Séance du 9 février 2000
CONVENTION PORTANT CRÉATION
DE L'ORGANISATION EUROPÉENNE
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS PAR SATELLITE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 66, 1999-2000)
autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création
de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT)
telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999.
[Rapport n° 122 (1999-2000)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat
est appelé à se prononcer sur un projet de loi autorisant la ratification des
amendements à la convention EUTELSAT, à laquelle la France est partie, adoptés
à Cardiff le 20 mai 1999. Son objet est de transformer cette organisation
européenne de télécommunications par satellite en une société sous tutelle,
afin de permettre son adaptation efficace à un environnement en mutation rapide
et de plus en plus concurrentiel.
L'adoption de cette restructuration est le résultat d'une négociation de
plusieurs années entre ses quarante-sept Etats membres. Elle compte des enjeux
importants pour l'Europe spatiale, face aux risques de domination des
Etats-Unis. En effet, EUTELSAT, dont le siège est à Paris, a été créée en 1977
par un certain nombre de pays européens pour ne plus dépendre de la seule offre
d'INTELSAT.
Afin de pouvoir disposer d'une capacité autonome de réponse aux appels
d'offres, ces pays ont décidé d'exploiter en commun un réseau transeuropéen de
télécommunications par satellite.
A cette période correspondait une répartition mondiale des télécommunications,
fondée sur un monopole des opérateurs historiques sur leurs marchés nationaux.
Ce sont ces opérateurs, dénommés signataires, comme France Télécom, qui ont été
désignés par leur gouvernement pour investir au prorata de leur utilisation de
la capacité spatiale en exploitation.
Pour tenir compte des infrastructures téléphoniques mises en place au niveau
terrestre et de la croissance exponentielle des besoins dans l'audiovisuel,
EUTELSAT s'est progressivement spécialisée dans la diffusion de télévisions et
de radios. Dans ce secteur, elle subit cependant de plus en plus la pression
concurrentielle d'opérateurs privés puissants, principalement européens - en
particulier le groupe germano-luxembourgeois SES-ASTRA - et américains comme
PANAMSAT, filiale de HUGUES, ORION, filiale de LORAL, et GE Americom.
Dans ce nouveau contexte concurrentiel, une transformation structurelle
d'EUTELSAT vers une entité plus commerciale s'est avérée impérative. Son
changement de statut doit lui permettre de diversifier ses activités vers la
fourniture de nouveaux services par satellite liés à l'émergence de la société
de l'information et de renforcer ses alliances au niveau international, par le
biais de la création de filiales et d'entreprises communes.
L'accord global, qui a été adopté par consensus à Cardiff le 20 mai 1999, va
se traduire par l'existence de deux entités distinctes : en premier lieu, une
société anonyme de droit français, Eutelsat SA, se voit transférer les
activités opérationnelles et les actifs correspondants d'EUTELSAT. La
constitution de cette société de droit privé, basée à Paris et, dont les
organes directeurs sont un directoire et un conseil de surveillance, se traduit
au niveau du capital par une transformation des signataires en actionnaires.
Par ailleurs, des dispositions ont été insérées dans les statuts de la société
privée. Elles visent à accorder un droit de préemption aux actionnaires
existants en cas d'augmentation du capital, à subordonner l'entrée de nouveaux
actionnaires à l'accord de la société et, enfin, à autoriser le rachat forcé
d'actions en cas de changement de contrôle d'un actionnaire existant.
En outre, l'organisation intergouvernementale actuelle est maintenue, avec
pour tâche principale de contrôler la mise en oeuvre des quatre principes de
base énoncés dans la convention amendée - obligations de service public et de
service universel, couverture paneuropéenne du système de satellites,
non-discrimination, concurrence loyale - et de veiller au respect de ses
obligations statutaires par la société Eutelsat SA.
Le rôle de l'organisation intergouvernementale EUTELSAT, par l'intermédiaire
de l'assemblée des parties, est également d'assurer la continuité en matière de
droits et obligations internationaux découlant de l'exploitation du secteur
spatial d'EUTELSAT, notamment aux termes des dispositions du règlement des
radiocommunications de l'UIT ayant trait à l'utilisation des fréquences.
Prenant acte de l'importance stratégique d'EUTELSAT pour la France dans le
secteur des télécommunications spatiales, ces textes intègrent les principales
propositions de notre pays, qui concernent, notamment, la domiciliation du
siège en France, la création d'une société anonyme de droit français,
l'identité européenne d'EUTELSAT.
Dans ce secteur, cette restructuration devrait donner la possibilité à
l'Europe de faire face à la stratégie mondiale de domination poursuivie par les
Etats-Unis pour le contrôle des maillons clefs de la société de l'information,
sans pour autant que les obligations de service public international soient
négligées.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appellent les amendements à la convention EUTELSAT
qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le 20 mai 1999, à Cardiff, l'assemblée des quarante-sept Etats
parties à l'Organisation européenne de télécommunications par satellite,
EUTELSAT, a adopté divers amendements à la convention de 1982 créant
l'organisation afin de lui donner une structure plus commerciale, c'est-à-dire
mieux adaptée au marché. Cette modification fait l'objet du texte qui est
aujourd'hui soumis à notre examen et dont M. le ministre vient de rappeler le
dispositif général.
EUTELSAT a eu pour objet de constituer une coopérative de moyens de
transmissions satellitaires avec une mission de service public impliquant un
traitement équitable et non discriminatoire de tous les Etats membres.
Les opérateurs nationaux de télécommunication, dénommés les signataires, sont
les actionnaires de l'organisation et chacun dispose d'une part
d'investissement déterminée au prorata de sa part d'utilisation de l'ensemble
des satellites dépendant d'EUTELSAT. Pour la France, le signataire est France
Télécom, dont la part d'investissement le place au troisième rang, derrière
British Telecom et Telecom Italia.
C'est aujourd'hui l'activité de diffusion par satellites de programmes de
télévision et de radio qui représente l'essentiel de l'activité d'EUTELSAT et
83 % de son chiffre d'affaires.
Grâce à son réseau de quinze satellites opérationnels, EUTELSAT peut fournir
toute une gammes de services fixes et mobiles vers l'ensemble de l'Europe, les
pays de la CEI, l'Afrique du Nord et certains régions du Moyen-Orient.
La modification de la structure d'EUTELSAT qui nous est proposée tient compte
d'une évolution très rapide et de plus en plus concurrentielle du marché.
La demande mondiale de services de télécommunication devrait, en effet, plus
que doubler au cours de la prochaine décennie. Le trafic de données, y compris
Internet, devrait ainsi augmenter de 28 % par an.
Une forte compétition euro-américaine caractérise le secteur des
télécommunications spatiales. Cette compétition concerne tout à la fois le
secteur des télécommunications et celui de l'industrie spatiale. Pour la
construction de satellites de communication, l'Europe et la France se sont
structurée autour de deux principaux pôles : Alcatel Space, d'une part, et
Matra Marconi-DASA dans le cadre d'EADS et d'Astrium, d'autre part. L'industrie
américaine domine, cependant, largement le marché mondial avec Hughes, qui
vient d'être racheté par Boeing, Lockheed Martin et Loral.
Par ailleurs, les opérateurs mondiaux de télécommunication souhaitent
renforcer leur poids dans le secteur des télécommunications spatiales : c'est à
cette fin qu'ils ont engagé une vaste restructuration des organisations
internationales de communication par satellites, INMARSAT déjà reformée,
INTERSAT, en cours de négociation, et EUTELSAT, qui nous concerne
aujourd'hui.
La structure actuelle d'EUTELSAT ne lui permet pas, en effet, de disposer des
atouts nécessaires dans un environnement devenu très concurrentiel, notamment
de mobiliser rapidement des financements extérieurs. En bref, une modification
de structure s'imposait pour permettre la diversification des activités
d'EUTELSAT et le renforcement de ses alliances par la création de filiales et
d'entreprises communes.
Le dispositif que se propose de mettre en place la convention soumise à notre
examen est une réponse réaliste à cet enjeu commercial nouveau.
Premièrement - vous l'avez dit, monsieur le ministre - il est créé une société
EUTELSAT, société anonyme de droit français, à directoire et conseil des
surveillance. L'ouverture du capital à de nouveaux actionnaires se fera sous
certaines conditions permettant de préserver les intérêts des actionnaires
initiaux.
Deuxièmement, l'organisation intergouvernementale est maintenue, ce qui est
important. En son sein, les gouvernements veilleront au respect des quatre
principes de base énoncés dans la convention amendée : obligation de service
public, couverture paneuropéenne du système à satellites, non-discrimination et
concurrence loyale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
restructuration qui nous est proposée, et qui prend notamment en compte les
intérêts que notre pays a fait valoir dans la négociation, est de nature à
conforter nos opérateurs spatiaux, d'une part, et de télécommunication, d'autre
part, dans un marché en vive expansion où la concurrence est particulièrement
rude.
Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, je ne peux qu'inviter la Haute Assemblée à adopter le texte qui lui est
soumis.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi.
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Article unique
. - Est autorisée l'approbation de la convention du 15
juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de
télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des
amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999, et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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