier entrepris en 1995. Je sais, madame le garde des sceaux, que vous y êtes hostile, mais je persiste à penser, et la plupart de mes collègues avec moi, que cette démarche donnerait plus de visibilité et de lisibilité aux efforts budgétaires, qu'il faut souligner, consentis en faveur de la justice, au moins pour ce qui concerne l'immobilier.
J'en arrive à ma cinquième observation, qui tendra à mettre en exergue l'utilité des travaux de la Haute Assemblée et des rapports qu'elle publie.
En effet, je constate avec plaisir que le garde des sceaux tient parfois compte, sans le dire, des observations contenues dans les rapports du Sénat, ceux de la commission des finances mais aussi ceux de nos collègues de la commission des lois.
Ainsi, mes remarques sur le développement incontrôlé des frais de justice - j'y reviendrai tout à l'heure - semblent avoir été entendues, puisque de nombreuses mesures ont été prises pour limiter l'augmentation de ceux-ci.
Par ailleurs, j'avais insisté l'année dernière sur la nécessité de mettre à la disposition du tribunal de grande instance de Paris, par le biais de la construction d'un nouveau palais de justice, des locaux lui permettant de remplir sa mission correctement. Or, il semblerait qu'un arbitrage dans ce sens soit en passe d'être rendu.
S'il arrive parfois que le Sénat soit entendu, il arrive aussi trop souvent que les questions posées dans l'optique de l'exercice des prérogatives des pouvoirs du rapporteur spécial ne rencontrent que peu d'écho dans certains services, et que le dialogue, qui pourrait être fructueux avec un parlementaire, fût-il issu du Sénat, relève davantage du dialogue de sourds ou de la langue de bois que de l'éclairage institutionnel prévu dans le cadre constitutionnel.
Cette année, par exemple, M. Jean-Louis Nadal, inspecteur général des services judiciaires, s'est montré très coopératif, mais j'ai renoncé depuis deux ans à perdre du temps avec d'autres services et directions, pour lesquels le contrôle parlementaire représente une formalité sans grand intérêt. Je ne peux en dire autant, bien entendu, des échanges le plus souvent constructifs que j'ai pu entretenir avec certains membres du cabinet du garde des sceaux. Cela étant, l'administration française, particulièrement celle de la justice, n'a pas encore assimilé les règles élémentaires qui régissent ses relations codifiées avec le Parlement.
En effet, depuis 1986, date de mon entrée au Sénat, j'ai pu constater, après avoir présidé trois commissions d'enquête, rapporté cinq projets de budget de la justice et mené plusieurs contrôles relatifs à des questions de fond, que nous sommes très loin de la lettre et de l'esprit des textes. Contrôle, évaluation, remise en cause sont trop souvent étrangers à la culture du ministère de la justice, et lorsque le Parlement révèle certains dysfonctionnements administratifs, comme ce fut le cas récemment pour des services participant à la sécurité, c'est le diable qui est lâché !
Le président de la commission des finances, notre collègue Alain Lambert, a émis le voeu que le rapporteur spécial du projet de budget de la justice dresse le bilan, au cours de l'année 2000, de toutes les suites données ou non aux observations budgétaires ou aux propositions des commissions d'enquête et de contrôle. Ce sera peut-être l'occasion de vérifier la pertinence de tout ce que, trop sommairement, je me suis contenté voilà quelques instants de suggérer avec, il est vrai, parfois quelque lassitude !
Ma dernière observation concernera le renforcement de l'inspection générale des services judiciaires, qui me paraît devoir être l'une des priorités du ministère de la justice.
Alors que, voilà douze ans, ce service ne comprenait que trois magistrats, son effectif s'élèvera, au 1er janvier 2000, à vingt-deux personnes, reconnues par le monde judiciaire pour leurs compétences et leur connaissance approfondie des services du ministère de la justice.
Ce renforcement apparaît très opportun. En effet, depuis quelques années, le ministère de la justice bénéficie d'une augmentation importante des crédits mis à sa disposition. En contrepartie, il me paraît nécessaire de vérifier que l'argent public est dépensé de la manière la plus efficace possible.
En outre, l'adoption de la réforme de l'organisation du parquet devrait conduire à accentuer l'indépendance des magistrats. Pour autant, ceux-ci ne doivent pas échapper à tout contrôle, or leur responsabilité pourra être engagée à partir des informations transmises par l'inspection générale des services judiciaires. C'est la raison pour laquelle il me paraît important de poursuivre l'effort financier et humain que vous avez entrepris en faveur de l'inspection générale des services judiciaires, afin que celle-ci puisse jouer un rôle équivalent à celui d'autres inspections, comme l'inspection des finances ou encore l'inspection générale des affaires sociales, pour ne citer que ces deux exemples.
A cet égard, je tiens à vous soumettre une proposition. Au cours de l'année prochaine, je souhaiterais, en tant que rapporteur spécial des crédits de la justice, être associé, autant que faire se peut, à une mission de contrôle du fonctionnement des juridictions menée par l'inspection générale des services judiciaires dans le ressort d'une cour d'appel. En effet, je souhaiterais conduire une mission d'information sur la gestion d'une cour d'appel et des juridictions de son ressort, or pouvoir coopérer avec les services de l'inspection me paraît très utile, dans la mesure où nos approches sont complémentaires.
Au terme de cette analyse, je tiens à rappeler que, eu égard à l'évolution des crédits de la justice, qui est très comparable à celle qui avait été observée l'année dernière, la commission des finances a proposé, à l'unanimité des présents, d'adopter le projet de budget de la justice pour 2000. Toutefois, l'analyse de la commission des finances est purement financière, et elle n'a pas pris position sur la politique menée par le garde des sceaux. Cet examen plus qualitatif relève de la commission des lois qui, par ses avis, dresse un bilan de la politique judiciaire menée par Mme la ministre. Mes collègues rapporteurs pour avis de la commission des lois interviendront donc sur ce point.
En conséquence, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, je vous propose l'adoption des crédits du ministère de la justice. Je pourrais me contenter, en guise de conclusion, de cette formule et m'en tenir à des chiffres, mais vous auriez l'impression que le compte n'y est pas. Nous aurions parlé pour le Journal officiel et constaté que les crédits de la justice sont en amélioration, sans que le coeur y soit.
J'ai d'ailleurs été tenté, ces jours derniers, de m'en remettre purement et simplement à mon rapport écrit. En effet, à quoi bon ? A quoi sert cette liturgie, dans le contexte actuel et la polémique récurrente ?
Il y aura bientôt dix ans que, avec Jean Arthuis et une vingtaine de nos collègues, nous avons tiré la sonnette d'alarme : justice sinistrée, démocratie en danger. Aujourd'hui nous pourrions, en établissant le bilan de dix années, arriver à la même conclusion, pour d'autres raisons. Certes, le budget de la justice a progressé. Il y a eu la loi de programme « Balladur-Méhaignerie », les efforts notables de l'actuel gouvernement, que l'on mettra plus tard au crédit du tandem « Jospin-Guigou » (Sourires), mais ces bouffées d'air n'ont pas suffi à apaiser le débat. La sérénité n'est pas revenue.
La paupérisation de la justice, la banalisation de ses fonctions, les hésitations et les polémiques sur sa place dans les institutions et dans la société ont considérablement brouillé la perception qu'en ont l'opinion publique, les élus, les auxiliaires de justice, voire les magistrats eux-mêmes.
Nous payons cher, la démocratie paie cher l'état dans lequel nous avons laissé se dégrader la justice sur le plan tant budgétaire qu'institutionnel ; et à ceux qui se plaignent aujourd'hui de la justice, nous pouvons répondre que nous avons les juges et la justice que nous méritons !
Le nouveau Premier président de la cour d'appel de Paris, M. Jean-Marie Coulon, disait, à l'occasion de son installation, lundi dernier, que les magistrats - au moins certains d'entre eux - étaient gagnés par la mélancolie. Voilà qui est dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui, car, souvent, un tel état d'âme précède la dépression ou la révolte.
Les temps ne sont-ils pas venus où des sages - il y en a - dans l'exécutif, au Parlement, dans l'institution judiciaire ou dans la presse s'inquiètent de l'avenir du combat engagé ? Les débats actuels, l'attitude de tel ou tel, ou de telle ou telle corporation, mettent en danger la démocratie et risquent de bouleverser l'ordre institutionnel.
M. Pierre Fauchon. Très juste !
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Alors, que faut-il faire ? Ou faut-il ne rien faire ? Est-il encore temps de convoquer des états généraux de la justice précédant un grand référendum pour que le peuple, au nom duquel nous siégeons, nous légiférons et nous contrôlons, au nom duquel les magistrats rendent la justice, tranche et fasse cesser ce combat entre juges et politiques qui ne peut conduire qu'à une extermination réciproque ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke, rapporteur pour avis.
Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les services généraux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du quarantième anniversaire de l'Ecole nationale de la magistrature, le 1er octobre 1999, à Bordeaux, le Président de la République affirmait ceci : « Notre appareil judiciaire doit sortir de la misère et de la vétusté qui ont été trop longtemps les siennes. » Ce constat est unanimement partagé tant il est vrai que notre justice a toujours été le parent pauvre de l'Etat.
Alors même qu'elle constitue une mission régalienne, que son bon fonctionnement est une condition essentielle à l'exercice de notre démocratie et que le besoin de justice est aujourd'hui une exigence forte de nos concitoyens, la part des crédits de la justice dans le budget de l'Etat, même si elle progresse d'année en année, reste ridiculement faible.
Rappelons les chiffres : ces crédits ne représentaient que 1,55 % du budget général de l'Etat en 1997. Ils en représenteront 1,62 % en l'an 2000. Cette progression a d'ailleurs été soulignée par le Chef de l'Etat qui, toujours devant l'Ecole nationale de la magistrature, déclarait que « des efforts réels ont été faits par le Gouvernement, qu'il s'agisse des montants des crédits, des créations d'emploi ou des recrutements exceptionnels de magistrats ». Il ajoutait que ces efforts devaient être poursuivis.
Le budget qui nous est présenté par Mme la garde des sceaux répond à cette exigence : avec une augmentation de 3,91 %, soit une progression trois fois supérieure à la moyenne de l'ensemble des budgets civils de l'Etat, le Gouvernement persévère dans sa volonté de placer la justice au rang de ses priorités.
Un autre chiffre significatif de cet effort concerne les recrutements, avec la création de 1 237 emplois, chiffre le plus important de tous les ministères.
Ce budget en augmentation permet donc d'achever l'exécution de la loi de programme relative à la justice du 6 janvier 1995 pour les services judiciaires et les juridictions administratives, les objectifs fixés par cette loi étant réalisés voire dépassés en ce qui concerne tant les créations d'emplois budgétaires que les équipements.
Conformément à l'engagement pris par Mme la garde des sceaux, ce budget permet également la mise en oeuvre des réformes en cours ou à venir, qu'il s'agisse de la création de juges de la détention provisoire, de la mixité des formations de jugement au sein des tribunaux de commerce ou des mesures nouvelles résultant de réformes législatives déjà votées ou en cours d'examen, telles la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits, celle du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale ou le projet de loi relatif à la présomption d'innoncence.
La commission des lois regrette toutefois que, près d'un an après le vote définitif de la loi du 18 décembre 1998, aucun décret d'application n'ait été publié.
La commission des lois a également pris acte des actions qualitatives entreprises avec les contrats de juridiction, les contrats de procédure et l'amélioration de l'outil informatique, afin de réduire les coûts, d'améliorer les délais de jugement et de stabiliser les stocks d'affaires en cours.
A ce sujet, notre collègue Robert Badinter a souligné que la pratique des contrats de procédure, expérimentée entre 1983 et 1985, avait alors donné des résultats très positifs.
Un budget en augmentation constante depuis trois ans, des réformes dont le financement est prévu voire anticipé, constituent des motifs de satisfaction.
Toutefois, la commission des lois a souligné plusieurs raisons d'inquiétude tenant aux délais toujours excessifs devant les juridictions civiles, administratives et prud'homales, à l'accroissement des stocks des affaires en cours, au taux toujours élevé des classements sans suite en matière pénale et à un engorgement préoccupant des juridictions administratives.
Devant cette situation, plusieurs membres de la commission des lois ont estimé que, compte tenu des besoins importants liés à la mise en oeuvre des réformes, les créations d'emploi, en particulier de magistrats, seraient insuffisantes pour améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien. Ils ont ainsi fait valoir que seuls 34 postes de magistrats sur les 212 postes créés seraient affectés au renforcement des moyens ordinaires des juridictions.
Comme l'année dernière, ils ont également regretté la faiblesse des recrutements de magistrats à titre temporaire et de conseillers de cour d'appel en service extraordinaire.
Par ailleurs, ils se sont interrogés sur le fonctionnement, l'année prochaine, de la justice commerciale, confrontée à de nombreuses démissions de juges consulaires suscitées par l'annonce de la réforme des tribunaux de commerce.
A ce sujet, la commission des lois a pris acte de la révision de la carte judiciaire des tribunaux de commerce annoncée l'an dernier par Mme la garde des sceaux, mais elle souhaite attirer l'attention de cette dernière sur l'urgence de la réforme de la carte judiciaire pour l'ensemble des juridictions.
Enfin, la commission des lois regrette la baisse importante des crédits d'équipement et le retard dans la consommation des crédits d'investissement, tout en se félicitant de la décision de construire un nouveau palais de justice à Paris.
En conclusion, la commission des lois a émis un avis partagé sur les crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux. L'augmentation incontestable des crédits n'a pas suffi à emporter l'adhésion de toute la commission des lois, qui s'en est remise à la sagesse du Sénat.
A titre personnel, prenant en considération l'effort continu depuis trois ans à l'égard du budget de la justice, le financement effectif des réformes réalisées ou engagées, le commencement de la révision de la carte judiciaire et la méthode de concertation adoptée pour cette révision, ainsi que les progrès de rationalisation de gestion, je suivrai l'avis de la commission des finances et j'émettrai un vote positif sur le budget de la justice pour l'an 2000. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Haenel, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Othily, rapporteur pour avis.
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l'administration pénitentiaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits de l'administration pénitentiaire dans le projet de budget pour 2000 s'élèvent à 7,85 milliards de francs et sont en hausse de près de 6 % ; 386 créations d'emploi sont prévues : c'est bien, mais on est loin de rattraper le retard pris dans l'exécution de la loi de programme de 1995.
Dans le temps qui m'est imparti, je voudrais formuler cinq observations à propos de la situation de l'administration pénitentiaire.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, voilà maintenant deux ans presque jour pour jour que nous avons voté définitivement la loi relative au placement sous surveillance électronique. L'année dernière, Mme le garde des sceaux nous avait dit que des études étaient nécessaires et que les premières expérimentations débuteraient à la fin de 1999. Pourtant, nous n'avons rien vu venir. On nous déclare maintenant que ces premières expérimentations auront lieu dans le cadre des centres pour peines aménagées. Or, j'ai appris que ces centres ne fonctionneraient qu'à partir de 2001. Faudra-t-il donc plus de trois ans pour que cette loi reçoive ses premières applications ? On en vient à se demander si le Gouvernement veut réellement la mettre en oeuvre.
Nous savons que Mme le garde des sceaux réfléchit aux alternatives à l'incarcération et qu'elle est très préoccupée par l'évolution de la libération conditionnelle. Avec la surveillance électronique, le législateur lui a donné un outil important pour éviter les effets de désocialisation de la prison. Bien sûr, c'est novateur, mais on ne va tout de même pas reprocher au Sénat de s'être montré novateur en proposant et en adoptant cette loi ! Nous demandons donc instamment au Gouvernement d'accélérer les choses, afin que des expérimentations aient lieu dès l'an 2000.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Oui ! Ça, c'est bien !
M. Georges Othily, rapporteur pour avis. J'en viens à la question du contrôle des établissements pénitentiaires.
Comme vous le savez, certains incidents graves survenus dans des établissements pénitentiaires et impliquant des personnels ont été révélés au cours de l'année. Pourtant, en théorie, les contrôles qui s'exercent sur l'administration pénitentiaire sont nombreux. Il y a des contrôles internes, exercés notamment par l'inspection générale des services judiciaires. En outre, les autorités judiciaires - juge de l'application des peines, juge d'instruction, Procureur de la République - sont censées exercer un contrôle sur les établissements de leur ressort. En fait, il semble que ce contrôle soit réduit au strict minimum. Il existe, par ailleurs, une commission de surveillance auprès de chaque établissement, qui regroupe les autorités administratives et judiciaires, mais, là encore, ce contrôle paraît être formel.
Il est peut-être temps d'aller plus loin : les visites parlementaires dans les établissements pénitentiaires doivent se développer. La commission des lois participe d'ailleurs à ce développement puisque j'ai pu visiter cette année, avec Mme Derycke, MM. Gélard et Bret, quatre établissements.
Un projet de loi déposé sur le bureau du Sénat prévoit la création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité, qui excercerait un contrôle sur le respect de la déontologie par certains agents, en particulier de la police, de la gendarmerie et de la douane. Mme le garde des sceaux ne semble cependant pas favorable à ce que cette commission contrôle le respect de la déontologie par les personnels pénitentiaires. Je crois qu'il s'agit d'une question importante dont nous devrons débattre de manière approfondie.
Mme le garde des sceaux a mis en place un groupe de travail présidé par M. Canivet, groupe dont fait partie notre collègue M. Cabanel, pour réfléchir à cette question du contrôle externe de l'administration pénitentiaire.
Il faut aller plus loin dans le contrôle de l'administration pénitentiaire. Sur cette question, nous resterons vigilants, afin que les événements qui ont été révélés ne puissent plus se produire.
Une autre question me paraît mériter quelques remarques : il s'agit de la libération conditionnelle. Cette mesure connaît une évolution préoccupante puisqu'elle est de moins en moins accordée depuis quelques années. Cela s'explique notamment par la situation économique et la difficulté pour certains détenus sous-qualifiés de présenter un projet de sortie en vue d'une libération conditionnelle.
Actuellement, la libération conditionnelle est accordée par le juge de l'application des peines lorsque la peine est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement et par le garde des sceaux dans les autres cas. Depuis longtemps, des propositions sont formulées pour modifier le régime de la libération conditionnelle, notamment pour judiciariser cette mesure qui, aujourd'hui, est une simple mesure d'administration judiciaire. Là, encore, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission de réflexion mise en place rendra ses conclusions, en principe, avant le début de l'année prochaine.
Il me semble qu'une réflexion approfondie s'impose compte tenu de tous les phénomènes que nous pouvons observer : la durée de détention s'allonge, les libérations conditionnelles diminuent, la population carcérale change. De plus en plus de détenus purgent de très longues peines. Il semble aussi qu'il y ait de plus en plus de personnes souffrant de problèmes psychiatriques dans les prisons. Peut-être notre régime d'application des peines mériterait-il d'être remis à plat ?
J'évoquerai brièvement la situation des établissements pour constater que, s'il existe en France des établissements modernes, le parc pénitentiaire est dans l'ensemble plutôt vétuste, voire très vétuste.
M. Jacques Peyrat. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Georges Othily, rapporteur pour avis. Nous avons visité quatre établissements cette année et nous avons pu constater que l'état de certaines cellules dans les maisons d'arrêt de Loos et des Baumettes n'était pas acceptable. L'organisation du centre de jeunes détenus de Fleury n'est pas plus acceptable et il est en train d'être modifié à la suite de la violence qui s'y est développée.
Actuellement, un programme de construction de six établissements dans les agglomérations de Lille, Toulouse, Avignon, Montpellier, Meaux et Liancourt est en cours de réalisation, et Mme le garde des sceaux a décidé la construction d'un septième établissement, à la Réunion, ce dont nous nous réjouissons.
Pour l'avenir, un second programme est envisagé, qui pourrait notamment comprendre la construction d'un nouvel établissement à Nice.
M. Jacques Peyrat. Très bonne nouvelle !
M. Georges Othily, rapporteur pour avis. Par ailleurs, un programme de rénovation de cinq grandes maisons d'arrêt a été lancé, qui concerne Fleury-Mérogis, Fresnes, La Santé, Les Baumettes et Loos. A ce sujet, permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude. Dans un premier temps, les travaux ont été estimés à un milliard de francs, ils font maintenant l'objet d'estimations plus proches de 2 milliards de francs. Or, 50 millions de francs seulement ont été inscrits en autorisations de programme sur le budget 1999 et 50 millions de francs sur le projet de budget pour 2000. Tout cela est-il exact ?
Comme nous, Mme le garde des sceaux a visité les maisons d'arrêt de Loos et des Baumettes. Elle sait donc qu'il y a urgence à rénover ces établissements. Je sais que la construction des nouveaux établissements coûte cher mais, vraiment, ce programme de rénovation doit être accéléré.
Ma dernière remarque concerne le nombre élevé des suicides dans les établissements pénitentiaires : 114 détenus se sont suicidés depuis le début de l'année, ils étaient 118 à l'avoir fait en 1998. En 1998, la chancellerie a diffusé une circulaire sur ce sujet, qui invite notamment à une grande vigilance au cours des premiers jours d'incarcération et incite à un accueil individualisé des personnes incarcérées. Très honnêtement, dans les grandes maisons d'arrêt, compte tenu du nombre quotidien d'entrées et de sorties, un tel accueil me paraît difficile à assumer. La surpopulation carcérale ne facilite vraiment pas la conduite d'une politique de prévention des suicides.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Eat, je vous dirai que nous sommes inquiets. Les crédits de l'administration pénitentiaire augmentent, mais les problèmes sont nombreux et sérieux. Pour marquer son inquiétude face au constat dressé par les délégations de la commission qui ont visité des prisons cette année et sa désapprobation à l'égard du retard pris dans l'application de la loi relative au placement sous surveillance électronique, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'administration pénitentiaire.
M. le président. La parole est à M. Gélard, rapporteur pour avis.
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la protection judiciaire de la jeunesse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse sont, dans ce budget, d'un montant exceptionnel : 3,18 milliards de francs - 11,7 % du budget total de la justice - soit une hausse de 14,7 % par rapport à 1999. Cet effort financier est sans précédent.
Les créations d'emplois sont également sans précédent : 380 dont 258 d'éducateur, auxquelles il convient d'ajouter 600 emplois-jeunes qui seront affectés à la protection judiciaire de la jeunesse.
Par ailleurs, un remarquable effort est fait au bénéfice des vingt-six départements pour poursuivre les actions engagées qui, d'ores et déjà, donnent des résultats significatifs.
Il s'agit donc là d'un bon budget pour la protection judiciaire de la jeunesse.
Je ferai cependant trois constatations, trois remarques et trois propositions.
Première constatation, je note le retard important pris dans les investissements en matière d'hébergement collectif ; il en va de même d'ailleurs en ce qui concerne la rénovation de certains quartiers pour jeunes. Un effort devra être fait dans les années à venir pour rattraper ce retard.
Deuxième constatation, trop de décisions de justice sont en attente d'exécution ou restent inappliquées.
Enfin, troisième constatation, l'accueil d'urgence ne s'effectue actuellement que par transformation de structures existantes et non par la mise en place de structures nouvelles.
Ces constatations étant faites, j'en viens aux remarques.
Première remarque, il est nécessaire de maintenir des concours de recrutement qui garantissent la qualité des candidats et de leur formation initiale. En effet, 200 emplois d'éducateur seront pourvus par la voie d'un concours dérogatoire qui ne garantit pas le recrutement de qualité et le niveau de formation que l'on est en droit d'attendre. Il y a là une inquiétude que je tiens à souligner.
Deuxième remarque, et je rejoins là ce qu'a dit notre collègue, M. Othily, voilà quelques instants, la sécurité physique et psychologique des jeunes nous préoccupe. Sans doute convient-il de trouver des moyens nouveaux pour mieux évaluer l'état de santé psychologique et mieux protéger la santé physique des jeunes, lorsqu'ils sont incarcérés ou même placés dans des centres éducatifs.
Troisième remarque, il importe d'exercer un meilleur contrôle de toute nature sur les associations privées qui gèrent des établissements car, parmi ces derniers, certains sont excellents, d'autres moins bons et, disons-le franchement, quelques-uns sont exécrables. Il convient par un contrôle approprié d'harmoniser la façon dont fonctionnent ces associations privées lorsqu'elles ont en charge la jeunesse qui est placée dans leurs établissements.
Enfin, je formulerai trois propositions.
Première proposition, il faut améliorer la prévention. En effet, nous constatons à cet égard un manque sur le plan de la réflexion et des propositions du ministère. Je souhaiterais que le ministère engage, soit sous la forme d'une mission, soit sous la forme d'une enquête, une vaste étude pour déterminer les causes et les conséquences de la délinquance juvénile, et réfléchir aux moyens de réintégrer les jeunes qui, à un moment donné, ont été délinquants. Cet effort de réflexion, de conceptualisation s'impose à nous. Certes, une multitude d'études ont déjà été faites, mais elles sont dispersées et elles ne nous permettent pas d'avoir une vision d'ensemble de l'évolution de la situation.
Deuxième proposition, il faut améliorer la prévention. Il me semble que les liens entre la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale sont insuffisants et qu'un effort pourrait déjà être fait au niveau de l'IUFM afin de sensibiliser les futurs enseignants aux problèmes de la protection judiciaire de la jeunesse.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Bonne idée !
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis. Mais il faudrait également établir un partenariat permanent entre l'éducation nationale et la protection judiciaire de la jeunesse. Des modalités de concours existent déjà entre ces deux grands ministères, mais le ministère de l'éducation nationale me semble très éloigné des préoccupations de la protection judiciaire de la jeunesse.
Enfin, ma troisième proposition est beaucoup plus terre à terre. Il s'agit de prendre en compte de façon un peu plus objective la rémunération des avocats en ce qui concerne la défense des jeunes qui n'ont pas toujours les avocats de qualité qu'ils mériteraient. Il faut également prendre en compte le fait que les avocats font toute une série d'actes qui ne sont pas rémunérés lorsque l'on n'aboutit pas à une poursuite pénale du jeune délinquant. Notamment dans le cadre de la médiation pénale, il n'y a pas à ce moment-là une prise en compte suffisante de la rémunération des avocats.
En conclusion, je dirai mon inquiétude pour l'avenir. Il faudra, selon moi, que le ministère se penche très sérieusement sur la carrière des éducateurs. Il y a là maintenant une anomalie puisque les éducateurs, vous le savez, étaient auparavant sur le même plan que les instituteurs. Les instituteurs sont maintenant devenus des cadres de catégorie A du fait de leur recrutement par le biais de l'IUFM et de leur transformation en professeurs des écoles. Cela va créer dans les années à venir des tensions car les éducateurs, qui resteront de catégorie B, auront un déroulement de carrière nettement moins intéressant ou moins satisfaisant que les instituteurs. Cette réflexion d'ensemble déborde très largement le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse et celui du ministère de la justice : il faudra bien un jour que l'on se saisisse de l'ensemble des problèmes de carrière de toute une série de fonctionnaires de catégorie B, qu'ils soient éducateurs ou infirmiers des hôpitaux ou autres encore et dont la carrière ne correspond plus aux réalités du monde contemporain.
Compte tenu de ces constatations, de ces remarques et de ces propositions, la commission des lois a émis sur ce budget qui, je le répète, est exceptionnel par l'effort financier consenti, un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec une satisfaction non dissimulée que le groupe socialiste accueille le budget de la justice pour l'an 2000.
S'agissant de la volonté politique qui anime Mme la garde des sceaux, il n'y a pas de doute que l'effort en direction du service public de la justice est remarquable et, comme je traiterai de la question des services judiciaires, je tiens à le souligner.
La progression du budget par rapport à 1999 atteint près de 4 %, chiffre qui traduit à la fois un progrès constant et la continuité des actions déployées par le Gouvernement depuis trois ans.
M. Haenel a fait remarquer qu'aujourd'hui, avec 27,291 milliards de francs, le budget de la justice représente 1,62 % du budget de la nation, et notre excellente rapporteur, ou rapporteuse pour avis,...
Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis. « Rapporteuse » !
M. Robert Badinter. ... Mme Dinah Derycke, a souligné que nous en étions sensiblement à quelque 1,56 % ou 1,60 %.
Nous sommes unanimes, dans cet hémicycle, à considérer que l'accroissement quantitatif doit se poursuivre ; nous sommes unanimes à considérer que, dans les budgets à venir, la part du budget de la justice dans le budget général doit être réévaluée.
Nous savons que Mme le garde des sceaux partage cette conviction et la traduit dans les faits.
Permettez-moi à cet égard de rappeler un souvenir ancien. Lorsque, pour la première fois de ma vie, j'ai pénétré dans cet hémicycle, c'était au moment du discours introductif de M. Pierre Mauroy. A la sortie, un vétéran qui avait été dix-huit fois ministre sous les IVe et Ve Républiques et que je connaissais depuis longtemps me fit signe de le rejoindre, et il me dit alors : « Les grandes réformes, c'est bien beau ; mais une seule chose compte dans la vie ministérielle : le budget, encore le budget, toujours le budget. Le reste est superfétatoire ». Je n'ai pas oublié cet avertissement dans les années suivantes. Il en sera fait écho ici encore.
Je note avec satisfaction la création, dans le budget des services judiciaires, de 382 postes contre 370 en 1999 et 300 en 1998. Voilà qui est à mettre en parallèle avec la création de 212 postes de magistrats, de 155 postes de fonctionnaires de greffe et de 15 postes de contractuels.
S'agissant des magistrats, je me félicite de ces créations, qui tranchent, je dois le dire, avec le retard qui a été malheureusement pris par certains des prédécesseurs de notre garde des sceaux dans la réalisation du plan pluriannuel pour la justice, dont la paternité revient à M. Méhaignerie.
J'ai relevé que, pour la période 1995-1997, le taux d'exécution du plan, s'agissant des magistrats, ne s'élevait qu'à 50 %. Le budget de 1997, chacun s'en souvient, avait prévu la création de 30 postes seulement au lieu des 60 qui auraient dû l'être.
Aujourd'hui, le retard a été comblé grâce à votre action. Si je fais le calcul global, ce sont en trois ans, 422 postes de magistrats qui auront été créés dans les juridictions judiciaires. A n'en pas douter, il s'agit là d'un progrès très satisfaisant.
Cependant, je tiens à faire part, à titre personnel, d'une remarque que j'avais déjà formulée devant la commission des lois. Je m'inquiète quelque peu de la proportion de magistrats recrutés par la voie de concours exceptionnels par rapport à celle du concours donnant accès à l'ENM. Le nombre de postes a été porté à 185 pour 1998 et 1999, ce qui marque un accroissement certain ; mais ce chiffre doit être mis en parallèle avec le nombre de magistrats recrutés par les concours exceptionnels pendant la même période.
Je sais bien que nécessité fait loi mais je tiens à souligner que la part ouverte au recrutement par l'école doit être plus importante, sauf à décourager nos meilleurs étudiants, ce qui serait très fâcheux pour l'avenir.
Je souligne aussi, mais cette remarque ne s'adresse pas directement à Mme la ministre, l'insuffisance des recrutements extérieurs réalisés par la commission d'intégration. J'ai relevé des chiffres allant de l'ordre de 20 à 25 %. Ce malthusianisme n'est pas admissible.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Robert Badinter. Il vaudrait mieux favoriser le recrutement des meilleurs éléments des professions par la voie de la commission d'intégration au lieu d'organiser des concours exceptionnels par nécessité.
Cette remarque faite, félicitons une fois encore l'auteur de ce budget qui s'inscrit dans le cadre d'une action législative et réglementaire que nous approuvons et que nous soutenons tout à fait en ce qu'elle porte sur l'amélioration de la justice au quotidien, aussi bien par la loi du 18 décembre 1998 que par le décret du 28 décembre 1998, qui s'inspire, d'ailleurs, des excellentes propositions formulées dans le rapport du président du tribunal de grande instance de Paris, M. Coulon.
Là encore, je note avec plaisir que l'on favorise le règlement amiable des litiges par la médiation, la conciliation et la transaction. Vous savez combien, depuis des années, je ne cesse de rappeler qu'il est indispendable de recourir au mode alternatif de solution des conflits et que, à défaut d'y recourir toujours plus, nous ne parviendrons pas à surmonter l'engorgement judiciaire.
Je veux faire maintenant quelques observations plus précises.
Tout d'abord, j'insiste à nouveau auprès de Mme le garde des sceaux, comme j'insistais déjà auprès de ses prédécesseurs, pour qu'il soit enfin procédé à la révision de la carte judiciaire dans son ensemble. (MM. Fauchon, Hyest et Peyrat applaudissent.)
C'est une exigence prioritaire de la réforme de la justice. Voilà des années que les travaux ont été engagés sur ce point. Très franchement, ce ne sont pas les suppressions de quelques juridictions consulaires en état de survie, pour ne pas parler d'acharnement thérapeutique, qui suffiront.
Nous savons que Mme le ministre songe à cette grande réforme. Il est temps qu'elle agisse dans les prochains mois.
En ce qui concerne la justice civile et le flux des affaires au cours de la période 1992-1998, le nombre des affaires nouvelles a augmenté sensiblement : il est en effet passé de 523 000 à 623 000. Cependant - et cela porte témoignage des efforts réalisés par tous dans les juridictions de première instance - la durée moyenne de règlement des litiges a baissé. Augmentation du nombre des litiges et baisse des durées de règlement, la situation est donc en progrès.
En revanche, la situation est tout à fait différente dans les cours d'appel, où la durée des procédures s'est accrue de 13,5 à 17,4 mois. Alors que le nombre des affaires a légèrement baissé entre 1997 et 1998 - il est effectivement passé de 213 000 à 209 000 -, je constate avec inquiétude que la durée moyenne des procédures s'est accrue.
Les cours d'appel doivent bénéficier d'une action en priorité. Il faudra prévoir non seulement un accroissement des effectifs, mais aussi une amélioration des méthodes.
Je suis heureux de constater que Mme le garde des sceaux soutient les contrats de juridiction de procédure. Cette concertation juridiction par juridiction, avec le concours plus qu'actif de l'inspection des services judiciaires s'est révélée très fructueuse. Il suffit à cet égard de consulter un traité sur les institutions judiciaires pour s'en convaincre.
En ce qui concerne les juridictions prud'homales, j'attire l'attention de Mme la garde des sceaux sur le fait que, là aussi, cela ne va pas : la durée moyenne des jugements atteint près de dix mois ; 60 % des décisions sont frappées d'appel, ce qui contribue d'ailleurs aux difficultés des juridictions de second degré.
Dans les Hauts-de-Seine, le conseil de Nanterre, qui est très important, a vu le nombre des affaires quadrupler en vingt ans. Or, sur vingt-cinq postes budgétés dans cette juridiction, seuls dix-huit sont pourvus, et il faut compter près de vingt mois pour aboutir à un jugement. Il en va de même pour le conseil des prud'hommes de Boulogne, où il y a sept présents pour dix-sept postes budgétés.
Ces contentieux revêtent, pour les demandeurs, une importance extrême sur le plan humain. Il faut leur accorder une priorité.
Par ailleurs, s'agissant de la chambre sociale de la Cour de cassation, il faut absolument instituer le recours à la représentation par avocat pour réduire son encombrement.
Je laisse de côté les questions concernant les juridictions pénales. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Toutefois, la première cause du nombre de détentions provisoires, c'est la longueur de l'instruction et non pas les décisions de placement.
M. Jacques Peyrat. C'est sûr !
M. Robert Badinter. J'insiste donc auprès de Mme la garde des sceaux pour que les services de la Chancellerie, qui sont si compétents, examinent dans quelle mesure on peut utiliser une partie des nouveaux magistrats, de l'ordre d'une centaine, pour veiller sur la durée des détentions, donc des instructions.
Il faut porter le fer là où est la plaie !
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Robert Badinter. C'est à vous, cher monsieur Haenel, que j'adresserai ma conclusion : ne soyez pas à ce point mélancolique, ne dressez pas un état des lieux si cataclysmique, ne dramatisez pas !
Je sais que le mur des lamentations est une tradition de la société judiciaire française. Mais on ne peut pas à la fois proposer notre modèle judiciaire à travers toute l'Europe centrale et orientale et dire ici que c'est une institution en ruine et dans laquelle il ne reste plus qu'à compter les morts.
Pour avoir beaucoup voyagé, comme vous, monsieur le rapporteur spécial, je constate que nous ne sommes pas, même en Europe occidentale, les plus mal placés. Allez ailleurs et vous verrez ce qui se passe. Regardez les statistiques et vous constaterez que, si nous ne sommes certes pas les meilleurs, nous sommes loin, très loin d'être les plus mauvais.
Si je regarde la grande justice britannique, le rapport de Lord Woolf le montre, je constate que la situation est catastrophique.
Si je passe les Alpes et que j'arrive chez nos amis italiens, je n'ose même pas dire ce qu'il en est.
M. Jean-Jacques Hyest. Et pourquoi !
M. Robert Badinter. Si j'écoute ce qui se passe chez nos amis espagnols, je m'aperçois que ce n'est pas brillant.
Pour ce qui est des Belges, nous savons dans quel désastre judiciaire ils sont.
M. Jean-Jacques Hyest. Il reste l'Allemagne !
M. Robert Badinter. Alors, de grâce, mon cher collègue, si les institutions judiciaires françaises ne sont certainement pas le modèle absolu, j'affirme très franchement qu'elles tiennent leur rang par rapport à celles des autres pays occidentaux.
Cela tient beaucoup à l'énergie et au courage avec lesquels magistrats et fonctionnaires font face à leur tâche. Ne donnons pas de cet effort une représentation mélancolique, pour ne pas dire funèbre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial. Je voudrais non pas rectifier vos propos, monsieur Badinter, mais vous dire que peut-être ne m'avez vous pas bien écouté.
Je suis intervenu au nom de la commission des finances, j'ai donc reflété le débat qui a eu lieu d'abord en présence de Mme le garde des sceaux, puis entre nous.
Lorsque j'ai fait allusion à la mélancolie, je n'ai fait que citer l'un de nos amis communs, le président Jean-Marie Coulon. Par ailleurs, je n'ai fait preuve d'aucun catastrophisme.
Etant magistrat de formation, j'observe avec une grande attention le fonctionnement d'un certain nombre de juridictions et je ne peux que constater l'effort qui a été réalisé ces dernières années : bien des choses vont bien. Mes inquiétudes portaient en fait sur les relations qui existent actuellement entre le monde politique et le monde judiciaire d'une manière générale.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour ma part, je parlerai, non pas sur le ton de la mélancolie mais - vous voudrez bien m'en excuser - sur celui de l'indignation.
Il y a plusieurs façons de considérer un budget ministériel. J'en vois au moins deux.
On peut, d'une manière que je qualifierai de comptable et d'administrative, comparer le budget de l'année qui vient à celui des années précédentes, constater un certain nombre d'avancées et conclure que le budget de la justice pour l'année 2000 est un bon budget, ce qui n'est pas faux, puisqu'il est meilleur que celui de l'année précédente qui lui-même était meilleur...
On peut aussi, et je dirai même qu'on doit aussi, surtout si l'on considère les choses du point de vue de la commission des lois, élever le regard pour avoir une vue générale des missions de ce département ministériel et s'interroger sur le point de savoir si l'Etat consacre à ces missions les moyens qui lui sont nécessaires.
Je ne crois pas avoir beaucoup de peine à montrer que nous sommes très loin du compte, que la gestion financière de notre pays sacrifie - et sacrifie délibérément - la justice à des missions probablement plus visibles médiatiquement, plus gratifiantes électoralement, et qu'elle assume ainsi la responsabilité d'entretenir au coeur de l'Etat une plaie qui ne cesse d'empirer. Vous avez compris que je m'adresse beaucoup moins à l'actuel Gouvernement qu'à ses prédécesseurs.
A partir de là, je suis conduit à dire que le budget de 2000 est dramatiquement insuffisant, comme l'ont été depuis des décennies tous les autres budgets, mais que le présent budget a peut-être moins d'excuses que n'en avaient bien de ses prédécesseurs du fait de l'évolution des données économiques générales.
Disant cela, je n'ai pas le sentiment de parler contre Mme le garde des sceaux, à qui j'aurais aimé m'adresser directement, ni contre son action personnelle ou celle de son équipe, à laquelle je rends hommage, et moins encore contre ces quelques milliers de juges et de fonctionnaires - trop peu de milliers de juges et de fonctionnaires - qui luttent quotidiennement pour préserver ce qui peut l'être et qui sans doute font aussi bien, sinon mieux que leurs collègues d'outre-Manche ou d'outre-Pyrénées. Avec eux, avec Mme la ministre elle-même, je crois, je parlerai contre une tradition gouvernementale indigne des proclamations auxquelles on se complaît sur l'état de droit et les vertus humanistes de la République. Oserais-je dire que les raisons pour lesquelles Mme la ministre a cru devoir déserter cet hémicycle me confirme un peu dans ce diagnostic !
Est-il nécessaire de démontrer le caractère dramatiquement insuffisant des moyens de la justice ? Nous l'avons fait naguère : la situation ne s'est pas sensiblement modifiée.
L'augmentation des moyens a d'ailleurs pour origine le plan quinquennal de M. Méhaignerie - fort honnête homme ! - appliqué et amplifié par les plus récents budgets. Cette amélioration, très limitée tout de même, a plus qu'été absorbée par l'augmentation générale des contentieux, à quoi s'ajoute l'augmentation des tâches qui résultent des réformes et spécialement des réformes en cours.
Il me vient à l'esprit la fameuse fable de La Fontaine : Le Savetier et le financier, quand le savetier dit : cela pourrait aller si l'on n'augmentait pas tous les jours ma tâche ; alors je ne peux plus m'en sortir. Je transposerais volontiers la fable en ces termes :
On nous ruine en instances
L'une fait tort à l'autre et Mme la ministre
De quelques nouveaux points
charge toujours l'audience.
(Sourires.)
N'est-il pas visible que la justice ne peut pas fonctionner en France avec à
peu près le même nombre de magistrats à la fin de ce siècle qu'elle en
comportait au milieu de l'autre ?
N'est-il pas visible que les procédures sont trop longues, que bien des
audiences pénales sont aussi trop longues comme les instructions, les
détentions provisoires et les délibérés, à la différence des motivations qui,
elles, sont souvent trop courtes et quelquefois quasi inexistantes ?
N'est-il pas visible que le nombre de classements sans suite est tel que le
ministère est conduit à nous proposer, pour corriger cette situation, un
système qui ne brille pas par sa simplicité et qui, en alourdissant la tâche du
parquet, risque fort d'aggraver la situation ?
N'est-il pas visible, à Nantes par exemple, ces jours-ci, que les facilités du
traitement rapide que l'on qualifie, abusivement selon moi, de traitement en
temps réel des affaires pénales courantes se traduit par un ralentissement
excessif et fâcheux et quelquefois par un oubli pur et simple des affaires plus
complexes et en réalité plus importantes ?
Je demande qu'on n'allègue pas ici telle ou telle statistique pour donner une
impression moins négative, en particulier celle sur la durée moyenne des
procédures.
D'abord, ces statistiques ne donnent que des moyennes et celles-ci n'ont de
sens que si les données de base ne sont pas trop dispersées comme elles le
sont.
Ensuite, ces statistiques sont encore tout à fait globales, elles sont même
grossières, et la durée moyenne du règlement des affaires est une notion qui,
en réalité, n'a aucune signification, d'autant qu'elle s'arrête, excusez la
supercherie, à la date du jugement, sans se soucier de la date à laquelle la
copie exécutoire du jugement est délivrée, c'est-à-dire quelquefois des mois
plus tard. Nous en savons quelque chose, nous autres praticiens !
Enfin, il faudrait traiter séparément les procédures naturellement brèves
comme les requêtes et les référés, le jugement avant faire droit et les
décisions de fond. A ce moment-là, la notion de durée moyenne prendrait
peut-être un certain sens !
Est-il permis d'espérer que nous aurons un jour de telles précisions ? Je me
le demande et, en vérité, je vous le demande.
J'en viens à ma dernière observation sur les statistiques. Il y a manière et
manière de gérer un contentieux. Malheureusement, nous rencontrons ici comme
ailleurs des modes de gestion dans lesquels le souci de la statistique, de
faire du chiffre, est prioritaire, ce qui est une dernière raison de ne pas
tenir les statistiques pour des indicateurs fiables, d'ailleurs nous n'en avons
pas besoin.
Je maintiens donc, et nul ne peut sérieusement les contester, les conclusions
de notre rapport sur les moyens de la justice. Cette dernière est en état
d'hémiplégie. Je ne me console pas à l'idée que cette hémiplégie est un
phénomène largement répandu en Europe. Ce n'est pas mieux. C'est à juste titre
en tout cas que, en France, une majorité de Français considèrent - tous les
sondages le montrent - que c'est là le plus grave problème de notre société.
Sans doute n'est-ce pas seulement un problème de moyens. Il est impossible
cependant de s'attaquer aux problèmes d'organisation, d'intensité d'action
aussi longtemps que prévaudront l'insuffisance des moyens et leur mauvaise
répartition.
Je pense d'abord à la carte judiciaire, dont on a parlé très justement voilà
quelques instants, et je m'inquiète de ne plus en entendre parler ailleurs qu'à
cette tribune. Tant qu'on n'aura pas apporté ces modifications, on ne pourra
pas progresser.
Je signale au passage les remèdes, sans doute partiels, que nous avons
imaginés, qui ont été votés par le Parlement et que la chancellerie,
manifestement, ne veut pas mettre en oeuvre.
Je pense également aux magistrats à titre temporaire et je partage le point de
vue qui a été exprimé tout à l'heure à propos des recrutements exeptionnels. Je
pense aussi au bracelet électronique. Je trouve, à cet égard, assez «
surprenante » la ligne de conduite de votre ministère.
Si le Gouvernement doit être remercié d'accorder près de 4 % d'augmentation à
ce budget, il faut aussi souligner que ce pourcentage est en réalité tout à
fait insuffisant. M. Hyest montrera d'ailleurs que c'est une moyenne en
elle-même trompeuse.
En vérité, pour faire face aux missions de la justice, il conviendrait de
prévoir une augmentation substantielle de 10 % pendant dix ans ou de 20 %
pendant cinq ans. Seule une telle augmentation serait à la hauteur de la
difficulté.
Si j'insiste particulièrement sur ce point à l'occasion de l'année 2000,
c'est parce que, pour la première fois depuis longtemps, le retour de la
croissance économique en France comme dans l'ensemble du monde occidental,
permet de dégager des disponibilités considérables, alors que, dans le passé,
notamment durant la phase préparatoire au passage à l'euro, toute augmentation
substantielle d'un budget nécessitait un prélèvement sur un autre, ce qui,
personne ne peut l'ignorer, est toujours très difficile. Mais, à partir du
moment où des disponibilités existent, la responsabilité du Gouvernement est
entière quant à leur emploi.
Dès lors, est-il supportable - et je pense que cela ne l'est pas - que les
crédits de la justice, qui s'élèvent à 27,29 milliards de francs, restent à la
même hauteur que ceux des anciens combattants : 25 milliards de francs, ou que
la dotation de la SNCF : 26 milliards de francs ? C'est tout de même effarant !
Il est encore moins supportable que les emplois-jeunes, que je préfère ne pas
qualifier ici pour ne pas dévier de mon propos, coûtent presque autant que la
justice en 2000, soit 24 milliards de francs, et ils atteindront 34 milliards
de francs en année pleine par la suite. Où en sera alors la justice ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Et les 35 heures !
M. Pierre Fauchon.
Et les 35 heures, autre catastrophe !
Il serait facile de stigmatiser de tels choix et quelques autres. Je préfère
pour conclure dire qu'un Etat moderne, qui se vante d'être un Etat de droit, ne
peut pas traiter ainsi le service public de la justice. C'est injuste, mais
aussi c'est inconséquent lorsqu'on considère les effets de la démoralisation
des Français, avec la progression à chaque élection des abstentions ou des
votes extrêmes qui sont, pour la plupart, des votes de protestation.
Face à une situation aussi grave, il faut protester, il faut crier, comme
notre collègue M. Haenel l'a fait.
Si le Gouvernement juge ne pas devoir prêter une oreille trop attentive aux
réflexions du Sénat, comme il en donne aujourd'hui encore le sentiment,
puisse-t-il du moins grâce à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, entendre
l'immense plainte des praticiens comme des justiciables, sans se boucher les
oreilles.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Peyrat.
M. Jacques Peyrat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
bien des choses ont été dites soit pour approuver, soit pour critiquer les
divers aspects de ce budget ; je vais pour ma part vous livrer mes propres
observations.
En dix ans, le budget de la justice aura connu un accroissement considérable,
de plus de 10 milliards de francs, ce qui nous permet d'espérer franchir, d'ici
à deux ans, la barre des 30 milliards de francs, à laquelle il ne nous était
même pas permis de rêver il y a quelques années.
L'honnêteté m'oblige donc à vous exprimer, monsieur le sécrétaire d'Etat, ma
satisfaction devant l'aspect quantitatif de ce budget.
Pour autant, ce satisfecit mérite d'être tempéré, car la seule question qui
vaille est de savoir si ces crédits permettent à votre ministère de rendre à la
société le service qu'elle en attend.
Et là, force est de constater que la réponse est loin d'être positive puisque
les Français sont toujours aussi nombreux à se plaindre des dysfonctionnements
du service public de la justice.
En fait, l'appréciation portée à votre budget sera tout à fait différente
selon que l'on regarde d'où l'on vient ou que l'on se penche sur les chantiers
prioritaires et nombreux qui demeurent. Ils sont, à mon sens, essentiellement
au nombre de deux.
Le premier d'entre eux concerne les délais de jugement, qui ne cessent de
s'allonger. Notre collègue Robert Badinter le rappelait tout à l'heure. En
effet, devant les tribunaux d'instance, ceux-ci sont passés de 5 mois à 5,2
mois, devant les tribunaux de grande instance de 8,9 mois à 9,3 mois et, devant
les cours d'appel, soit après tous les délais précédents, ils sont aujourd'hui
de plus de 17 mois. A la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ils peuvent atteindre
trois ans et trois ans et demi en matière sociale.
Cette situation conduit donc, dans un très grand nombre de cas, à de
véritables dénis de justice. Cela vaut particulièrement en matière de droit du
travail, au mépris, d'ailleurs, de l'égalité entre les parties, puisque ce sont
les salariés qui ont intérêt le plus souvent à un jugement rapide.
La diminution du stock doit donc être notre priorité. Or, sur les 212
créations de postes de magistrat prévues, la résorption du retard ne vient
qu'en troisième position avec trente-quatre créations, soit un magistrat pour
sept cours ou tribunaux. Celui-ci sera, certes, le bienvenu, mais ce choix
constitue, à mon avis, une erreur dans la définition des priorités.
C'est là que vous attendaient les Français, et c'est grâce à cela, d'abord,
qu'ils pouvaient retrouver confiance dans leur justice. Malheureusement, vous
n'en avez pas suffisamment tenu compte.
Le fait que vous ayez souhaité faire voter bien des nouveaux textes sur la
justice - relatifs à accès au droit, à la résolution amiable des conflits, à la
présomption d'innocence - n'est en soi pas contestable.
Je pense que leur application pourra contribuer à améliorer le fonctionnement
de la justice. Mais cela ne pouvait vous exonérer de penser d'abord et en
priorité au problème numéro un de notre justice : sa lenteur.
Avouez quand même qu'il est plus important de créer de nouveaux postes de
magistrat dans de nombreuses chambres de tribunaux plus qu'encombrés que de
prévoir d'ores et déjà la création de cent postes pour appliquer une loi
introduisant la mixité de jugement dans les tribunaux de commerce, loi très
discutable d'ailleurs, mais qui, de toute façon, n'est pas encore votée.
Qui dit raccourcissement des délais de jugement dit donc nécessaire réforme de
la carte judiciaire. Or celle-ci n'avance que très lentement.
Certes, vous avez supprimé cet été trente-six tribunaux de commerce, et vous
avez bien fait. Mais, pour les autres juridictions, l'indispensable remise en
cause de la carte judiciaire ne progresse guère.
C'est là, j'en suis conscient, une réforme difficile, impopulaire parfois
braquant tous les conservatismes, ceux des élus locaux, des avocats, des
magistrats, se conjuguent pour ne rien changer dans leur ressort. Mais quand
l'intérêt général vous semble l'exiger, vous savez passer en force !
Car c'est grâce à cette réforme que vous pourrez affecter les postes supprimés
dans les petits tribunaux à ceux, plus grands, où l'évolution du stock
l'impose.
A ce sujet, rassurez-vous, je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur ma
demande de création d'une cour d'appel à Nice puisque Mme le garde des sceaux
m'avait déjà adressé en commission des lois une aimable fin de non-recevoir.
Elle m'a d'ailleurs aussi répondu à propos de l'éventuelle construction d'une
nouvelle prison à Nice, une fois la première tranche de construction
réalisée.
Permettez-moi néanmoins, avec un peu de malice, de vous dire toute la chance
qu'ont le Vaucluse et Avignon
(Sourires),
qui ont bénéficié de la construction d'un nouveau palais de
justice, pour un coût de 212 millions de francs, d'un nouveau centre
pénitentiaire, doté de 122 emplois, pour un coût de 270 millions de francs, et
du renforcement du tribunal de grande instance.
Devant ce dynamisme, je me dis que j'aurais presque aimé voir confirmée la
rumeur qui annonçait, un temps, la candidature de Mme Guigou à Nice pour les
prochaines échéances électorales.
(Nouveaux sourires.)
Je sais que, pour justifier cette frénésie de nouvelles constructions
dans la prestigieuse cité des papes, elle a déclaré qu'à son arrivée place
Vendôme, les dossiers techniques étaient bouclés et qu'il ne manquait qu'un
financement. Mais permettez-moi de vous dire qu'il en est ainsi partout.
Pour la prison de Nice, par exemple, les services nous avaient déjà donné leur
accord pour un transfert sur un terrain que la ville de Nice a même réservé
dans son POS, et qui n'attend donc plus, comme pour Avignon, qu'un
financement.
J'espère au moins que ce relatif désintérêt du ministère de la justice pour la
ville de Nice ne nous empêchera pas de créer dans le quartier sensible de
l'Ariane, cette maison de la justice et du droit pour l'installation de
laquelle nous nous battons depuis maintenant deux ans.
Je suis, pour ma part, très favorable à cette implantation, qui permettra
d'améliorer le traitement de la petite délinquance et d'offrir un accès au
droit gratuit et à proximité pour tous les justiciables.
Nous étions d'ailleurs très près d'aboutir il y a un an, mais il semble que la
position du nouveau procureur sur ce sujet soit assez « contrastée », ce qui a
quelque peu retardé les choses.
Je vous demande donc de tout faire pour que cette maison puisse voir le jour
dès cette année. Je n'ose d'ailleurs penser qu'il puisse en aller différemment,
sachant que vous avez budgété cinquante-cinq projets de ce type pour l'an
2000.
Le deuxième chantier qui me semble absolument prioritaire concerne la
délinquance des mineurs. Les réponses que vous y apportez me semblent bien
insuffisantes et surtout inadaptées à l'explosion de ce phénomène, qui devrait
vous inciter à revoir l'ordonnance de 1945, ou tout au moins à la faire
appliquer complètement, plutôt que de créer des postes d'éducateur au sein de
la protection judiciaire de la jeunesse dont l'utilité me paraît parfois
douteuse.
Commençons néanmoins par une bonne nouvelle : je constate avec plaisir que
vous vous êtes ralliée à la politique lancée par votre prédécesseur, Jacques
Toubon - en collaboration avec le ministre de la ville de l'époque, Jean-Claude
Gaudin - qui avait créé les premiers centres éducatifs renforcés, lesquels
s'appelaient d'ailleurs, à l'époque, « unités à encadrement éducatif renforcé
».
Vous en prévoyez vingt nouveaux pour l'année prochaine, ce qui portera leur
total à une centaine. C'est un bel effort pour un ministre qui, par
méconnaissance peut-être, ou par réflexe idéologique, en avait décidé la
suppression dès son arrivée.
Pour autant, les autres réponses que vous apportez à la problématique de la
délinquance des mineurs ne me semblent pas à la hauteur du fléau.
Tout d'abord, je pense qu'il est devenu indispensable de réformer l'ordonnance
de 1945 pour l'adapter à notre époque, c'est-à-dire au rajeunissement de la
délinquance et à son caractère, hélas ! de plus en plus violent.
Aujourd'hui encore, la mesure éducative demeure la règle alors que la sanction
pénale reste l'exception, et encore seulement à l'égard des plus de treize ans.
C'est cela qui conduit au sentiment d'impunité de certains jeunes. Car toutes
les enquêtes démontrent qu'ils savent pertinemment jusqu'où ils peuvent aller
et quelles sont les limites à ne pas franchir sous peine d'aller en prison.
Je pense également qu'il est indispensable aujourd'hui, compte tenu des
résultats obtenus, d'obliger tous les parquets, et non pas seulement ceux qui
le souhaitent, à mettre en place une politique volontariste de traitement de la
délinquance en temps réel.
En matière d'organisation, ensuite, des dysfonctionnements perdurent. En
effet, un certain nombre de départements comportent plusieurs tribunaux pour
enfants alors que certains tribunaux de grande instance n'en disposent pas.
D'autre part, les ressorts des régions de la protection judiciaire de la
jeunesse et de l'administration pénitentiaire ne correspondent pas aux ressorts
des cours d'appel. A l'évidence, la mauvaise imbrication de ces divers
découpages territoriaux nuit à la collaboration des divers acteurs.
Enfin, mon attention a été attirée sur l'une des propositions du rapport de
mes anciens collègues de l'Assemblée nationale, les députés Jean-Pierre
Balduyck et Christine Lazerges, qui sont d'ailleurs socialistes, sur la
délinquance des mineurs.
Elle consiste à informer les élèves, dès l'école primaire, pour qu'ils
connaissent les principes fondamentaux de l'ordonnance de 1945, afin qu'il leur
soit précisé qu'ils peuvent faire l'objet dès l'âge de raison de poursuites
devant les juridictions pénales, que dès treize ans ils sont susceptibles
d'aller en prison et qu'à partir de seize ans ils peuvent être placés en
détention provisoire, même pour un délit.
Il s'agirait là d'une mesure intéressante, qui pourrait parfaitement être mise
en oeuvre dans les établissements scolaires par ceux de vos nombreux
emplois-jeunes qui travaillent auprès des juridictions pour mineurs. Je
souhaiterais, puisque cela ne coûte pas cher, avoir votre avis à ce sujet.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, qui représentez Mme le garde des sceaux,
ce que je tenais à dire dans le temps qui m'était imparti. Je ne crois pas que
le fonctionnement de la justice en France permette de se réjouir pleinement
d'un tel budget, certes en augmentation, mais qui ne répond pas aux principaux
défis qui se présentent à vous.
Je voudrais terminer en attirant votre attention sur l'extrême gravité de la
situation pénitentiaire de notre pays. L'année dernière, 118 prisonniers se
sont suicidés dans les prisons de France. Cette année, nous avons déjà rattrapé
ce chiffre : 114 à ce jour.
Ce malaise, qui frappe tous les établissements de l'administration
pénitentiaire, a un corollaire : la violence. Or, je le dis comme je le pense,
la démocratie française n'a pas d'établissement pénitentiaire digne de ses
grands principes. Je sais que vous en avez conscience, et ce sera tout à votre
honneur que de mobiliser le plus rapidement possible tous les moyens
nécessaires pour que cessent ces situations indignes d'un Etat de droit.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
pour la troisième année consécutive, le budget de la justice est en
progression.
Il augmente cette année de 3,91 %, soit trois fois plus que la croissance
moyenne du budget de l'Etat.
Nous devrions tous nous réjouir de l'effort particulier qui est consenti en
cette matière.
Certes, on peut déplorer que la part du budget de la justice ne représente que
1,63 % du budget général ; néanmoins cette part est en augmentation puisqu'elle
était de 1,55 % et de 1,56 % les années précédentes.
Sachons tous en convenir : le budget de la justice est, dans l'ensemble, un
bon budget, et les élus du groupe communiste républicain et citoyen le
voteront.
La continuité des efforts financiers permet de donner vie aux priorités
affichées par le Gouvernement, notamment l'amélioration de la vie carcérale et
la lutte contre la délinquance juvénile. Ce sont les secteurs qui bénéficient
en effet des plus fortes hausses de crédits : de 14,7 % pour la protection
judiciaire de la jeunesse et de 5,85 % pour l'administration pénitentiaire. Ces
deux secteurs totalisent plus des trois cinquièmes des créations d'emplois,
soit 766 sur les 1 237 proposés.
La protection judiciaire de la jeunesse - les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen s'en félicitent - a été placée au centre des
préoccupations gouvernementales ces dernières années. Les priorités définies
par le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 en matière de lutte contre
la délinquance des mineurs ont été confirmées en janvier de cette année.
L'augmentation substantielle des moyens de la protection judiciaire de la
jeunesse dans le projet de budget pour 2000 permettra, notamment, une réelle
prise en charge des mineurs délinquants dès la première infraction.
Pourtant, l'effort ne doit pas être, loin de là, relâché. Les besoins sont
immenses, les retards énormes. Certains chiffres continuent ainsi d'être
préoccupants, voire parfois catastrophiques.
Tel est le cas, d'autres l'ont souligné avant moi, des délais de jugement, qui
continuent de s'allonger, si l'on fait exception des tribunaux de commerces,
malgré les efforts entrepris ces dernières années pour les réduire : il faut
attendre près d'un an et demi - 17,4 mois - pour avoir un arrêt de cour d'appel
; les délais dans les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes sont
d'un mois plus longs que ceux de l'année précédente ; l'augmentation est de
deux mois dans les tribunaux de grande instance.
Le problème semble difficile à résoudre, surtout là où le nombre d'affaires en
cours augmente.
Au civil, le recul du nombre d'affaires nouvelles ne permet pas de résorber le
stock existant.
Au pénal, la situation est encore plus préoccupante. On enregistre une forte
proportion d'affaires nouvelles : près de 10 % tant au niveau de la Cour de
cassation qu'à celui des cours d'assises. Ne parlons même pas de la situation
des juges des enfants qui voient leur activité en nette progression - de 14,5 %
en 1998 - ainsi que des juridictions prud'homales, qui ont enregistré une
augmentation de 11,6 % des affaires introduites en 1998.
C'est la quadrature du cercle : plus on traite d'affaires, plus il y en a à
traiter !
M. Hubert Haenel,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Robert Bret.
Cette illustration de la juridiciarisation de notre société doit nous
conforter dans l'idée selon laquelle il faut absolument persister, comme le
fait Mme la garde des sceaux depuis quelques années, dans le développement des
réponses extrajudiciaires aux conflits, telles la médiation ou la transaction,
faute de quoi l'encombrement continuera à enfler.
Venons-en, à la situation dans les prisons, qui reste, à bien des égards,
catastrophique. En atteste le nombre des suicides : 118 l'année dernière, 114
depuis le début de l'année. On pense également aux scandales qui émaillent
régulièrement l'actualité : celui de Beauvais, ou, plus près de nous, celui de
Riom, qui remet à l'ordre du jour la question du contrôle des prisons.
Mme la garde des sceaux a refusé que la commission nationale de déontologie de
la sécurité soit chargée de cette mission, au motif que le contrôle de
l'autorité judiciaire s'exerce dejà sur ce point. Mais dans quelles conditions
? Nous aimerions savoir où en sont, à cet égard, les réflexions du groupe de
travail présidé par M. Canivet ?
S'agissant de l'état du parc pénitentiaire, chaque budget, année après année,
a son « établissement de la honte » : l'an dernier, nous nous émouvions de la
situation de vétusté extrême dans laquelle se trouvait la maison d'arrêt de
Lyon-Perrache et de sa surpopulation carcérale puisque le taux d'occupation y
était de 165 %. Cette année, c'est au tour des établissements d'outre-mer, et
particulièrement de celui de Saint-Denis de la Réunion, dont une délégation de
la commission des lois du Sénat a qualifié les conditions de détention d'«
humainement inacceptables », constatant en outre que les mesures de sécurité y
étaient tout à fait insuffisantes. Avec son taux d'occupation de 229 %, cet
établissement bat d'ailleurs un bien triste record !
Quel établissement sera, l'année prochaine, celui de la honte ? Nous avons
malheureusement l'embarras du choix !
Très récemment, j'ai visité le centre des Baumettes avec notre collègue M.
Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois pour
l'administration pénitentiaire, et nous avons été profondément choqués devant
l'état de vétusté de cet établissement.
Les établissements pénitentiaires sont dans un tel état de délabrement qu'on a
l'impression, malgré l'effort notable consenti par le Gouvernement dans ce
domaine - près de 600 millions de francs d'autorisations de programme pour la
rénovation ou la reconstruction du parc pénitentiaire, y compris d'ailleurs le
centre des Baumettes - qu'il s'agit d'une goutte d'eau dans un océan !
Comment s'étonner, dès lors, des violences exercées par les détenus sur les
surveillants ?
Certes, la surpopulation carcérale diminue, avec un taux d'occupation qui est
passé de 114 % en 1998 à 107 % en 1999, mais on ne peut se satisfaire d'un tel
chiffre.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen notent avec
satisfaction que le Gouvernement poursuit ses efforts pour l'amélioration de la
vie en prison.
L'année dernière, une action particulière a été menée en direction, notamment,
de l'hygiène ; l'affectation de 152 nouveaux surveillants à l'accueil et à la
prise en charge des détenus devrait permettre de renforcer cette démarche.
On sait aujourd'hui que les efforts devront être maintenus concernant la prise
en charge sanitaire des détenus, en particulier en direction des malades
mentaux.
Nous sommes également sensibles aux moyens affectés à la préparation de la
sortie de prison et à l'accent mis sur les centres pour peines aménagés. Ils
sont en effet de nature à remédier, en partie du moins, à la surpopulation des
prisons et freiner la récidive.
Mon collègue André Gerin soulignait, à l'Assemblée nationale, que le taux de
libération conditionnelle était en baisse en partie à cause de la situation
économique. Il est donc absolument nécessaire de concentrer nos efforts sur ces
questions de réinsertion économique des prisonniers.
Mme la garde des sceaux a souhaité mettre l'accent sur l'importance des moyens
humains dégagés. Nous ne pouvons que l'approuver. Néanmoins, les sénateurs
communistes souhaitent faire part de leurs inquiétudes quant à la gestion de
ces personnels.
Tout d'abord, nous ne sommes pas favorables à la multiplication des emplois
issus du recrutement en masse d'emplois-jeunes. Ces personnels recrutés à titre
temporaire et qui bénéficient d'une formation souvent sommaire ne nous semblent
pas de nature à répondre aux attentes et aux besoins exprimés.
Ainsi, pour ce qui est de l'administration pénitentiaire, l'affectation
d'emplois-jeunes aux quartiers de mineurs peut susciter quelques inquiétudes.
Là, plus que nulle part ailleurs, la délicatesse de la mission à remplir
exigerait au contraire la présence d'un personnel qualifié. On peut exprimer
les mêmes craintes pour la protection judiciaire de la jeunesse.
Veillons également à ne pas former des personnels « au rabais ». Les syndicats
ont émis des réserves quant à l'opportunité d'une formation de six mois pour
les nouveaux éducateurs de la PJJ, ce qui paraît en effet bien court compte
tenu de la complexité des tâches qui leur incombera. Dans le même sens, la
réduction à quatre mois de la formation en école des nouveaux surveillants de
prison ne semble guère opportune. Et songez que, bien souvent, ils sont déjà en
poste avant d'être formés !
Les conséquences de la bonification du 1/5 semblent avoir été mal évaluées :
les 600 départs à la retraite qui devraient avoir lieu au début de 2000 ne
seront pas compensés, au moins dans un premier temps, par les recrutements. Ils
pourraient concerner, dans certains établissements, jusqu'à 20 % des effectifs.
Si l'on y ajoute les mutations, on peut alors craindre que des établissements
pénitentiaires ne se retrouvent avec un personnel majoritairement, sinon quasi
exclusivement novice.
Lorsqu'on connaît le fort taux d'absentéisme qui sévit déjà à l'heure actuelle
chez les personnels de surveillance, compte tenu notamment des conditions de
travail, et la faible attractivité des carrières pénitentiaires aujourd'hui, on
a de quoi être inquiet. Les personnels en place, déjà démotivés par les
inégalités statutaires flagrantes dont ils nous ont fait part et par un manque
de reconnaissance générale, risquent d'être confrontés à un surcroît de travail
qui ne fera qu'amplifier le phénomène et les cantonnera un peu plus dans un
rôle de « porte-clés » dont ils ne se satisfont pas.
Il est donc urgent d'opérer des recrutements en prévision de ces départs. Il
apparaît également nécessaire de revaloriser suffisamment la profession pour
attirer à elle un personnel qualifié et motivé.
Sur toutes ces questions, nous regrettons que Mme la ministre n'ait pas cru
bon de pousser plus loin l'effort de concertation avec les syndicats concernés
: tous ont déploré auprès de nous le manque de dialogue avec la
chancellerie.
C'est dommage. Au surplus, cette situation est préjudiciable au développement
de certains projets. La formule des unités de vie familiale en est l'exemple
symbolique qui risque d'achopper devant les réticences des personnels chargés
de la faire vivre, comme nous avons pu l'entendre dire lors de notre visite des
Baumettes.
Pour conclure, nous voudrions nous faire l'écho des inquiétudes exprimées par
les personnels des greffes des tribunaux de commerce qui ont été supprimés. Le
reclassement de certains d'entre eux ne va pas sans réelles difficultés,
contrairement à la réponse que nous a fournie Mme la ministre lors de son
audition par la commission.
Nous souhaiterions que le ministère règle au plus vite ces situations
individuelles dues, en partie, à la parution tardive du décret relatif à la
cession des greffes et au reclassement des personnels, et dues aussi au manque
de concertation avec les personnels concernés.
Sur toutes ces questions, que j'ai formulées au nom de mon groupe, je souhaite
que, dans un instant, Mme la ministre puisse m'apporter un certain nombre de
réponses.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
malgré les nombreuses analyses critiques entendues ce matin, il faut bien
reconnaître que, dans le projet de loi de finances pour 2000, les crédits du
ministère de la justice connaissent une augmentation globale de 3,9 %, soit
trois fois plus que la croissance moyenne du budget de l'Etat.
Je ne rappellerai pas dans le détail l'architecture de ce budget, que nos
excellents collègues ont soulignée lors de la présentation de leur rapport.
J'évoquerai tout d'abord la place croissante de la justice dans notre société,
et vous ferai part ensuite de mes interrogations sur la politique
pénitentiaire.
La justice est actuellement au centre des préoccupations de l'opinion
publique, des responsables politiques et des médias. Depuis dix ans, de
nombreux rapports se sont succédé, traduisant la perte de confiance des
citoyens en ce service public. Le manque de moyens face à une demande de plus
en plus pressante de justice y était également dénoncé.
Où en est-on aujourd'hui ? Un plan quinquennal avait été lancé, en 1995, pour
rénover l'institution judiciaire, mais il n'a pu atteindre ses objectifs,
compte tenu de l'insuffisance des moyens mis en oeuvre. Sur la proposition de
Mme le garde des sceaux, voilà deux ans, le Gouvernement a décidé d'engager une
réforme de la justice articulée autour de sept projets de loi. Cet ensemble, en
cours de discussion tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, nécessitera une
réunion en congrès du Parlement.
Ce train de réformes ne pourra être mis en oeuvre sans que la justice
bénéficie durablement d'une part suffisante dans le budget de l'Etat.
En effet, le système judiciaire évolue, mais sans pouvoir répondre, jusqu'ici,
à l'attente des justiciables, dont les demandes sont croissantes. La justice
doit arbitrer des conflits de plus en plus nombreux dans une société frappée
par l'incivilité et la délinquance.
Il est vrai que notre pays fait l'objet de recours devant la Cour européenne
des droits de l'homme. Cependant, il faut rappeler qu'une grande part de ce
contentieux concerne la durée excessive des procédures pénales, les décisions
sans appel des cours d'assises et l'importance de la détention provisoire.
Notre organisation judiciaire reste, malgré l'abondance des affaires à
traiter, soucieuse d'une stricte défense des droits des citoyens. Il en résulte
des délais relativement longs.
Quant aux reproches concernant le nombre des prévenus, il est au centre d'une
large réflexion engagée dans le cadre du projet de loi sur la présomption
d'innocence, afin de limiter la détention provisoire. La solution
gouvernementale consistant à confier la décision de mise en détention à un juge
particulier est l'une des voies de réflexion dans ce débat.
Mes interrogations porteront principalement sur la situation de
l'administration pénitentiaire. Certes, des moyens ont été dégagés par le
ministère afin d'améliorer la prise en charge des personnes détenues et la
sécurité dans le système carcéral.
Dans le cadre de la poursuite de l'amélioration du parc pénitentiaire, je
constate avec satisfaction qu'en plus des efforts de réhabilitation et
d'entretien des locaux l'année 2000 sera celle du plein engagement en faveur de
la construction de six - voire sept, si l'on tient compte de la promesse qui a
été faite pour Saint-Denis de la Réunion - nouvelles prisons et de la
rénovation lourde des cinq principales maisons d'arrêt de France, celles qui
posent le plus de problèmes.
Des préoccupations demeurent néanmoins sur certains aspects du fonctionnement
de l'administration pénitentiaire. Dans beaucoup de pays, les effectifs de
personnes emprisonnées ne cessent de croître. Il faut savoir que l'augmentation
de la population carcérale en France est due en grande partie à la sévérité des
condamnations et à l'allongement consécutif des durées de détention. Cette
surpopulation, malgré une certaine stabilisation récente du fait, notamment, de
la diminution du nombre de prévenus, reste préoccupante par la promiscuité
qu'elle entraîne dans certains établissements pénitentiaires.
Afin d'éviter l'incarcération pour des courtes peines, on dispose, depuis la
loi du 19 décembre 1997 - comme l'a rappelé mon collègue et ami Georges Othily
- de la possibilité de placement sous surveillance électronique. Vous savez
tout l'intérêt que je porte, et depuis de nombreuses années, à cette
alternative à l'emprisonnement.
Mme le ministre nous a annoncé l'expérimentation prochaine de cette technique
dans les centres pour peines aménagées. Je me réjouis - malgré certains bruits
entendus ce matin - qu'en 2000 la mise en oeuvre de cette loi, votée par le
Parlement voilà deux ans, se fasse dans le centre de Metz puis dans celui des
Baumettes, à Marseille. Je serais reconnaissant au Gouvernement de tenir
strictement informé le Sénat de l'évolution de ce processus.
Il faut aussi améliorer les conditions de vie des condamnés détenus. Ce souci
humaniste doit naturellement être concilié avec la préoccupation du maintien de
l'ordre dans les prisons. C'est dire combien les solutions sont difficiles à
trouver. On peut tout de même se féliciter des progrès déjà accomplis.
Cependant, si la prison s'humanise, elle reste un espace de contraintes après
avoir été longtemps une zone de non-droit.
Cette évolution conduit à plusieurs réflexions. La première est qu'une
judiciarisation des décisions du juge d'application des peines doit être
aujourd'hui envisagée. Cette proposition, que j'avais présentée voilà quelques
années, devrait permettre de respecter les droits de la défense dans des
décisions jusqu'ici considérées comme de simples mesures disciplinaires.
En ce domaine de l'humanisation de la vie sous main de justice, la situation
doit impérativement évoluer. Je tiens à souligner l'heureuse initiative prise
par Mme le garde des sceaux de mettre en chantier un code de déontologie - à
défaut d'appliquer à l'administration pénitentiaire le code de déontologie des
forces de sécurité en général - et d'instituer un groupe de travail, sous la
présidence du premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, chargé
de rénover le contrôle externe de l'administration pénitentiaire.
Je participe avec intérêt aux travaux de ce groupe, qui devrait proposer dans
ses conclusions une clarification des contrôles existants ainsi que des mesures
nouvelles permettant de faire mieux respecter les droits de la personne humaine
détenue.
Enfin, je tiens à évoquer le système de santé dans le milieu carcéral, qui a
nécessité une réforme, décrite dans la circulaire ministérielle du 21 décembre
1990 et, surtout, clairement définie par la loi du 18 janvier 1994.
Ces efforts d'adaptation étaient indispensables étant donné l'impact de la
durée et des conditions de détention sur l'état de santé des prisonniers. Cet
impact est d'autant plus sensible que la population carcérale a un profil
sanitaire particulier.
Elle comprend, en effet, 80 % de fumeurs invétérés et 15 % de toxicomanes ;
les hépatites B et C y sont fréquentes ; le taux de prévalence du VIH y est
beaucoup plus important que dans l'ensemble du pays ; enfin, des troubles de
santé mentale touchent un nombre non négligeable de détenus.
Les moyens sanitaires en milieu pénitentiaire ont été longtemps inadaptés à la
diversité et à la gravité des pathologies. Certes, les contraintes liées au
maintien de l'ordre et à la sécurité rendent l'intervention médicale plus
complexe.
Aujourd'hui, que constate-t-on ? Les unités de consultation et de soins
ambulatoires sont créées ou en passe de l'être. Les conventions de transfert de
la prise en charge sanitaire de l'administration pénitentiaire vers le service
public hospitalier sont presque toutes élaborées. De même, l'adaptation des
missions de l'établissement public de santé national de Fresnes, dans le cadre
de ce nouveau dispositif, est en préparation. Je me félicite de cette
évolution.
Néanmoins, le caractère alarmant du récent rapport Pradier, qui attire
l'attention sur les difficultés résultant d'une présence de malades mentaux en
augmentation dans les prisons, conduit logiquement à de nouveaux efforts. Ces
derniers doivent se faire en faveur non seulement des services médicaux
psychiatriques régionaux mais aussi d'autres structures d'accueil à
inventer.
J'aimerais savoir si l'année 2000 sera celle de la mise en oeuvre d'un
dispositif sanitaire cohérent, rénové, en pleine application de la loi du 18
janvier 1994. Pour ma part, je souhaite que les actions entreprises jusqu'ici
se concrétisent le plus rapidement possible.
Compte tenu de la progression globale des crédits du ministère de la justice
et des efforts en vue d'une évolution humaniste des services pénitentiaires, je
voterai, malgré certaines insuffisances, le budget de la justice pour 2000.
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
Robert Badinter procédait, voilà un instant, avec le brio et la maîtrise du
sujet que nous lui connaissons, à l'examen des crédits des services
judiciaires. J'aborderai, quant à moi, celui des crédits de l'administration
pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.
Ce budget est en constante augmentation. Pourtant, nous avons noté, en
commission des lois et peut-être aussi ce matin, au cours des débats, des
réactions plutôt contrastées.
Pour ne fâcher personne dans cet hémicycle, et après avoir relevé l'avis
favorable du rapporteur spécial de la commission des finances et la mention «
bon budget au plan quantitatif » décernée à l'Assemblée nationale par le
rapporteur, M. Devedjian, je ne puis que m'étonner de l'indignation excessive
de certains.
Entendre un ancien ministre des finances, ces derniers jours, et ce matin
encore à la radio, vilipender sans retenue l'action qui est conduite, critiquer
un budget trois fois supérieur à la croissance moyenne du budget de l'Etat,
réclamer à hauts cris un plan Orsec pour la justice après avoir lui-même,
lorsqu'il était aux responsabilités, taillé allègrement dans les crédits de la
justice, ne manque pas de piquant. Il est vrai que, pour dépenser beaucoup plus
et baisser massivement les impôts, M. Madelin, puisque c'est de lui qu'il
s'agit, entrevoit la panacée de la privatisation, privatisation des prisons
avant celle, on peut l'imaginer, d'autres pans de notre administration.
C'est une vision, c'est une philosophie, mais ce n'est pas la nôtre. Avec
moins de démagogie, mais certainement avec plus de sérénité, Mme la garde des
sceaux nous propose de poursuivre et d'amplifier les efforts consentis ces
trois dernières années en augmentant - cela a été dit - de près de 6 % les
crédits de l'administration pénitentiaire et de 14,7 % ceux qui concernent la
protection judiciaire de la jeunesse.
L'administration pénitentiaire absorbe plus d'un quart du budget de la justice
et, cette année, plus d'un tiers des autorisations de paiement. Cela démontre,
là encore, la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre les quatre grandes
orientations de la politique pénitentiaire, que je ne rappellerai pas.
Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit la création de 386 emplois,
dont 290 emplois de surveillants. Je me félicite que ces emplois soient
destinés à mieux préparer la sortie de prison. Or, cette préparation, qui est
essentielle pour prévenir la récidive, a longtemps été négligée par les
pouvoirs publics. Mme la ministre de la justice tente de rattraper ce retard :
outre le projet d'exécution des peines, qui permet de placer les personnes
condamnées dans une perspective de réinsertion dès le début de la peine, et les
centres pour peines aménagées, elle met en place deux réformes susceptibles de
favoriser la réinsertion des détenus : la mise en place des unités de vie
familiale et la modification de la liberté conditionnelle.
Nous encourageons Mme la ministre à généraliser les dispositifs d'unités de
vie familiale, tout comme nous l'encourageons à réfléchir à l'instauration d'un
revenu minimum pour les détenus les plus démunis.
La libération conditionnelle, quant à elle, est l'une des mesures les plus
efficaces pour préparer la réinsertion des condamnés et limiter la récidive. On
dénombre deux fois moins de récidives parmi les détenus qui ont bénéficié de
cette mesure. Cela a encore été rappelé ce matin par un responsable syndical
dans une interview à un quotidien.
Or, depuis quelques années, on assiste à une baisse du nombre de libérations
conditionnelles. Aussi Mme la ministre a-t-elle, à juste raison, mis en place
un groupe de travail chargé de réfléchir à cette question et dont nous
attendons beaucoup.
Si l'on constate depuis quatre ans une diminution constante de la population
carcérale, le taux d'occupation des établissements pénitentiaires reste encore
trop élevé.
Cette surpopulation associée à l'allongement de la durée des incarcérations a
des incidences sur les détenus, dont le taux de suicide est très préoccupant.
L'observatoire international des prisons a fait état du suicide de 114
personnes dans les prisons françaises depuis le début de l'année. Cette
information a beaucoup ému l'opinion. Les gardiens de prison nous le disent :
il est impossible de travailler avec des personnes qui n'ont aucun espoir.
L'état de santé des détenus est, lui aussi, inquiétant. A côté des pathologies
traditionnelles, on assiste à une augmentation des détenus souffrant de
troubles mentaux, troubles aggravées par l'allongement constant des peines qui
leur sont infligées ainsi que par les conditions de la vie carcérale.
Malgré le renforcement des soins psychiatriques en prison se pose en
permanence la question de la présence de ces détenus malades, au comportement
imprévisible et souvent violents. Face à eux, les surveillants sont démunis,
car ils ne sont pas formés pour gérer ce type de situation.
Je me réjouis que le Gouvernement fasse des efforts importants pour la
formation des personnels pénitentiaires et je me félicite des mesures
statutaires et indemnitaires dont ceux-ci font l'objet.
Nombre de problèmes que je viens d'évoquer sont en partie liés à la
surpopulation carcérale. Les efforts pour lutter contre cette dernière ont,
jusqu'à présent, essentiellement porté sur les flux d'entrée en détention.
Outre le développement des alternatives à l'incarcération, qu'il faut
multiplier à tout prix, une réforme de la détention provisoire a été engagée.
Par ailleurs, le projet de loi visant à renforcer la protection de la
présomption d'innocence, actuellement en discussion devant le Parlement,
devrait limiter les détentions provisoires, et donc l'encombrement des maisons
d'arrêt.
Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, les crédits qui la concernent
augmentent, dans le projet de loi de finances pour 2000, de 14,7 % et
atteignent 3 200 millions de francs en crédits de paiement. Cette forte
croissance des crédits mis à la disposition de la protection judiciaire de la
jeunesse, que l'on peut, comme l'a fait le rapporteur pour avis M. Patrice
Gélard, qualifier d'exceptionnelle, traduit la priorité donnée par le
Gouvernement au traitement de la délinquance juvénile.
L'augmentation des moyens en personnel est sans précédent. Cet effort se
traduit par des mesures de revalorisation statutaires et indemnitaires, par un
effort pour le recrutement et la formation des délégués des procureurs et par
une meilleure prise en compte des situations d'urgence grâce à une coordination
accrue. Cela doit maintenant se traduire rapidement par du concret.
Dans vingt-six départements prioritaires, la prise en charge immédiate a été
décidée et elle est effective dans neuf d'entre eux. Même si elle se heurte à
des difficultés, la mise en place de ces centres de placement immédiat est une
réelle innovation.
On peut se féliciter du travail accompli par les délégués du procureur chargés
de mettre en oeuvre, à la demande ou sous le contrôle du parquet, des mesures
décidées dans le cadre de l'opportunité des poursuites, principalement des
rappels à la loi et du classement sous condition.
Le projet de budget pour 2000 marque votre volonté, madame la garde des
sceaux, de faire de ce secteur un outil majeur de la lutte contre la
délinquance des mineurs et, par ricochet, de la délinquance en général. Le
groupe socialiste se félicite de ce choix.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Jean-Pierre Bel.
Notre collègue Hubert Haenel, rapporteur spécial de la commission des
finances, a émis un avis favorable sur votre projet de budget, madame la
ministre. La commission des lois, elle, s'en est remise à la sagesse du Sénat
pour les crédits des services judiciaires, a adopté ceux de la protection
judiciaire de la jeunesse et rejeté ceux de l'administration pénitentiaire. Je
laisse chacune juge de la cohérence de l'ensemble !
Quant au groupe socialiste, madame la ministre, il votera sans état d'âme
votre projet de budget comme il sera prochainement derrière vous, uni et
rassemblé, pour appuyer vos choix, et plus précisément le chantier de réforme
de la justice. Nous le ferons d'autant plus aisément, madame la ministre, que
vos engagements et votre action depuis maintenant deux ans et demi donnent du
sens à nos convictions et font honneur à l'image que nous avons d'une justice
équitable, transparente et moderne.
(Applaudissements sur les travées
socialistes. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Madame le garde des sceaux, depuis deux ans, le Sénat a approuvé le budget du
ministère de la justice qui a effectivement connu des augmentations sensibles,
et vous soulignez vous-même qu'en trois ans les crédits du ministère de la
justice progresseraient de 14 % et que près de 3 000 postes seraient créés.
Le fait que, pour 2000, le budget augmente de 3,91 %, un peu moins que les
autres années mais l'inflation est, paraît-il, moins importante, ne doit pas
faire oublier qu'il ne représente, beaucoup l'ont dit, que 1,62 % du budget de
l'Etat, pour une de ses missions essentielles. Pour un parlementaire en
fonction depuis quelques années, une progression de 0,2 % par an, c'est tout de
même considérable.
Mais encore faut-il examiner de près si ce budget correspond aux objectifs
affichés d'amélioration de la justice au quotidien, au-delà des réformes en
tous genres engagées.
S'il faut se féliciter, comme l'ont fait MM. les rapporteurs et de nombreux
orateurs, de l'effort en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse pour
traiter la délinquance des mineurs - 380 postes créés auxquels s'ajoutent 25
postes de magistrat et de greffier - et si on note une augmentation de 5,9 %
des crédits des services pénitentiaires, on ne peut en dire autant des services
judiciaires, dont la part relative baisse en 2000. L'augmentation n'est que de
0,6 %, monsieur le rapporteur ; j'ai puisé ces excellents chiffres dans votre
rapport.
Une observation souvent faite s'impose tout d'abord en ce qui concerne
l'équipement. On note une forte diminution des autorisations de programme et
des crédits de paiement, et, quel que soit le garde des sceaux - cela dure
depuis longtemps - on ne peut guère se féliciter de l'efficacité des services
du ministère de la justice en matière d'équipement. D'ailleurs, certains
nouveaux palais de justice - mais cette situation n'est pas nouvelle - font
sans doute plaisir aux architectes mais moins aux utilisateurs. En effet, on
constate des malfaçons ou des difficultés de fonctionnement considérables dans
un certain nombre de palais de justice. Je pense tout particulièrement à l'un
d'entre eux, que vous avez inauguré récemment, madame le garde des sceaux.
J'en viens aux moyens des services judiciaires. Il est apparemment très
satisfaisant que des juridictions soient dotées de nombreux postes. Cependant,
un examen attentif montre que, sur les 212 postes de magistrat créés, seuls 34
postes sont réservés à l'amélioration de la justice au quotidien, outre les 25
postes que j'évoquais tout à l'heure au titre de la justice des mineurs.
Si le recrutement de cent assistants de justice supplémentaires est positif,
on peut s'interroger sur la création de 1 050 agents de justice, ce qui
constitue une nouveauté. Nous pensions jusqu'à présent que les emplois-jeunes
devaient être, comme cela nous avait été dit, des emplois « émergents ». Or, il
apparaît clairement que, dans leur grande majorité, ceux-ci vont remplacer les
contrats emploi-solidarité et autres emplois précaires pour soulager les
greffes et les services d'accueil du public.
Mais surtout, outre les quarante-huit emplois prévus pour la mise en oeuvre de
la réforme de la procédure de la détention provisoire, après les cinquante qui
avaient été inscrits au budget de 1999, cent postes sont réservés pour la
réforme des tribunaux de commerce, afin de permettre la « mixité ». On ne peut
que déplorer, même si la réforme des tribunaux de commerce se révèle
nécessaire, le caractère précipité et polémique pris par cette question.
Certes, des dysfonctionnements et quelques comportements indélicats, et même
délictueux, ont existé. Ils ont été grossis à l'excès par un rapport trop
partiel et partial ; ce n'est pas celui qui a été établi par le ministère de la
justice. D'ailleurs, qu'a donc fait le parquet sur ces affaires ? Cependant, on
ne peut oublier les services rendus par les juges consulaires depuis tant de
décennies. D'ailleurs, je serais heureux de connaître le nombre d'appels
concernant les décisions au fond des tribunaux de commerce, notamment en
matière de défaillances d'entreprises. Qu'en sera-t-il au 1er janvier prochain,
puisque nombre de juges de tribunaux de commerce démissionnent en bloc, car ils
ont été ulcérés par la campagne de dénigrement systématique et orientée dont
ils ont fait l'objet.
Certes, et ce sera sans doute la seule réforme de la carte judiciaire qui
marquera votre présence à la chancellerie - même si nous vous y souhaitons une
longue vie - l'émiettement des juridictions commerciales dans certaines zones
mérite un regroupement, à condition qu'une juste indemnisation des personnels
et des greffes intervienne.
Par ailleurs, nous ne connaissons pas encore, si ce n'est de manière très
lacunaire et par voie de presse, la teneur exacte des projets dans ce domaine.
Deux questions se posent. Compte tenu des enjeux humains, notamment la
situation des personnels, et des enjeux économiques, la justice commerciale
requiert à la fois la rapidité et une connaissance approfondie des entreprises.
Nous savons que, dans les circonscriptions judiciaires où il n'existe pas de
tribunaux de commerce, la situation n'est pas non plus parfaite, c'est le moins
que l'on puisse dire, et que les professionnels du droit se plaignent de
retards dans le traitement des difficultés des entreprises dans certaines
juridictions. Qu'en sera-t-il demain ? Comment garantir, même s'ils sont
accompagnés d'assesseurs, qu'un ou deux juges professionnels par tribunal de
commerce mèneront à bien cette tâche ?
Enfin, quels juges allez-vous recruter et comment ? Par l'Ecole nationale de
la magistrature ou dans divers corps d'Etat ? Il faut être très attentif à la
qualité des personnes recrutées : des professionnels du droit, dotés d'une
connaissance des entreprises. De ce point de vue, les juges du commerce tels
qu'ils existent actuellement sont indispensables.
Enfin, j'évoquerai la situation dans les départements et territoires
d'outre-mer, dernier sujet de préoccupation qui ne permet pas de porter un
jugement favorable sur votre projet de budget, madame le garde des sceaux. J'ai
eu l'occasion de dire, dans mon rapport sur le budget des territoires
d'outre-mer, combien la situation est préoccupante dans certains territoires.
D'ailleurs, les statistiques sont lacunaires ou très tardives ou inexistantes.
Il est un département français, la Guyane, où la justice est en faillite, comme
le montrent les rapports parlementaires et de grands hebdomadaires. Pour sa
part, la commission des lois du Sénat l'a constaté sur place. Il faut
absolument remettre de l'ordre. En effet, sur 1 200 jugements rendus, une
vingtaine seulement auraient été dactylographiés et exécutés. Si c'est la
réalité, on ne peut accepter cette situation plus longtemps et des mesures
urgentes doivent être prises pour y remédier.
Telles sont, madame le garde des sceaux, les observations complémentaires que
je souhaitais présenter après mon excellent collègue M. Fauchon. Bien entendu,
ce budget se situe aussi dans une période où l'on parle beaucoup de la justice,
certains le faisant d'ailleurs de manière inconsidérée. Vous le savez bien,
nous attendons que l'Etat prenne ses responsabilités quand des magistrats se
permettent de dépasser les bornes, soit en critiquant des commissions
parlementaires, soit - ce qui est plus grave - en disant que les sénateurs font
du chantage.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
- M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui marque une progression de
3,9 % par rapport à 1999 et s'inscrit dans la continuité des efforts engagés
dans ce domaine depuis 1988, comme cela a été dit à plusieurs reprises par les
orateurs qui m'ont précédé.
En effet, les crédits consacrés à la justice sont maintenus, et certains
d'entre eux, notamment ceux qui sont destinés aux créations de postes,
augmentent même notablement. Aussi, quantitativement, ce projet de budget
est-il bon.
Pourtant, je reste sceptique quant aux résultats que le projet de budget
permettra d'obtenir, n'étant pas convaincu de la complète utilisation des
crédits annoncés.
M. Raymond Courrière.
C'était la spécialité de M. Juppé, cela !
M. Dominique Leclerc.
Cette incertitude, nous la tenons de la situation actuelle : on constate la
diminution du taux de consommation des crédits de paiement et des autorisations
de programme, alors même que persistent un certain engorgement des tribunaux,
l'allongement des délais de jugement et un manque d'accessibilité de la justice
pour l'ensemble de nos concitoyens.
Ainsi, si l'aspect quantitatif est satisfaisant, on ne peut pas toujours en
dire autant de l'aspect qualitatif. Il est donc essentiel d'améliorer la «
performance » de la justice.
Cela doit se traduire notamment, bien sûr, par des efforts financiers, qui
devraient vous être aisés, madame le garde des sceaux, puisque le Gouvernement
annonce avec satisfaction des embellies fiscales.
Cependant, l'amélioration du fonctionnement de la justice exige une volonté
politique forte.
A cet effet, nous attendons, madame le garde des sceaux, l'annonce d'une
nouvelle loi de programmation qui permettrait non seulement de remettre à
niveau l'ensemble du secteur judiciaire, mais aussi d'y apporter quelques
améliorations.
Je pense tout d'abord ici aux délais de jugement, qui, je vous l'ai dit,
restent beaucoup trop longs, que ce soit au civil, au pénal ou devant les
juridictions administratives, où le nombre annuel d'affaires enregistrées
progresse de plus de 10 % par an.
Or les Français ne comprennent plus aujourd'hui de telles lenteurs. Par
conséquent, je souhaite que les créations de postes prévues par votre projet de
budget permettent, malgré le nombre insuffisant de magistrats spécialisés, une
amélioration notable des services rendus.
Permettez-moi maintenant, mes chers collègues, d'aborder le problème de la
petite délinquance, notamment de la délinquance des mineurs, à laquelle nos
concitoyens sont particulièrement sensibles, puisqu'ils y sont confrontés
quotidiennement.
Dans ce domaine, certaines solutions, comme la convocation par officier de
police judiciaire ou la mesure de réparation, mériteraient d'être préconisées
plus largement, malgré certaines réticences des uns et des autres.
En effet, la convocation par officier de police judiciaire, de par sa forme,
est une bonne mesure, puisqu'elle permet au jeune délinquant de prendre
conscience de la relation directe qui existe entre son acte délictueux et
l'intervention du juge.
La mesure de réparation, quant à elle, présente l'avantage de pouvoir être
prononcée avant le jugement. Elle constitue ainsi une réponse rapide et adaptée
au délit, tout en réduisant le sentiment d'impunité et en replaçant la victime
au centre du débat.
Dans ce domaine, les maisons de justice, qui sont en plein développement, ont
elles aussi un grand rôle à jouer. Elles permettent en effet d'assurer une
présence judiciaire de proximité et de répondre de manière adaptée au problème
de la petite délinquance, notamment en associant différents partenaires aux
professionnels de la justice, ainsi qu'en impliquant les parents.
Toutefois, nous devons prendre garde aux dérives possibles, car ces maisons de
justice sont des lieux d'accès au droit, où il faut notamment veiller à ce que
l'institution judiciaire ne soit pas désacralisée. Nous devons donc faire en
sorte qu'elles restent l'apanage de professionnels, qui seuls sont susceptibles
de rendre une justice de qualité.
Le problème du financement se pose par ailleurs avec la même acuité pour
l'aide juridictionnelle, qui connaît un immense succès, puisque le nombre des
dossiers a décuplé en dix ans.
Pourtant, là aussi, les moyens, qui atteignent 17 millions de francs, restent
insuffisants. Or, si vous souhaitez réellement que les plus démunis puissent
bénéficier eux aussi d'une défense de qualité et que chacun de nos concitoyens
puisse se voir accorder une aide, vous vous devez d'accroître les crédits
consacrés à l'aide juridictionnelle. Nous ne pouvons, madame le garde des
sceaux, au motif de vouloir réduire les flux, faire entrer la justice dans une
logique purement comptable.
J'aimerais à présent formuler quelques remarques sur la situation de
l'administration pénitentiaire.
Dans ce domaine, malgré une hausse de 5,85 % par rapport au précédent budget,
les moyens en personnels restent encore insuffisants, notamment au regard de la
surpopulation carcérale qui, en dépit d'une stagnation du nombre des détenus
depuis trois ans, reste importante. Elle accroît les risques de conflits entre
détenus, et donc la charge de travail des personnels de surveillance, qui se
trouve également alourdie par certaines réformes que vous mettez en place, par
exemple l'instauration de la « troisième douche ».
Cette dernière réforme est bonne en soi, mais, une fois encore, sa mise en
oeuvre exige des moyens supplémentaires en termes de personnels de
surveillance, que les établissements, pour certains d'entre eux déjà en
sous-effectif, ont du mal à dégager. Ne serait-il pas possible, pour le parc
classique, de procéder à l'installation de douches dans les cellules, ce qui
éviterait des mouvements supplémentaires et donc les problèmes de personnel
afférents ?
Un autre problème important demeure celui du suivi social des détenus, en vue,
notamment, de limiter la récidive. Permettez-moi à cet égard de prendre
l'exemple de mon département.
En juin 1999, le service pénitentiaire de probation et d'insertion a été
officiellement créé en Indre-et-Loire. Ainsi, le suivi social et l'insertion
sont désormais assurés par un seul service départemental responsable des
milieux fermé et ouvert. Ce service représente aujourd'hui le seul
interlocuteur administratif pénitentiaire en matière d'accompagnement et
d'insertion pour tous les partenaires départementaux, ce qui est une bonne
chose.
J'ai pu personnellement constater la remarquable qualité du travail accompli
par cette administration. Cependant, pour garantir véritablement l'efficacité
du suivi par ce service des populations concernées, il convient de poursuivre
avec détermination les efforts entrepris en matière de recrutement.
En effet, j'ai noté qu'un éducateur est chargé en permanence d'en moyenne 120
dossiers, ce qui est très lourd. Globalement, ce sont en permanence près de 1
000 dossiers par an qui sont gérés par huit travailleurs sociaux.
Par ailleurs, les observations que j'ai faites localement me conduisent à
penser que le développement de la semi-liberté est essentiel, l'enfermement
contribuant, dans la plupart des cas, à déstructurer plus encore la
personnalité d'individus déjà en difficulté.
Pour les peines inférieures à un an d'emprisonnement, qui sont les plus
nombreuses, le magistrat peut prononcer une mesure alternative à
l'incarcération. La semi-liberté fait partie de ces mesures, or le recours à
celle-ci est actuellement limité, faute de places, ce qui est particulièrement
regrettable. Dans mon département, la maison d'arrêt de Tours possède quatorze
places de détention en semi-liberté, ce qui est nettement insuffisant au regard
des besoins. Alors que nous nous accordons tous aujourd'hui pour recommander un
recours plus large aux mesures alternatives à l'incarcération, le manque de
moyens conduit encore à limiter l'application du régime de la semi-liberté.
La construction d'un centre autonome en agglomération constituerait une
réponse cohérente avec les ambitions affichées par les différents budgets de la
justice depuis la mise en oeuvre du programme pluriannuel. Je souhaite, dans
l'intérêt des personnes concernées, que cette requête rencontre votre
approbation, madame le ministre, et je vous remercie par avance de bien vouloir
prendre en compte les différents points que je viens d'évoquer.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat doit
aujourd'hui se prononcer sur les crédits du ministère de la justice. Si l'étude
de chaque projet de budget est un moment important pour le Parlement, celui que
nous examinons maintenant est essentiel, puisqu'il correspond à l'une des
missions régaliennes de l'Etat. Qui plus est, cette fonction, en application de
la théorie de la séparation des pouvoirs, est l'un des trois pouvoirs
permettant à la démocratie d'exister.
Un Etat de droit ne peut, en effet, durer sans une justice indépendante et
efficace. Or, en Guyane - et j'y reviendrai ultérieurement - la justice ne
répond plus à ces principes.
Les crédits qui nous sont soumis, madame la garde des sceaux, connaissent une
augmentation de 3,9 % dans le projet de loi de finances pour 2000. A ce stade
du débat, il apparaît inutile de revenir sur l'ensemble des éléments que nous
ont présentés, avec éloquence, nos éminents collègues, M. Haenel, Mme Derycke
et M. Gélard. Je centrerai donc mon intervention sur deux points, à savoir la
situation particulière de la justice en Guyane et les peines alternatives à
l'emprisonnement.
J'évoquerai tout d'abord les défaillances dont souffre la justice
guyanaise.
Si, en métropole, le système judiciaire connaît des maux, que la loi de
programmation de 1995 a permis de commencer à atténuer - action d'ailleurs
poursuivie par le Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre - en
Guyane la justice se trouve actuellement dans un état plus que lamentable.
Madame la garde des sceaux, un rapport vous a été remis, voilà quelques mois,
dressant un tableau accablant de l'état de la justice guyanaise : au manque de
moyens matériels s'ajoutent des insuffisances en matière de personnel.
En effet, on peut s'étonner que le budget de fonctionnement de la juridiction
de Cayenne stagne depuis plus de huit années, alors que la population
guyanaise, pour sa part, a crû d'un tiers au cours de la même période. Dans ce
département d'outre-mer, l'on peut parler réellement, et le mot n'est pas trop
fort, de justice sinistrée.
Madame la garde des sceaux, si le Gouvernement marque une attention
particulière à la justice, notamment grâce à votre action, le département de la
Guyane semble être oublié. Il faut pourtant impérativement donner à la justice
guyanaise les moyens d'améliorer son fonctionnement au quotidien.
En ce sens, si l'on peut souhaiter une hausse des effectifs et des moyens en
personnel, il apparaît urgent, parallèlement, de créer une cour d'appel
autonome à Cayenne, car l'échelon actuel de Fort-de-France ne répond pas aux
exigences d'une juridiction à double degré, son fonctionnement anormal étant
fortement et depuis longtemps remis en cause.
En effet, les réquisitions sont souvent prises, en première instance et en
appel, par le même substitut au procureur lorsque l'avocat général ne peut
venir de Fort-de-France.
On peut proposer, au surplus, pour tenir compte des exigences de la
population, la création d'un tribunal de grande instance dans la région ouest
de la Guyane. Si une maison de justice a été créée à Saint-Laurent-du-Maroni,
cela ne renforce en aucun cas la présence judiciaire.
Ainsi, madame la ministre, les départements d'outre-mer, partie intégrante de
la République, doivent se voir appliquer les mêmes lois et connaître le même
système juridictionnel que la métropole.
Ce n'est pas le cas actuellement, et la situation est telle, en Guyane, que
des mesures urgentes doivent être arrêtées, car on assiste à des grèves à
répétition au tribunal de Cayenne. Bientôt, les magistrats descendront dans la
rue avec les membres du barreau. Ils l'ont d'ailleurs déjà fait voilà quelque
temps, et ils risquent très certainement de récidiver avant la fin de
l'année.
S'agissant des mesures alternatives à l'emprisonnement, je désirerais
maintenant vous faire part de mes interrogations concernant le service
pénitentiaire, ce pan de la justice que l'on dit souvent oublié. Dans la
plupart des pays occidentaux, les effectifs des personnes emprisonnées ne
cessent de croître. Pourquoi, dans les sociétés où la liberté est posée comme
un principe fondamental, recourt-on toujours autant à la prison ? La prison y
apparaît comme la sanction habituelle et efficace, et si la surpopulation
carcérale n'est pas une caractéristique française, elle reste un problème
préoccupant.
Aujourd'hui, après la suppression des peines corporelles, des travaux forcés
et de la peine de mort, la privation de liberté est la peine la plus élevée
dans l'échelle des peines. Alors que la gamme des petites peines a été élargie,
les infractions les plus graves n'ont toujours, à l'heure actuelle, qu'une
solution : la prison.
Parmi les peines les moins lourdes, on doit compter, depuis la loi du 19
décembre 1997, le placement sous surveillance électronique.
Ce système, comme l'a d'ailleurs rappelé mon éminent collègue Guy Cabanel,
apparaît comme une alternative intéressante à l'emprisonnement. Je serais
heureux, madame la ministre, que vous nous rappeliez, dans cet hémicycle, les
lieux d'expérimentation qui ont été choisis par le Gouvernement. Surtout, je
pense qu'il est grand temps de voir appliquer cette loi adoptée par le
Parlement voilà bientôt deux ans. Je vous serais ainsi reconnaissant de me dire
quand cette loi sera appliquée non plus sous forme d'expérimentation sur
certains sites mais d'une manière générale et définitive.
Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre vote favorable sur votre
projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE. - M. Haenel,
rapporteur spécial, et Mme Derycke, rapporteur pour avis, applaudissent
également.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier les
rapporteurs des commissions qui ont apporté leur concours aux travaux
parlementaires précédant le vote de la loi de finances.
Le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Haenel, a donné acte,
et je l'en remercie, de « l'effort budgétaire réel » fait par le Gouvernement
en faveur de la justice, ce qui justifie un avis favorable à l'adoption du
budget de la justice. Il a également fait plusieurs observations importantes
auxquelles je vais m'efforcer de répondre.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez regretté notamment que les services
de la justice ne répondent pas aux questions que vous leur avez posées. Je
déplore absolument ce constat, car j'ai demandé que le rapporteur spécial et
plus généralement tous les parlementaires reçoivent le plus rapidement possible
réponse à leurs questions. Vous avez d'ailleurs bien voulu reconnaître qu'il en
était le plus souvent ainsi. J'aimerais donc que vous me fassiez connaître très
précisément toutes les questions sans retour pour que vous puissiez recevoir,
comme il est bien normal, les réponses qui vous sont dues.
Je voudrais aussi saluer la qualité des travaux des rapporteurs pour avis de
la commission des lois.
Mme Derycke a fait une analyse approfondie et nuancée de la situation des
juridictions et a rappelé l'importance des moyens nouveaux, aussi bien en
personnel que pour l'équipement.
M. Gélard, tout en relevant les difficultés de traitement de la délinquance
juvénile, a salué le changement d'échelle dans les moyens alloués à la
protection judiciaire de la jeunesse.
M. Othily s'est attaché à décrire les progrès qui restent encore à réaliser
par l'administration pénitentiaire pour remplir une mission dont il connaît la
difficulté.
Sans entrer dans le détail des crédits et avant de répondre aux principales
observations des rapporteurs, je voudrais rappeler brièvement les grandes
lignes de l'action que j'ai entreprise à la tête de ce ministère.
Il s'agit, vous le savez, d'une politique d'ensemble qui, d'une part, engage
des réformes très attendues par nos concitoyens et mobilise les moyens
nécessaires pour les mettre en oeuvre et, d'autre part, inscrit dans la durée
l'effort de modernisation et d'amélioration d'une justice au service des
citoyens, conformément à la communication que j'ai présentée au conseil des
ministres du 29 octobre 1997 et dont nous avons débattu ici même le 22 janvier
1998, débat qui donnait déjà, voilà deux ans, une vision globale des textes qui
seraient soumis au Parlement.
Les réformes embrassent l'ensemble du système de la justice. Ce sont d'abord
la réforme constitutionnelle et les projets de loi organique qui fondent
l'organisation judiciaire ; ce sont aussi le projet de loi sur la présomption
d'innocence, qui renforce les garanties du justiciable, le projet de loi sur la
conduite de la politique pénale, qui garantit l'égalité et l'impartialité des
poursuites ; ce sont enfin les réformes destinées à simplifier et à rendre plus
efficace la justice au quotidien. Je crois que l'achèvement de ce vaste
chantier législatif permettra de mieux garantir l'indépendance et
l'impartialité de la justice que réclament les Français.
Mais nos concitoyens réclament aussi une amélioration de la justice au
quotidien. C'est un objectif qui demande un travail de modernisation de longue
haleine et une augmentation des moyens inscrits dans la durée. C'est ce qui est
fait depuis trois ans.
Comme l'ont relevé les rapporteurs, le budget pour 2000 est un très bon
budget. C'est d'autant plus remarquable qu'il vient après les deux exercices
1998 et 1999 qui avaient déjà été très favorables. C'est ainsi que, sur les
trois premiers budgets de la législature, les crédits du ministère auront
progressé de 3,4 milliards de francs, soit un gain de 14 %, et ses effectifs
auront gagné près de 3 000 postes - 2 930 exactement.
Je veux remercier M. Fauchon de son hommage au travail réalisé dans mon
ministère et par l'ensemble des juridictions. Je comprends évidemment que l'on
puisse souhaiter encore plus et encore mieux ; mais on ne rattrape pas, vous le
savez, de tels retards en un jour ni en un seul budget, et c'est bien par un
effort persévérant et soutenu dans la durée que les améliorations que nous
attendons seront obtenues.
Les créations de postes de magistrat seront au total de 422 en trois ans, soit
un effort sans précédent depuis vingt ans. Par ailleurs, les effectifs
d'auditeurs à l'Ecole nationale de la magistrature ont également été accrus dès
1998 pour passer de 140 à 185, ce qui augmentera les effectifs de la promotion
qui sortira en 2002.
A ce sujet, je veux dire à M. Badinter que, actuellement, la part des
magistrats recrutés par le concours de l'ENM représente 80 % des magistrats en
fonction, 20 % provenant soit des concours exceptionnels, soit des recrutements
latéraux.
Les deux concours exceptionnels de 1998 et 1999 représenteront 200 magistrats
supplémentaires, la part de l'ENM, pour la même période, étant de 370
magistrats.
Quant à la commission d'avancement statuant pour l'intégration de magistrats,
elle est aujourd'hui constituée uniquement de magistrats. J'envisage, dans la
loi organique sur le CSM, de transférer cette compétence au Conseil supérieur
de la magistrature rénové.
M. Hubert Haenel,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'effort en faveur de la protection judiciaire de la
jeunesse est historique, avec 380 emplois et une augmentation de 16 % des
crédits ordinaires.
M. le rapporteur spécial a bien voulu observer que « cet effort budgétaire ne
se traduit pas encore par une amélioration du fonctionnement de la justice
».
S'agissant des délais de jugement, je crois qu'il est facile d'expliquer le
décalage. Les statistiques de 1998, sur lesquelles portent les commentaires,
reflètent les postes ouverts dans les budgets de 1997 et de 1998.
L'augmentation forte des moyens en magistrats est intervenue en 1999 et sera
surtout sensible l'an prochain. Chacun comprendra que les moyens attribués pour
l'année prochaine ne peuvent évidemment avoir eu d'impact sur les statistiques
de l'année dernière !
En outre, et comme le rappelle à juste titre M. le rapporteur spécial, les
créations de poste ne se traduisent pas par des renforts au 1er janvier, du
fait des délais liés aux mouvements de personnel. En général, les magistrats ne
sont arrivés dans les juridictions qu'à l'automne 1999.
Vous avez également insisté, monsieur le rapporteur spécial, sur le problème
important des vacances de postes de magistrat. Le seul chiffre sur lequel nous
pouvons nous fonder est celui des vacances budgétaires. Sur ce plan, je
confirme que nous sommes arrivés à un taux très bas, puisque, à la fin de 1999,
seuls 46 postes budgétaires seront non utilisés sur 6 502 ouverts en loi de
finances pour 1999, c'est-à-dire un taux de 0,7 %. Ce résultat est d'autant
plus remarquable que nous sommes en période de créations de poste et qu'il faut
à la fois combler les vacances antérieures et recruter pour pourvoir les
nouveaux emplois.
Mais il faut aussi parler des absences physiques pour raisons diverses, car
c'est bien cela qui est vécu dans les juridictions. Les mises à la disposition
sont modestes - soixante-dix - et les décharges syndicales sont seulement au
nombre de douze. Bien entendu, ce sont les absences pour maladie, les congés de
maternité ou les congés pour formation qui comptent, et c'est la raison pour
laquelle il convient de poursuivre l'effort de création de postes de magistrats
placés auprès des chefs de cour. C'est en effet le système qui permet de faire
face aux vacances temporaires.
Je ne rappelle pas cela pour éluder la question, mais parce que j'ai déjà
indiqué à plusieurs reprises, y compris aux chefs de cour à qui j'ai présenté
le budget pour 2000, que le travail des juridictions sera aussi jugé sur leur
capacité à tirer profit des moyens qui leur sont accordés pour améliorer le
service public. C'est un message qui, je crois, a été entendu.
M. Badinter a fort justement souligné la nécessité de maîtriser les flux en
amont. Plusieurs dispositions vont dans ce sens : le développement des
alternatives aux poursuites pénales, d'ailleurs souhaité également par M.
Leclerc, les aides à la transaction, à la conciliation, la médiation civile, la
réorientation vers les tribunaux d'instance de certains petits contentieux
grâce à l'élévation de leur taux de compétence, la création des maisons de
justice.
Je suis d'accord avec M. Badinter pour rappeler que toutes ces mesures ont
pour objet d'éviter de mettre en oeuvre des procédures juridictionnelles
lourdes pour des affaires qui peuvent être réglées plus rapidement et plus
efficacement par d'autres voies.
Mme Derycke a eu raison d'appeler mon attention sur l'application de la loi du
18 décembre 1998, sur laquelle je peux donner les précisions suivantes : deux
décrets, l'un sur le conseil départemental d'accès au droit, l'autre sur les
maisons de la justice et du droit, ont été transmis au Conseil d'Etat et
devraient être publiés très prochainement ; les autres sont en cours de
consultation auprès des professionnels.
La réforme du juge de la détention va dans le même sens. En limitant le nombre
de détentions provisoires, on limitera ainsi la surpopulation carcérale.
Par ailleurs, et comme le rappellent à juste titre Mme Derycke et M. Badinter,
il faut clarifier le problème des délais. Je ne dirai pas, comme M. Fauchon,
que les statistiques n'ont aucun sens ; je considère plutôt qu'il ne faut pas
tout réduire à un seul chiffre. Nous avons besoin d'indicateurs plus fins et,
l'an prochain, nous devrions enregistrer des progrès en ce sens. Je
souhaiterais, en effet, que l'on essaye de ne pas tout mélanger.
Pour le premier degré de juridiction, c'est plutôt la stabilité qui prime et,
sur longue période, les performances des tribunaux de grande instance se sont
améliorées et sont plutôt bonnes, comparées à celles des autres tribunaux
européens.
De plus, les moyennes nationales cachent une grande diversité de situation. La
moitié des affaires civiles - ce sont elles qui intéressent au premier chef nos
concitoyens - sont traitées en moins de six mois, et les trois quarts en moins
de neuf mois. En général, ce sont les 10 % d'affaires très longues qui font
augmenter les délais moyens des tribunaux.
Le vrai problème, comme l'ont parfaitement observé les rapporteurs et les
orateurs, se pose dans les cours d'appel qui ont vu leur situation se dégrader
très rapidement, les délais de jugement passant de treize mois et demi en 1993,
à dix-sept mois et demi en 1998, et ce en l'espace de cinq ans.
C'est la raison pour laquelle j'ai mis en place un véritable plan d'urgence
pour y faire face, en augmentant de 90 postes les effectifs globaux. Je
regrette d'ailleurs qu'on ait tant attendu pour renforcer ces juridictions. Si
l'on avait commencé à créer des postes plus tôt, en 1995, en 1996 et en 1997,
les statistiques de 1998 seraient évidemment bien meilleures.
S'agissant, par exemple, de la cour d'appel d'Aix, qui est la plus surchargée
de France et que M. Peyrat a mentionnée, je rappelle que son encombrement ne
date pas d'hier : elle avait déjà, en 1994 et en 1995, des délais de jugement
de vingt-trois mois, alors que la moyenne nationale était alors de quatorze
mois. Qu'a-t-on fait à l'époque pour la remettre à flot ? Trois postes en 1996,
zéro en 1997 ! Voilà comment s'expliquent les statistiques de 1998. En
revanche, dès mon arrivée, j'ai pris des mesures d'urgence pour cette même cour
: sept postes de magistrats en 1998, cinq en 1999, soit une augmentation de 10
% en deux ans, et une augmentation de 66 % du nombre des assistants de justice
!
Je réfute ainsi les amalgames tendant à faire croire que tous les tribunaux de
France sont en difficulté, alors que, comme chacun le sait, c'est dans quelques
grandes juridictions et du fait de certains contentieux, notamment dans les
chambres sociales, qu'est concentré l'essentiel des problèmes. Ce n'est pas une
raison pour minorer ces derniers ; mais il faut voir la réalité en face.
Il existe effectivement un problème de contentieux social, que M. Robert
Badinter a bien décrit : 60 % des décisions prud'homales font l'objet d'un
appel, d'où un encombrement des juridictions du second degré.
L'an prochain, comme les années précédentes, les renforts seront affectés dans
les juridictions les plus encombrées dans le cadre de contrats de gestion
incluant des objectifs précis de réduction des stocks. Plus généralement, c'est
un changement de culture qui doit s'installer et qui s'installe d'ailleurs peu
à peu dans les juridictions, avec l'informatisation, la déconcentration, les
contrats de gestion, le développement de l'évaluation, la maîtrise des frais de
justice, les progrès sur le travail en équipe, l'accueil du public, la
coopération avec les autres services de l'Etat.
Plusieurs orateurs ont rappelé la nécessité d'une réforme de la carte
judiciaire. La suppression de trente-six tribunaux de commerce en juillet
dernier a montré qu'on était enfin passé des discours aux actes.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est le plus facile !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Certes, mais encore fallait-il le faire ! Cela faisait
deux cents ans que rien n'avait été fait à cet égard, monsieur Hyest !
Quant à la dernière réforme de la carte judiciaire, elle remonte à 1958 !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il y en a eu deux pendant notre siècle : celle de
Poincaré et celle de Michel Debré, par ordonnance. Aujourd'hui, on ne pourrait
plus faire la même chose !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est dommage !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Par conséquent, les concertations engagées localement
sur ces mesures ont permis d'ouvrir des discussions sereines et constructives
sur la meilleure façon de concilier la bonne utilisation des moyens publics et
les exigences de la justice de proximité, et je pense que nous progressons dans
la bonne voie.
M. Bret a, sur ce sujet, souhaité connaître les dispositions prises pour
accompagner la fermeture des greffes des tribunaux de commerce.
Les deux décrets concernant, d'une part, le reclassement des greffiers et,
d'autre part, les modalités de conciliation pour le rachat des offices entre
greffiers ont été publiés au
Journal officiel
du 7 décembre. Je rappelle
qu'il s'agit de mesures d'accompagnement qui ne concernent que la situation
personnelle des greffiers et qui n'interfèrent pas avec les mesures de carte
judiciaire.
Le décret de suppression des tribunaux a été publié en juillet dernier. La
préparation des opérations de transfert de registres et d'archives a donc été
suffisante pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain.
M. Badinter a également attiré mon attention sur les difficultés que peuvent
rencontrer certains conseils de prud'hommes du fait de l'insuffisance de leurs
moyens administratifs. Je partage sa préoccupation et je rappelle que le projet
de budget pour 2000 ouvre 145 postes de greffiers, après 122 en 1999, pour
renforcer les juridictions qui en ont besoin.
J'indique à Mme Derycke, que c'est dans cette masse que sont prévus la
trentaine de greffiers qui constitueront des renforts pour la gestion du
PACS.
Il faut également mentionner les efforts faits pour les juridictions
administratives, avec la création de 82 emplois dont 40 de magistrat, contre 61
dont 21 de magistrat en 1999.
Ces créations d'emplois sont complétées par un effort en investissement pour
la construction du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et des crédits
informatiques pour le déploiement du logiciel
Skipper
lancé en 1999.
Sur la situation, il est vrai très particulière, de Saint-Pierre-et-Miquelon,
je voudrais rassurer M. Hyest. Les risques d'incompatibilité des fonctions dus
au faible nombre de magistrats ont été vus et traités. Je lui ferai parvenir
sur ce point une réponse détaillée, expliquant comment fonctionne ce ressort en
liaison avec la cour de Paris et grâce à des moyens de visioconférence, pour
éviter les problèmes qu'il a évoqués.
Sur la Guyane, également mentionnée par MM. Hyest et Othily, le directeur des
services judiciaires a en effet attiré mon attention sur les difficultés graves
de ce département. J'envisage de saisir l'inspection des services
judiciaires.
S'agissant du budget de la protection judiciaire de la jeunesse, M. Gélard,
rapporteur pour avis, attire l'attention sur l'importance des moyens débloqués
pour la justice des mineurs mais aussi sur l'augmentation considérable de
l'activité des juges des enfants. Tout en soulignant cette mobilisation des
juges, il rappelle qu'il y avait, à la fin de 1998, plus de 5 000 mesures de
suivi en attente d'exécution dans le milieu ouvert.
Jean-Pierre Bel pour le groupe socialiste a également salué ce changement
d'échelle dans les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, moyens
qui doivent profiter à tous les dispositifs gérés par cette direction.
Je partage ce souci d'apporter des réponses judiciaires multiples à la
délinquance des mineurs et c'est un des axes forts de la politique que je mène
depuis deux ans.
Les moyens sont, tout d'abord, affectés à l'une des priorités annoncées en
1999, l'ouverture de centres de placement immédiat et de centre éducatif
renforcé. Sans crédits spécialement affectés à cet effet au budget 1999 et sans
postes supplémentaires, 15 centres de placement immédiat auront pu être ouverts
à la fin de cette année.. C'est un effort considérable qui a été demandé aux
personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous en programmons
vingt pour l'an prochain. De la même façon, vingt centres éducatifs ont été
ouverts, toujours à moyens constants, à la fin de 1999. Nous avons déjà une
vingtaine de nouveaux projets en préparation pour l'an 2000. L'examen des
projets est évidemment un processus continu et nous apportons un grand soin à
la validation des projets.
Dans les deux prochaines années, nous allons, vous l'avez souligné, opérer de
très gros efforts de recrutement et de gestion de personnel, qui nous
conduiront à un ajustement progressif de la carte des centres d'hébergement de
toutes natures et à un renforcement des départements prioritaires.
Ces nouvelles structures sont indispensables mais elles ne doivent pas nous
faire oublier les autres besoins : prises en charge en milieu ouvert, classes
relais, mesures de réparation, qui passeront le cap de 10 000 en 1999 pour
atteindre 12 000 l'année prochaine.
J'en viens maintenant aux observations de M. Othily sur l'administration
pénitentiaire.
S'agissant du comportement de certains chefs d'établissement, votre commission
a souligné ce que certains pouvaient avoir d'inadmissible. Vous avez insisté
notamment sur les poursuites disciplinaires engagées à la maison d'arrêt de
Beauvais et plus récemment à la centrale de Riom.
Je souhaite indiquer ici que, depuis mon arrivée au ministère, j'ai exercé
l'action disciplinaire avec la plus grande fermeté. En 1998, 298 sanctions ont
été prononcées. Ce chiffre était de 109 sur les six premiers mois de 1999.
En ce qui concerne la maison d'arrêt de Beauvais, je tiens à vous préciser que
les faits ont été portés à la connaissance de la direction de l'administration
pénitentiaire en décembre 1997. Immédiatement, une inspection a été ordonnée.
Elle a procédé, de janvier à avril 1998, à des investigations et, le 7 mai, à
l'audition du directeur de cet établissement, qui a été immédiatement
suspendu.
A la suite d'un conseil de discipline, le chef d'établissement et un de ses
collaborateurs ont été révoqués, quatre autres agents ont été exclus à titre
temporaire. Ces décisions ont donc été prises bien avant que cette affaire ne
soit portée à la connaissance du public, au printemps de 1999.
En ce qui concerne la centrale de Riom, les faits ont été portés à la
connaissance de l'administration en juin 1999. Une inspection a été diligentée
et a entendu dix-neuf personnes. Le 12 novembre 1999, le directeur de cet
établissement et son adjoint ont été suspendus. Ils seront déférés devant le
conseil de discipline très prochainement. Là aussi, les mesures ont été prises
rapidement par l'administration et avant que les faits ne soient rendus
publics, le 17 novembre.
De manière générale, je partage l'appréciation de votre commission des lois
sur la faiblesse des contrôles dans les prisons. C'est pourquoi j'ai souhaité
l'élaboration d'un code de déontologie, dont la commission nationale
consultative des droits de l'homme est saisie, et qui sera transmis dans les
prochaines semaines au Conseil d'Etat, pour avis.
Par ailleurs, le Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire a apporté
son concours précieux à la réflexion sur ces sujets.
J'ai souhaité passer à une phase décisionnelle et j'ai demandé à M. Canivet de
présider une commission sur le contrôle extérieur des établissements
pénitentiaires. Elle me rendra ses conclusions à la fin du mois de janvier
prochain.
Les avancées n'ont ainsi jamais été aussi importantes que depuis ces deux
dernières années. Croyez bien que je compte les poursuivre. Sur les suicides en
détention, qui constituent un problème grave sur lequel - vous le savez - j'ai
demandé une mobilisation constante des agents et des chefs d'établissements, je
souhaite rappeler les évolutions récentes et les mesures prises.
Le nombre de suicide a connu une forte augmentation ces dernières années. En
1996, il a atteint le chiffre de 138, pour baisser à 125 en 1997 et à 118 en
1998. Il est de 114 à la fin du mois de novembre 1999. Dès mon arrivée, j'ai
souhaité mettre en place un dispositif de prévention, présenté dans une
circulaire du 28 mai 1998.
Ces mesures améliorent l'accueil des détenus arrivants, le suivi de ceux qui
sont repérés par l'équipe médicale comme sensibles et les conditions de prise
en charge dans les quartiers disciplinaires. A plusieurs reprises, des actions
de mobilisation ponctuelle des agents ont été mises en place, notamment à
Fleury-Mérogis, où cela a permis d'éviter plusieurs décès. Un bilan
d'application de cette circulaire doit m'être communiqué en janvier
prochain.
Mais j'ai souhaité, dès le budget pour 2000, renforcer encore le dispositif.
Ainsi, 21 emplois sur les 386 créés, soit 5 % du total, seront consacrés à la
prévention des suicides, dont 10 emplois de premier surveillant pour renforcer
les équipes de nuit et 5 emplois de psychologue.
S'agissant des libérations conditionnelles, sujet qui a été évoqué par MM. Bel
et Cabanel, je souhaite, comme vous le savez, une relance de la politique en la
matière. J'ai demandé à M. Farge, président du Comité national de la libération
conditionnelle, de présider un groupe de travail sur ce thème, qui doit me
rendre ses conclusions en janvier 2000.
Votre commission, tout comme MM. Cabanel et Othily, a regretté les lenteurs de
la mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique. Il est inexact
de dire que le Gouvernement n'a pas pris d'initiative pour l'application de la
loi du 19 décembre 1997. En 1998, 1 million de francs a été engagé afin de
passer un marché pour des études de faisabilité qui sont en voie d'achèvement.
La mise en place de ce dispositif est complexe d'un point de vue informatique
et technique.
En 2000 seront validés les premiers dispositifs qui seront expérimentés dans
les futurs centres pour peines aménagées, à Metz et aux Baumettes. En effet, il
est apparu judicieux de rattacher ces expérimentations à des établissements
conçus pour la prise en charge des courtes peines.
S'agissant des départs en retraite, comme vous le soulignez justement, le
déficit entre les postes budgétaires et les agents présents est largement dû à
la mise en place de la loi de 1996, qui a permis aux agents de surveillance de
bénéficier d'une bonification, dans le calcul des annuités pour la retraite, à
hauteur de un cinquième.
Cette mesure, qui représente une avancée importante pour les personnels de
surveillance exercant un métier difficile, n'a pas été accompagnée, lors de son
adoption, en 1996, des moyens budgétaires nécessaires pour faire face aux
départs importants et anticipés en retraite qu'elle induit.
Aussi, lors de mon arrivée au ministère de la justice, j'ai dû prendre les
mesures nécessaires pour pallier cette difficulté : autorisation de surnombre
en cours d'année, pour permettre l'ouverture des concours, augmentation des
recrutements d'élèves surveillants à l'Ecole nationale de l'administration
pénitentiaire.
Ainsi, en 1999, l'administration pénitentiaire a recruté 968 élèves
surveillants et ce chiffre devrait être proche de 2000, l'année prochaine.
C'est une montée en charge rapide qui pose des problèmes de gestion de
concours et de mouvement de personnels très lourds, qui auraient pu être évités
si l'augmentation des recrutements avait été effective dès l'adoption de la
loi, en 1996. Nous avons malheureusement perdu deux ans...
Vous voyez, monsieur Bret, j'ai, comme vous, le souci de prendre en compte les
attentes sociales des personnels de l'administration pénitentiaire auxquels
nous devons une grande considération, car ils exercent leur métier dans les
conditions extrêmement difficiles que nous connaissons tous, pour aller visiter
régulièrement les prisons.
Enfin, tous les rapporteurs ont évoqué la question des investissements et de
la consommation des crédits.
Sur ce sujet, je voudrais faire une remarque générale. Les cycles des
opérations lourdes d'investissement sont de cinq à six ans. Entre la décision
qui conduit à inscrire les premières autorisations de programme et les travaux,
il s'écoule plusieurs années. Toute gestion budgétaire erratique, avec des «
coups d'accordéon » qui retardent le lancement de certaines opérations, ce qui
nécessite ensuite des rattrapages massifs, se traduit par des creux d'activité
et des sous-consommations passagères des crédits. Le budget de la justice n'a
pas manqué de « coups d'accordéon » ces dernières années, à l'exception
toutefois des trois dernières ; j'espère que cela continuera.
La situation du programme pénitentiaire 4000 est, à cet égard, caricaturale.
Annoncé en 1995 pour 2 milliards de francs, ce projet était au point mort en
1997, du fait de l'absence d'autorisations de programme inscrites. Il a donc
fallu inscrire 1,5 milliard de francs sur deux budgets, 1998 et 1999, pour
sauver l'opération.
Malgré cette célérité, les décaissements ne pourront pas intervenir de façon
importante avant 2000 et 2001. Je trouve donc bien léger que l'on vienne me
dire aujourd'hui que ces crédits ne sont pas consommés assez vite. Que ne les
a-t-on inscrits plus tôt !
M. Philippe Marini.
C'est toujours la faute des autres !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
De la même façon, il est plutôt incongru de demander au
Gouvernement d'aller plus vite sur la rénovation du parc existant, alors qu'il
lance un plan sans précédent pour traiter ce problème : un milliard de francs
pour la rénovation des cinq grosses maisons d'arrêt et un milliard de francs
pour la rénovation du parc classique entre 2000 et 2004.
Par ailleurs, 200 millions de francs d'autorisations supplémentaires ont été
inscrites en loi de finances rectificative pour 1999 pour la construction d'une
nouvelle prison à la Réunion. Cette opération s'ajoutera aux six établissements
du programme 4000 déjà lancé.
Au total, ce sont plus de cinq milliards de francs qui seront consacrés aux
investissements dans les établissements pénitentiaires dans les cinq prochaines
années : c'est un effort unique pour l'investissement civil de l'Etat.
J'informe également M. Othily que les crédits pour la remise en état de la
prison de Remiré-Montjoly en Guyane ont été débloqués en loi de finances
rectificative pour 1999. Les travaux qui débuteront en début d'année prochaine
devraient permettre un retour des détenus à l'été 2000.
S'agissant des services judiciaires, je rappelle que 805 millions de francs
d'autorisations de programme nouvelles ont été inscrites en 2000 et que le
lancement de l'opération de construction d'un nouveau tribunal de grande
instance à Paris entre 2000 et 2006...
M. Hubert Haenel,
rapporteur spécial.
C'est bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... ajoutera plus de deux milliards de francs
d'investissement à l'enveloppe prévisionnelle des investissements en province.
Au total, nous mobiliserons près de six milliards de francs pendant la période
2000-2004 pour la rénovation et la construction des palais de justice.
M. Peyrat a évoqué les constructions nouvelles dans le Vaucluse, la prison du
Pontet et le palais de justice d'Avignon. Je lui parlerai de Nice : 20 millions
de francs en 1998 pour le tribunal de commerce, 220 millions de francs pour la
rénovation et l'extension du tribunal de grande instance achevée en 1999 : 240
millions de francs en cinq ans, ce n'est pas rien ; validation prochaine de la
maison de justice du quartier de l'Ariane dont le retard est dû à des problèmes
locaux ; résolution des problèmes de recherche foncière par une nouvelle prison
à Nice prévue dans le cadre d'une troisième tranche de constructions neuves. Je
crois que l'on peut dire que Nice n'est ni oubliée ni défavorisée !
Pour conclure sur ce sujet, je voudrais donc rassurer le Sénat : la
consommation des autorisations de programme est très bonne, en dehors du cas
très particulier du programme 4000 de la pénitentiaire sur lequel je ne reviens
pas et qui est en plein rattrapage du retard accumulé avant mon arrivée.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, des éléments qui démontrent
l'ampleur du travail entrepris et l'importance des moyens mobilisés.
J'espère avoir répondu sinon à toutes, du moins à l'essentiel des observations
ou des questions précises des différents orateurs, et je les en remercie. Dans
le cas contraire, je ne manquerai pas de leur faire parvenir, s'ils le
souhaitent, des compléments écrits.
Comme vous le demande votre commission des finances et dans un esprit de
continuité, nécessaire au travail de longue haleine qui a été entrepris, je
souhaite, naturellement, que le Sénat, comme il m'en a fait l'honneur les
années précédentes, adopte les crédits du budget de la justice pour 2000.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de la justice et figurant aux états B et C.