Séance du 18 janvier 2000







M. le président. La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 661, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame le secrétaire d'Etat, nous voyons aujourd'hui se développer dans toutes les régions de France ce concept de commercialisation qu'on appelle « magasins d'usine » et qui suscite une grande inquiétude à la fois chez les partenaires économiques et chez les élus locaux.
A la base de ce concept, on trouve cette logique de la vente directe qui semble prendre une place de plus en plus importante dans notre économie et qui tend à la suppression de tous les intermédiaires.
D'ailleurs, cette tendance ne touche pas seulement l'économie et le commerce. Ainsi, disent certains, les nouvelles technologies pourraient être utilisées pour dispenser de l'enseignement sans professeur. D'une manière générale, dans toute une série de domaines, on cherche à réduire le plus possible l'intervention humaine.
Cette destruction des structures de médiation dans notre société pose un problème extrêmement grave. Parmi ces structures de médiation figurent notamment les PME, en particulier dans le commerce et l'artisanat, qui constituent aussi à ce titre un élément essentiel de cohésion sociale.
La logique de la vente directe que je viens d'évoquer va de pair avec une logique de gigantisme et de concentretion. On implante, dans des zones faiblement peuplées à l'origine, d'immenses zones de chalandise, vers lesquelles on s'efforce de drainer toute la clientèle résidant dans un rayon de deux cents ou trois cents kilomètres. Il y a là un facteur de destruction du territoire : sur un espace énorme, on cherche à créer une sorte d'hyper-zone commerciale, alors même que nous nous efforçons, avec les collectivités territoriales, de reconstituer des liens sociaux, de bâtir des espaces de cohésion.
Actuellement, dans la région Poitou-Charentes, il y a un projet à Soudan, sur lequel vous avez été alertée par le président de l'Association des commerçants de Niort, M. Aroldi, et par le président de l'Association des commerçants de Poitiers, M. Poirier. Il semble que tous les partenaires économiques soient hostiles à ce projet mais que les services de l'Etat dans le département y soient favorables.
Aussi, je vous poserai trois questions. Quelle est la position du Gouvernement sur les magasins d'usine en général ? Le dispositif législatif et réglementaire vous paraît-il suffisant aujourd'hui pour que le Gouvernement maîtrise ce phénomène ? Enfin, si vous ne disposez pas des moyens législatifs et réglementaires pour maîtriser un tel phénomène, comptez-vous faire des propositions, afin d'aboutir à une véritable redynamisation de la politique commerciale à partir des petites et moyennes entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, le concept de magasins d'usine, tel qu'il avait été inscrit dans la loi en juillet 1996, a été effectivement détourné de son objet. A l'origine, il s'agissait pour les producteurs de vendre directement dans des sites industriels - là où la main-d'oeuvre avait fabriqué ces produits - les « sur-stocks » comme on dit couramment, ainsi que, éventuellement, les séries qui avaient connu quelques difficultés sur la marché.
Aujourd'hui, il s'agit de tout autre chose : c'est une solderie largement organisée, avec ce que l'on appelle de la « dégriffe » ou de la « démarque ». Lorsque cent articles sont commandés dans nos industries textiles pour être vendus à un prix raisonnable et avec un service au client dans les commerces traditionnels, mille articles le sont pour la vente dans les magasins d'usine vers lesquels les clients sont acheminés en car, en charter ou en train.
Comme vous le savez, depuis quelques mois nous avons remis au coeur du dispositif le magasin d'usine. Je n'exclus pas qu'il faille redéfinir ce concept, mais les promoteurs immobiliers, car ce sont eux les opérateurs, qui conduisent ce type d'opération sont en train de trouver d'autres façons de jouer avec le droit - ce qui m'a permis récemment de dire qu'il n'y a pas d'éthique en économie - et d'organiser à nouveau ces hypersolderies, à l'image d'une forme de vente à l'américaine sur palette qui tue non seulement le commerce de centre-ville et de proximité, mais aussi les emplois dans les services alors même qu'avec la nouvelle société telle qu'elle se dessine, caractérisée par moins de production de masse et plus de qualité, c'est vers le service qu'il faut s'orienter.
Nous nous opposerons fermement et je ne sais d'où vous viennent les informations que vous avez citées à propos des services de l'Etat, mais Mme Ségolène Royal elle-même, qui est proche du lieu du projet que vous avez évoqué, a confirmé que nous nous y opposions. Bien sûr, il faut que la commission départementale d'équipement commercial se prononce. S'il y a quatre voix contre, l'Etat ne bougera pas bien évidemment, mais je pense que le promoteur va bouger.
S'agissant de deux projets qui lui ont été déférés sur l'initiative du préfet parce que je l'avais demandé à ce dernier - car j'estime que les commissions départementales d'équipement commercial ne sont pas la bonne échelle pour les zones de chalandise de magasins d'usine - par deux fois la commission nationale d'équipement commercial s'est prononcée contre. Je pense qu'elle a donc une vision des choses qui rejoint la nôtre. Si vraiment, contre ces super-solderies, nous n'arrivons pas à autre chose que du droit à nouveau, si la régulation ne se fait pas par l'éthique économique, elle se fera par la réglementation.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de cette importante clarification. Toute ambiguïté est ainsi levée. Je pense que tous les partenaires locaux entendront clairement votre message et que l'ensemble des partenaires économiques pourront ainsi être rassurés.

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