Séance du 9 février 2000
ACCORD AVEC LA SUISSE RELATIF
À LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 490, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération
transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une
déclaration). [Rapport n°s 119 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur, au nom du
Gouvernement, de soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée le projet de
loi autorisant la ratification de l'accord entre le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération
transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, signé à Berne
le 11 mai 1998.
Comme vous le savez, la Suisse n'est pas membre de l'espace Schengen. Après la
mise en oeuvre de la convention d'application de Schengen en Autriche, en
décembre 1997, la Suisse s'est retrouvée enclavée dans l'espace de libre
circulation des personnes, sans pouvoir participer à la coopération
transfrontalière policière et douanière qui a été mise en place entre les Etats
Schengen ayant des fontières communes. Je rappelle que la France a d'ores et
déjà signé de tels accords de coopération avec l'Allemagne, l'Italie et
l'Espagne, et que ces accords constituent l'une des principales mesures
compensatoires rendues nécessaires par la levée des contrôles aux frontières
intérieures.
Ne souhaitant pas devenir pour autant un « îlot d'insécurité » en Europe, et
voulant développer une coopération efficace en matière de lutte contre la
délinquance transfrontalière et l'immigration clandestine, la Suisse a engagé
des négociations avec ses quatre voisins membres de Schengen, l'Autriche,
l'Italie, l'Allemagne et la France, en vue de signer des accords de coopération
transfrontalière en matière policière, judiciaire et douanière.
L'accord entre la France et la Suisse a été signé par les ministres de
l'intérieur des deux pays le 11 mai 1998 à Berne. Il a été adapté de façon à
inclure certaines des dispositions de la convention Schengen, dont l'article
39, relatif à l'assistance entre les services de police aux fins de prévention
et de recherche de faits punissables, précise que ses dispositions ne font pas
obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents et futurs entre les
Etats Schengen ayant une frontière commune. L'accord tient également compte des
particularités de la Suisse, notamment de la strucutre fédérale de ses services
répressifs.
L'objet de l'accord entre la France et la Suisse est d'organiser une
coopération directe entre les autorités et services de police et de douane,
afin de prévenir les menaces à la sécurité et à l'ordre publics et de lutter
plus efficacement contre la criminalité, notamment dans le domaine de
l'immigration irrégulière et des trafics illicites. Il permettra aux services
de police et de douane, au sein de centres de coopération policière et
douanière, les CCPD, installés à proximité de la frontière commune, de procéder
très largement à des échanges d'informations ainsi qu'à la réadmission de
ressortissants d'Etats tiers, et d'organiser la coordination des mesures
conjointes de surveillance dans les zones frontalières respectives. Le centre
de coopération franco-suisse sera prochainement installé à l'aéroport
international de Genève-Cointrin.
L'accord franco-suisse complètera donc utilement les accords d'ores et déjà
signés par la France avec ses voisins ; il facilitera la coopération et
l'échange d'informations dans plusieurs domaines importants.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération
transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, qui fait
l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
en remplacement de M. Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de
présenter les excuses de M. Masson qui, en raison du changement d'emploi du
temps, n'a pu être présent ce soir. Je m'efforcerai donc d'être son
interprète.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif d'un accord dont vous venez de
présenter les grandes lignes, monsieur le ministre. J'insisterai, en revanche,
sur l'anomalie que représente, pour la commission des affaires étrangères,
l'absence de la Suisse des instances de coopération Schengen.
La Suisse, en effet, n'est pas signataire des accords de Schengen. Les
principes communs mis en oeuvre dans le cadre de ces accords en matière de
circulation des personnes et les règles élaborées pour garantir la sécurité
intérieure n'ont pas vocation à s'appliquer à la Suisse, qui se trouve pourtant
au coeur de l'espace Schengen.
La Suisse pourrait-elle devenir dès lors un « îlot d'insécurité » en Europe ?
La question mérite d'être posée. La Confédération constitue, en effet, une
destination privilégiée pour l'immigration clandestine, comme l'a souligné la
récente crise du Kosovo.
L'intérêt d'intégrer la Suisse dans une démarche commune au profit de la
sécurité intérieure de l'Europe ne fait donc pas de doute.
Certes, seuls les Etats membres de l'Union européenne peuvent, en principe,
participer aux accords de Schengen. Toutefois, ce principe a été assoupli.
Ainsi, la Norvège et l'Islande, qui n'appartiennent pas à l'Union européenne,
ont pourtant été associées à la coopération menée dans le cadre des accords de
Schengen. La Suisse s'était montrée disposée à accepter une telle formule.
Cette perspective lui a été refusée en septembre 1998.
Deux raisons ont été invoquées. D'une part, tout avantage donné en dehors
d'une adhésion à l'Union européenne priverait la Suisse des raisons d'adhérer.
D'autre part, la possibilité donnée à la Suisse de participer à Schengen
paraîtrait ouvrir la possibilité d'une adhésion « à la carte » aux dispositifs
de coopération prévus par l'Union européenne. Ce serait là un précédent que les
Quinze souhaitent précisément éviter au moment où les négociations relatives à
l'élargissement sont engagées.
Il faut observer que cette opposition a été le fait de pays qui, à l'instar
des Pays-Bas ou du Luxembourg, n'ont pas de frontière commune avec la Suisse.
La France a une autre appréciation. Notre frontière avec la Suisse constitue
une frontière extérieure de l'espace Schengen, et notre pays apparaît dès lors
comptable de l'efficacité des contrôles qui y sont effectués, vis-à-vis de
l'ensemble de nos partenaires signataires des accords de Schengen. La France
prend une juste mesure de la nécessité de coordonner les efforts de part et
d'autre de la frontière et préconise, dès lors, le développement progressif de
la coopération avec la Suisse. Ce qui n'a pas été possible pour l'heure sur le
plan multilatéral, notre pays a décidé de l'entreprendre sur le plan bilatéral.
C'est pourquoi, après la conclusion d'un accord de réadmission entre nos deux
pays, la France a signé un accord de coopération transfrontalière dont nous
sommes aujourd'hui saisis.
La France a conclu avec la Suisse un accord très proche de ceux qui ont déjà
été conclus avec l'Italie et l'Allemagne. Pour ces pays, membres de l'espace
Schengen, les accords bilatéraux avaient pour objet de renforcer la coopération
policière afin que la suppression des contrôles fixes aux frontières ne
s'accompagne pas d'un affaiblissement de la sécurité. La France a donc souhaité
développer ce type de coopération avec la Suisse, pays avec lequel, pourtant,
les contrôles fixes aux frontières ont été maintenus.
La mise en oeuvre des accords de Schengen a permis, en effet, de souligner que
le renforcement de la coopération policière constitue un moyen indispensable
pour lutter plus efficacement contre les flux migratoires clandestins. Le
maintien de contrôles fixes ne saurait, dans ces conditions, dispenser les
autorités de mieux harmoniser leurs efforts.
L'accord prévoit ainsi la mise en place d'un centre de coopération policière
et douanière, qui, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, sera
installé à l'aéroport de Genève-Cointrin. De tels centres existent déjà aux
frontières avec l'Allemagne et l'Italie. Ils ont pour mérite d'associer dans
une structure commune les forces de police des deux côtés de la frontière, mais
aussi de réunir les différentes forces d'un même pays et de les conduire ainsi
à travailler ensemble.
En outre, l'accord franco-suisse prévoit plusieurs modalités de coopération
directe, en particulier un schéma d'intervention commune et des exercices
communs dans la zone frontalière. Ces différents instruments, sans remettre en
cause le principe des contrôles fixes aux frontières, ouvrent la voie à la mise
en oeuvre de contrôles mobiles sur une bande intermédiaire de part et d'autre
de la frontière. Ces nouvelles modalités d'intervention des forces de police
présentent, comme l'a d'ailleurs souligné, à plusieurs reprises, notre collègue
M. Paul Masson, une plus grande efficacité.
L'accord signé à Berne fixe ainsi un cadre utile pour la coopération. Il
faudra donc veiller à ce qu'une véritable volonté politique permette une
utilisation effective de ce nouvel instrument.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission vous invite, mes chers
collègues, à approuver le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à
la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière
(ensemble une déclaration), signé à Berne le 11 mai 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »