Séance du 4 avril 2000







M. le président. Par amendement n° 163, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposant d'insérer, avant l'article 28 quinquies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 2-6 du code de procédure pénale, après les mots : "discriminations fondées sur le sexe", sont insérés les mots : ", l'orientation sexuelle, vraie ou supposée," et après les mots : "commises en raison du sexe," sont insérés les mots : "de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée,". »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Les explications que je développerai ici valent également pour les amendements n°s 164, 165 et 166 qui ont été déposés par le groupe communiste républicain et citoyen et qui ont pour objet commun la lutte contre l'homophobie.
La récente loi sur le PACS a révélé combien les homosexuels, gays ou lesbiennes étaient encore exposés à des manifestations de violences physiques ou verbales et à des discriminations.
A cette occasion, nous ont aussi été révélées les lacunes de notre droit et l'urgence qu'il y a à adopter une législation adaptée, permettant de protéger les homosexuels contre les discours de haine et les discriminations, et à faire ainsi respecter pleinement les principes d'égalité et de liberté auxquels notre pays est profondément attaché.
L'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, auquel notre Constitution donne force positive par référence dans son préambule, constitue l'un des principes fondateurs de notre République qui affirme sans ambiguïté : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Pour être effective, la lutte contre les comportements homophobes nécessite que les homosexuels puissent être défendus par des associations agissant en leur nom collectif. Bien souvent, la lutte individuelle en cette matière est douloureuse, difficile à mettre en oeuvre et, dès lors, insuffisante. On en a des exemples, en particulier en matière de propos racistes ou antisémites.
Il apparaît par conséquent impératif de modifier l'article 2-6 du code de procédure pénale afin d'intégrer, au titre des associations habilitées à exercer les droits reconnus à la partie civile, celles qui visent la lutte contre les discriminations fondées non seulement sur le sexe et les moeurs, mais également sur l'orientation sexuelle, vraie ou supposée.
Dans le même sens, il est nécessaire de modifier l'article 2-18 du code, tel qu'il est proposé par le texte de l'Assemblée nationale, afin de permettre à des associations gays et lesbiennes de se porter partie civile dans les affaires d'atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne. Tel est l'objet de nos amendements n°s 164 et 165.
Enfin, il nous semble indispensable que l'incitation à la haine homophobe soit pénalement réprimée : nous vous proposons, en conséquence, de permettre à ces mêmes associations de se constituer partie civile dans les affaires de presse. Elles doivent également pouvoir porter plainte pour diffamation ou injure ; l'amendement n° 166 a été déposé dans cette perspective.
En commission des lois, nous avons vu opposer à nos amendements l'argument selon lequel l'expression « orientation sexuelle » serait trop floue pour constituer une définition juridique opérationnelle. Je note pourtant que ces termes sont précisément ceux qui sont retenus dans l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne, modifié par le traité d'Amsterdam : « Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».
Cet article, je le souligne, figure d'ailleurs dans la partie consacrée aux principes de la Communauté, ce qui en fait une pierre angulaire de tout le droit communautaire.
La commission des lois nous a, en outre, objecté que nos propositions feraient double emploi avec la lutte contre les discriminations fondées sur les moeurs. C'est vrai, en théorie ! Mais ce discours s'effrite devant la réalité judiciaire car, si l'on y regarde de plus près, il n'existe pas de jurisprudence sur cette base.
Il apparaît donc aujourd'hui indispensable d'aller au-delà et d'affirmer explicitement notre volonté, en tant que législateurs, de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour lutter contre les discriminations liées tant au sexe qu'à l'orientation sexuelle de la personne.
A l'heure de la parité, on ne peut justifier que subsistent encore des inégalités de cette nature. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter l'ensemble des amendements de notre groupe.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande que l'amendement n° 68, qui concerne le même problème, soit examiné par priorité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
J'appelle donc en discussion par priorité l'article 28 quinquies.
« Art. 28 quinquies . - Après l'article 2-16 du même code, il est inséré un article 2-18 ainsi rédigé :
« Art. 2-18 . - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations fondées sur le sexe, sur les moeurs, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, d'une part, les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, d'autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne et les destructions, dégradations réprimées par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18 et 322-13 du code pénal, lorsqu'elles ont été commises en raison du sexe, de la situation de famille, des moeurs de la victime, et par l'article L. 123-1 du code du travail. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 68, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article 2-6 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'association peut également exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne et de destructions, dégradations et détériorations réprimées par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18 et 322-1 à 322-13 du code pénal, lorsque ces faits ont été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime, dès lors qu'elle justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un majeur protégé, celui de son représentant légal. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 164 vise, dans le texte présenté par l'article 28 quinquies pour l'article 2-18 du code de procédure pénale, après les mots : « discriminations fondées sur le sexe, », à insérer les mots : « l'orientation sexuelle, vraie ou supposée ».
L'amendement n° 165 tend, dans le texte présenté par l'article 28 quinquies pour l'article 2-18 du code de procédure pénale, après les mots : « commises en raison du sexe, », à insérer les mots : « l'orientation sexuelle, vraie ou supposé, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 68.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre à des associations qui luttent contre les discriminations en matière de moeurs d'exercer des droits reconnus à la partie civile. Il couvre donc le même problème que l'amendement de M. Bret, mais avec un langage différent.
Ce langage a paru préférable à la commission. Nous visons ainsi les faits qui ont été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime. Cette expression me paraît plus complète, plus claire et plus précise que la notion d'orientation sexuelle, vraie ou supposée.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite le vote de l'amendement n° 68, qui rendrait inutile l'adoption de l'amendement n° 163, dont la conséquence était d'introduire dans nos codes une nouvelle notion déjà comprise dans la notion traditionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 68 ? Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Les amendements n°s 164 et 165 ont le même objectif : mieux asseoir la condamnation de discrimination pour des orientations sexuelles. J'avoue, moi aussi, préférer la rédaction de l'amendement de la commission des lois, amendement auquel je suis favorable.
M. le président. Les amendements n°s 164 et 165 sont-ils maintenus ?
M. Robert Bret. Ils le sont.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 28 quinquies est ainsi rédigé et les amendements n°s 163, 164 et 165 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 28 quinquies