Séance du 21 mars 2000
M. le président. « Art. 3. - L'article L. 342-3 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :
« Art. L. 342-3 . - Par dérogation à l'article 4 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d'administration de la société Air France compte vingt et un membres. Indépendamment des représentants de l'Etat, des salariés, des salariés actionnaires ainsi que des actionnaires autres que l'Etat et les salariés, le conseil peut comprendre des personnalités choisies soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou économique, soit en raison de leur connaissance du transport aérien. La représentation des salariés actionnaires peut se faire par catégories. Elle peut être subordonnée à la détention par l'ensemble des salariés actionnaires ou par chaque catégorie d'une part minimale du capital social. »
Je suis saisi de deux amendements, présentés par M. Poniatowski.
L'amendement n° 1 vise, à la fin de la première phrase du texte présenté par cet article pour l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile, à remplacer les mots : « vingt et un membres » par les mots : « vingt-trois membres ».
L'amendement n° 2 a pour objet de compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition du conseil d'administration doit également respecter la répartition du capital. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure, monsieur le ministre : faire passer le nombre des membres du conseil d'administration de vingt et un à vingt-trois n'a rien de révolutionnaire, d'autant que je reste dans le cadre du statut actuel d'Air France et de la loi de 1983 sur le secteur public. Il ne s'agit pas d'introduire le débat sur la privatisation !
Mme Hélène Luc. J'espère bien que non !
M. Ladislas Poniatowski. Cela viendra peut-être un jour, mais ce n'est pas l'objet de la présente discussion.
Même si Air France n'est pas une entreprise privée, il est bon que des actionnaires élus continuent à siéger au sein du conseil d'administration. En revanche, il existe au sein de l'entreprise un certain nombre d'injustices, puisque les pilotes, notamment, demeurent des salariés privilégiés par rapport aux 45 000 autres salariés d'Air France. Et il y a même une injustice parmi les pilotes eux-mêmes, entre ceux qui exerçaient déjà leur activité au moment de la négociation et ceux qui ont été recrutés entre-temps, à un rythme que j'ai rappelé tout à l'heure.
Ma proposition est très simple. Elle vise à tenir compte des nouveaux actionnaires, que ce soient les 2 400 000 tout petits actionnaires, qui ont tous dix actions ou moins, ou les actionnaires institutionnels, qu'on a le devoir de ménager.
Je ne sais pas, monsieur le ministre, ce qui se passera demain, si l'on élargira juste un peu ou si l'on ira vers une privatisation. Mais ce qui est sûr, c'est que l'on ne peut pas dire à ces actionnaires institutionnels qu'ils doivent investir dans notre entreprise nationale, qu'ils auront demain non pas 30 % mais peut-être 40 ou 45 % du capital, que leur argent est donc le bienvenu et, dans le même temps, qu'ils ne seront pas représentés à hauteur de ce capital au sein du conseil d'administration.
Monsieur le ministre, si je dis que ce n'est pas du tout révolutionnaire, c'est parce que, en faisant passer le nombre de 21 à 23, je vous donne une marge de manoeuvre supplémentaire. Votre proposition, que nous voterons a minima, consiste à faire passer le nombre 18 à 21, et comme vous êtes maître de répartir ces 21 sièges, vous serez le maître du jeu dans la répartition des 23 sièges.
Je dirai même que nous pourrions être piégés. Je ne peux en effet que souhaiter que l'un des deux sièges supplémentaires aille aux actionnaires du privé, que ce soient les petits actionnaires ou les actionnaires institutionnels, dire que vous avez le devoir de répartir ainsi, que c'est là un message à adresser auxdits actionnaires. Mais je vous ai dit aussi que je n'admettrais pas que l'Etat français, actionnaire majoritaire, soit minoritaire au conseil d'administration. Voilà pourquoi, s'il y a deux membres de plus, l'un d'eux sera forcément un représentant de l'Etat.
En tout cas, il faut aller vers plus de justice, en essayant d'améliorer la situation d'un certain nombre d'actionnaires qui sont lésés et qui le restent si l'on s'en tient à votre texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Compte tenu de l'heure, il ne me paraît pas opportun de revenir en long et en large sur l'ensemble des arguments qui ont été invoqués.
Ce matin, en commission, nous avons eu un long débat sur le sujet, long débat qui vient d'être excellemment résumé par M. Poniatowski, et c'est sur la base des arguments avancés que la commission a émis un avis favorable sur les deux amendements, qui sont cohérents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ces deux amendements me paraissent participer de la même logique.
Monsieur Poniatowski, d'abord, loin de moi l'intention de piéger qui que ce soit ! Soyez-en sûr, personne ne sera piégé, ni moi ni un autre ! Vous savez à quoi vous en tenir, quant à la composition qui est proposée.
Pour ma part - ce sera mon premier argument - je préférerais que l'entrée des représentants des salariés dans le conseil d'administration intervienne rapidement, parce que cela favorisera la mobilisation générale de l'entreprise pour le développement de son activité.
Cela étant, vous pouvez estimer qu'il faut amender le projet, ce qui suppose des navettes. Cela retardera les choses, mais, après tout, c'est le jeu...
M. Ladislas Poniatowski. ... de la démocratie !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... du débat parlementaire.
Mon second argument, c'est qu'avec vingt et un sièges nous sommes dans le haut de la fourchette au regard de tous les conseils d'administration. Vous feriez donc une exception française.
M. Ladislas Poniatowski. Elle existe déjà avec France Télécom.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non, vingt et un, c'est le haut de la fourchette pour toutes les sociétés cotées en bourse.
L'Assemblée nationale, dans un souci d'efficacité, a adopté les propositions qui sont faites sans amendement. Le Sénat peut estimer qu'il faut les modifier. Mais il est certain que le vote conforme faciliterait les choses pour l'avenir.
Voila pourquoi je demande à leur auteur de retirer ces deux amendements, monsieur le président, faute de quoi le Gouvernement s'y opposera.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. En proposant d'augmenter le nombre des administrateurs, monsieur Poniatowski, vous voulez d'abord doubler le nombre des représentants des actionnaires privés au sein du conseil d'administration,...
M. Ladislas Poniatowski. Ils passent de deux à trois !
M. Pierre Lefebvre. ... même si vous semblez vouloir rééquilibrer la représentation au sein des différentes catégories.
A notre sens, vos deux amendements empiètent sur le pouvoir réglementaire du Gouvernement. Ils sont d'ailleurs conformes à l'objectif que vous ne cessez de viser, à savoir favoriser la conduite et la gestion d'Air France par le secteur financier. Cette action s'inscrit - chacun l'a bien compris, même si vous vous en défendez - dans la volonté de créer les conditions d'une privatisation totale de la compagnie.
Telle n'est pas la position du Gouvernement, qui, à l'inverse, entend conforter le développement et le redressement d'Air France par la présence majoritaire de l'Etat. Telle n'est pas non plus la nôtre, et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre les deux amendements.
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Aux arguments déjà invoqués - mais je crains que les arguments ne suffisent pas, parce que M. Poniatowski n'a pas envie d'être convaincu - j'en ajouterai deux autres.
D'abord, l'augmentation du nombre de sièges contribuerait à diluer la représentation des salariés non actionnaires dans le conseil d'administration, ce qui serait parfaitement contraire à l'esprit de la loi de 1983 et à la démocratisation du secteur public.
Ensuite, on ne saurait retarder un projet qui est attendu par la compagnie elle-même, par la direction et par l'ensemble des salariés. Ce n'est pas le rôle du Parlement de s'opposer à un consensus social qui a été obtenu dans une entreprise après une longue grève.
Voilà pourquoi le groupe socialiste votera, lui aussi, contre les deux amendements. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 43:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 218 |
Contre | 100 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Vote sur l'ensemble