Séance du 24 février 2000
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mes chers collègues, la situation au Kosovo dégénère. Elle s'aggrave en particulier dans le nord de la province, autour de Mitrovica, ville où coexistent encore - c'est un fait exceptionnel - une majorité albanaise et une minorité serbe.
Nos soldats ont plus particulièrement la responsabilité de ce secteur.
Ils subissent quotidiennement les conséquences de la montée de la violence ethnique et de l'accumulation des haines. Ils doivent s'interposer entre Serbes et Albanais et, dans la situation difficile qui est celle de toute force d'interposition, ils sont accusés de partialité par ceux qui devraient d'abord rendre hommage à leur action et à leur courage. (M. Chérioux applaudit.)
Je dois dire ici clairement combien certaines accusations complaisamment rapportées par les médias américains nous ont choqués, car il faut rendre hommage, pour la mission délicate et dangereuse qu'ils accomplissent, à nos soldats, dont certains ont été blessés au cours des derniers affrontements.
Une opération de sécurité a été lancée. Elle est destinée à rechercher des stocks d'armes clandestins, tant albanais que serbes, afin de prévenir le début d'une véritable guérilla urbaine.
Mais cette situation ne pourra pas s'éterniser.
Nous sommes intervenus au printemps dernier pour sauvergarder un Kosovo multi-ethnique. Qu'en est-il maintenant ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions quant à la position de la France sur l'avenir de cette province ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, effectivement la France entend poursuivre fermement son engagement au Kosovo.
Le ministre de la défense vient d'ailleurs d'annoncer à Washington la disponibilité de la France à engager un bataillon supplémentaire soit environ 600 hommes, des réserves stratégiques de la KFOR, et ce alors que notre effort est déjà considérable : 3 900 militaires sont stationnés au Kosovo, au sein de la KFOR, auxquels il faut ajouter 800 militaires stationnés en Macédoine ; 138 gendarmes, au sein de la KFOR, sont chargés à Mitrovica du maintien de l'ordre public ; 78 gendarmes sont affectés au sein de la police internationale de l'ONU ; 38 policiers sont présents à l'académie de police de Vucitrn, qui est chargée de la formation de la future police kosovare ; une centaine de Français travaillent en outre au sein de la MINUK.
Cet engagement soutenu et réfléchi a eu lieu dès le départ dans des conditions difficiles. Ce n'est pas surprenant puisque l'objectif était, et reste, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité, qui est le cadre que s'est fixé la communauté internationale, d'établir un Kosovo démocratique et pluraliste, où soit assurée la coexistence des populations dans la paix et la sécurité.
L'organisation d'élections au niveau local est nécessaire dans le processus de construction d'une société démocratique. La MINUK, sous l'autorité de Bernard Kouchner, et avec notre plein appui, travaille à en réunir les conditions.
Dans ce contexte, il fallait s'attendre à ce que des tensions aient lieu. Elles se multiplient en ce moment.
La ville de Mitrovica focalise toutes les tensions. C'est là effectivement que se matérialise le plus nettement la coupure démographique : environ 15 000 Serbes et 80 000 albanophones.
Les extrémistes des deux bords qui veulent faire échouer l'action de la communauté internationale, de la KFOR et de la MINUK, multiplient les provocations. Nous devons y résister avec la plus grande fermeté. La KFOR et la MINUK s'y emploient, et nous soutenons pleinement leurs efforts, en saluant le courage et le sang-froid dont ont fait preuve les soldats français au cours des événements de ces dernières semaines.
Il faut surmonter la crise de Mitrovica, préparer les élections locales et réfléchir aux étapes suivantes. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
AVENIR DU GROUPE ALSTOM