Séance du 25 avril 2000






ÉGAL ACCÈS DES FEMMES ET DES HOMMES
AUX MANDATS ÉLECTORAUX

Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
et d'un projet de loi organique en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle :
- la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 295, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. [Rapport (n° 299, 1999-2000)] ;
- et la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique (n° 296, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna. [Rapport (n° 299, 1999-2000)].
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour un nouvel examen des projets de loi sur la parité en politique.
Je tiens à remercier Jean-Pierre Chevènement, actuellement retenu par un important comité des finances locales, de m'avoir confié le soin de représenter aujourd'hui le Gouvernement, afin de ne pas retarder la tenue de cette séance. C'est, bien sûr, avec beaucoup de plaisir que je m'acquitte de cette tâche, consistant à défendre cette réforme voulue par M. le Premier ministre et le Gouvernement, qui permettra de renouveler et de moderniser notre vie politique.
Ces textes sont attendus par l'opinion et ils pourront être appliqués dès les élections municipales de 2001. Il est donc temps d'achever cette oeuvre législative, qui s'est ouverte avec la réforme constitutionnelle du 28 juin 1999.
Vous êtes aujourd'hui saisis, mesdames, messieurs les sénateurs, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et, en deuxième lecture, du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.
La loi ordinaire a fait l'objet d'une déclaration d'urgence. Après une lecture à l'Assemblée nationale et une lecture au Sénat, la commission mixte paritaire s'est réunie et a échoué. L'Assemblée nationale en a, de nouveau, été saisie le 30 mars dernier. Après l'examen auquel le Sénat procède aujourd'hui, ce projet de loi, qui comporte les dispositions essentielles, sera rapidement présenté à l'Assemblée nationale, pour une lecture définitive, un accord paraissant bien improbable compte tenu des propositions de la commission des lois du Sénat.
Le projet de loi organique, qui était nécessaire s'agissant des assemblées de Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, n'a pas fait l'objet d'une telle déclaration d'urgence. Une nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale et devant votre assemblée était donc indispensable avant que le Gouvernement puisse demander la réunion de la commission mixte paritaire puis, à défaut d'un accord, après une ultime navette, donne le dernier mot à l'Assemblée nationale.
La loi organique n'est pas, dans le cas qui nous occupe, la norme supérieure à la loi ordinaire. Elle applique simplement à des territoires spécifiques les règles définies pour la plus grande partie du territoire de la République par la loi ordinaire.
Soucieuse, monsieur le président, de tenir mon engagement d'être synthétique, je ne reprendrai pas le débat de fond qui nous passionne tous puisque ce débat philosophique, nous l'avons déjà eu lors de la première lecture.
Je voudrais néanmoins insister sur la dynamique dont semble bien faire l'objet, dans l'opinion publique, le thème de l'égalité citoyenne entre hommes et femmes.
A cet égard, je ferai état d'un très récent sondage réalisé pour un quotidien sur le sujet : « les femmes et la politique ». Il fait apparaître que neuf Français sur dix sont prêts à faire confiance à une femme à l'Elysée. Par rapport à un précédent sondage réalisé en 1994, l'évolution est indéniable : à la même question, 73 % des Français s'étaient à l'époque déclarés prêts à faire confiance à une femme pour exercer cette très haute fonction.
La dynamique existe assurément et l'opinion soutient indiscutablement l'égalité citoyenne entre les hommes et les femmes.
M. Alain Vasselle. Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Cependant, l'égalité ne se réduit pas à la conquête de la parité dans les assemblées politiques. Le Premier ministre l'a dit lui-même : « Si la parité en politique est un combat que nous sommes en train de gagner, elle n'épuise pas notre ambition réformatrice. »
Cette ambition réformatrice a fait l'objet d'une déclaration publique, le 8 mars dernier, avec la tenue d'un comité interministériel sur les droits des femmes donnant lieu à une plate-forme gouvernementale d'ensemble.
Une grande campagne civique, qui a été demandée par nombre d'élus sur le terrain, permettra, dès cet automne, d'accompagner la loi sur la parité. Elle sera menée par des associations engagées dans la promotion de la citoyenneté et sera soutenue par le budget de l'Etat, au travers de crédits dévolus au service d'information du Gouvernement, aux droits des femmes et au ministère de l'intérieur.
Pour ce qui concerne le délicat sujet de l'accès aux responsabilités dans les organisations socio-économiques, je mène une concertation avec les partenaires sociaux, et une réunion du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle y a été consacrée. J'ai cru comprendre que les partenaires sociaux étaient également nombreux à souhaiter avancer sur le sujet de la place des femmes dans le dialogue social.
M. Alain Vasselle. Il fallait commencer par là !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. C'est pourquoi le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social pour qu'il réfléchisse à des propositions concrètes dans ce domaine.
Bien sûr, je suis prudente, car je n'ignore pas que l'accès aux responsabilités dans la vie professionnelle relève de la liberté de gestion de l'employeur. Néanmoins, la proposition de loi sur l'égalité professionnelle, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 7 mars dernier et dont le Sénat débattra très prochainement, instaure une obligation de négocier tous les trois ans dans les entreprises et les branches sur tous les sujets touchant à l'égalité professionnelle. Bien entendu, cette proposition de loi concerne également la fonction publique, pour laquelle l'Etat a une responsabilité plus directe.
M. Alain Vasselle. Il va falloir faire le ménage ! (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne les dispositions des projets de loi que le Sénat examine aujourd'hui, je reprendrai très brièvement les arguments développés lors de la précédente lecture. Notre débat de ce jour se pose, en effet, exactement dans les mêmes termes puisque la commission des lois du Sénat revient au texte initial du projet de loi du Gouvernement, sous réserve de la reprise d'une disposition que vous aviez déjà adoptée en première lecture et qui tend à ne pas rendre applicable la diminution de l'aide publique aux partis politiques qui ne présenteraient pas un nombre égal d'hommes et de femmes mais dont le nombre des élus de chaque sexe répondrait à l'objectif de parité.
Aujourd'hui, comme le souligne votre rapporteur, les deux assemblées sont d'accord sur la nécessité de mettre en oeuvre le principe constitutionnel de la parité, à la fois par une obligation de composition paritaire des listes de candidats à l'occasion des scrutins de listes et, pour les élections législatives, par une pénalisation financière des partis qui ne présenteraient pas autant de candidats que de candidates.
De même, les deux assemblées s'accordent sur l'obligation d'indiquer le sexe des candidats sur les déclarations de candidatures, ainsi que sur la nécessité d'informer le Parlement, à travers un rapport annuel d'évaluation de la loi, sur l'utilisation des crédits issus de la diminution éventuelle de l'aide publique et sur l'évolution de la féminisation de la vie politique.
Votre commission ne retient pas la modification introduite par l'Assemblée nationale concernant l'obligation d'une alternance entre candidates et candidats pour les élections européennes et sénatoriales, c'est-à-dire celles auxquelles s'applique un scrutin de liste à un tour.
Il en va de même s'agissant de la parité par groupe de six pour les élections municipales et régionales, c'est-à-dire celles auxquelles s'applique un scrutin de liste à deux tours.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, abaissé le seuil d'application du mode de scrutin des communes de plus de 3 500 habitants aux communes de 2 500 habitants, conformément à ce que souhaitait le ministre de l'intérieur dans l'espoir d'obtenir un consensus entre les deux assemblées.
M. Alain Vasselle. C'est de la magouille électorale ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Cela n'a pas été possible mais, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes précisément là pour poursuivre le dialogue. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle. Faites entendre la voix de la raison, monsieur Cabanel !
M. Guy Cabanel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mais où est la raison, mon cher collègue ?...
M. Alain Vasselle. Dans la sagesse !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la fin de l'année 1999, le Parlement a été saisi de deux textes tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives : un projet de loi simple concernant les assemblées parlementaires et les assemblées locales de métropole et d'outre-mer, sur lequel le Gouvernement a déclaré l'urgence - c'est donc, aujourd'hui, la dernière fois que nous l'examinerons - et un projet de loi organique portant exclusivement sur les assemblées territoriales d'outre-mer, sur lequel l'urgence n'a pas été déclarée.
Aujourd'hui, le Sénat va examiner en nouvelle lecture le projet de loi simple adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 30 mars 2000, ainsi que le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à la même date.
Sur le projet de loi simple, la commission mixte paritaire, réunie le 9 mars 2000 après une seule lecture dans chaque assemblée, n'est pas parvenue à un accord.
L'échec de celle-ci a été constaté après un partage égal des voix sur la disposition introduite par l'Assemblée nationale pour modifier le mode de scrutin municipal et avant tout examen des autres dispositions du projet de loi concernant la mise en oeuvre législative du principe d'égal accès.
En nouvelle lecture, la principale modification apportée par l'Assemblée nationale à sa rédaction de première lecture du projet de loi porte sur le seuil de partage des modes de scrutin municipaux, qu'elle a fixé à 2 500 habitants, au lieu des 2 000 habitants qu'elle avait proposés en première lecture pour remplacer le seuil actuel de 3 500 habitants.
Pour autant, dès la première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat se sont accordés sur des points importants.
Ainsi, le principe constitutionnel de parité, approuvé l'an dernier par chacune des deux assemblées, puis par le Congrès dans la rédaction de synthèse proposée par le Sénat en deuxième lecture, ne fait pas l'objet de discussions entre les assemblées.
Le désaccord ne porte pas davantage sur la nécessité de prendre des mesures législatives pour mettre en oeuvre ce principe constitutionnel, le Sénat ayant, comme l'Assemblée nationale, adopté en première lecture des dispositions incitatives et des mesures contraignantes à cet effet et décidé qu'elles entreraient en vigueur lors du prochain renouvellement des assemblées concernées.
Les deux assemblées se sont, en outre, accordées sur une obligation de composition paritaire des listes de candidats, de nature à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.
Par ailleurs, le Sénat a, comme l'Assemblée nationale, accepté les dispositions proposées concernant une réduction de l'aide publique aux partis politiques pour lesquels serait constaté un écart dépassant 2 % entre le nombre de candidats et le nombre de candidates aux élections législatives.
De même, les sénateurs ont, comme les députés, prévu l'indication du sexe des candidats sur les déclarations de candidatures, qu'il s'agisse d'un scrutin de liste ou d'un scrutin uninominal, ainsi qu'une information du Parlement sur l'évaluation de la loi, sur l'utilisation des crédits issus de la diminution éventuelle de l'aide publique et sur l'évolution de la féminisation des scrutins non concernés par la loi.
Même s'il existe des points de divergence entre les deux assemblées, le Sénat, en première lecture, a retenu, pour l'essentiel, les dispositions du projet de loi initial.
Il a considéré qu'une obligation de composition des listes égale entre les sexes, sans contrainte supplémentaire quant à l'ordre de présentation des candidats, créerait une dynamique permettant de satisfaire, dans des délais raisonnables, au principe d'égal accès.
Le Sénat s'est étonné de l'initiative prise en première lecture par l'Assemblée nationale, et consistant à étendre le mode de scrutin proportionnel aux élections municipales, et cela en contradiction manifeste avec le compromis qui avait permis d'aboutir, l'an dernier, à la révision constitutionnelle.
En conséquence, le Sénat, en première lecture, a adopté, pour l'essentiel, les dispositions du projet de loi initial, sans retenir les contraintes excessives ajoutées par l'Assemblée nationale.
Pour sa part, l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a repris, le 30 mars 2000, son texte de première lecture, en portant toutefois le seuil d'application du mode de scrutin proportionnel pour les élections municipales à 2 500 habitants, au lieu de 2 000 habitants dans sa rédaction de première lecture.
Cette modulation écarterait du champ d'extension de la représentation proportionnelle, par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, 876 communes où vivent près de 2 millions d'habitants.
Il n'en demeurerait pas moins que l'abaissement aux communes de 2 500 au lieu de 3 500 habitants du mode de scrutin applicable dans les communes plus peuplées concernerait 1 048 communes. Plus de 5 % de la population serait ainsi privée du droit de panachage dont elle dispose depuis la loi municipale du 5 avril 1884.
M. Alain Vasselle. C'est la cuisine électorale des partis politiques !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Plus fondamentalement, il s'agirait toujours d'une modification du mode de scrutin municipal, contraire à l'engagement formel du Premier ministre de ne pas faire de la parité un prétexte à une modification des modes de scrutin.
Cette modification mélangerait inutilement deux débats, l'un sur la parité et l'autre sur un mode de scrutin, et a d'ores et déjà fait obstacle à la recherche du consensus qui aurait été souhaitable sur le premier de ces sujets.
M. Gérard Cornu. Tout à fait !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Je souligne enfin que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale ajouterait, dans les communes comptant entre 2 500 et 3 500 habitants, à l'obligation de parité un bouleversement supplémentaire du régime électoral municipal, et ce à moins d'un an du renouvellement des conseils municipaux.
M. Alain Vasselle. C'est contraire à l'engagement du Premier ministre !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Comme en première lecture, l'Assemblée nationale a alourdi, le 30 mars 2000, le dispositif initial du Gouvernement, approuvé par le Sénat en première lecture, qui prévoyait des listes paritaires mais sans contrainte supplémentaire concernant la place respective des femmes et des hommes sur les listes.
Pour les scrutins de liste à deux tours - élections municipales dans les communes d'au moins 2 500 habitants, élections régionales, élections à l'Assemblée de Corse, élections cantonales à Saint-Pierre-et-Miquelon - l'Assemblée nationale a prévu que la parité serait exigée par groupes entiers de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste.
Pour les scrutins de liste à un tour - élections sénatoriales dans les départements soumis au scrutin proportionnel et élections européennes - l'Assemblée nationale a prévu que chaque liste devrait être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a pris, de plus, l'initiative de prévoir que les listes de candidats au Conseil supérieur des Français de l'étranger devraient comporter 50 % de candidats de chaque sexe dans les circonscriptions comptant au moins trois sièges à pourvoir.
Dans le cadre de la loi organique, les députés ont prévu la composition en alternance des listes pour l'élection des membres des assemblées territoriales de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie.
En revanche, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a supprimé, pour l'Assemblée territoriale de la Polynésie française seulement, cette obligation de composition alternée, ne maintenant que l'obligation d'un nombre égal de candidats de chaque sexe, à une unité près.
Dans l'ensemble, les textes adoptés par l'Assemblée nationale apporteraient une contrainte excessive par rapport à l'objectif d'égal accès, alors même que les scrutins de ces toutes dernières années démontrent l'émergence d'une réelle dynamique en l'absence de toute législation.
M. Alain Vasselle. Il n'y avait pas besoin de loi !
M. Claude Estier. Dynamique bien faible !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Pas aux européennes ! Pas au dernier scrutin, cher président !
L'exigence d'un nombre égal de candidats de chaque sexe, à une unité près, paraît nécessaire au développement, à l'amplification de ce mouvement, sans qu'il soit pour cela indispensable d'ajouter des contraintes exagérées au regard de la liberté de candidature, dont le principe doit être concilié avec celui d'égal accès.
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Guy Cabanel, rapporteur. La commission s'est d'ailleurs interrogée sur la question de savoir si les adjonctions de l'Assemblée nationale n'allaient pas au-delà de l'autorisation constitutionnelle de « favoriser », et non d'imposer, l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Les députés, confirmant le dispositif du projet de loi initial en ce qui concerne la modulation du financement public des partis politiques en fonction de l'écart entre la proportion des candidats de chaque sexe aux élections législatives, n'ont cependant pas retenu la disposition complémentaire adoptée par le Sénat en première lecture, excluant la pénalisation lorsque l'écart entre les élus de chaque sexe est inférieure à 2 %.
Or l'aménagement adopté par le Sénat, qui maintient comme principe la pénalisation en fonction de l'écart entre les candidats, a simplement prévu un complément dans le seul cas d'un parti qui aurait, en définitive, atteint l'objectif de parité en termes d'élus.
Il faut reconnaître que, dans ce cas-là, pénaliser un tel parti serait paradoxal !
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli les dispositions étrangères au projet de loi, dont elle avait pris l'initiative en première lecture et que le Sénat avait disjointes, concernant la démission d'office du conseiller général et l'éligibilité au conseil consultatif d'une commune associée, dispositions dont nous ne voyons pas très bien le rapport avec ce texte d'application de la parité.
M. Alain Vasselle. C'est évident !
M. Guy Cabanel, rapporteur. L'Assemblée nationale n'ayant pas tenu compte des positions du Sénat, la commission vous propose, pour l'essentiel et comme en première lecture, de revenir au texte initial du Gouvernement.
Elle a entendu concilier le principe d'égal accès avec celui de la liberté de candidature, laissant à l'électeur le soin de porter une appréciation sur la composition des listes.
Elle a donc écarté les dispositions contraignantes sur la composition des listes, insérées par l'Assemblée nationale en première lecture et confirmées par elle en deuxième lecture - parité par groupes de six candidats ou stricte alternance des candidates et des candidats.
La commission a refusé l'abaissement à 2 500 habitants du seuil d'application du mode de scrutin proportionnel pour les élections municipales.
Elle vous propose de ne pas retenir la mise en oeuvre de la parité pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, une telle réforme devant être précédée d'une consultation approfondie des élus de nos compatriotes ne résidant pas en France.
M. Charles de Cuttoli. Très bien !
M. Guy Cabanel, rapporteur. Elle vous propose, comme en première lecture, de disjoindre les dispositions étrangères au projet de loi concernant la procédure de démission d'office du conseiller général et relatives à une condition d'éligibilité au conseil consultatif des communes associées.
En conséquence, comme en première lecture et pour l'essentiel, la commission vous propose de revenir aux dispositions du projet de loi initial, selon ses propositions de première lecture.
Pour les scrutins de liste, la recevabilité d'une candidature serait subordonnée à un écart maximum d'une unité entre le nombre de candidats de chaque sexe, sans contrainte supplémentaire sur la composition des listes.
Ces dispositions s'appliqueraient aux élections municipales, dans les communes d'au moins 3 500 habitants, sans changement du mode de scrutin municipal.
Elles s'appliqueraient aussi aux élections sénatoriales, dans les départements soumis au scrutin proportionnel, aux élections régionales, à celles de l'Assemblée de Corse, aux élections cantonales à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux élections européennes ainsi qu'aux élections des assemblées territoriales des collectivités d'outre-mer. Tout cela aurait le mérite de la simplicité.
S'agissant des élections législatives, l'aide publique aux partis politiques - première fraction liée aux suffrages recueillis à ces élections - serait réduite lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasserait 2 % du nombre total des candidats.
La commission propose, en outre, qu'aucune diminution ne soit applicable lorsque l'écart entre le nombre d'élus de chaque sexe des partis concernés ne dépasse pas 2 %, afin de ne pas pénaliser, dans ce cas exceptionnel, les partis qui favoriseraient ainsi le plus effectivement la composition paritaire de l'Assemblée nationale.
L'ensemble de ces dispositions entrerait en vigueur à compter du prochain renouvellement des assemblées concernées.
C'est avec regret que je constate que, après un large accord du Parlement réuni en Congrès sur l'introduction du principe de parité dans la Constitution, une solution consensuelle n'a pas été trouvée pour définir les dispositions électorales d'application de la réforme constitutionnelle du 28 juin 1999.
Cette solution aurait pu être tout simplement le vote du texte initial du Gouvernement pour le projet de loi ordinaire, approuvé par le Sénat dès la première lecture. L'Assemblée nationale en a décidé autrement.
En conséquence, je vous invite, mes chers collègues, à prendre une position conforme aux votes émis par le Sénat lors de cette révision constitutionnelle et lors de l'examen des présents textes en première lecture, et ainsi d'éviter que la formule « favorise » ne soit transformée, dans les faits, en « détermine ».
Pour cela, la commission vous propose, pour l'essentiel, d'en revenir au texte du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Vasselle. Le texte du Gouvernement ne « favorise » pas, il « impose » !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet que le ministre de l'intérieur nous avait proposé nous avait semblé satisfaisant en première lecture, encore qu'il n'était sans doute pas tout à fait conforme à la révision constitutionnelle que nous avions votée en juin 1999,...
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Patrice Gélard. ... encore qu'il n'avait prévu aucune mesure d'amont pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. J'en veux pour preuve le cas, tout à fait pertinent en l'occurrence, dont j'ai été saisi cette semaine, d'une femme qui a pris un congé parental pour s'occuper de politique. Eh bien, du même coup, elle a perdu le bénéfice de toutes les aides lui permettant de payer une crèche ou une garde pour ses enfants. (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Danièle Pourtaud. Il s'agissait d'un congé spécial, pas d'un congé parental !
M. Guy Allouche. Oui, un congé spécial !
Mme Dinah Derycke. Le congé parental ne peut être utilisé comme un congé spécial !
M. Patrice Gélard. Non ! Il s'agit d'un congé parental ! Quand on bénéficie d'un congé parental, il va de soi que l'on perd toute autre forme d'aide pour une garde d'enfant à domicile ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler l'orateur.
M. Jean-Louis Carrère. C'est pour l'aider dans sa démonstration, monsieur le président ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. C'est tout le problème du statut de l'élu !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, M. Gélard a la parole, et lui seul !
M. Patrice Gélard. Dès lors, une femme qui veut cesser d'exercer une activité professionnelle pour mener à bien une carrière politique n'y est pas encouragée,...
Mme Dinah Derycke. Un homme non plus !
Mme Danièle Pourtaud. Tout à fait !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Non, en effet !
M. Patrice Gélard. ... notamment lorsqu'elle a des enfants. (Protestations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle. C'est la réalité !
Mme Dinah Derycke. C'est pareil pour les hommes !
Mme Hélène Luc. Comme si cela pouvait s'opposer !
M. Patrice Gélard. Il manquait donc, dans le texte proposé par le ministre de l'intérieur, toute une série de mesures d'amont permettant aux femmes de se destiner à la vie politique et d'accéder plus aisément aux mandats électoraux ou aux fonctions électives.
M. Alain Vasselle. C'est sûr !
M. Patrice Gélard. Cela étant, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale après l'échec de la commission mixte paritaire, qu'il convient de regretter, comme l'a fait le rapporteur, ne peut pas être adopté en la forme par le Sénat. En effet, ce texte n'est tout d'abord pas conforme à la révision constitutionnelle de juin 1999, qui prévoyait que la loi « favorise », et en aucun cas qu'elle impose.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Patrice Gélard. Or, en réalité, les amendements déposés à l'Assemblée nationale imposent, et ils imposent tout à la fois une parité et des quotas.
M. Alain Vasselle. Absolument !
M. René-Pierre Signé. Il faut bien vous les imposer !
M. Patrice Gélard. Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale n'est pas non plus conforme à d'autres dispositions de la Constitution qui n'ont pas été abrogées par la révision constitutionnelle de 1999, notamment l'article 3 de la Constitution et l'article XVI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sur lesquels s'était appuyé le Conseil constitutionnel dans ses décisions de 1982 et de 1999. Or, comme le soulignait le doyen Vedel, la révision constitutionnelle que nous avons adoptée l'année dernière ne remet pas en cause la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982 et de 1999.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Patrice Gélard. C'est la raison pour laquelle je regrette que l'Assemblée nationale, en commission mixte paritaire, n'ait pas consenti à un compromis car, du même coup, c'est l'ensemble du texte qui risque d'être déféré à la censure du Conseil constitutionnel, et c'est cette juridiction qui nous indiquera, à nous, comment, en réalité, interpréter la révision que nous avons faite, parce que cette révision a connu deux lectures, celle que nous avons voulue et une autre que l'on veut nous imposer.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. La « censure du Conseil constitutionnel » : c'est une menace ?
M. Patrice Gélard. J'ajoute que le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale n'est pas non plus conforme aux engagements du Premier ministre.
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Patrice Gélard. Permettez-moi de relire les propos que tenait le Premier ministre à la tribune du Congrès.
M. Alain Vasselle. Il faut rafraîchir la mémoire de nos collègues !
M. Patrice Gélard. « Mais je veux redire ici ce que j'ai déjà précisé le 9 décembre dernier devant la représentation nationale, cette révision n'est pas conçue comme un prétexte à une modification des modes de scrutin, tout particulièrement du mode de scrutin législatif. »
C'est l'ensemble des modes de scrutin qui était visé par le Premier ministre. Or, en fait, on va utiliser ce projet relatif à la parité pour modifier le mode de scrutin municipal et pour ajouter, au moyen de cavaliers qui n'ont rien à voir avec ce texte, des dispositions concernant, notamment, la destitution d'un conseiller général.
On peut encore se demander dans quelle mesure la modification du mode de scrutin pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger ne constitue pas un autre cavalier législatif.
En d'autres termes, on a utilisé la parité comme un prétexte...
M. René-Pierre Signé. Faux !
M. Alain Vasselle. Vrai !
M. Patrice Gélard. ... pour modifier un mode de scrutin auquel le Premier ministre s'était engagé à ne pas toucher et pour imposer à la classe politique des règles qui n'ont plus rien à voir avec la parité et qui, en réalité, la dénature. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé. Interprétation fausse !
M. Patrice Gélard. C'est la raison pour laquelle, compte tenu du caractère non conforme à la révision constitutionnelle que nous avons adoptée, nous nous rallions aux propositions de notre excellent rapporteur, qui revient à un texte raisonnable : celui que nous aurions dû tous adopter et qui aurait fait progresser les choses.
Hélas ! l'Assemblée nationale n'a pas suivi cette voie, elle s'est engagée dans une autre perspective, et qui traduit la révision constitutionnelle, qui est celle de la volonté de mettre en place une parité dans toutes nos institutions. Comme nous l'avions dit au moment du Congrès, la parité n'est pas conforme à la démocratie car elle crée des catégories séparées lorsqu'elle repose sur des quotas. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe commmuniste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Quand comprendrez-vous ?
M. Alain Vasselle. Vous n'êtes pas des démocrates, vous ne respectez pas la volonté du peuple !
M. Patrice Gélard. Nous l'avions dit en première lecture, nous étions prêts à faire des concessions, nous étions disposés à aller le plus loin possible, dans le respect des règles démocratiques et de la souveraineté du corps électoral.
M. Alain Vasselle. Voilà !
M. Patrice Gélard. La voie dans laquelle nous ont engagés des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, malgré les réticences du Gouvernement qui, sur ce point, n'a pas été suivi, nous amène à revenir au texte de la commission des lois du Sénat et par-delà, compte tenu de ce que fera l'Assemblée nationale en dernière lecture, nous conduira à saisir le Conseil constitutionnel. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé. Lamentable !
Mme Hélène Luc. C'est vraiment à désespérer, monsieur Gélard !
M. le président. La parole est à Mme Terrade. (Applaudissements sur les travéees du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Enfin une femme !
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner, respectivement en nouvelle lecture et en deuxième lecture, deux projets de loi qui, à mes yeux, sont essentiels pour le développement et la modernisation de notre vie politique.
Ces deux textes, visant à « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives », recueillent, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat, une large adhésion dans l'opinion publique. Ces textes sont, bien évidemment, le résultat de la volonté politique du Gouvernement et de sa majorité, mais également la conséquence des luttes courageuses menées par les femmes depuis des décennies pour obtenir l'égalité dans tous les domaines de la vie.
L'un de ces textes est un projet de loi ordinaire, sur lequel l'urgence a été déclarée. Après un premier examen par les députés et dans notre assemblée, la commission mixte paritaire n'a pas pu parvenir à un accord, tant les différences d'appréciation entre les majorités des deux chambres étaient - et demeurent - importantes.
L'autre texte est un projet de loi organique. Il concerne les assemblées de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna. Ce dernier n'a pas fait l'objet d'une déclaration d'urgence. Ce n'est donc qu'au terme de la deuxième lecture que le Gouvernement demandera, si besoin est, la réunion d'une commission mixte paritaire.
Les amendements que propose aujourd'hui la commission des lois du Sénat ne me permettent pas d'imaginer un accord, pourtant souhaitable, entre les deux assemblées.
En effet, insensible à la dynamique paritaire émanant de l'opinion publique, la majorité sénatoriale souhaite, encore une fois, en deuxième lecture, annuler toutes les avancées obtenues lors du débat à l'Assemblée nationale et que j'avais eu l'occasion de saluer en première lecture.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous faites le choix de confier aux partis politiques la responsabilité de l'accès des femmes aux fonctions et mandats électifs car, selon vous, cette responsabilité ne devrait pas être imposée par la loi.
Mais les chiffres sont là : ils traduisent une vérité dont nos concitoyens ne veulent plus. Si la seule responsabilisation des partis était suffisante, nous n'en serions pas au constat de sous-représentation des femmes que nous faisons aujourd'hui ! Etes-vous conscients, chers collègues, que la France est au soixante-sixième rang mondial pour la représentation des femmes en politique ? N'est-ce pas là une raison suffisante pour envisager des mesures volontaristes ? Ne voyez-vous pas la regrettable absence de lien de cause à effet direct entre l'égalité formelle, acquise par la constitution de 1946, et la triste réalité dont les femmes souffrent encore aujourd'hui ?
Fidèles à votre attitude en première lecture, vous rejetez une nouvelle fois toutes les modifications introduites par l'Assemblée nationale qui rendent plus effectif le principe de parité.
Vous aviez notamment supprimé le principe de la parité alternée pour les scrutins proportionnels à un tour et la présentation de groupes paritaires de six candidats pour les scrutins proportionnels à deux tours. Vous faites de même en deuxième lecture. Or cette obligation d'alternance est essentielle pour que les résultats soient à la hauteur des ambitions affichées. Le risque serait grand, en l'absence de contrainte, de voir les candidates placées en fin de liste, et donc qu'elles ne soient pas élues.
L'argument employé par la droite, selon lequel l'alternance, qu'elle s'exerce par groupe de six ou qu'elle soit stricte, conduirait à « remercier » de nombreux hommes très compétents et qui feront évidemment défaut, n'est pas recevable, car il sous-entend que, a contrario des hommes, les femmes « sont a priori incompétentes » !
Ces propos, dont vous ne semblez plus tout à fait réclamer la paternité aujourd'hui, ont tout de même un mérite : ils démontrent, si besoin était, que nous ne pouvons pas nous passer de mesures volontaristes et confier à la seule évolution normale des mentalités le soin de corriger la sous-représentation des femmes en politique.
En supprimant de nouveau l'article 1er A, vous privez les communes de 2 000 à 3 499 habitants de l'obligation de présenter des listes paritaires. (Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
M. Charles Descours Allez voir les maires concernés ! Est-ce qu'ils s'en plaignent ?
Mme Odette Terrade. Vous avez donc considéré que les efforts à accomplir pour que les femmes soient représentées plus justement devaient varier à travers le territoire. Je ne partage pas cette conception. Il me paraît légitime que les femmes des milieux urbains comme des milieux ruraux, en France métropolitaine comme dans les territoires et départements d'outre-mer, puissent, partout, s'engager en politique avec les mêmes chances que les hommes. Pour cela, il convient qu'un maximum de communes puissent disposer des mêmes contraintes législatives.
M. Paul Blanc. Des contraintes, toujours des contraintes !
Mme Odette Terrade. L'argument de notre rapporteur, qu'il a repris tout à l'heure, selon lequel il ne faut pas modifier ce système électoral parce qu'il est en vigueur depuis 1884 et ne soulève généralement pas de difficulté n'est pas, lui non plus, de nature à me convaincre.
Aujourd'hui, le texte qui nous est présenté fixe à 2 500 habitants le seuil à partir duquel s'appliqueront les nouvelles dispositions sur la parité aux élections municipales. Ce seuil, qui est celui à partir duquel s'applique le scrutin proportionnel à deux tours aux élections municipales, paraît en effet pertinent. Il amoindrit les changements, pourtant modestes, qu'introduisait le seuil de 2 000 habitants dans le code électoral. En effet, il n'exige pas de listes complètes et permet le panachage. De plus, les commissions de propagande présidées par un magistrat existent déjà pour les communes de plus de 2 500 habitants. Le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra cette mesure, qui lui semble équilibrée et judicieuse.
Lors de la première lecture, la commission des lois du Sénat avait proposé une modulation des sanctions financières en fonction du nombre d'élues. J'avais alors fait part de mes réserves sur ce dispositif, qui me paraissait de nature à favoriser les formations politiques comptant de très nombreux élus. Je renouvelle bien entendu mon opposition à cet adoucissement des pénalités financières que la commission des lois nous propose de nouveau ! Comme Mme la secrétaire d'Etat, il me semble qu'une telle disposition fragiliserait juridiquement le texte. Je suis d'ailleurs surprise que la commission, si justement attachée à la liberté de l'électeur, préconise une mesure qui porte précisément sur ce choix.
Les positions différentes de l'Assemblée nationale et du Sénat révèlent en fait deux logiques opposées. La volonté de moderniser, de démocratiser, et donc de féminiser la vie politique, largement portée par les députés, s'oppose encore une fois au conservatisme qui caractérise la majorité sénatoriale.
M. Henri de Raincourt. Ah ! Il y avait longtemps !
Mme Odette Terrade. Mes chers collègues, c'est un constat que je regrette de devoir faire. Mais la réalité est là ! Quels que soient les arguments dont vous vous servez pour masquer vos véritables desseins, vous refusez d'inscrire l'application de la parité dans les faits pour les prochaines échéances électorales.
En s'opposant aux amendements proposés par la commission, le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra sans réserve le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale. C'est donc dans un esprit constructif, madame la secrétaire d'Etat, que je formulerai de nouveau quelques-unes des remarques que j'avais émises lors de la première lecture.
La première concerne la nécessaire instauration d'un statut de l'élu - cela a été dit tout à l'heure - pour les hommes et les femmes. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Compte tenu de la réalité des situations vécues par les femmes, d'un point de vue tant familial que professionnel, ce statut devrait contribuer à corriger les obstacles à l'engagement politique des femmes.
M. Louis Boyer. Enfin !
Mme Odette Terrade. Nous demandions déjà un statut de l'élu en première lecture. Je fais un simple rappel.
Par ailleurs, nous regrettons l'absence de solution permettant de créer les conditions de la parité dans les conseils généraux, question à laquelle il nous faudra réfléchir.
Une autre de nos remarques déjà exposées, même si elle dépasse le strict sujet qui nous occupe aujourd'hui, concerne - et je sais que, sur ce point, tout le monde n'est pas d'accord - l'extension du scrutin proportionnel.
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. Paul Blanc. Et voilà !
Mme Odette Terrade. Nous constatons que ce mode de scrutin est le plus favorable à l'élection des femmes.
Un sénateur du RPR. Et du Front national !
Mme Odette Terrade. Aussi souhaitons-nous qu'une réflexion soit rapidement engagée sur cette question.
Nos concitoyens attendent de nous, dans tous les domaines, des résultats. C'est également vrai pour leur exigence de plus d'égalité entre les hommes et les femmes.
Le texte dont nous discutons aujourd'hui pourrait servir de levier pour d'autres sphères de la société : la vie professionnelle et la formation, bien entendu, mais également - pourquoi pas ? - la parité domestique et l'accès libre et choisi à la contraception de son choix, pour ne citer que ces deux exemples.
Pour cela, il nous faut être audicieux, bannir toute frilosité pour s'inscrire au contraire dans un mouvement progressiste de l'histoire. C'est le choix que font les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Heureusement qu'il y a des femmes pour relever le défi !
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
M. Guy Allouche. Excellente oratrice, et du Nord qui plus est !
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons en dernière lecture le projet de loi ordinaire relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. L'Assemblée nationale a repris l'ensemble des dispositions issues d'un travail approfondi, mené en particulier par le rapporteur M. Bernard Roman.
La majorité sénatoriale avait supprimé ces dispositions en première lecture. Je ne doute pas - cela a été confirmé voilà quelques instants par M. Gélard - qu'elle poursuivra aujourd'hui dans la droite ligne qu'elle s'est fixée.
Comme il y a deux mois, elle refusera le principe de l'alternance dans les élections à un tour ; comme il y a deux mois, elle rejettera le système de la parité des tranches de six candidats dans les élections à deux tours ; comme il y a deux mois, elle s'offusquera de l'abaissement du seuil pour les communes concernées par ce projet de loi.
Tout ayant été dit sur le sujet, je serai brève. Je souhaite tout de même rappeler à la droite sénatoriale qu'elle se trouve singulièrement isolée dans ce combat d'arrière-garde. En effet, vos collègues députés se sont déclarés, à une très large majorité, favorables à ce projet de loi le 30 mars, tout comme ils l'avaient fait pour le projet de loi constitutionnelle l'année passée. « Il est logique de revenir pour l'essentiel au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture. C'est entre autres le cas pour ce qui concerne l'obligation d'alternance... Il est en effet évident que si l'on se contentait de quotas globaux les femmes auraient toutes les chances d'être reléguées en fin de liste, c'est-à-dire en position non éligible. L'obligation d'alternance est donc un élément fondamental du projet de loi. » Je viens de citer, mes chers collègues, une parlementaire probablement bien placée pour ne faire qu'une confiance assez modérée aux partis, Mme Marie-Jo Zimmermann, membre du groupe du RPR à l'Assemblée nationale.
Lorsque les députés de droite se rallient à la cause de la droite sénatoriale, cela se retourne singulièrement contre elle et donne une image fort regrettable des sénateurs. J'en veux pour preuve l'intervention de M. Claude Goasguen,...
M. Guy Allouche. Il est ringard !
Mme Dinah Derycke. ... qui affirme par ailleurs que ce projet de loi est une vraie chance de rajeunissement pour la démocratie française. Celui-ci s'interroge quand il en vient au cas de la Haute Assemblée : « Pourquoi avoir installé un principe de parité aussi rigide pour le Sénat ? Il n'est pas convenable d'imposer à nos sénateurs ce qu'ils ne souhaitent pas. (...) Imaginez cinq à six sénateurs d'une même liste qui n'ont pas envie de se retirer. Il leur sera facile de faire cinq à six listes ; ils seront têtes de liste, les femmes placées derrière eux ne servant que d'alibis. (...) Laissez jouer librement le principe de la parité dans les endroits où la résistance est plus grande à cause de l'histoire. »
Voilà, mes chers collègues, le portrait qu'en d'autres lieux on trace de vous : rétifs aux changements et aux évolutions, et prêts à détourner les règles du jeu à votre profit.
Comment voulez-vous que l'on vous suive lorsque vous parlez de responsabilité des partis, de libre choix de l'électeur ? Comment voulez-vous que l'on accepte votre lecture si pointilleuse des termes de la loi constitutionnelle lorsqu'il apparaît, en fin de compte, que vous ne défendez jamais que vos prés carrés ?
Et cela est valable pour la parité, mais aussi pour l'interdiction du cumul des mandats ou pour la réforme du mode de scrutin aux élections sénatoriales.
Vos collègues de l'Assemblée nationale vous rejoignent pourtant sur un point : l'abaissement du seuil. Vous tous hurlez à la trahison et rappelez les propos du Premier ministre, oubliant un peu vite que les élections qui étaient dans toutes les têtes, lorsque les propos furent prononcés, étaient les législatives.
M. Paul Blanc. Mais non !
Mme Dinah Derycke. Si ! J'ai relu tous les débats ! Seul M. Vasselle, à cette même tribune - et je lui en ai d'ailleurs rendu justice lors du débat précédent - avait, contrairement aux autres orateurs, évoqué les élections sénatoriales, et non pas seulement les législatives et les cantonales.
En voulant exclure du système paritaire les communes de moins de 3 500 habitants, vous privez une bonne partie de la population d'une réforme qu'une très grande majorité des Français pourtant plébiscitent. Les chiffres ont été rappelés tout à l'heure par Mme la secrétaire d'Etat et par Mme Terrade.
De plus, vous reculez devant une modification du mode de scrutin, que huit de vos collègues UDF à l'Assemblée nationale ont pourtant formalisée dans une proposition de loi déposée le 9 novembre 1999.
A nouveau, je ne résiste pas à l'envie de citer M. Léonce Desprez, député UDF, qui intervenait au Palais-Bourbon pour défendre un amendement visant à abaisser le seuil à 2 000 habitants : « Le scrutin de liste étendu à ces communes permettrait d'éviter le petit jeu du panachage - qui pouvait se concevoir à certaines époques, mais nous sommes en l'an 2000 - et assurerait le respect du principe de parité hommes-femmes. (...) Les conflits de personnes, les jeux de quilles n'auraient plus leur place dans la démocratie locale de ces communes. Et la République ne pourrait que s'enrichir de la valeur ajoutée que les femmes apportent à la vie et dans tous les cadres de la vie. »
Voilà deux mois, sur ce même thème, M. Braye a tenu à souligner que Mme Danièle Pourtaud et moi-même étions des élues « urbaines », et que nous ne pouvions dès lors comprendre ni la ruralité ni les ruraux. Ces derniers apprécieront certainement le sort particulier que l'on veut continuer à leur réserver. Je ne sais s'ils apprécieront le jugement quelque peu désobligeant, voire légèrement méprisant, que ces propos traduisent à leur égard !
Cette manière de souligner les particularismes est d'ailleurs bien loin de l'universalité qui fut un thème très porteur au sein de la Haute Assemblée voilà un peu plus d'un an.
Les modifications que la majorité sénatoriale souhaite apporter au projet de loi organique concernant l'application du principe de parité à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie relèvent de cette même volonté de protéger les particularismes locaux. Pour notre part, élus du groupe socialiste, nous estimons que la loi doit être la même pour tous en République (M. Gélard s'exclame) et que, pas plus les supposées traditions rurales chères à vos coeurs que les traditions polynésiennes, calédoniennes, wallisiennes ou futuniennes invoquées par MM. Laufoaulu et Loueckhote ne doivent l'emporter sur un principe de droit. Nous déposerons donc un amendement en ce sens à l'article 1er du projet de loi.
La loi doit en effet s'efforcer de faire évoluer les traditions dans le sens que nous avons tous, d'un commun accord, fixé à Versailles en juin 1999.
Ce sens, c'est celui de la parité. Cette dernière est un maillon de l'indispensable réforme de la vie politique, et elle permettra un renouvellement sans précédent du personnel et des pratiques. Elle est aussi un formidable levier pour réduire les inégalités qui restent grandes entre les femmes et les hommes, et ce dans tous les domaines de la vie sociale.
La mise en oeuvre rapide de la parité politique, souhaitée par le Premier ministre dès 1997, mais aussi la politique globale menée par le Gouvernement en direction des droits de la femme et le travail remarquable conduit par Mme Nicole Péry permettront sans aucun doute de réduire ce fossé injustifié et injustifiable.
Le groupe socialiste ne votera donc pas les modifications proposées par la majorité sénatoriale, mais il se réjouit de voir les mesures concrètes et effectives en faveur de l'égal accès des hommes et des femmes à la vie politique très prochainement mises en application. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
M. Guy Allouche. Elle est très perspicace ! (Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud. Je ne sais, mes chers collègues, si les vacances parlementaires vous auront, comme à moi, laissé le loisir de vous replonger dans vos classiques. Pour ma part, j'ai eu la curiosité de relire les leçons d'Arnolphe à la jeune Agnès de L'Ecole des femmes :
« Votre sexe n'est là que pour la dépendance :
« Du côté de la barbe est la toute-puissance.
« Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
« Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :
« L'une est moitié suprême et l'autre subalterne ;
« L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne ; »
Il y a plus de trois siècles, Molière dénonçait déjà, dans L'Ecole des femmes, le scandale de l'inégalité des sexes.
Alors que nous voilà réunis aujourd'hui, pour la seconde fois, en vue d'examiner le projet de loi pour la parité en politique, j'ai l'impression que cette époque a laissé quelque nostalgie à la majorité sénatoriale. Je ne peux que regretter - mais est-ce vraiment une surprise ? - cette obstination à vouloir retarder la fin d'une injustice.
En voulant supprimer, comme elle l'a déjà fait le 4 mars dernier dans cet hémicycle, toutes les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, la droite sénatoriale nous confirme sa volonté de ne favoriser l'accès des femmes aux responsabilités politiques que le plus lentement possible.
Le Premier ministre a réaffirmé, le 8 mars 2000, lors de la Journée internationale des femmes, son ambition : « Le Gouvernement entend appliquer la parité non pas "mathématiquement", comme le prétendent certains, mais effectivement. Car la parité, c'est bien 50/50. »
Au principe simple posé par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a ajouté des modalités précises pour garantir une application effective de la parité.
Concernant les scrutins de listes, elle a d'abord prévu l'alternance hommes-femmes pour les scrutins de listes à un tour, c'est-à-dire pour les élections sénatoriales à la proportionnelle et pour les élections européennes. Après les élections européennes de juin 1999, où la plupart des partis avaient présenté des listes alternées, ne pas l'inscrire dans la loi aurait constitué, à l'évidence, un recul !
En ce qui concerne les scrutins de listes à deux tours, c'est-à-dire pour les élections municipales et pour les élections régionales, l'Assemblée nationale a trouvé un juste compromis entre « souplesse et efficacité », pour reprendre l'expression de Jean-Pierre Chevènement, en prévoyant la parité par tranche de six candidats.
La solution trouvée est empreinte d'efficacité, car la parité de candidatures n'entraîne pas automatiquement une progression du nombre de femmes élues. L'exemple de ce qui s'est passé en Belgique méritait que l'on prenne des garanties : après le vote d'une loi imposant 25 % de femmes sur les listes sans autres précisions, la classe politique s'était démobilisée, et les femmes reléguées en fin de liste avaient été moins nombreuses parmi les élus qu'avant la loi ! Bien sûr, personne n'oserait faire la même chose en France ; mais l'Assemblée nationale a très judicieusement posé des garde-fous pour éviter les tentations.
Elle l'a cependant fait avec souplesse, puisque les tranches de six permettront de préserver les marges de manoeuvre des partis pour les fusions de listes entre le premier et le second tour, tout en garantissant une réelle progression du nombre d'élues. En effet, d'après les estimations du ministère de l'intérieur, on obtiendrait aux municipales, selon la taille de la commune, entre 44 % et 49 % de femmes élues.
J'avoue ne pas très bien comprendre l'argument de la majorité sénatoriale selon lequel ces dispositions porteraient atteinte à « la liberté de choix de l'électeur ». Vous savez comme moi, mes chers collègues, que, pour les scrutins proportionnels dans notre pays, les électeurs votent déjà des listes bloquées : il n'y a même pas possibilité de panachage au-dessus de 2 500 électeurs.
Imposer un ordre alternatif entre les hommes et les femmes ne limite, en fait, que la liberté des partis, liberté qui les a trop souvent conduits à placer les femmes en situation inéligible !
Cessez donc de vous cacher derrière de vains prétextes, mes chers collègues, et posons-nous les vrais questions : voulons-nous, oui ou non, plus de femmes dans nos assemblées ? Si, comme l'a fort bien écrit Montesquieu, « L'amour de la démocratie est celui de l'égalité ! », il me semble que l'égalité ne doit pas rester une pétition de principe, mais qu'elle devra, à terme, se traduire effectivement par une parité d'élues.
D'après M. le rapporteur, « une obligation de composition égale entre les sexes sans contrainte sur l'ordre de présentation des candidats permettra de satisfaire, dans des délais raisonnables, le principe d'égal accès ». Permettez-moi, mon cher collègue, de m'interroger sur votre conception des « délais raisonnables », quand les femmes ont attendu près de deux siècles pour obtenir le droit de vote et d'éligibilité et quand leur représentation à l'Assemblée nationale n'a pas dépassé 6 % entre la Libération et les dernières élections législatives de 1997 !
J'ajouterai que c'est également dans le même souci d'efficacité, mais avec la même sagesse, que l'Assemblée nationale a voté l'élargissement du nombre de communes soumises au principe de parité. Elle a abaissé aux communes de 2 500 habitants, au lieu de 3 500 dans le projet de loi, le seuil à partir duquel s'appliqueront les nouvelles dispositions aux élections municipales. Mais elle a renoncé au seuil de 2 000 habitants qui impliquait un changement du mode de scrutin pour les communes entre 2 000 et 2 500 habitants. Les communes de 2 500 habitants devront s'aligner sur le mode de scrutin des communes de 3 500 habitants.
Rappelons que, sur les quelque 36 000 communes de France, seules 2 700 ont plus de 3 500 habitants. Même si un tiers de nos concitoyens étaient concernés par la réforme, le projet gouvernemental laissait en dehors du champ de la parité la très grande majorité de nos communes et quelque 400 000 conseillers municipaux sur un total de 500 000. L'abaissement du seuil d'application de la parité permettra de viser 1 042 communes supplémentaires, soit 5,3 % de notre population en plus !
Pour les élections législatives, le mécanisme de pénalisation financière à l'encontre des partis qui n'auraient pas présenté autant de femmes que d'hommes à la candidature est la solution la plus satisfaisante. A titre personnel, je suis assez favorable à l'amendement de la commission des lois, qui prend en compte non plus seulement le nombre de candidates, mais aussi celui des femmes élues, en exonérant de sanctions financières les partis qui obtiendraient une parité d'élus. Ce dispositif pourrait permettre, me semble-t-il, de favoriser les candidatures féminines dans des circonscriptions où les femmes auraient des chances d'être élues.
Cependant, la proposition me semble plus ou moins paradoxale, venant de la majorité sénatoriale ! On ne peut pas, d'un côté, s'offusquer de mesures tendant à garantir une représentation effective des femmes pour les scrutins de listes et, de l'autre, proposer pour les élections législatives une solution favorisant ou prenant en compte l'égalité de résultat ! Je saisis mal la cohérence de votre raisonnement, monsieur le rapporteur.
Je constate que le législateur n'a pas de moyen juridique direct à sa portée, à mode de scrutin inchangé, pour imposer la parité à toutes les élections ou dans les exécutifs des assemblées élues. Pourtant, les femmes sont aussi peu présentes dans les conseils généraux qu'au Sénat et ne représentent que 8 % des maires. Nous pouvons espérer que la réforme que nous examinons aura un effet d'entraînement qui conduira à une progression des femmes à tous les niveaux.
Mais nous ne devons pas pour autant renoncer à garantir ce qui peut l'être par la loi. Le groupe socialiste avait déposé, en première lecture, un amendement visant à étendre la parité aux structures intercommunales à fiscalité propre. Il n'a pas été voté ; j'espère que l'idée fera néanmoins son chemin.
Au-delà du front législatif, je l'ai souvent dit et le je crois profondément, le coeur du problème est essentiellement culturel.
A cet égard, un sondage de l'Institut français d'opinion publique, l'IFOP, réalisé pour la CFDT en mars 2000, semble particulièrement révélateur : « c'est surtout la société qui doit faire évoluer l'égalité hommes-femmes », ont déclaré 69 % des Français, contre seulement 30 % d'entre eux qui estiment que cela est du ressort de l'Etat, au travers de la loi. En outre, seules 9 % des femmes interrogées pour ce sondage envisageraient de s'investir dans des activités politiques ou syndicales. La pesanteur culturelle est par conséquent très forte, alors même que l'aspiration à l'égalité est très majoritaire.
Il fallait donc prévoir des mesures pour accompagner la loi sur la parité. Je salue à ce propos l'initiative du Gouvernement d'organiser à l'automne une grande campagne civique. Elle sera menée par des associations engagées dans la promotion de la citoyenneté et soutenue financièrement par l'Etat. Il est certain que les femmes doivent se saisir de toutes les possibilités qui leur sont offertes par la loi. Elles doivent comprendre qu'aucune élection ne leur est fermée, qu'elles ne sont ni moins compétentes ni moins capables que les hommes.
Si je suis d'accord avec vous, madame la secrétaire d'Etat, pour dire que la parité en politique n'épuise pas le sujet de l'égalité entre hommes et femmes, je reste néanmoins convaincue que la parité en politique est un levier formidable pour promouvoir la mixité dans toutes les sphères de notre société et que, au surplus, elle se nourrit en retour des avancées de la société civile.
D'après le même sondage, en vue d'assurer une meilleure égalité entre hommes et femmes dans notre pays, 50 % des Français estiment que la priorité est d'instaurer l'égalité salariale ; viennent ensuite l'accès aux responsabilités et le partage des tâches domestiques, la mise en place de la parité en politique n'arrivant qu'au quatrième rang des actions à mener. Cela n'est pas une grande surprise ; pour nous, cette loi n'est qu'un outil pour produire de l'égalité, comme vous l'avez souvent rappelé, madame la secrétaire d'Etat. Elle s'inscrit dans la révolution culturelle en marche. Plus il y aura de femmes dans les lieux de pouvoir, en politique comme à la tête des administrations, des entreprises ou des syndicats, et plus les Françaises prendront la place qui leur revient de plein droit.
L'Etat doit se montrer exemplaire en la matière. Je tiens d'ailleurs à souligner que, sous l'impulsion de Lionel Jospin, de nouvelles nominations dépendant du Gouvernement ont permis de promouvoir plusieurs femmes dans la haute fonction publique. Leur pourcentage au sein de celle-ci est ainsi passé de 12 % en 1998 à 13,1 % en 1999. On compte désormais douze inspectrices d'académie au lieu de huit, et une nouvelle femme préfète ! Pour accélérer encore ce mouvement de rééquilibrage, le Premier ministre a demandé à chacun de ses ministres, le 8 mars dernier, de proposer un plan pluriannuel pour la haute fonction publique, qui devra être mis en oeuvre au plus tard le 1er juillet 2000.
Mais, pour toutes les femmes de notre pays, l'obstacle majeur à la prise de responsabilités est la difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale. Il est inacceptable que les tâches ménagères et l'éducation des enfants reposent encore à 80 % sur les femmes ! De 1986 à 1999, le temps consacré quotidiennement par les hommes à l'univers domestique n'a augmenté que d'un gros quart d'heure. D'après une enquête de la Fédération nationale des familles rurales, 71 % des femmes conseillères municipales et adjointes au maire estiment que leur engagement impose un aménagement contraignant de leur vie de famille ! Tout ou presque est à inventer dans notre pays sur ce sujet.
Nous devrons aussi avancer s'agissant du statut de l'élu, comme le rappelait à l'instant ma collègue Odette Terrade, prévoir une protection sociale, un « crédit-temps », renforcer la formation et réfléchir au problème du retour à l'emploi à l'échéance du mandat. Nous y travaillons actuellement au sein de l'Observatoire de la parité.
En conclusion, je livre à votre méditation, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, l'appel lancé par Lionel Jospin le 8 mars 2000 : « L'égalité entre les femmes et les hommes est notre idéal commun. La marche vers cet idéal moderne suscitera encore bien des résistances. Les conservateurs tenteront de la ralentir, ils ne pourront pas l'interrompre. Car cette marche, j'en ai la conviction, est un mouvement nécessaire et irréversible. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.

(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

PROJET DE LOI