Séance du 20 janvier 2000







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 23, M. Hugot, au nom de la commission des affaires culturelles, propose d'insérer, avant l'article 7 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 51 de la même loi, après les mots : "par tous procédés" sont insérés les mots : "analogiques" ;
« II. - Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions de l'alinéa précédent, elle peut offrir, concurremment avec d'autres opérateurs, tous services de diffusion et de transmission à l'ensemble des distributeurs et des éditeurs de services de communication audiovisuelle. »
Par amendement n° 163, MM. Richert, Hérisson et Amoudry proposent d'insérer, après l'article 7 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier et le second alinéas de l'article 51 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Une société dont les statuts sont approuvés par décret offre, concurremment avec d'autres opérateurs, tous services de diffusion et de transmission en France et vers l'étranger aux exploitants de services de communication audiovisuelle. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Il s'agit de supprimer pour la diffusion numérique hertzienne de terre le monopole dont TDF dispose à l'égard des diffuseurs publics. En effet, rien ne justifie le maintien du monopole de TDF en diffusion numérique, qui sera concurrentielle.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 163.
M. Pierre Hérisson. Il s'agit de donner aux entreprises du secteur public de l'audiovisuel la possibilité de faire jouer la concurrence sur les prestations de diffusion de leurs programmes.
Je crois que le monopole de TDF pour la diffusion des programmes des sociétés audiovisuelles publiques peut être remis en cause en introduisant une concurrence salutaire pour les coûts de diffusion des sociétés de programmes publiques et sans menacer la viabilité économique de TDF.
Indépendamment de l'article 51 de la loi de 1986, TDF détient durablement une situation monopolistique incontournable sur le marché de la diffusion de programmes télévisuels. En effet, c'est la totalité de ce marché que contrôle TDF, télévisions privées incluses, alors que celles-ci ont toute liberté légale de confier leur diffusion à un diffuseur privé. C'est une liberté dont elles n'usent pas et dont les chaînes publiques n'useront vraisemblablement pas plus si le monopole légal de TDF était levé. En effet, le monopole de TDF en matière de télévision ressort d'un paramètre technique, qui tient à l'unidirectionalité des antennes de télévision orientées vers le site de diffusion historique de TDF. En conséquence, sur ce segment de marché, la remise en cause juridique du monopole ne devrait se solder que par une très marginale et très lente érosion du chiffre d'affaires de TDF.
En matière de diffusion de radios privées, il convient de souligner que le marché des programmes FM privés a constitué un nouveau marché concurrentiel en très forte croissance pour TDF depuis 1982, et que, malgré la totale liberté des radios privées de confier leur diffusion à une autre société que TDF, c'est 75 % de ce marché que détient TDF après plus de quinze ans de concurrence active. Sa position dominante n'est donc pas menacée par la concurrence, pas plus qu'elle ne le serait sur le marché de la diffusion des programmes des radios publiques si l'article 51 de la loi de 1986 venait à être abrogé. En revanche, la concurrence sur ce marché a engendré des effets bénéfiques que tous les acteurs du secteur reconnaissent, même TDF, en termes de services, de tarifs, d'organisation, de performances, de compétitivité et d'innovation.
Les mêmes atouts devraient pouvoir profiter aux radios du secteur public, qui pourraient, grâce à la concurrence, bénéficier de conditions commerciales globalement plus intéressantes sur un poste budgétaire qui représente un coût annuel de 500 millions de francs.
Il convient enfin de souligner que TDF s'est diversifiée dans des activités concurrentielles nouvelles, en particulier dans des activités de radiomessageries et de radiocommunications mobiles, profitant notamment du marché induit par France Télécom Mobiles Radiomessagerie, dont TDF détient 34 % du capital. Cela signifie que TDF a su trouver des relais de croissance dans d'autres domaines que ses activités exercées sous monopole, ce qui constitue une garantie importante pour la stabilité de son activité, quand bien même le monopole induit par l'article 51 viendrait à être remis en cause.
Si la répartition du marché de la diffusion des radios publiques devait être calquée sur la structure du marché des radios privées après quinze ans de concurrence, ce serait, à terme, 25 % de ce marché qui pourraient progressivement passer à la concurrence, soit moins de 150 millions de francs de chiffre d'affaires.
A l'évidence, une société, filiale à 100 % de France Télécom, réalisant un chiffre d'affaires de 4,7 milliards de francs peut envisager d'être concurrencée sur un trentième de celui-ci, surtout lorsqu'elle affirme être toujours prête à affronter le paysage concurrentiel, ce qu'elle ne manque pas de faire sur la totalité de ses activités.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 163 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission n'exclut pas la suppression du monopole de TDF mais elle souhaiterait la limiter dans ce qui est prévisible à la diffusion hertzienne numérique. En outre, en ce qui concerne l'analogique, la suppression de ce monopole ne pourrait être envisagée sans prévoir des modalités de compensation de l'obligation de couverture de l'ensemble du territoire qui incombe à TDF.
Le fait que cet amendement ne distingue pas ces deux secteurs de développement incite la commission à émettre un avis défavorable, même si je suis mandaté pour inviter les auteurs de cet amendement à retenir la distinction que nous faisons en réservant la limitation du monopole au développement numérique, et donc à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendement n°s 23 et 163 ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. S'agissant de l'amendement n° 23, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Cet amendement ayant pour objet de ne pas accorder de monopole à TDF pour la diffusion hertzienne terrestre, il est lié au dispositif juridique que nous allons mettre en place sur ce point.
Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 163.
Le monopole de TDF sur les sociétés nationales de programme se justifie notamment par les obligations de couverture liées aux missions de service public, rappelées à l'instant par M. Dreyfus-Schmidt. La levée du monopole de TDF pour la diffusion analogique n'est pas opportune, notamment au moment où s'engage une réflexion sur le numérique hertzien qui obligera TDF à des investissements importants.
En revanche, s'agissant de la diffusion numérique de terre, une extension de la mise en concurrence concernant la diffusion des sociétés nationales de programme est en cours d'examen. Cela fait partie des points qui appartiennent aux décisions de mise en oeuvre du numérique hertzien.
En outre - et je tiens tout de suite à rassurer M. Dreyfus-Schmidt et l'ensemble de son groupe - nous intégrons ce qui devrait être associé à l'attribution de multiplex en matière d'obligation de couverture. Certes il convient d'en étudier les modalités. Mais il faut d'emblée intégrer la question de la couverture territoriale et non pas poser le problème a posteriori. En effet, la couverture ne peut pas être assurée intégralement par l'ensemble des multiplex, qui sont de qualité inégale.
M. le président. Monsieur Hérisson, l'amendement n° 163 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson. Le développement auquel je me suis livré devant vous avait pour but premier de dire les choses telles qu'elles sont et de rappeler deux points qui sont aujourd'hui essentiels.
Premièrement, TDF est une filiale à 100 % de France Télécom. Y a-t-il une logique, aujourd'hui, compte tenu de l'évolution de France Télécom et de son changement de statut avec la loi sur les télécommunications, à ce que TDF soit aujourd'hui une filiale à 100 % d'une entreprise de droit privé soumise à la concurrence ? Il importe, à mon avis, de se poser cette question, même si, j'en conviens, le problème ne peut être totalement réglé au travers d'un amendement. Je souhaite donc que le Gouvernement étudie ce point.
Deuxièmement, je forme le voeu que TDF soit plus raisonnable en matière de calcul du coût des transmissions des télévisions de proximité. Ce coût constitue, en effet, un frein majeur au développement de telles télévisions, encore trop peu nombreuses dans notre pays.
Or, même si les prix de revient sont identiques, des péréquations sont possibles au sein d'une société qui est en situation de monopole et qui n'a pas à être soumise aux règles de la concurrence, conformément aux statuts qui la définissent.
Répondant aux demandes qui m'ont été adressées tant par Mme le ministre que par M. le rapporteur, et pour assurer une bonne image de la cohésion de la majorité sénatoriale, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 163 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Hier, Mme Pourtaud a dit que les zones d'ombre m'étaient chères. Elle voulait dire que la lutte contre les zones d'ombre m'était chère, comme elle est chère à de nombreux élus locaux et, bien évidemment, à nombre de sénateurs.
Certes, les deux principales chaînes publiques nous disent - et TDF nous le dit également - qu'elles couvrent plus de 99 % du territoire. Cependant, dans nos départements, notamment lorsqu'il y a des montagnes, nombre de personnes se trouvent dans des zones d'ombre et ne parviennent pas à recevoir toutes les chaînes.
Il y a une solution. Le plus souvent, c'est le satellite. C'est d'ailleurs un argument supplémentaire pour que les chaînes qui diffusent leurs émissions par satellite puissent relayer les chaînes publiques, ce qui n'est pas le cas en l'état actuel puisque TPS bénéficie d'une exclusivité, que nous nous combattons.
Par conséquent, il faudrait sans doute que nous nous souciions de faire en sorte que toutes les Françaises et tous les Français puissent recevoir les chaînes de télévision, en particulier les chaînes publiques. Comment faire ? Il me paraîtrait normal, pour respecter l'égalité des citoyens devant la télévision, de leur payer le matériel nécessaire pour capter les chaînes diffusées par satellite lorsqu'ils n'ont pas accès à toutes les chaînes. Qui doit payer ? On a pu envisager que ce soit TDF, mais cet établissement est aujourd'hui en partie privatisé, et ce n'est donc peut-être pas la bonne solution. Il faudrait donc que ce soit, à mon avis, l'Etat lui-même, ou alors les chaînes.
Cette solution qui paraît séduisante pour l'esprit et qui avait retenu l'attention de nombre des membres de la commission, semble préférable au dispositif de l'amendement que M. Joyandet aurait dû défendre ce matin et qui prévoyait que ceux qui ne peuvent capter les chaînes pourraient ne pas acquitter la redevance, ce qui n'est pas toujours une solution dans la mesure où ils ont tout de même accès à quelques chaînes.
Je livre ces réflexions au Sénat, et à vous-même, madame la ministre, de manière que l'on puisse réfléchir à la façon de permettre à tout le monde de bénéficier, d'une manière ou d'une autre, par un canal ou par un autre, et dans les mêmes conditions, des programmes de télévision, en particulier des chaînes publiques. Vous m'excuserez, je l'espère, d'avoir pris le prétexte du débat sur cet amendement relatif à TDF pour livrer ces explications, afin que la question des zones d'ombre soit tout de même évoquée.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. C'est un point important que la mise en cause du monopole de TDF : le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cet amendement et demande un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos. M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32:

Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 236119
Pour l'adoption 215
Contre 21

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 7 bis.

Article additionnel avant l'article 7 bis