Séance du 9 mars 2000







M. le président. La séance est reprise.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission. Je ne voudrais pas, madame la secrétaire d'Etat, que ma demande spontanée de parole apparaisse comme une mauvaise manière à votre endroit, mais ce que j'ai à vous dire peut sans doute vous permettre d'apporter une réponse au problème posé.
Après vous avoir entendue, comme nous tous, avec beaucoup d'attention, M. le rapporteur a beaucoup insisté sur le fait que le caractère organique du présent texte et les propositions qui figurent à l'article 1er tiennent à notre volonté de donner aux communes forestières la possibilité de faire face aux immenses difficultés auxquelles elles sont confrontées.
Dans votre intervention au cours de la discussion générale - mais c'est moins votre fait personnel que la tendance naturelle du Gouvernement - vous avez indiqué qu'il ne revenait pas au Parlement de se préoccuper du sort des communes forestières. Nous, nous avons le sentiment que Bercy est bien loin de la réalité de la province française et qu'il ne la hume pas, si je puis dire. Sans doute nous trompons-nous... Si vous envoyiez vos collaborateurs de temps à autre au-delà du périphérique, là où sont les forêts françaises, peut-être rencontreraient-ils la dure réalité dont nous considérons, peut-être à tort, qu'ils ne perçoivent pas toujours l'ampleur.
M. Philippe Nogrix. Il faudrait les envoyer en stage !
M. Alain Lambert, président de la commission. Le Sénat, grand conseil des communes de France, considère qu'il a légitimement droit de traiter les difficultés des communes forestières. C'est pourquoi la Haute Assemblée va vous écouter dans un silence religieux nous dire ce que le Gouvernement - puisque vous avez expliqué, voilà quelques instants, que le Parlement n'est pas l'instance appropriée pour s'occuper de ces questions - va annoncer aux communes forestières comme solution à tous les problèmes qu'elles rencontrent, étant entendu que celles que vous avez d'ores et déjà annoncées, dont nous prenons acte et qu'elles connaissent, ne sont pas suffisantes.
Si vous ne nous apportez pas d'informations nouvelles, si vous ne prenez pas des engagements dont la portée pourra être appréciée par notre commission, je ne vois pas ce qui pourrait conduire celle-ci à changer de position, même si une offre vient de vous être faite par M. le rapporteur, qui a été très compréhensif.
Encore une fois, nous allons vous écouter dans un silence religieux, pour savoir si votre réponse modifiera substantiellement la donne et nous conduira à changer notre position. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, au fond, vous voulez savoir si je m'engage à utiliser la possibilité offerte par l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui prévoit que, « sauf dérogation admise par le ministre des finances, les collectivités territoriales de la République et les établissements publics sont tenus de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités », en contrepartie de quoi, si j'ai bien compris, vous seriez prêts à retirer l'article 1er de cette proposition de loi, dont le caractère organique est effectivement avéré.
Je considère que notre priorité, aujourd'hui, est de procéder à l'évaluation des dégâts ; cela va être fait dès maintenant, comme nous l'avons annoncé, avec les commissions départementales qui sont en cours d'installation, et c'est sur la base de ces travaux que nous prendrons les mesures appropriées.
La proposition de la commission des finances me paraît souffrir d'au moins trois handicaps.
Tout d'abord, les dérogations demandées ne permettront pas aux collectivités locales d'obtenir un rendement beaucoup plus élevé par rapport à celui qui est proposé par les produits du Trésor, alors même - et c'est tout de même un point très important - que le risque de perte en capital, lui, sera bien supérieur.
Par ailleurs - c'est le deuxième handicap - vous nous demandez de créer une sorte de précédent dont les conséquences au regard des relations financières qu'entretiennent les collectivités locales et l'Etat n'ont peut-être pas été bien mesurées. Nous discutons aujourd'hui des dégâts immenses qui ont été causés par une tempête météorologique sans précédent ; ne provoquons pas une tempête d'un genre différent entre l'Etat et les collectivités locales ! Cela ne me semble vraiment pas prioritaire.
Enfin - c'est le troisième handicap - vous demandez au Gouvernement, au fond, non pas de déroger à l'obligation de déposer au Trésor les disponibilités financières des communes, mais de déroger aux règles de placement prévues par la réglementation financière publique, notamment par le décret de 1962. Vous soulevez ainsi une question tout à fait différente.
Il me semble donc que l'article 1er de la proposition de loi vise en réalité un objectif qui dépasse largement la demande que vous formulez en sollicitant le recours aux dérogations prévues par l'article 15 de l'ordonnance organique de 1959.
Par conséquent, je ne peux que réaffirmer l'opposition du Gouvernement à cet article et inciter les communes à tirer le meilleur parti des trois éléments de souplesse qui ont été annoncés et que je rappelle : premièrement, l'assimilation des recettes tirées des ventes de chablis à une aliénation forcée du patrimoine communal, ce qui permettra aux communes de procéder au placement budgétaire de ces recettes par dérogation à la règle du dépôt des fonds libres au Trésor ; deuxièmement, l'abaissement à 1 000 euros du seuil à partir duquel les communes pourront effectuer des placements en bons du Trésor à taux fixe, et ce afin de répondre aux besoins des plus petites communes ; troisièmement, l'assouplissement des règles de gestion budgétaire et comptable afférentes aux recettes issues de ces placements : alors que celles-ci sont affectées, en principe, à la seule section d'investissement du budget communal, les communes qui le souhaitent seront autorisées, par exception à ce principe, à abonder de ces recettes, par un mécanisme de provision, leur section de fonctionnement.
Pour toutes ces raisons, je ne peux donc que maintenir l'opposition du Gouvernement à cet article.
M. Alain Lambert, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission. Je souhaiterais faire une remarque à caractère politique à propos de la réponse que vient de nous apporter Mme la secrétaire d'Etat. Cette dernière nous explique, au fond, que la méthode du Gouvernement consiste à étudier - c'est bien le sentiment que nous en avions ! - et à dire pour la suite : on verra demain.
M. Serge Vinçon. Et les bois seront pourris !
M. Alain Lambert, président de la commission. Les communes forestières ont donc la réponse à leurs préoccupations : on étudiera leur cas, et on verra demain ! J'imagine que M. le rapporteur considérera, comme moi-même, que les éléments nouveaux ne sont pas suffisants pour que la commission se réunisse encore une fois, et que l'article 1er peut donc maintenant être soumis au vote de la Haute Assemblée.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. M. le président de la commission des finances vient de dire l'essentiel. Je voudrais simplement vous indiquer une nouvelle fois, madame la secrétaire d'Etat, que, par cet article 1er, nous ne vous demandons rien d'autre que l'application d'une instruction de 1976, qui prévoit que les collectivités locales peuvent être également autorisées à « employer les fonds provenant de libéralités en toutes valeurs mobilières inscrites à la côte officielle d'une bourse française ».
Compte tenu de votre réponse négative, je ne peux que maintenir l'article 1er, que j'invite la Haute Assemblée à adopter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Je suis un peu choqué de la façon dont nos travaux sont considérés : le Gouvernement, estimant détenir la vérité, trouve que nous ne cherchons qu'à entraver ses décisions. Je ne ferai que répéter ce qu'ont dit mes collègues. On parle beaucoup de stages en entreprises : madame le secrétaire d'Etat, ce sont des stages en entreprise forestière qui devraient actuellement être imposés à vos collaborateurs de Bercy afin de leur permettre de se rendre compte de la gravité de la situation !
Quand des événements exceptionnels se produisent, des décisions exceptionnelles doivent être prises ! Et le débat parlementaire permet de faire remonter à Paris ce qui se passe dans les provinces.
Par conséquent, je suis pour ma part tout à fait favorable au maintien de l'article 1er, que je voterai, d'autant que les arguments avancés par le Gouvernement ne m'ont pas du tout convaincu. Cet article me semble très bien circonscrire les choses et ne fait craindre aucun débordement : il s'agit en effet d'une mesure liée très directement aux chablis et à la situation qui a été décrite.
Par ailleurs, quant au fait de dire que le Gouvernement est plus rapide que la loi, j'ai l'impression, après avoir écouté mes collègues, qu'on ne s'en rend pas tellement compte sur le terrain !
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles je voterai l'article 1er.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 2 et 3