Séance du 27 avril 2000
SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 279,
1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. [Rapport n° 304
(1999-2000) et avis n°s 307 et 306 (1999-2000).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ambroise
Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, organiser la ville du xxie siècle est certainement une
nécessité. Le fait urbain est un élément majeur de l'aménagement du territoire,
et le Gouvernement souhaite donner à la ville une image maîtrisée et
réhabilitée. Nous partageons ce souci, mais la méthode retenue est-elle la
bonne ?
Beaucoup de nos collègues l'ont bien dit, y compris nos excellents
rapporteurs, que je salue ici : avoir déclaré l'urgence sur ce texte si
complexe est incompréhensible. En outre, de nouvelles taxes visant à favoriser
la mixité sociale et une recentralisation redonneront-elles le goût de
l'urbanisme, qui nous fait si cruellement défaut depuis vingt ou trente ans
?
Vouloir faire de l'habitat collectif la seule réponse aux besoins en logement
social et au souci d'assurer une plus grande mixité de l'habitat est
discutable. Par ailleurs, la volonté d'éviter une affectation dominante des
sols, traduite par les plans locaux d'urbanisme, les PLU, oublie les
aspirations de nos concitoyens à habiter dans des quartiers calmes, loin des
lieux d'activité économique, facteurs de nuisances, notamment sonores.
Après l'excellente intervention, hier, de notre collègue Ladislas Poniatowski,
je m'en tiendrai à évoquer quelques aspects de la réforme de l'urbanisme.
La simplification des documents d'urbanisme constitue manifestement un des
objectifs premiers du projet de loi. On peut s'en féliciter, mais qu'en est-il
réellement ?
La procédure d'élaboration associée, qui rassemblait autour d'une même table
tous les partenaires intéressés, est allégée ; elle ne concerne que la
collectivité territoriale, maître d'ouvrage du document d'urbanisme, et l'Etat.
Cela accroît peut-être le pouvoir de « persuasion » que peut exercer ce
dernier, notamment sur les communes moyennes et petites. Le fait de consulter
au cours de l'élaboration les autres partenaires de premier rang, qu'il
s'agisse de la région, du département ou des chambres consulaires, ne me semble
pas constituer une réelle simplification par rapport à leur association.
Le dispositif actuel, dont la mise en oeuvre souffre déjà d'un manque
d'assiduité des services de l'Etat aux réunions d'élaboration des documents
d'urbanisme, conduit souvent à une remise en cause systématique du travail
effectué lors de l'avis écrit formulé par le préfet sur le projet de document.
N'aggrave-t-on pas encore les choses ?
Parmi les simplifications envisagées, le nouveau « porter à connaissance »,
qui n'est plus conçu comme une démarche initiale effectuée dans un délai
précis, est fort critiqué. En effet, le « porter à connaissance » représente un
élément indispensable pour poser le diagnostic préalable à la réflexion
d'urbanisme ; il constitue, par ailleurs, une règle du jeu, souhaitée
intangible, pour l'élaboration de ces documents. L'absence de délai aboutit à
une règle du jeu fluctuante qui risque d'être modifiable, au gré des
opportunités, par les seuls services de l'Etat.
Je m'inquiète aussi des effets de cette simplification des procédures sur la
sécurité juridique des documents d'urbanisme.
Une meilleure association du public à l'urbanisme est un autre objectif du
texte. Si le principe est intéressant, la pratique fait apparaître un bilan
mitigé. Ne risquons-nous pas de relancer la spéculation foncière ?
Par ailleurs, en faisant du schéma de cohérence territoriale, le SCT, le
document fédérateur de toutes les préoccupations concernant une agglomération,
le projet de loi n'expose-t-il pas ce futur SCT à une fragilité juridique non
négligeable ?
Quant au plan local d'urbanisme, le texte incite à alléger son contenu d'une
manière systématique. En l'absence de dispositions clairement formulées et
normatives, c'est la sécurité juridique des autorisations qui s'en trouverait
affaiblie.
Faire référence au « renouvellement urbain » dans l'intitulé du projet de loi
était une belle idée. Toutefois, ce renouvellement se heurte à des difficultés,
principalement engendrées par le coût du foncier.
En effet, refaire la ville sur son site impose d'opérer sur des terrains
coûteux et d'inclure dans le coût foncier initial les sujétions de démolition
et de libération des sols. Sauf aide spécifique en ces domaines, le
renouvellement urbain restera notablement plus coûteux que l'urbanisation
nouvelle en périphérie de la ville. En outre, la surtaxation du foncier bâti à
hauteur de cinq francs du mètre carré suffira-t-elle à éviter la rétention
foncière de la part des propriétaires privés ou institutionnels ?
L'élargissement des motivations permettant d'éventuelles expropriations est,
en revanche, une bonne disposition. Je crains cependant qu'elle ne soit pas
suffisante pour être efficace s'agissant des restructurations des friches
commerciales et industrielles en périphérie des agglomérations.
Redonner le goût de l'urbanisme avait été l'un des thèmes principaux de mon
rapport sur les entrées de ville. Or le projet de loi que nous examinons est
empreint d'une démarche purement administrative, peu susceptible d'y parvenir.
Les incohérences existant entre la conception d'un PLU allégé et les
indispensables règles, parfois plus complexes, permettant de mener à bien
l'exécution d'un projet urbain sont patentes.
Tout d'abord, le projet de loi ne porte aucune incitation à engager des
réflexions en matière d'urbanisme et à les traduire dans des documents
réglementaires ou opérationnels, et les grandes problématiques de la ville sont
ramenées à de simples procédures ou à des pourcentages.
Ensuite, le projet de loi n'améliore en rien la mise à disposition des
services de l'Etat pour aider les communes dans ces démarches ; il réaffirme le
principe de l'aide de l'Etat au titre des études d'urbanisme, mais celle-ci
apparaît de plus en plus virtuelle, puisqu'elle atteint seulement environ 30 %
du coût total.
Enfin, en ce qui concerne le recours à des professionnels qualifiés, on
aimerait que ce point soit précisé.
L'inscription du coût des études au budget d'investissement des collectivités
territoriales constituerait une disposition efficace pour inciter à réaliser
ces études et leur donner leur dimension d'avenir. On investit pour l'avenir !
Les dotations de l'Etat doivent être notablement accrues, s'agissant tant des
dotations propres que de la dotation aux autres collectivités. Il me semble que
ce serait une bonne façon, pour le Gouvernement, de montrer l'intérêt qu'il
porte à l'urbanisme.
Il est également nécessaire de redonner le goût de l'urbanisme tant à l'Etat
qu'aux élus. En ce sens, affirmer le rôle de conseil ou de maître d'oeuvre des
professionnels qualifiés et compétents est une nécessité. La France manque de
professionnels de l'urbanisme et du paysage, tout le monde le sait. En outre,
si l'Etat reconnaît les qualifications des professionnels en matière
d'architecture et de paysage, il n'en est pas encore ainsi en matière
d'urbanisme, et c'est regrettable.
En ce qui concerne le problème des entrées de ville, en particulier, le projet
de loi est muet, certains amendements parlementaires contribuant même à
dénaturer l'actuel article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. Etant à l'origine
de cet article, je voudrais redire brièvement, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que sa philosophie n'était pas
d'imposer une contrainte, comme certains l'ont compris. Son objet est avant
tout d'amener les municipalités à anticiper leur développement et leur
restructuration et à définir une véritable démarche de projet urbain. Bref,
c'est une obligation de réfléchir avant de distribuer ce que j'avais appelé du
« droit à vendre ».
Si certaines difficultés se font jour, notamment dans les zones de montagne,
on peut envisager des aménagements, mais à condition de garder l'obligation de
réflexion préalable ! Sinon, nous n'arriverons jamais à redresser l'image de
nos entrées de ville et, d'exception en dérogation, l'urbanisation continue se
développera uniquement le long des voies à grande circulation et nous aurons de
plus en plus de mal à assurer la fluidité et la sécurité du trafic routier.
Pour les communes rurales, qui peuvent éprouver des difficultés lorsqu'elles
n'ont pas de plan d'occupation des sols, la carte communale élevée au rang de
document d'urbanisme doit pouvoir relayer maintenant cette préoccupation. La
lettre de mission de MM. Barnier et Bosson précisait bien, elle aussi, qu'il
faut éviter la dégradation de notre campagne.
Cette précision apportée, je remarque que les dispositions des schémas de
cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme sont silencieuses sur
les entrées de ville. La restructuration des entrées de ville devrait cependant
être prise en compte dans les mesures ayant trait au renouvellement urbain.
Enfin, même si cette disposition ne relève pas directement du présent projet de
loi, le contrôle exercé par l'Etat sur le contenu des études demandées par
l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme devrait être plus efficace et
contribuer à assurer une réelle qualité de ces études.
Quant au problème de la publicité, laquelle participe fortement à l'image
dégradée de ces zones, il est à noter que les documents d'urbanisme n'incluent
pas les réglementations portant sur l'affichage. Celles-ci sont d'ailleurs peu
respectées par les différents acteurs de la ville et apparaissent comme
secondaires par rapport aux dispositions édictées par un POS. Une avancée
notable dans ce domaine pourrait être d'intégrer les règles d'affichage et
d'implantation des publicités, des enseignes et des pré-enseignes à la
législation courante du droit des sols, tant dans les dispositions des PLU que
dans le régime commun du permis de construire.
Pour en rester à cette notion de qualité urbanistique, guère évoquée dans ce
projet de loi qui sacrifie plutôt à la quantité, je voudrais évoquer le rôle
tout à fait essentiel des conseils d'architecture, d'urbanisme et de
l'environnement, les CAUE.
Ces organismes de conseil très appréciés des collectivités territoriales sont
un lieu privilégié de l'interdisciplinarité. Le projet de loi pourrait donc
prendre acte de ce rôle particulier de conseil. Paradoxalement, la
reconnaissance de leur action n'empêche pas qu'ils connaissent des difficultés
financières. Le désengagement de l'Etat est manifeste et les difficultés
qu'éprouvent les services fiscaux à percevoir les taxes départementales
aggravent une situation ordinairement précaire. Depuis trois ans, Mme Durrieu,
M. Gouteyron, M. Joly et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises pour
tenter de trouver une solution avec le ministère de la culture, sans avoir
encore obtenu de réponse à ce jour. Je suis donc heureux que la commission ait
proposé la suppression de l'article 23. En effet, la modification des
catégories des valeurs forfaitaires risque d'aggraver la situation financière
difficile des CAUE, sans pour autant favoriser la création de logements
sociaux.
J'évoquerai enfin mes regrets de voir les communes rurales si peu concernées
par ce texte qui n'aborde pas le problème de la désertification rurale ni la
question du maintien des populations dans l'ensemble de nos communes.
M. Gérard Larcher.
C'est vrai !
M. Ambroise Dupont.
Ce projet de loi n'incite pas davantage que le code de l'urbanisme actuel à
engager des démarches intercommunales. Le dispositif mis en place pour les
cartes communales paraît au contraire interdire toute démarche intéressant un
territoire supracommunal. Sur ce plan, le projet de loi est en retard par
rapport aux pratiques tendant à entrer en vigueur s'agissant des territoires
ruraux. La « carte intercommunale » peut être une réponse aux préoccupations
liées, par exemple, au développement durable, à la mise en valeur des paysages
et à la préservation de la ressource en eau.
Pour conclure, je soulignerai que l'urbanisme et l'aménagement du territoire
relèvent du patrimoine commun de la nation - je vous renvoie à l'article L. 110
du code de l'urbanisme - ce qui établit le principe de la primauté de l'Etat,
garant du territoire français dans son ensemble. Chaque collectivité
territoriale est, pour ce qui la concerne, garante de l'aménagement de son
territoire dans le cadre des directives établies par l'Etat. Le bon
fonctionnement de la décentralisation nécessite donc un partenariat de tous les
acteurs concernés et ne peut se réduire à un simple face-à-face
Etat-commune.
Je me félicite du travail accompli par nos excellents rapporteurs, qui, malgré
une déclaration d'urgence très dommageable dans ces domaines où la réflexion
partagée est le seul moyen d'assurer la durée et la sécurité, ont tenté de
redonner à ce texte une cohérence indispensable.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous voici donc parvenus à l'examen d'un projet de loi
dont l'intitulé, « solidarité et renouvellement urbains », nous laisse à penser
qu'il s'agirait là d'un de ces grands textes qui ouvrent des horizons, où un
souffle puissant va libérer les imaginations et nous présenter, monsieur
Bartolone, la perspective de « la ville autrement » !
M. André Vezinhet.
C'est exactement cela !
M. Gérard Larcher.
Telle était déjà l'ambition du projet de loi d'orientation pour la ville de
1991, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat. Pourquoi ne pas le
dire ? Alors que les assises de Bron s'étaient tenues quelques mois auparavant,
à la suite des convulsions de la banlieue lyonnaise, ce texte de 1991, qu'on
l'ait ou non approuvé, fixait à la mixité urbaine de vrais objectifs, prévoyait
des outils et permettait d'engager un certain nombre d'actions visant à
apporter des solutions, notamment, au problème de la copropriété dégradée. On
en parlait déjà !
Même s'il a fallu s'accorder sur des délais pour la mise en place du projet,
même si certains calculs - je pense à des calculs mathématiques sur la
participation à la diversité de l'habitat - se sont révélés impossibles à
mettre en oeuvre, même si les dotations de solidarité n'ont pas déclenché
l'enthousiasme dans les communes qui devaient contribuer, la loi de 1991 a fixé
un cadre que le pacte de relance pour la ville a utilisé et enrichi en 1996.
Fallait-il donc, après ces deux textes, un nouveau texte qui affiche
l'ambition de contribuer à la solidarité urbaine et au renouvellement de la
ville ? Je m'interroge !
Les articles 1er à 24 concernent l'urbanisme, et si l'apparence pourrait nous
faire croire à un bouleversement du code de l'urbanisme, il s'agit, en fait, de
modifications successives relativement ponctuelles et, parfois, principalement
sémantiques.
L'article 1er sacrifie à la mode déclarative du temps. Il compose un sandwich
assez indigeste : une tranche de « durable », une tranche d'« économie du
territoire » ! En revanche, il oppose, comme, au fond, aime à le faire Mme
Voynet, espaces urbains et espaces naturels, et il ne reconnaît pas vraiment la
spécificité de l'espace rural.
Quant à la terminologie, alors qu'il faut des années pour que nos concitoyens
se l'approprient - au passage, combien savent que les schémas directeurs
d'aménagement et d'urbanisme, les SDAU, n'existent plus ? - voici maintenant
les schémas de cohérence territoriale, les SCT, et les plans locaux
d'urbanisme, les PLU, qui remplacent les plans d'occupation des sols, les POS
!
Une bonne chose, en revanche, est la durabilité des structures porteuses.
Pour tout vous dire, je partage les avis de nos rapporteurs, MM. Louis Althapé
et Pierre Jarlier, dont je veux saluer la qualité et la profondeur du travail
sur un texte qui, alors qu'il a l'ambition d'être durable, ne méritait vraiment
pas la déclaration d'urgence. Le fait que plus de 1 000 amendements aient été
déposés nous démontre que cela n'est guère acceptable sur un tel sujet, et il
n'était que de partager une partie de la nuit que nous avons passée à les
examiner pour s'en rendre compte. Ce n'est pas de cette manière que nous ferons
du bon travail.
Concernant les cartes communales, je considère comme innovant et positif le
fait que la commune puisse délivrer le permis de construire.
C'est, naturellement, la politique de la ville qui est le coeur du projet, et
ce au travers de trois articles. Là, il y a beaucoup à dire, et je sais que
nombre d'entre vous s'exprimeront sur ce sujet.
Je souhaite tout d'abord vous faire part de mon sentiment, après qu'avec mes
collègues Alain Gournac et Dominique Braye nous avons tout simplement réuni,
voilà douze jours, les maires des Yvelines pour débattre de ce projet tous
ensemble.
L'expression de ce sentiment partagé, je la résumerai en citant les propos
tenus lors de cette réunion par le maire de Mantes-la-Jolie, qui, lui, a plus
de 50 % de logements locatifs sociaux dans sa commune, d'après la nouvelle
définition, et qui est, en outre, président du plus grand OPAC d'Ile-de-France
: « Dites leur que ce projet de loi ne va en rien améliorer la situation de ma
commune ; au contraire, si, par hasard, il "marche", il va "pomper" mes
populations "stables" des quartiers pour les communes de la périphérie, qui
elles, seront obligées de construire ! »
Je dois dire que ces propos du maire de Mantes-la-Jolie, qui a une dure
réalité à gérer et à vivre, ont sonné, y compris aux oreilles des maires qui
ont très peu de logements à caractère social, aux termes de l'ancienne
définition - j'y reviendrai dans un instant - comme un coup de gong. Ils
n'imaginaient pas que ce maire, à l'occasion de ce débat, puisse tenir de tels
propos.
Cette fois, monsieur le ministre - veuillez me pardonner de le dire de manière
un peu triviale - j'ai l'impression que les « technos » vous ont eu, comme ils
avaient eu quelques ministres voilà deux ou trois décennies.
Ils ont enfin réussi à donner du logement social une définition réductrice qui
conduit au paradoxe que certains qui avaient 20 % de logements sociaux en 1991
n'en ont quasiment plus en l'an 2000 !
Ils ont réussi à fixer, pour certaines communes totalement bâties - prenant
l'exemple de mon département, je citerai Bougival ou Viroflay - ou pour
certaines communes ayant des contraintes patrimoniales fortes - il n'y a pas
que Versailles ou Saint-Germain-en-Laye, il y a aussi Neauphle-le-Château,
Jouars-Pontchartrain, etc. - des objectifs techniquement irréalistes.
Ils ont réussi à imposer une vision uniforme en quantité et en qualité du
logement social.
Ils ont réussi à décourager celles et ceux qui, depuis neuf ans, ont joué le
jeu du programme local de l'habitat, le PLH, et qui, pour certains, voient
leurs efforts pratiquement réduits à néant.
Et quel sort réservez-vous, dans votre projet, aux collectivités qui ont
supprimé le plafond légal de densité, accepté le dépassement du COS pour le
logement social, engagé des opérations programmées d'amélioration de l'habitat
? Elles seront aussi maltraitées que les autres. Toutes les communes seront
mises dans le même sac.
Vos « technos » ont réussi à ignorer le coût du foncier et de la construction
en région d'Ile-de-France, ainsi que les contraintes de réhabilitation en
secteur historique. Outre la taxe de 1 000 francs, passant à 2 000 francs par
logement manquant, les communes, notamment en zone 2, devront verser une
contribution communale allant de 60 000 à 100 000 francs par appartement à
construire. Voilà la réalité en région d'Ile-de-France !
Ces « technos » sont vraiment tous pareils ; ils sont à n'en pas douter, les
enfants de ceux qui ont si bien réussi les quartiers des années soixante !
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, mon désaccord sur le fond n'est nullement lié à une
quelconque situation locale. La ville de Rambouillet, dont je suis le maire, a
près de 30 % de logements sociaux, selon votre nouvelle définition, et nous
allons continuer à construire trois logements sociaux sur dix, ...
M. Jean-Pierre Plancade.
Bravo !
M. Gérard Larcher.
... à condition, toutefois, que le zonage 2 nous le permette, car, dans le
même temps, vous n'abordez pas le problème du financement du zonage, et donc
des plafonds et des moyens à mettre en oeuvre, notamment pour la grande
couronne de la région d'Ile-de-France.
M. Dominique Braye.
Et ce sont là les vrais problèmes !
M. Gérard Larcher.
Je vous le dis, loin de réussir la mixité, vous êtes en train de provoquer des
réactions de rejet de la population contre le logement social.
J'évoquais, hier soir, ces multiples recours prétendument déposés pour
défendre l'intérêt général, mais qui traduisent, en fait, l'hostilité de la
population à l'annonce de la construction de 20 % à 30 % de logements sociaux
dans telle ou telle ZAC.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il vous faut écouter nos
commissions et revenir à un cadre cohérent de mixité sociale.
Il faut vous appuyer sur les périmètres des communautés de communes et
d'agglomération ou, à tout le moins, sur le PLH intercommunal.
Il vous faut revenir à la définition du logement social de 1991 - ce n'est pas
la nôtre, c'est celle que nous avons faite ensemble avec M. Delebarre dans un
texte qui a fait l'objet d'une navette - et il vous faut réintégrer dans la
comptabilité de ces logements les logements sociaux de l'Etat, des régions, des
départements et des communes.
Il vous faut surtout abandonner ce caractère monolithique de votre projet et
donner au contrat entre l'Etat, les collectivités locales et les établissements
publics de coopération intercommunale, la mission de développer de manière
harmonieuse la mixité dans la ville comme dans l'espace rural, ainsi que le
soulignait tout à l'heure notre collègue Ambroise Dupont. Un bon contrat
d'objectif vaudra mieux que toutes les taxes !
Chacun ici sait mon attachement au logement social, mais aussi à l'accession
sociale à la propriété, qui est, au fond, le rêve de chacune et de chacun de
nos concitoyens, qui est aussi un élément de progrès et en faveur duquel Alain
Joyandet a tant milité, depuis deux années, dans ses rapports budgétaires.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, parce qu'il est trop
complexe, parce qu'il est contraignant, parce qu'il ne fait pas confiance au
contrat avec les collectivités locales, votre projet ne marchera pas.
Voilà pourquoi je soutiendrai l'ensemble des propositions de nos rapporteurs,
en mettant en garde nos collègues : le logement social ne doit pas être une
espèce d'enjeu idéologique qui évoluerait au gré des alternances ; il est
indispensable à notre pays ; nous jeter au visage les politiques successives de
logement social, c'est, finalement, ne pas rendre service à la nécessaire
cohésion de notre pays !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je tiens, en préambule, à féliciter les auteurs du très
ambitieux projet que nous examinons aujourd'hui.
Ce projet est en effet très ambitieux, car il entend régler globalement les
problèmes inhérents à nos villes.
Certains disent qu'il s'agit d'une loi « fourre-tout ». Il est vrai que
traiter en même temps de l'urbanisme, de l'habitat, de la politique de la ville
et de toutes les formes de transport est un peu une gageure ; mais c'est à
nous, parlementaires, de relever le défi et de gagner ce challenge.
L'excellent travail qu'ont accompli nos collègues rapporteurs va dans ce
sens.
A mon tour, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette
très vivement la déclaration d'urgence : un projet aussi vaste, aussi complexe,
aurait mérité plusieurs lectures par nos deux assemblées pour arriver à la
meilleure rédaction possible.
Il faut bien avoir à l'esprit que, pour 80 000 logements programmés par an en
France, seuls 50 000 sont construits. Le parc social est donc insuffisant, ce
qui favorise le marché des taudis.
La ville ne peut pas être assimilée à un espace bipolaire comprenant, d'une
part, des lieux protégés, et, d'autre part, des endroits défavorisés.
La ville stimule et accompagne la vie sociale. Par son rayonnement, elle
influe sur l'ensemble du territoire.
Les politiques qui lui sont consacrées doivent, de ce fait, considérer
l'ensemble des facteurs qui la composent.
Pour cela, devons-nous privilégier une méthode et y consacrer la majorité des
crédits ou privilégier des solutions au cas par cas, comme le réclament les
villes ? Le Gouvernement a opté pour la première solution, estimant que ses
implications parviendront à résoudre les difficultés particulières.
Parler de renouvellement, c'est employer un terme à la mode. Son sens premier
sous-entend une certaine continuité. Mais il est redondant, car la ville est,
par définition, un espace en mouvement constant, en transformation, en
mutation. Le renouvellement lui est intrinsèque.
La volonté du Gouvernement est-elle de refaire la ville sur la ville ou
d'imposer de nouvelles et perpétuelles rénovations ?
Bien souvent, les rénovations urbaines ont entraîné l'éviction des couches
populaires des quartiers rénovés vers des espaces construits spécialement pour
elles. Les ghettos des « Trente glorieuses » ont provoqué les catastrophes
sociales, raciales, économiques et sociologiques des deux dernières
décennies.
Nous devons nous attacher à ne plus répéter les erreurs du passé. Il y a une
peur liée au logement social parce qu'il est associé aux cités ghettos. Or, le
logement social peut prendre, aujourd'hui, d'autres formes, en s'adaptant
harmonieusement aux sites urbains existants.
Dans un récent sondage de l'IFOP pour la fondation de l'abbé Pierre, 78 % des
Français se sont déclarés favorables à l'instauration d'un seuil de 20 % de
logement social par commune. Parce qu'il a su évoluer et s'adapter, le logement
social ne fait plus peur aux Français.
Malgré les efforts engagés depuis vingt ans, les processus de dégradation et
de ségrégation s'aggravent et s'étendent. Ils concernent un grand nombre de
quartiers d'habitat social, mais aussi les ensembles de copropriétés privées,
les territoires urbains ou périurbains dévalorisés par les départs d'activités
et même les centres-villes, dont le bon fonctionnement est essentiel à la vie
locale.
Sous les feux de l'actualité, les banlieues connaissent la course poursuite
entre des politiques de réparation et de revalorisation et la réalité qui les
refoule sans cesse.
Ces problèmes sont le reflet d'une crise sociale plus globale qu'il nous
appartient aujourd'hui de combattre.
L'action publique doit lutter en priorité contre les dysfonctionnements d'une
société qui se pose parfois en véritable machine à exclure, et doit aussi mieux
accompagner les personnes atteintes par le sous-emploi ou par la discrimination
à l'embauche.
Certaines zones de nos villes sont entrées dans des spirales de
déqualification, d'abandon, de développement des friches. Ce processus bloque
le renouvellement et la reconquête.
Par ailleurs, certaines villes subissent de profondes mutations qui sont liées
aux évolutions de leurs activités économiques. La professionnalisation du
service militaire entraîne inévitablement la fermeture de nombreuses casernes ;
les restructurations d'entreprises ou de groupes provoquent la fermeture de
nombreuses usines. Que dire des conséquences sur les activités des villes, sur
leur sociologie, leur habitat ? J'en sais quelque chose dans mon département,
spécialement dans le bassin d'emploi du Soissonais.
La ville du xxie siècle sera confrontée à des évolutions sociologiques sans
précédent : la mobilité croissante de l'emploi, le vieillissement de la
population et la mise en concurrence des territoires et des cités dans le cadre
de l'espace européen. Tout cela risque d'accentuer encore les fossés existants
quand ils n'en creuseront pas de nouveaux.
Les politiques de l'urbanisme, de l'habitat et du logement ont leur place à
part entière à l'échelle de l'agglomération et c'est à ce niveau, à ce niveau
seulement, que ces politiques se doivent d'être globales.
Il est important que les politiques puissent porter sur tous les registres,
que ce soit la gestion quotidienne - sécurité, entretien, services - ou les
restructurations lourdes - démolitions et reconstructions - pour reconfigurer
l'offre de logements, pour assurer une meilleure répartition des activités et
des services, ou encore la réinsertion de certains quartiers.
Il est fondamental d'opérer une alliance entre les vestiges du passé, même
industriels, et de les insérer dans un avenir qui participera à la
transformation sociale, économique et culturelle de nos cités.
Prenons l'exemple de certaines villes comme Dunkerque, où la réconciliation du
port avec le centre-ville est un succès, ou comme Roubaix, où les anciennes
friches industrielles sont désormais des centres tournés vers le XXIe siècle,
avec l'implantation d'universités et d'entreprises innovantes.
La ville renouvelée, c'est le réaménagement, la recomposition au sens de
l'urbain, mais c'est aussi la création ou le développement de meilleures
conditions d'insertion, d'intégration, de vie sociale, de vie multiculturelle
et de civisme.
J'en terminerai par la mesure qui tend à promouvoir 20 % de logements sociaux
dans chaque commune de plus de 1 500 habitants d'une agglomération d'au moins
50 000 habitants.
Si je comprends le sens de cette mesure qui tend à favoriser l'intégration et
à éviter les ghettos, il n'en reste pas moins que cette mesure est très
coercitive et va aussi à l'encontre de la décentralisation.
J'aurais préféré, monsieur le ministre, que vous donniez une prime aux
communes qui ont fait un gros effort dans le domaine du logement social plutôt
que d'infliger une amende - une amende sévère - à celles qui n'ont pas atteint
les 20 %.
Je pense à certaines communes en milieu très dense qui ne disposent pas - qui
ne disposent plus - de terrains pour la construction. Pour satisfaire les
critères, devront-elles raser des zones entières ou construire des barres de
logement le long des axes de transport ?
Pour les villes qui ne disposent pas des 20 % de logements sociaux, nous
pourrions envisager, par exemple, qu'elles participent aux loyers des familles
locataires du parc privé, à hauteur de leur contribution pour les logements
manquants prévue par la loi, l'objectif étant d'insérer le logement social dans
la ville et non de l'excentrer une nouvelle fois.
Certes, la participation des communes ne pourrait pas combler l'écart entre
loyer privé et loyer HLM, mais, accompagné d'une réforme des allocations de
logement, promise de longue date, elle permettrait de pallier certaines
carences. De toute façon, si amendes il y a, elles devraient être appliquées
très progressivement, beaucoup plus progressivement que ne le prévoit le texte
qui nous est soumis.
M. Denis Badré.
Exact !
M. Jacques Pelletier.
Ce projet de loi à l'étude a le mérite et l'avantage de redonner de la
cohérence au développement des villes et de renverser les tendances actuelles
souvent orientées vers la ségrégation sociale et spatiale.
Outre les améliorations qui peuvent lui être apportées, il pallie des
difficultés que rencontrent bon nombre de nos villes.
Le temps n'est plus au cloisonnement, il est à l'ouverture : ouverture vers la
construction d'un troisième millénaire solidaire, à visage plus humain, que le
projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains entend
initier dans l'intérêt de tous, et permettant à chacun d'accéder véritablement
à une meilleure qualité de vie.
(Applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, dans la loi, la belle loi sur la solidarité et le
renouvellement urbains, se trouve, je dirais presque se cache, la
décentralisation définitive du transport ferroviaire régional de voyageurs.
Cette nouvelle avancée - il faut l'espérer ! - de la décentralisation est la
plus importante depuis la prise en charge par les régions de la construction et
du fonctionnement des lycées. Elle mérite mieux, sans doute, que ce débat dans
le débat et que cette précipitation, qu'un sénateur responsable des transports
de sa région ne peut que regretter.
Il aurait été plus logique, me semble-t-il, d'attendre le résultat de
l'expérimentation volontaire et réversible, acceptée par sept régions, dont le
Nord - Pas-de-Calais. Il aurait été plus cohérent, malgré son indulgence, de ne
pas anticiper sur les travaux et les propositions de la commission présidée par
notre collègue M. Pierre Mauroy.
Mais le ministre des transports a accéléré brutalement, inexplicablement à mes
yeux, et nous sommes bien obligés de le suivre, de vous suivre, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, non sans solliciter davantage de
précisions, non sans espérer un surcroît de certitudes.
Depuis de nombreuses années, les régions exercent leur autorité en matière de
transport ferroviaire régional. Le transport express régional fonctionne de
manière satisfaisante. Les trains sont, presque toujours, à l'heure, plus
nombreux, plus rapides, plus confortables qu'avant la régionalisation. La
collaboration, confiante et efficace, entre la SNCF et les conseils généraux a
fait ses preuves. Le trafic progresse lentement mais régulièrement. Les
usagers, vigilants et exigeants, souhaitent une amélioration constante du
service public. Le transfert de compétences s'appuie donc sur une base très
solide. Pourtant, au-delà de sa simplicité apparente, il pose quelques
redoutables questions que je voudrais aborder brièvement.
La première a trait aux contraintes qui pèsent sur les deux partenaires
irremplaçables de cette décentralisation complexe et originale : la SNCF et
RFF, le propriétaire des infrastructures.
La SNCF, tout d'abord. Elle sera - vous l'avez voulue ainsi et nous
l'acceptons sans hésitation - l'entreprise, la seule, chargée d'assurer le
transport ferroviaire régional.
Cette grande entreprise publique, depuis vingt ans, a privilégié sur tous les
plans le réseau national, les longues distances et le TGV. Son endettement est
considérable. Elle fait aujourd'hui un immense effort d'adaptation, de
modernisation, de transparence aussi, ce qui est vital pour l'avenir du
transport régional ferroviaire. Sans l'aide massive de l'Etat, elle serait en
très grande difficulté. Il est donc clair que la SNCF ne pourra en aucun cas
faire pour les régions ce qu'elle a fait pour la nation depuis vingt ans à la
demande des gouvernements successifs.
Le renouvellement du matériel roulant, la renaissance des gares, les sauts
qualitatifs des dessertes ferroviaires - je pense au cadencement horaire,
indispensable, au TER à grande vitesse du Nord-Pas-de-Calais - dépendront
exclusivement de la volonté des budgets publics et de la volonté des budgets
régionaux.
RFF, le propriétaire du réseau ensuite. Les contrats de plan viennent de faire
la démonstration de sa relative impuissance, même nuancée de bonne volonté.
Trop lourdement endetté, RFF hésite devant la régénération et la désaturation
du réseau. RFF renoncerait même souvent sans le concours financier nouveau et
substantiel des grandes collectivités locales, en particulier des régions.
L'ambition, nécessaire, de développer simultanément et le trafic ferroviaire
voyageurs et le trafic ferroviaire marchandises, rencontre là ses limites. Les
régions ne pourront accepter que l'augmentation des péages payés à RFF, si
pauvre, pour l'utilisation des infrastructures qu'elles contribuent à
moderniser, alourdisse considérablement la facture du transport ferroviaire
régional de voyageurs.
La maîtrise des péages est un enjeu plus important que la répartition des
sillons. A l'Etat de veiller et de convaincre.
Face à cette situation, messieurs les ministres, une question vient
naturellement à l'esprit : est-il raisonnable de transférer définitivement le
transport voyageurs aux régions sans s'inspirer, au moins partiellement, de la
régionalisation ferroviaire allemande ? En Allemagne, l'Etat a repris la dette
des chemins de fer allemands avant de confier aux Länder la responsabilité du
rail. Qu'en pense le Gouvernement ?
La deuxième question concerne évidemment la dotation de décentralisation, la
compensation financière de l'Etat.
L'expérimentation dans les sept régions volontaires et la progression très
nette de la clarté des comptes de la SNCF permettent aujourd'hui d'évaluer la
réalité financière et économique du TER : des charges en constante et régulière
augmentation, des recettes provenant un peu des guichets, un peu des voyageurs,
et beaucoup de l'effort public national et régional - dotations, tarifs
sociaux, subventions.
Le transfert de compétence exige donc de l'Etat loyauté et imagination.
Loyauté à l'égard des régions, qui ne pourront assumer un transfert de charges
comparable à celui qu'elles ont accepté, parfois revendiqué, lors du transfert
des lycées, il est vrai transcendé par la perspective de porter 80 % d'une
tranche d'âge au niveau du baccalauréat. En moins de dix ans, rappelons-le, les
crédits pour les lycées sont passés de 1 millard de francs à 15 milliards de
francs.
Imagination pour créer de nouvelles ressources garantissant l'essor du
transport ferroviaire à armes presque égales avec la route. Pourquoi ne pas
accorder une petite part de la TIPP - taxe intérieure sur les produits
pétroliers - la sacro-sainte TIPP aux régions : 5 % par exemple, 8 milliards de
francs, 0,1 % du produit national brut, qui serait affecté au transport
ferroviaire ? Le développement durable vaut bien une légère entorse au dogme
!
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a
accéléré, nous sommes prêts à le rejoindre, à condition qu'il prenne le temps
et les moyens de nous rassurer.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, vous avez devant vous un sénateur accablé. La loi sur la
parité m'a déjà amené à réduire le nombre de femmes au sein de mon conseil
municipal où elles étaient majoritaires, et voici que l'article 25 de votre
projet de loi sur le logement social va briser l'effort, difficile mais
déterminé, qu'avait engagé ma ville à ce titre.
De nouveau, l'application locale de principes nationaux méconnaissant les
réalités du terrain tue les meilleurs objectifs. Lorsque nous opposons donc à
votre projet de loi le principe de libre administration des communes, nous le
faisons, bien sûr, parce qu'il ne faut pas transiger avec ce principe pour
conserver vivante la démocratie, nous le faisons surtout parce que, de fait, il
n'existe de meilleure administration qu'au plus près. C'est là, dans la
lisibilité et la clarté, qu'efficacité peut rimer avec économie.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est-il vraiment pas
possible de faire confiance aux responsables du terrain ?
Que l'Etat fixe des objectifs, il est dans son rôle, mais qu'il pratique
a
priori
la punition collective, c'est une pédagogie qui a dépuis longtemps
été rejetée dans nos salles de classe. D'ailleurs, nous ne sommes pas à l'école
!
Pourtant, si j'ai bien compris, c'est parce que certaines communes n'auraient
pas respecté la loi de 1991 que vous les punissez toutes ! L'Etat ne peut pas
traiter ainsi les collectivités locales réputées pourtant libres. N'est-ce pas
même à L'Etat qu'il appartient de faire respecter la loi, même celle de 1991 ?
Nous refusons de payer l'incapacité de l'Etat.
Je vais très concrètement développer mon propos. Le terrain devrait d'ailleurs
toujours inspirer l'exécutif, au moins autant que le législatif.
Je souhaite vous montrer pourquoi, en l'état, votre projet de loi risque de
ramener à zéro le rythme de construction de logements sociaux dans ma ville.
C'est bien par nécessité locale - il nous manque des logements sociaux - et
parce que nous voyons où sont nos responsabilités politiques, mais aussi parce
que nous ne pouvions pas payer la contrepartie financière exigée par la loi de
1991 de ceux qui n'en faisaient pas assez, que nous avons fait le maximum pour
appliquer cette loi. Nous l'avons fait logement par logement, quartier par
quartier, en saisissant systématiquement toutes les opportunités, si ténues
soient-elles. Mais faire de la dentelle, n'est-ce pas la meilleure manière de
faire de la mixité ?
Nous avons donc fait ce qui nous était demandé. Nous avons construit du
logement social, et vous venez nous dire aujourd'hui, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, que nous avons eu tort de respecter la loi de
1991. A l'avenir, nous aurons moins confiance en l'Etat.
J'ajoute que, dans un tel domaine, il faut de la continuité et de la
constance. De ce fait, pourquoi casser notre élan ?
Enfin, nous ne pourrons supporter en même temps le poids financier d'une
amende et celui de la construction de logements sociaux.
Depuis 1991, nous avions choisi le logement ; vous nous imposez l'amende ;
nous ne pourrons payer les deux ! Nous sommes dans le cas le pire, c'est la
quadrature du cercle. Cela existe, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat. C'est le minimum de terrain disponible soumis au maximum de contraintes
de protection, le minimum de ressources financières face à des prix
exorbitants.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de telles situations se
retrouvent ailleurs, dans mon canton, dans le département des Hauts-de-Seine et
en Ile-de-France. J'attends de vous que vous nous disiez si votre projet de loi
pourra les prendre en compte et, dans l'affirmative, comment ? Pour l'instant,
en effet, nous donner vingt ans pour atteindre le seuil fatidique de 20 % ne
nous suffira pas et je le démontre. Depuis dix ans, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, 177 logements - c'est très peu - dont 54
logements sociaux, soit 40 % du total - c'est beaucoup - ont été réalisés dans
ma ville. Ce rythme de 40 % de construction de logement social est deux fois
supérieur à l'objectif fixé par votre projet de loi. Néanmoins, même à ce
rythme, il faudra 150 ans pour construire les 771 logements que nous réclame ce
projet de loi.
Même si 100 % du logement construit était social - mais alors, à quel prix
dans une ville comme la mienne ? - il nous faudrait plus de cinquante ans pour
atteindre un objectif que vous nous imposez d'atteindre en vingt ans. Sans
compter que, dans ma ville, le nombre total de terrains voués à la construction
va se raréfiant.
Mais il faut dire que deux tiers de la surface communale sont occupés par une
forêt domaniale, évidemment inaliénable, le tiers restant étant soumis à toutes
les protections possibles au titre des monuments historiques.
Pour ce qui concerne la protection des monuments historiques, je rappelle
simplement l'excellente intervention de notre collègue, M. Etienne Pinte, à
l'Assemblée nationale. Je le rejoins en soulignant que son analyse peut être
transposée dans la plupart des villes des Hauts-de-Seine, qui se trouvent dans
sa ligne de mire de votre loi.
Pour ce qui est de la forêt, elle est également bien utile à tous. Or il se
trouve que, dans un département comme les Hauts-de-Seine, les emplois, les
logements, mais aussi les indispensables espaces verts ne sont pas répartis
dans les mêmes proportions dans chaque ville. Il en résulte que celles qui
apportent le plus d'oxygène sont généralement aussi celles qui ont le moins de
terrains libres - et, surtout, celles qui disposent des plus faibles recettes
de taxe professionnelle. Dans ces conditions, n'est-ce pas à l'échelle
d'ensemble du département, et non de chaque commune, que les différents besoins
doivent être couverts, qu'une réflexion doit être menée, que de vrais choix
peuvent intervenir ? Viser les communes de plus de 2 500 habitants dans une
agglomération de 50 000 habitants, cela n'a aucun sens dans la région
parisienne.
M. Dominique Braye.
Aucun !
M. Denis Badré.
Ne condamnez pas
a priori
les petites communes de cette grande région,
petites communes qui ont néanmoins entre 10 000 et 20 000 habitants. Ce ne
serait ni glorieux ni efficace.
Ou alors, soyons complets, et prenons en compte tous les besoins de nos
concitoyens. Pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas exiger un projet de loi
punissant, cette fois, les communes qui n'offriraient pas 20 % d'espaces verts
?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous fais cette
suggestion : les citadins ont besoin de logements sociaux, mais aussi
d'oxygène. Votre projet de loi, lui, en manque cruellement. Or c'est bien la
mixité « logements-espaces verts » qu'il devrait d'abord envisager pour
retrouver du souffle.
Les communes qui apportent beaucoup d'oxygène peuvent-elles bénéficier d'un
traitement moins brutal pour ce qui concerne le logement social ? L'espace
n'étant pas extensible, il est parfois difficile d'avoir à la fois des forêts
et des logements.
Dans ma ville, les rares terrains qui peuvent se libérer ont des valeurs
locatives doubles de la moyenne des valeurs locatives du département. Faire du
logement social à Ville-d'Avray est donc très coûteux. La commune y consacre
tout de même chaque année une somme de l'ordre de la taxation que vous projetez
de nous imposer. C'est là un considérable effort dans la mesure où l'assiette
de taxe professionnelle par habitant n'atteint pas 20 % de la moyenne
nationale. Votre punition, qui s'élève à 750 000 francs pour ma ville et qui
viendrait sanctionner l'histoire et la géographie et non une quelconque faute
de gestion ou une erreur de choix politique, représenterait, à elle seule,
environ le tiers de nos recettes de taxe professionnelle. Quelle commune peut
supporter une saignée pareille ?
Vous condamnez ma ville parce qu'elle ne pourra pas avoir 20 % de logements
sociaux dans vingt ans. Or, comme je viens de le démontrer, je ne vois pas
comment cela sera possible. Cet objectif est inaccessible, et ce avant beaucoup
plus longtemps. Cet objectif est inaccessible parce que les terrains manquent.
A moins que je n'utilise la mairie ou l'église... mais elles sont classées !
Cet objectif était financièrement inaccessible avant le présent projet de loi.
Or, ce dernier est de nature à aggraver une situation déjà impossible à vivre.
Ma ville, comme d'autres, se trouve donc condamnée à perpétuité ! De quel droit
?
Pouvez-vous confirmer votre volonté d'écoute, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, en acceptant d'approfondir une concertation à partir du
cas réel que je vous présente et que je n'invente pas. Pourriez-vous me dire
comment de telles villes, la mienne et d'autres dans le département, pourront
appliquer votre projet de loi et survivre ? Surtout, pourrez-vous me dire
comment elles pourront continuer à construire les logements sociaux dont elles
ont besoin ?
Au-delà de cet appel au secours lancé au nom des communes que ce projet de loi
va donc mettre en grande difficulté, voire à la limite de la précarité - je
pèse mes mots - je vous pose trois questions.
La première question a déjà été évoquée par plusieurs orateurs : allez-vous
enfin nous proposer une définition stable et lisible du logement social ?
Aujourd'hui, vous proposez d'en diminuer encore le champ, notamment en sortant
de la définition les logements privés conventionnés. Ne relèverait-il pas du
bon sens de revenir à la définition de 1991, sur laquelle se sont précisément
appuyées les communes pour la mise en oeuvre des PLH ? Je note d'ailleurs que
la définition retenue dans votre projet de loi n'est pas non plus celle qui
s'applique pour la dotation de solidarité urbaine. Il faut de la cohérence, là
aussi.
Deuxième question : que pensez-vous de l'idée d'établir une relation entre
recettes de taxe professionnelle et besoin de logements sociaux - les logements
sociaux, cela a un coût - en mutualisant par exemple les unes et les autres au
niveau d'une agglomération assez vaste pour que cela ait un sens ?
Troisième question : votre objectif est bien la construction de logement
social, dès lors pourquoi le fixer en volume ? Ce sont les flux qui
construisent ! Pourquoi ne pas exonérer les communes qui construisent
effectivement plus de 20 % de logements sociaux chaque année sans pour autant
parvenir à atteindre le seuil de 20 % en volume en vingt ans ?
Cela dit, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne perds pas
espoir, même s'il est plus difficile de gérer une commune pauvre, enclavée dans
la forêt, à l'écart des grands axes de développement de la région et qui, de
plus, va être condamnée par votre loi, parce que les causes les plus difficiles
peuvent aussi être les plus intéressantes et parce que je continue à croire en
l'avenir et peut-être un peu en vous.
Pour le montrer, je termine sur une note constructive en soulignant à nouveau
que c'est bien sur le terrain que cet avenir, auquel nous croyons tous, se
gagnera. Pour illustrer mon propos, je citerai un exemple vécu actuellement,
toujours dans ma ville, de ce que l'Etat ne saura jamais faire aussi bien
qu'une municipalité.
Un propriétaire a décidé de vendre à un promoteur immobilier un terrain
construit avec cinq petits appartements occupés et ayant grand besoin d'être
rénovés. Le prix de vente en était largement sous-estimé au regard de
l'évaluation des domaines. J'ai exercé mon droit de préemption. Le bien fut
retiré de la vente pour réapparaître, quelques mois plus tard, à un prix
légèrement réévalué, mais toujours très sous-estimé.
Du fait de difficultés de procédure sur lesquelles je ne m'étends pas, la
transaction fut malheureusement tout de même réalisée dans ces conditions. Je
n'ai alors pas hésité à choisir, là encore, la seule solution possible : lancer
une enquête d'utilité publique permettant l'expropriation pour réhabiliter ces
cinq logements, tout cela aux frais de la commune.
Le logement social et la morale y trouvent leur compte. Ce n'est que
localement que de telles opérations peuvent être conduites ; jamais l'Etat ne
pourra le faire sur cinq logements. Ce sont de tels comportements de proximité
qui, mieux que toutes les lois et toutes les taxations, rendront nos villes
plus humaines et notre société plus solidaire et plus vivante.
En bridant les volontés et en réduisant les possibilités locales, auxquelles
il faut faire confiance, je crains que vous ne fassiez au contraire une grave
erreur. Alors que la concertation s'imposerait, curieusement, vous en réduisez
d'avance le champ en déclarant une urgence que rien ne semble justifier.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne refusez pas le
dialogue. Acceptez de prendre vraiment en compte la réalité du terrain dans sa
diversité. Ces difficultés vous paraissent peut-être caricaturales, mais je
tiens à votre disposition toutes les données qui vous permettront de vérifier
ce que je viens de dire.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, prenez en compte cette
réalité dans sa richesse, richesse des possibilités et de l'enthousiasme local,
le logement social lui-même en sortira gagnant !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains
et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Ladislas Poniatowski.
Très bonne intervention !
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je n'interviendrai que sur la partie ferroviaire de ce
texte. A ce titre, je regrette l'absence de M. Gayssot, mais nous avons d'ores
et déjà eu quelques conversations, notamment au sein de l'Association des
régions de France.
Nous voici devant un projet de loi gâché, une réforme cassée, abîmée, comme si
Bercy avait voulu faire taire la voix du rail régional.
Cette réforme, en elle-même, portait quelque chose d'essentiel : une
décentralisation réussie, à un moment, où, dans notre pays, les « mammouths »
sont incapables de s'attaquer à la réforme de leurs propres structures. Alors
que, de Bercy aux affaires sociales en passant par l'éducation nationale, la
concentration des pouvoirs conduit à l'impuissance, il y avait là une
ouverture, une perspective : le « mammouth » SNCF était peut-être réformable
grâce à l'expérimentation.
Voilà que sept régions en France, plusieurs années durant, se lancent dans une
expérimentation de décentralisation. Les élus prennent à coeur le dossier, les
personnels s'engagent, l'ensemble des acteurs participent. Pour la commission
de décentralisation que préside M. Mauroy, cette expérience était pleine
d'espoir : expérimentons, et cela bougera !
Nous avons vu des choses extraordinaires ! Nous avons vu la CGT locale
convaincre la CGT nationale et des élus locaux convaincre les élus nationaux.
Une vision positive est montée du terrain : et si l'on faisait en sorte que les
territoires aient de vraies responsabilités pour organiser le transport
ferroviaire.
Cette réforme-là était sur les bons rails. De nombreuses expériences ont été
menées. Dans la grande région dynamique et performante qu'est l'Alsace, elles
avaient engendré une augmentation de la fréquentation du rail et réussi à
instaurer une cohérence territoriale entre les villes moyennes. Le Limousin
avait d'autres soucis et était confronté à d'autres préoccupations qu'il
cherchait à surmonter. Tout le monde s'était mis au travail. Et puis, au moment
où un bilan de cette expérimentation aurait pu être dressé, d'un seul coup, on
précipite le tout...
M. Ladislas Poniatowski.
L'urgence !
M. Jean-Pierre Raffarin.
D'abord, ce projet de loi est assorti de la procédure d'urgence.
M. Nicolas About.
Monstrueux !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Songez aux problèmes qui vont se poser. Qui sera responsable de la sécurité
dans les gares ? Le personnel est, à juste titre, concerné. Qui va gérer les
tarifs sociaux ?
J'en appelle à la conscience républicaine de nos collègues socialistes. Qui,
dans notre pays, est responsable de la cohérence républicaine, de l'action
sociale ? Qui doit être responsable des tarifs sociaux ? Qui aura accès à cette
justice sociale à laquelle nous sommes tous attachés ? Veut-on que les tarifs
sociaux se décident d'une région à une autre sans aucune cohérence, avec une
compétition sur le « mieux-disant » social ? Qui est responsable de la
cohérence sociale ? Qui va payer ? Et comment allons-nous arbitrer ?
La SNCF veut augmenter - et elle a raison ! - la part de son fret ; elle va
donc créer des trains nouveaux et, pour ce faire, elle a besoin de sillons
nouveaux.
Par conséquent, les régions vont être en concurrence avec la SNCF pour avoir
des trains nouveaux, des sillons nouveaux. Qui arbitrera ? Car la SNCF ne
manquera pas de faire valoir que, sans sillons nouveaux, elle fera passer en
priorité ses trains de marchandises. Bravo ! A ce moment-là, la SNCF sera
joueur et arbitre.
Tout cela aurait mérité plus de discussions et un approfondissement, notamment
de l'expérimentation, laquelle n'est intéressante que si l'on prend le temps
d'en lire les résultats !
Dans ce contexte, de vraies solutions sont apparues, qui auraient mérité autre
chose que quelques articles dans un projet de loi, articles d'ailleurs passés
inaperçus à l'Assemblée nationale, mais qui modifient profondément les
responsabilités des collectivités territoriales.
Nous avons préparé un certain nombre d'amendements pour apporter des
correctifs liés à l'expérimentation et pour préciser les intentions du
Gouvernement, car on sent bien, compte tenu du petit nombre d'articles, que
cette régionalisation se fera principalement par la voie réglementaire, ce qui
nous préoccupe.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, tout cela aurait pu être
acceptable et même profitable aux uns et aux autres s'il n'y avait pas eu cette
triste affaire du règlement financier.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin.
La SNCF annonce des résultats positifs et s'en félicite - on peut tous se
féliciter de ces résultats - mais, d'un côté, elle transfère ses dettes à
Réseau ferré de France, RFF, et, de l'autre, elle garde les bénéfices du TGV et
décentralise les déficits du TER ! Voilà bien la plus malicieuse de toutes les
recentralisations : je vous donne les déficits, je garde les bénéfices et voyez
comme je suis généreuse et décentralisatrice ; à vous les problèmes, à moi les
recettes !
C'est en vérité la pire des recentralisations, une recentralisation à
laquelle, de plus, nous ne sommes pas vraiment associés. M. Mauroy a bien eu
l'élégance d'inviter M. Gayssot le matin même de la présentation de son texte à
l'Assemblée nationale, mais c'était un peu tard pour qu'on lui fasse part, au
sein de la commission sur la décentralisation, de la véritable appréciation que
nous avions sur un texte qui est en fait un texte de recentralisation.
Nous allons donc nous trouver dans la situation suivante : alors que les
responsabilités seront lourdes sur le plan financier, nous n'aurons aucune
assurance que les financements nécessaires nous seront accordés. De plus, nous
nous heurtons à un « niet » absolu du Gouvernement lorsque nous demandons une
indexation non pas sur les salaires de la SNCF - ce qui aurait pourtant été
possible et nous aurait mis à l'abri d'un certain nombre de dérives, mais je
conçois que cela soit excessif -, mais sur le PIB pour tenir compte de la
richesse nationale, faire en sorte que la préoccupation « transport ferroviaire
» garde sa place dans l'ensemble des préoccupations nationales et éviter un
déclin des financements dû à une indexation insuffisante.
Le Gouvernement ne nous concède que la DGD, toute la DGD et rien que la DGD,
nous condamnant donc à un déficit global qui va peser terriblement sur les
finances locales.
Sur le fond, c'était certes un coup dur, mais nous aurions pu discuter sur
cette situation financière si, de surcroît, nous n'avions pas été confrontés à
la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. Nous nous
demandons vraiment si la volonté n'est pas d'assécher les territoires, et de
les priver de moyens. C'est bien la pire de toutes les recentralisations !
Au moment où nous venons de négocier nos contrats de plan avec loyauté, ...
M. Henri de Raincourt.
Quelle erreur !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
... et alors que, dans toutes les régions, nous sommes parvenus, en dépit de
majorités souvent difficiles, à faire voter ces contrats de plan pour engager
des financements très importants - la contractualisation, pour laquelle
l'Europe, l'Etat, les régions, les départements et les villes ont joué un rôle
très important, représente en effet, pour la période 2000-2006, plus de 400
milliards de francs - c'est à ce moment-là qu'on nous annonce que la part
régionale de la taxe d'habitation est confisquée !
La DGF a évolué de 2,02 % sur la période 1994-1998, alors que les bases de la
taxe d'habitation ont augmenté de plus de 3 %. Cela signifie que, pour la
période 2000-2006, le déficit sera pour les régions de 1,5 milliard de francs,
alors que la régionalisation du ferroviaire va exiger que nous mobilisions des
moyens financiers considérables. En effet, la régionalisation n'a d'intérêt que
si nous améliorons les services, donc si nous investissons. Pour progresser, il
faut investir. C'est précisément au moment où nous devons investir qu'on nous
prive encore de ce moyen de financement qu'est la part régionale de la taxe
d'habitation !
On explique aux Français qu'il s'agit d'une suppression de taxe alors que,
chacun le sait, il s'agit en grande partie d'un transfert. Il y aura tout de
même un manque à gagner, que devront supporter les collectivités territoriales
qui doivent assumer la mission nouvelle de la régionalisation du
ferroviaire.
Nous sommes à un moment où notre pays doit faire face aux agressions dont est
victime le national, qui est l'espace de la cohérence politique. La nouvelle
économie menace le national, qui a besoin, pour se défendre, de la puissance de
l'Europe et de l'initiative du local.
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Ce triangle de forces nouvelles est la véritable réponse française au défi de
la mondialisation. Or comment voulez-vous que le local participe de ce
mouvement si le national lui confie ses déficits et le met dans l'incapacité de
régler les problèmes ? Monsieur le ministre, c'est grave !
Nous croyons vraiment que la décentralisation est une perspective importante.
Nous avons cru que la régionalisation du ferroviaire était une piste d'avenir
importante, et nous continuons à penser qu'il faut aller dans ce sens-là. Mais
faisons en sorte que notre République respecte ses territoires et leurs
capacités d'initiative, parce que l'on sait bien que l'avenir est aux forces
ascendantes et aux énergies locales.
Ce texte est, pour nous, profondément décevant. Nous comptons sur la sagesse
de la Haute Assemblée et sur les amendements qui seront proposés pour donner au
Gouvernement une perspective qui permette de convaincre l'Assemblée nationale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, aussi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
Quel réquisitoire !
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut que regretter
que le projet relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, qui aborde
plusieurs problèmes importants - dont celui de la régionalisation du transport
ferroviaire - et pose le problème de fond des relations entre l'Etat et les
collectivités locales ait ouvert une caricature du débat sur la ville, sujet
qui est pourtant au coeur de la problématique de la civilisation du xxie
siècle, et nous ait fait rapidement retrouver les vieux clivages politiciens,
entre les cris d'horreur devant la défense des égoïsmes et l'angoisse des élus
devant le retour de l'Etat jacobin.
« On ne peut pas résoudre les problèmes avec ceux qui les ont créés », disait
Einstein. Or je crois que le fond du débat, tant pour les uns que pour les
autres, c'est l'efficacité de l'action publique et le fait que la relation
entre l'Etat et les collectivités locales ne peut pas consister, pour l'Etat, à
transférer ses échecs ou ses incapacités sur le dos des élus locaux. Cela
serait contraire à l'intérêt national.
Je m'interroge pour savoir si nous ne commettons les mêmes erreurs. Nous
analysons une situation avec, quelquefois, une approche identique sur les
déséquilibres constatés, mais nous oublions peut-être les flux qui, depuis
vingt-cinq ou trente ans, ont structuré notre territoire.
De 1945 à 1955, on a construit 900 000 logements ; de 1955 à 1965 trois
millions de logements, qui, aujourd'hui, sont critiqués par les uns et par les
autres. Mais, à l'époque, cela correspondait à un progrès perçu par tous, avec
du travail, du confort, et la ville était un lieu de repos, un lieu de loisir.
Chacun sait l'apport considérable qu'ont eu les villes dans la politique
culturelle, dans la politique sportive, dans la dynamique même du comportement
des uns et des autres.
Aujourd'hui, sont-ce les données techniques ou les données sociétales qui ont
changé ? Chacun sait que moins de travail, moins de confort, ont transformé le
mieux-vivre urbain en mal-vivre urbain, au point que, dans certains quartiers,
la vacance atteint 30 % ou 40 %. Cela signifie qu'il y a une inadéquation entre
la demande formulée par les habitants et l'offre publique. C'est une leçon
qu'il nous faut intégrer : lorsque l'offre publique ne correspond pas à une
demande, c'est l'histoire d'un échec annoncé. La volonté politique peut être
réelle, la réalité sociale s'imposera.
On nous indique qu'il y a un réel déséquilibre entre les territoires. Cela est
dû, bien évidemment, à l'égoïsme de certains élus et à la générosité d'autres.
Mais sont-ce les maires qui ont fait la ville ou les villes qui se sont
imposées aux maires ? Dans certains cas, en effet, elles sont le fruit de
l'histoire - les villes minières - de la géographie, voire de l'Etat lui-même
qui, dans les années soixante, a créé les villes nouvelles ou les grands
ensembles.
Hier, j'entendais M. Gayssot opposer la République et l'égoïsme communal. Si,
aujourd'hui, il existe un déséquilibre en matière de logements sociaux, c'est,
certes, l'expression d'une volonté politique locale, mais, si ma mémoire est
bonne, cette volonté a aussi été accompagnée de crédits d'Etat. Nous avons donc
une responsabilité partagée dans le paysage urbain, qui, aujourd'hui, pose
problème.
S'agissant des 20 % de logements sociaux, je trouve qu'on réduit un peu le
débat, comme si une harmonisation statutaire était inéluctable au nom de
l'égalité, afin qu'au cours des vingt-cinq prochaines années chacun, pour
reprendre l'expression d'un journaliste, ait « son pauvre, son immigré, son
chômeur » !
Nous devons aujourd'hui valoriser l'image du logement social et ne pas le
réduire à la difficulté sociétale de nos concitoyens. Or enfermer les gens dans
des statuts pose aujourd'hui le véritable problème de l'intégration. Nous
devrions éviter d'enfermer les territoires dans des statuts. Nous passons, je
crois, à côté d'un vrai débat qui consiste à nous interroger sur les réponses
que nous devons apporter à notre société, qui conjugue le déclin moral, le
suicide culturel, la désunion politique avec une montée des comportements
asociaux, un déclin de la famille, un déclin du capital social, une faiblesse
de l'éthique, et au sein de laquelle la cohésion et l'intégration se faisaient
autour des valeurs morales partagées et de lois acceptées.
En réalité, nous vivons non pas l'échec d'une politique urbaine, mais celui
d'une société qui a raté son intégration, qui est menacée aux deux extrémités
par un déséquilibre statique des sociétés fermées qui se replient sur
elles-mêmes et une désagrégation des sociétés transactionnelles. L'homme vaut
plus par ce qu'il dépense que par ce qu'il pense ; demain, il ne faudrait pas
hiérarchiser les individus en fonction du caractère statutaire du logement.
Au moment où s'accélèrent les mutations économiques, qui rendent fragile
l'avenir des territoires, des règles environnementales imposent de nouvelles
limites à leur développement et à leur potentialité. On nous parle à nouveau de
maîtrise de l'espace périurbain et de densification urbaine. Je pense que la
réponse est non pas dans l'unicité, mais au contraire dans la diversité et la
complémentarité.
Nous vous avons donné notre accord pour l'émergence d'un nouveau pouvoir
d'agglomération permettant d'assurer une cohérence des différents schémas et
une harmonisation des différentes politiques. Il faut effectivement que nous
réfléchissions à des outils de régulation afin de parvenir à une harmonisation
dans la gestion de l'espace. Toutefois, s'il y a plusieurs dimensions de
l'espace, il n'y a qu'une dimension du temps. Si l'agglomération n'est pas un
facteur de progrès social, cette loi n'aura pour résultat que la répartition
des échecs de notre société et elle augmentera les risques de racisme social et
de fracture territoriale.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye.
Nous risquons de nous préparer de belles campagnes électorales municipales
opposant, d'un côté, ceux qui prôneront les vertus de l'intégration mais qui
préféreront voir l'étranger ailleurs et, de l'autre, ceux qui prôneront
l'égalité des chances en ne voulant accueillir que les plus performants.
L'Etat, qui refuse d'analyser cette logique de politique publique, veut faire
retomber les échecs sur le dos des élus locaux.
J'aurais préféré une loi plus visionnaire, plus contractuelle entre l'Etat et
les collectivités locales, pour tout dire, une loi plus proche de la réalité du
terrain. J'ai du mal à concevoir que l'on puisse avoir la même approche
thématique pour des régions différentes. L'égalité des chances territoriales
passe par l'inégalité des réponses et l'accompagnement de l'Etat à des
expressions du terrain.
Nous devrions analyser les besoins. Avons-nous besoin de 20 % de logements
sociaux partout ? Je n'en suis pas convaincu. Quelle est l'offre dans sa
globalité et non selon les statuts ? N'aurions-nous pas pu déconcentrer les
moyens de l'Etat avec une souplesse d'utilisation adaptée au terrain : ici la
démolition, là la modification des plafonds de ressources, là encore une
allocation de logement mensualisée, une solvabilisation qui épouse le parcours
du locataire ? N'aurions-nous pas pu initier une approche globale des quartiers
par l'Etat intégrant, bien évidemment, l'offre en matière de logements, mais
aussi, le logement n'étant plus qu'une partie d'une politique globale ;
comprenant une action en matière de services, de santé et de culture ? Ce que
les collectivités locales réclament de l'Etat c'est une approche globale, un
partenariat et non une approche culturelle sectorielle.
Alors que le logement est un droit pour tous, le logement social véhicule une
image négative et nous devons éviter que cette loi ne soit la loi de la
répartition des pauvres ou des échecs de notre société.
La ville doit redevenir un lieu de progrès pour tous, un lieu d'épanouissement
pour chacun et d'égalité des chances. Il faut un droit au logement pour tous,
mais à un logement adapté à la situation de chacun, assorti d'un droit à la
santé, à l'éducation et à la sécurité. Il nous faut éviter que la ville ne soit
à l'image de notre société : la liberté pour ceux qui peuvent se l'offrir et le
piège pour les autres. Ce n'est pas toujours une question de logement ; c'est
une question de qualité de vie. Nous avons fait un certain nombre de
propositions dans ce sens et la commission des lois en a repris
quelques-unes.
Ce projet de loi comporte trois volets.
Sur le premier concernant le renforcement de la cohérence, j'ai déjà exprimé
notre avis favorable, même s'il conviendra de réfléchir, à l'échelon des
schémas régionaux, sur l'intégration de la ville dans une approche beaucoup
plus globale, dépassant même les limites de l'agglomération. En effet, si
l'histoire et la géographie ont façonné les villes, l'automobile en a déplacé
la centralité, et, aujourd'hui, les services sont en train de déplacer les
lieux de décision.
Sur la simplification des documents d'urbanisme, je ne partage pas votre
optimisme, monsieur le secrétaire d'Etat. Je crains l'augmentation des recours,
l'augmentation des contentieux. Aussi, dans les délais que vous imposez aux
collectivités locales, il faudrait prendre en compte la gestion des
contentieux. Quelquefois, en effet, le délai qui s'écoule entre une décision
politique locale et son application se trouve considérablement allongé par le
déroulement de contentieux juridiques. De tels cas ne devraient pas faire
l'objet de sanctions.
Il reste le problème du logement. Vous avez, chacun en convient, augmenté les
crédits, accéléré les démolitions, mais nous restons en dehors d'une réflexion
sur l'individualisation de la politique du logement épousant l'invidivu dans
son parcours personnel, sur une adaptation des crédits publics au financement.
Vous allez contraindre les collectivités locales et, parallèlement, leur
demander des cautions, exiger d'elles une surcharge foncière, augmenter leur
budget consacré à l'aide personnalisée au logement.
Nous aurions dû engager une réflexion d'ensemble sur la politique du logement
intégrant le public, le privé, l'aide à la pierre et l'aide à la personne. Il
faudrait que le logement redevienne la dynamique pour la ville qu'il était
alors que, pour certains, il apparaît maintenant comme un fardeau.
Je partage votre volonté d'offrir à chacun la possibilité de suivre un
parcours positif avec un droit à l'activité, voire un devoir d'activité, un
droit au logement, voire un devoir de locataire, pour développer la volonté de
sortir de la misère des grandes villes modernes, celle-ci n'étant pas le
résultat d'un affaiblissement des qualités humaines mais découlant de
l'existence d'environnements sociaux qui inhibent l'expression de ces qualités.
La ville était un rêve. Elle doit le redevenir.
Au moment où l'Assemblée nationale vote une loi sur la régulation économique
permettant aux uns de croire aux coups de menton et aux autres à la main
invisible du marché, je ne crois ni à l'un ni à l'autre mais à la régulation
par l'homme. C'est son comportement qui détermine l'échec ou la réussite d'une
politique. Une politique du logement ne peut se concevoir que si elle améliore
le comportement des individus.
A de nouvelles données sociales, de nouvelles réponses urbanistiques. La
liberté de choisir est un facteur essentiel de la condition humaine. A mon
sens, ce projet de loi ne doit pas être guidé par une notion d'échec ; il doit
au contraire répondre à une vision prospective de l'avenir.
Le fait que le quota de 20 % apparaisse comme une punition ne me paraît pas
correspondre à l'esprit du temps. Je crois plus à l'incitation. On vante
aujourd'hui le résultat de l'intercommunalité urbaine. Est-elle le fruit de la
volonté politique locale ou celui d'une incitation financière que l'Etat a
accepté de mettre en place et qui produit aujourd'hui ses effets ?
Si je suis favorable à la cohérence des schémas, si je dis oui à la nécessaire
complémentarité des territoires, je dis non à la contrainte. Nous aurions dû
imaginer des contrats Etat-agglomération suffisamment incitatifs financièrement
pour atteindre les objectifs assignés par l'Etat.
Si, aujourd'hui, on stigmatise les déséquilibres, chacun porte sa part de
responsabilité. En effet, le refus de l'élu local, qui ne mesurait pas bien
quelquefois les excès s'est accompagné de l'irresponsabilité de l'Etat en
matière de crédits publics.
J'aurais préféré que l'offre de logements se fasse en intégrant l'accession et
la location, la construction et la réhabilitation, le public et le privé,
qu'elle réponde à une demande sociale de logements mobiles, adaptés et
évolutifs.
Ainsi, lorsque l'on modifie les cartes scolaires, on voit immédiatement le
flux des écoliers se diriger vers les meilleurs établissements scolaires, avec
les conséquences qui en découlent sur le logement. De même les constructions de
logements s'accompagnent immédiatement de flux de locataires qui cherchent à
fuir certains immeubles pour aller vers d'autres. Nous aurions dû, me
semble-t-il, commencer par adopter une démarche pragmatique d'analyse des
besoins et de l'offre, l'Etat laissant la volonté locale s'exprimer sans la
contraindre.
Je regrette le mélange des genres, je regrette l'urgence qui a été déclarée
sur ce texte, je regrette que nous passions à côté d'un véritable débat, car la
question n'est pas de savoir si la civilisation du xxie siècle sera urbaine ou
non. Elle sera humaine ou elle se détruira. La sururbanisation à laquelle nous
avons assisté dans certains pays a montré qu'elle nuisait à la vitalité des
territoires, notamment en augmentant les coûts. Or le présent projet de loi sur
la solidarité et le renouvellement urbains néglige cette dimension humaine,
risquant ainsi de mettre en échec une politique publique trop statutaire, trop
budgétaire, qui ne prend pas suffisamment en compte les effets comportementaux.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, « La ville demain : pour la première fois depuis 1967, le
Gouvernement définit sa politique urbaine à long terme. Priorité au logement
social et aux agglomérations ». Voilà ce que l'on pouvait lire dans le journal
Libération
du 20 décembre 1999.
Le projet de loi que nous examinons a probablement une essence
révolutionnaire, comme je vous le disais, monsieur le secrétaire d'Etat au
logement, le 1er mars dernier à Montpellier, lors de la clôture des assises
départementales du logement social, le terme révolutionnaire étant pris non au
sens dramatique mais au sens étymologique et littéral.
A partir d'un constat d'éclatement urbain produisant de l'exclusion, de
l'isolement et du repli sur soi, il faut inverser ces fâcheuses tendances. Ce
projet de loi le propose dans le droit-fil des lois sur l'aménagement du
territoire et sur l'intercommunalité, qui favorisent la territorialisation des
politiques publiques.
Dans le titre Ier, le schéma de cohérence territoriale, le plan local
d'urbanisme prennent en compte globalement les principales politiques urbaines,
rompant avec les démarches sectorielles en matière de logement, d'urbanisme et
de transport.
Les dispositifs des années soixante - soixante-dix, conçus pour répondre à la
forte extension des villes, avaient produit des logiques fonctionnelles de
zonage, propices aux ségrégations spatiales et sociales.
Le PLU, plus simple à élaborer et à réviser que le POS, intégrera, comme vous
l'avez dit, monsieur le ministre, tous les projets d'ensemble de la commune. Il
ne s'agit pas, comme certains ont pu le dire, d'un retour en force de l'Etat,
puisque aussi bien la démocratie locale y trouvera plus de vigueur et d'intérêt
dans les concertations rendues obligatoires avec les habitants.
L'enjeu du titre III est considérable. Il vise à assurer une politique
cohérente de transports à l'échelle de l'agglomération. Il faut pour cela
prendre en compte les nouveaux besoins de déplacements entre lieux de vie, de
travail ou de loisirs ; il faut également limiter les pollutions citadines.
Lionel Jospin, lors de la conférence des villes à Paris, le 4 avril dernier,
avait insisté sur cette vision de la ville du xxie siècle.
A cette fin, les PDU sont renforcés. Je tiens à marquer tout particulièrement
l'intérêt que je porte à la coopération, suggérée dans le projet de loi, entre
les autorités organisatrices de transports, et à la faculté ouverte à la
constitution de syndicats mixtes. Il y va de l'intérêt des utilisateurs sur de
très larges territoires.
Abordons maintenant l'article 25. Que n'a-t-on entendu à son sujet ! « Texte
extrêmement dangereux et totalement inapplicable ! Je suis très favorable à la
mixité sociale, mais ce texte va renouer avec la politique des grands ensembles
trop denses et massifs. C'est une loi de recentralisation, le préfet se
substituant au maire ; c'est bafouer la démocratie. » Ainsi s'exprimait
l'ancien Premier ministre Alain Juppé, dans le journal
Sud-Ouest.
Ces propos constituent, à mon sens, un sommet de caricature, voire de
ridicule, à moins qu'ils ne soient un obstacle à la noble et louable ambition
de notre gouvernement de tendre vers une ville qui serait non plus subie mais
choisie.
Pourtant, à première vue, l'article 25 semble avoir rallié les suffrages de la
majorité sénatoriale. En effet, je constate qu'aucune des trois commissions
saisies n'a déposé, comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale, d'amendement
de suppression.
S'agirait-il, mes chers collègues, d'une conversion tardive ? Hélas, non !
Selon une méthode bien rodée dans cette assemblée, des amendements soutenus par
les trois rapporteurs et jugés essentiels par eux risquent, s'ils sont adoptés,
de vider totalement de sa substance et de sa signification l'article 25.
Pour sa part, le groupe socialiste considère - vous vous en doutez - que
l'obligation qui sera faite aux communes d'atteindre 20 % de logements sociaux
en vingt ans est porteuse d'égalité et d'équité. Après tout, dans nombre des
petits villages qui forment la France profonde à laquelle je sais la Haute
Assemblée particulièrement attachée, les riches et les moins riches vivent
ensemble l'espace communautaire villageois. Trop de villes, petites et grandes,
ont oublié cet enseignement de la France rurale d'il y a à peine un siècle. Le
sens du partage s'est perdu dans notre pays ; il faut saisir cette occasion de
le retrouver. Ne cédons pas à cette dérive qui nous guette d'espaces urbains de
plus en plus privés jusqu'à être autorisés aux uns et interdits aux autres ou
d'espaces publics tellement marginaux qu'ils constituent des endroits à hauts
risques. J'ai connu cela ailleurs. Voilà une France dont je ne voudrais pas.
Mon temps de parole touchant à sa fin, je veux très brièvement indiquer ma
satisfaction de voir que sont réaffirmés et précisés la place de l'habitat
social, le rôle des HLM et l'importance accordée à l'information et au dialogue
avec les locataires.
Je me réjouis également que soit proposée, pour la première fois, une
définition du logement décent. J'apprécie, enfin, la batterie de mesures
concrètes visant à s'attaquer au point noir des copropriétés dégradées, qui
sont, plus souvent que les HLM, responsables du mal dit « des banlieues ».
En conclusion, saluons la parfaite cohérence entre le projet de loi relatif à
la solidarité et au renouvellement urbains et le programme national de
renouvellement urbain arrêté le 14 décembre 1999 par le comité interministériel
des villes et auquel l'Etat consacrera 20 milliards de francs d'ici à 2006.
Je compte bien, tout au long de la discussion des articles, soutenir les
nombreux mérites de ce projet de loi tout en proposant, avec le groupe
socialiste, des amendements pour l'améliorer encore et le rendre essentiel à la
construction de l'avenir de nos cités. C'est cela, au sens littéral du terme,
la politique ; c'est cela sa noblesse.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, je me permets de vous indiquer que les temps de parole
impartis aux différents groupes pour cette discussion générale sont d'ores et
déjà pratiquement épuisés. Par conséquent, j'invite les derniers intervenants à
user de la mansuétude du président de séance mais à ne pas en abuser.
(Sourires.)
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez au président du groupe de travail sur la modernisation du droit de
l'urbanisme, que la commission des affaires économiques et du Plan a créé en
janvier 1999, d'évoquer les principales conclusions auxquelles celui-ci est
parvenu. Elles me donneront l'occasion de souligner les lacunes du texte que le
Gouvernement nous soumet aujourd'hui, selon la procédure d'urgence.
Comme l'a montré le rapport de notre collègue Louis Althapé intitulé
Simplifier et décentraliser, deux défis pour l'urbanisme
, il y a urgence
à parachever la décentralisation entamée voilà plus de dix-sept ans.
Vous le savez, près des deux tiers des autorisations d'occupation du sol sont,
aujourd'hui encore, instruites par des services de l'Etat ou avec leur
concours. Cette situation est insatisfaisante pour deux raisons.
En premier lieu, on constate ce que le conseil général des Ponts et Chaussées
appelait dans son dernier rapport annuel « l'affaiblissement des compétences du
ministère de l'équipement ». La même instance, peu suspecte d'être hostile aux
services du ministère, relevait que, si « le travail des agents d'instruction
eux-mêmes est mené avec sérieux, trop souvent, le manque de soutien de la part
du subdivisionnaire comme l'absence quasi générale d'un contrôle hiérarchique
organisé et régulier nuisent à la sécurité juridique des propositions adressées
au maire ».
Le même conseil général craignait en outre que « l'évolution de la
jurisprudence ne fasse émerger la notion de responsabilité pour "défaut
d'exercice du contrôle de légalité" ».
Aujourd'hui, l'Etat est à la fois le conseiller, le contrôleur et le
fournisseur des collectivités locales. Cette situation nous apparaît comme
gravement dommageable. Lorsque règne la confusion des rôles, il est impossible
d'établir avec clarté la responsabilité respective de chacun des acteurs.
L'Etat doit désormais se recentrer sur la mission de contrôle administratif et
de contrôle du respect des lois que lui reconnaît le troisième alinéa de
l'article 72 de la Constitution.
La faculté donnée aux communes dans lesquelles une carte communale est établie
de délivrer les permis de construire en leur nom propre, est une avancée
majeure. Cependant, cette avancée demeurera fort limitée si, comme
actuellement, les communes ne peuvent avoir d'autre support technique que celui
des services déconcentrés de l'Etat.
La question du renforcement des moyens techniques des collectivités locales
est donc posée, et il appartient au Gouvernement d'y apporter une réponse. Or
celle-ci fait défaut dans le projet de loi qui nous est soumis. La gratuité de
la mise à disposition des services ne résout pas le problème que je viens
d'évoquer.
J'observe d'ailleurs que l'Etat bénéficie d'une forme d'irresponsabilité au
titre des conseils qu'il délivre aux collectivités locales en matière
d'urbanisme. Le juge considère, en effet, que les agents mis à disposition sont
placés sous l'autorité du maire. Mais à qui fera-t-on croire que le directeur
départemental de l'équipement puisse être un jour soumis à l'autorité du maire
d'une commune de 250 habitants ?
Un autre sujet de préoccupation tient à l'absence de toute disposition
relative à la compensation des charges qui ne manqueront pas de résulter de
l'application du texte qui nous est proposé.
Le Gouvernement serait bien inspiré de s'interroger sur les conséquences
pratiques du texte qu'il défend aujourd'hui. A n'en pas douter, la création
obligatoire des schémas de cohérence territoriale, telle qu'elle est prévue par
l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, ne manquera pas de susciter nombre
de révisions de documents centralisés.
Si M. le ministre de l'équipement ou M. le secrétaire d'Etat au logement ne
sont pas sensibles à cette question, peut-être pourrons-nous compter sur M. le
maire de Béziers ou sur M. le maire de Chambéry pour y prêter une oreille plus
attentive ?
(Sourires.)
Nous sommes également préoccupés par les problèmes que pose l'importance du
contentieux de l'urbanisme. Nous avons montré dans notre rapport que l'on
annule chaque année, en France, deux fois plus de plans d'occupation des sols
que l'on n'en crée ! Le juge censure en effet, bon an, mal an, deux cents POS
en révision totale ou partielle ou en création, alors que l'ensemble des
communes en publient environ une centaine ! Cette situation nous est apparue
comme particulièrement intolérable dans le cas où les annulations reposent sur
des motifs de procédure. Il convient d'introduire dans le texte des
dispositions qui permettent d'améliorer une telle situation.
Mais il y a plus grave : le projet actuel ne prévoit rien pour diminuer le
nombre des recours abusifs qui sont déposés. Or ceux-ci ont un coût, tant pour
les collectivités publiques que pour les investisseurs privés. Je rappelle
qu'un POS coûte au minimum 150 000 francs et que, même dans une petite commune,
ce coût peut atteindre, en fonction des contraintes nouvelles, 400 000, voire
500 000 francs, dès lors que l'Etat impose des règles spécifiques.
En outre, quiconque connaît les innombrables réunions préparatoires auxquelles
donne lieu l'élaboration d'un POS comprendra que les élus locaux ne voient pas
sans quelque découragement le juge en prononcer l'annulation sur l'initiative
d'une association de circonstance. J'ajoute que le seul dépôt d'un recours
contre un permis de construire suffit d'ailleurs à empêcher une opération
puisque, le plus souvent, aujourd'hui, les banques n'accordent pas de prêt dès
lors qu'un contentieux a été engagé.
Que faites-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour limiter la fréquence des
recours abusifs ? Rien, ou pas grand chose ! Est-il normal qu'un requérant
animé d'intentions dolosives reçoive pour prix de ses manoeuvres un désistement
monnayé qui peut atteindre 300 000 francs ? On en trouve des exemples dans le
rapport de notre collègue Louis Althapé.
Nous sommes tous conscients de la nécessité de protéger le droit d'ester en
justice, qui est reconnu par notre bloc constitutionnel. Encore faudrait-il que
sa mise en oeuvre ne conduise pas à des aberrations et que le Gouvernement
s'emploie à y trouver des remèdes !
J'en viens maintenant au volet « transports » du projet de loi. Cela me permet
de souligner que les dispositions prévues reconnaissent le succès de la
régionalisation de la SNCF que Mme Idrac, alors secrétaire d'Etat aux
transports, avait engagée de manière expérimentale en 1996. La région
Rhône-Alpes avait, à ce titre, ouvert la voie.
J'approuve la volonté du Gouvernement de généraliser cette évolution, et la
date du 1er janvier 2002 me paraît raisonnable.
Cependant, les dotations budgétaires qu'il prévoit d'accorder aux régions pour
le chemin de fer sont en complet décalage par rapport à l'ampleur de la tâche à
accomplir. L'indexation de ces dotations sur l'évolution de la DGF correspond
en réalité à une baisse programmée, à moyen terme, de la part du PIB affectée
au transport en commun ferroviaire.
Les vrais partisans du développement durable exigent que la part de la
richesse nationale consacrée au chemin de fer régional dans le cadre de la
décentralisation soit au moins constante dans les années à venir, et non pas en
régression, comme cela nous est proposé. Le dispositif de compensation
financière, tel qu'il est envisagé, même s'il représente des sommes
importantes, ne témoigne pas d'une vision suffisamment dynamique du
développement du service public de transport ferroviaire régional.
C'est la raison pour laquelle je soutiens la position du rapporteur de la
commission des affaires économiques : il a tenu à assurer une compensation
équitable des nouvelles charges supportées par les régions. J'espère que le
Gouvernement sera sensible aux propositions du Sénat et comprendra que, en
refusant de donner aux régions les moyens de leurs ambitions, il condamne la
régionalisation des transports ferroviaires ou, tout au moins, la retarde.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Excellent !
M. Pierre Hérisson
En ce qui concerne, enfin, le volet « mixité sociale et logement », je ne suis
évidemment pas favorable au mécanisme de l'article 25, qui apparaît largement
dicté par une stratégie politique, sinon politicienne. Les amendements déposés
par la commission des affaires économiques et par la majorité sénatoriale
témoignent, je le crois, d'une volonté de dépassionner le débat. Au moment de
l'examen de cet article, nous pourrons juger de la volonté du Gouvernement de
faire prévaloir l'intérêt général, l'intérêt des collectivités locales et leur
avenir.
Tel est, messieurs les ministres, l'état de nos préoccupations, qui, vous
l'aurez compris, sont grandes.
Nous nous apprêtons à courir un véritable marathon puisque plus de 1 000
amendements ont été déposés. C'est la preuve que ce texte soulève plus de
problèmes qu'il n'en résout.
Il est totalement inadmissible que n'ayons eu que vingt-quatre heures pour
déposer nos amendements et à peine plus de temps pour les examiner en
commission.
Le Gouvernement pourra-t-il encore longtemps continuer à traiter le Parlement
de la sorte ? La réponse est évidemment non ! Mais nous sommes en démocratie et
le suffrage universel permettra un jour prochain de dégager d'autres
perspectives et d'autres orientations.
(Rires sur les travées
socialistes.)
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Il faut bien rêver !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Oui, ça fait du bien !
M. Pierre Hérisson
M. Gayssot rappelait dans son intervention, en faisant référence à l'article
72 de la Constitution, que, si les collectivités territoriales s'administrent
librement, elles le font dans le cadre de la loi. Faut-il lui rappeler, alors,
que la loi est votée par le Parlement et non par le Gouvernement ?
Cette procédure d'urgence, qui nous est imposée une fois encore et qui tronque
le débat, tend à devenir la règle, au mépris de la démocratie parlementaire, du
rôle et de la mission du Parlement.
En conclusion, je reviendrai brièvement sur l'article 25. La Révolution
française a distribué des terres à ceux qui les travaillaient. Pourquoi ne pas
attribuer, sous une forme d'accès à la propriété simplifié, les logements à
ceux qui les occupent depuis longtemps et qui paient régulièrement leur loyer ?
Vous verrez, dès cet instant, se réveiller un réflexe de citoyen propriétaire,
qui est également inscrit dans notre Constitution.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Excellent ! Et merci pour l'espoir !
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, je vais m'efforcer à la brièveté à laquelle vous avez
invité chacun. Au demeurant, cet effort me coûtera d'autant moins que beaucoup
de choses ont déjà été dites par les orateurs qui m'ont précédé à cette
tribune.
Beaucoup d'entre eux ont fort bien exprimé les regrets que peut inspirer le
texte qui nous est présenté. Pour ma part, j'en retire une impression de
brutalité, à la fois dans la forme et dans le fond.
Le 6 juin 1997, M. Jospin émettait le souhait que le Gouvernement laisse au
Parlement le temps de débattre en prévoyant des délais d'examen des textes plus
importants que ceux qui avaient pu être observés au cours des années passées.
Tout cela est maintenant bien loin !
En effet, une nouvelle fois, sur un texte très important, le Gouvernement a
déclaré l'urgence, et cela pour des raisons qui nous échappent. Cela contribue
évidemment beaucoup à cette impression de brutalité que j'évoquais à l'instant.
Jean-Piere Raffarin l'a très bien montré en ce qui concerne les problèmes de
transports, et notre collègue Denis Badré l'a dit aussi à propos du logement
social.
Le fait de déclarer l'urgence sur des grands textes, qui devient une habitude,
ne nous permet pas de travailler dans de bonnes conditions, et le débat se
résume finalement à une opposition droite-gauche. Or, sur des textes qui
conditionnent l'avenir de notre société, si nous disposions vraiment du temps
nécessaire pour réfléchir ensemble, je suis persuadé que nous pourrions nous
rejoindre sur un certain nombre de points.
Je me rappelle, à ce propos, la loi sur la ville, dont nous avions longuement
débattu ici avant de découvrir, quelques jours plus tard, à la suite d'une
conférence de presse que vous donniez, monsieur le ministre délégué à la ville,
les mesures que vous envisagiez. En préférant les annoncer d'abord aux
journalistes, vous avez montré l'estime dans laquelle vous tenez le Parlement
!
Mais c'est surtout au nom des maires que je voudrais m'exprimer ici, et pour
évoquer d'abord le plan d'occupation des sols.
S'il est parfois sévèrement critiqué, il reste aujourd'hui une référence. Il a
tout de même permis d'établir la paix entre les uns et les autres. Or voilà
que, après trente ans d'existence, on s'apprête à le rayer d'un trait de plume
pour y substituer une procédure nouvelle, le PLU.
Je ne suis pas sûr qu'elle rende les choses plus faciles et plus
compréhensibles. Je crains plutôt que plus personne n'y comprenne rien ! Et,
une fois de plus, on va bien sûr nous demander : « Mais que fait le Parlement ?
» Car, dans quelques années, alors que l'urgence nous est imposée, c'est le
Parlement qui devra endosser la responsabilité de textes inapplicables parce
que votés à la va-vite !
Quant au quota de 20 % de logements, il relève de cette même démarche
brutale.
En tant que maire, à l'instar de Denis Badré, j'ai fait beaucoup d'efforts
dans ma commune pour essayer de substituer à la logique du logement vertical
celle d'un logement horizontal, beaucoup plus convivial, beaucoup plus
accueillant, beaucoup plus favorable à l'épanouissement des enfants. C'est
pourquoi je considère comme particulièrement regrettable ce véritable coup de
massue porté sur les maires et les communes qui n'atteignent pas le seuil des
20 %. Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que ma commune n'est pas
concernée par cette punition que vous allez infliger à d'autres.
Décidément, la brutalité est le maître mot de votre démarche ! Comment, dans
ces conditions, le Parlement peut-il effectuer un travail véritablement
constructif, en se souciant avant tout de l'intérêt général ?
J'ai beau chercher les motivations d'une telle loi, très franchement, je ne
les trouve pas ! Tout à l'heure, on a évoqué des réponses politiques ou
politiciennes. J'espère qu'elles ne servent pas de fondement à un texte qui
devrait être essentiellement motivé par l'intérêt général, mais j'ai quelques
craintes. En tout cas, je ne vois rien de constructif dans cette rapidité et
dans cette brutalité.
Monsieur le ministre délégué à la ville, mon sentiment est que nous passons à
côté d'une grande occasion. Il ne me semble pas, en effet, que l'on puisse
construire l'avenir en tirant un trait sur le passé, en niant tout ce qui a été
réalisé auparavant.
La ville, telle qu'elle a été construite voilà quelques dizaines d'années,
représentait un plus, une avancée sociale pour un grand nombre de personnes,
compte tenu du contexte de l'époque. Ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du
bain !
Il aurait fallu tenir compte de l'existant, conduire une analyse sérieuse de
ce qui marche et de ce qui marche moins bien et en tirer toutes les
conséquences. Or, ce texte tranchant brutalement avec le passé, on nous propose
des conditions tout à fait nouvelles pour la construction de la ville du xxie
siècle.
Très franchement, bien que passionné par la ville du xxie siècle, je ne peux
souscrire à une telle démarche qui, sur la forme comme sur le fond, n'est que
brutalité.
Je remercie d'ailleurs nos rapporteurs et les commissions qui, dans des délais
particulièrement courts, ont su apporter des améliorations très importantes à
ce texte, d'autant que le Gouvernement leur a infligé une punition
supplémentaire puisqu'il les a privés du repos pascal auquel nous avons tous eu
droit.
(Exclamations amusées sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Braye
applaudit.)
Mme Odette Terrade.
Ils n'ont pas pu aller à la messe !
M. Alain Joyandet.
C'est une confirmation supplémentaire, s'il en fallait une, que ce projet de
loi n'est pas très catholique !
(Sourires et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Par conséquent, en bon chrétien, je ne peux le soutenir.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Vous nous crucifiez !
(Nouveaux
sourires.)
M. Alain Joyandet.
Non pas que je veuille vous crucifier mais, en bon chrétien, je soutiendrai -
sans enthousiasme, mais il faut bien corriger les textes qui nous viennent de
l'Assemblée nationale - les propositions de nos commissions qui, élaborées dans
les conditions de rapidité que j'ai rappelées, contribueront néanmoins
grandement à améliorer ce texte.
M. André Vezinhet.
Deo gratias !
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. André Vezinhet.
Voilà un mauvais chrétien !
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, deux cent mille ménages sont en attente d'un logement
locatif social en Ile-de-France.
Le rapport de la fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement en France
pour l'année 1999 fustige l'aggravation des difficultés d'accès à un logement
décent pour les publics les plus fragiles, les personnes à faibles ressources
ou qui présentent des aléas de revenus.
Or le logement constitue un droit social. Faut-il relire le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 ?
« La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à
leur développement.
« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux
travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et
les loisirs. »
D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a consacré, dans sa décision du 19
janvier 1995, la possibilité d'obtenir un logement décent comme objectif de
valeur constitutionnelle fondé sur le principe de sauvegarde de la dignité
humaine.
Il appartient à l'Etat, garant de la solidarité nationale et de la cohésion
sociale, de créer les conditions d'accessibilité au logement pour chaque
citoyen, et aux collectivités publiques et à leurs partenaires institutionnels
de les mettre en oeuvre.
La loi d'orientation pour la ville de 1991 avait tenté d'apporter une réponse
à l'exigence républicaine de mixité sociale dans nos villes, avant d'être vidée
de son contenu, par la droite, dès son retour au pouvoir, en 1993.
En neuf ans, seuls 30 000 logements locatifs sociaux ont été construits grâce
à cette loi, alors qu'il en manque 450 000. C'est pourquoi, aujourd'hui, le but
recherché à travers l'objectif de 20 % de logements sociaux en vingt ans est
bien qu'aucune ville ne puisse s'exonérer de l'obligation de diversifier
l'habitat, véritable devoir de solidarité.
C'est ce droit au logement que les plus virulents opposants au quota de 20 %
de logements sociaux ont oublié, que ce soit par leur pétition de mauvaise foi,
agitant la peur des barres et des tours, par le cliché de la densification
urbaine, constamment répété lors du débat à l'Assemblée nationale, ou par leur
refus ostensiblement annoncé dans les médias de ne pas appliquer la loi. Ils
ont abusé nos concitoyens en avançant de purs fantasmes.
Mais on en a fini depuis de nombreuses années avec les barres et les tours. Ce
gouvernement va même jusqu'à les détruire : lors du comité interministériel du
14 décembre dernier, cinquante grands projets de ville de développement social
et urbain et trente opérations de démolition-reconstruction, financés à hauteur
de 5 milliards de francs, ont été programmés. Les récentes réalisations de
logements sociaux ne souffrent pas de la comparaison avec les programmes
immobiliers privés : constituées de petites unités, elles sont très bien
intégrées au paysage urbain existant et ne se distinguent plus du reste du
bâti.
Quant à l'argument selon lequel le volet habitat de ce projet de loi, et tout
particulièrement la possibilité donnée au préfet en dernier recours de se
substituer aux communes pour réaliser des logements sociaux, porterait atteinte
à la décentralisation et à la libre administration des communes, il ne tient
pas ! La Constitution énonce nettement la limite de cette libre administration,
dans son article 72 : « Ces collectivités s'administrent librement par des
conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. » Il est donc tout à
fait légitime que le préfet, représentant de l'Etat, garantisse l'application
des obligations légales des communes.
En région parisienne, le manque de terrains a souvent été mis en avant, mais
ces terrains existent bien lorsqu'il s'agit de programmes immobiliers de
standing. J'en veux pour preuve le nombre de programmes en cours dans les
communes les plus résidentielles du Val-de-Marne, dont certains députés-maires,
M. Carrez en est un exemple frappant, sont les plus hostiles au logement
social. Je citerais ainsi les jardins de Siam, au Perreux-sur-Marne : cinquante
appartements du deux au cinq pièces avec terrasses ; à Nogent-sur-Marne, pas
moins de six programmes en cours, avec un total minimum de deux cent
soixante-dix appartements, dont le prix de vente au mètre carré oscille entre
14 500 francs et 21 000 francs ; à Saint-Mandé, trois programmes en cours ; à
Saint-Maur, deux programmes en cours ; enfin, à Vincennes, cinq programmes en
cours pour une centaine de logements.
Par ailleurs, il n'est pas uniquement question de nouvelles constructions.
Ainsi, les opérations d'acquisition-amélioration et l'utilisation du parc
conventionné de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH,
entrent tout à fait dans la démarche d'augmentation de l'offre de logements
sociaux.
Il faut que les communes fassent jouer leur droit de préemption sur une partie
des transactions immobilières. Il ne faut pas oublier non plus que les
organismes HLM peuvent bénéficier de prêts sur une durée de cinquante ans pour
le rachat de logement anciens.
Au final, les moyens sont multiples pour répondre aux besoins en logements
sociaux de nos concitoyens, encore faut-il en avoir la volonté.
La ville du xxie siècle ne doit pas être celle du refus de la différence, de
la recherche de « l'entre soi » dans des enclaves résidentielles repliées sur
elles-mêmes et hors d'atteinte des quartiers les plus populaires. Il s'agit là
d'un vrai débat de société. Aussi est-ce avec la plus grande vigueur que le
groupe socialiste, dans un esprit de solidarité et de justice sociale,
s'opposera à ce que la majorité sénatoriale dilue la notion de logement social
dans le but inavoué de réduire à néant l'exigence légitime de diversification
de l'habitat et de mixité urbaine envers les communes récalcitrantes.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. André Vezinhet.
C'est le triomphe de la Lagauche !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je tiens, en premier lieu, à rendre hommage, après
d'autres, à l'excellent travail accompli, et dans de très courts délais, par
nos collègues Louis Althapé, Pierre Jarlier et Jacques Bimbenet, rapporteurs du
volumineux projet de loi soumis à notre examen.
Je veux aussi saluer l'exercice accompli par nos commissions qui, autour des
rapporteurs, ont eu la lourde tâche d'étudier, en des temps records, plusieurs
centaines d'amendements.
Aussi ne puis-je que déplorer, à mon tour, la précipitation avec laquelle la
déclaration d'urgence oblige le Parlement à examiner un texte dont
l'importance, à maints égards, nécessitait une concertation préalable mieux
structurée et plus approfondie.
Compte tenu du temps imparti, je limiterai mon intervention à la seule
question de l'urbanisme, pour appeler l'attention sur trois difficultés, trois
dysfonctionnements graves que vivent quotidiennement élus, acteurs de
l'aménagement et de la construction et citoyens, singulièrement dans les
collectivités de montagne. Ce sont autant de problèmes auxquels il appartient
au Gouvernement comme au Parlement de porter remède.
Première de ces difficultés, il arrive que des plans d'occupation des sols
soient annulés par le juge administratif pour non-conformité à la loi du 9
janvier 1985, dite « loi montagne », et que, par application de cette
jurisprudence, de nombreux POS soient déclarés illégaux plusieurs années après
leur approbation et leur mise en oeuvre.
Dès lors, la constructibilité de quantités de terrains est remise en cause,
entraînant un préjudice tant pour les communes qui ont réalisé des équipements
de viabilité que pour les propriétaires, spoliés par des changements de zonage
venant bouleverser l'économie des partages familiaux.
Et qui est, aujourd'hui, responsable ? La commune !
Il n'est pas admissible que celle-ci soit juridiquement responsable de ces
changements, au titre desquels elle pourrait, à l'extrême, être condamnée à
dédommager les propriétaires. C'est d'autant moins acceptable que l'Etat,
auteur de ces changements, après avoir validé les POS à l'origine, a, de
surcroît, prélevé les droits de succession ou de mutation. J'ai pris
l'initiative d'un amendement visant à corriger cette iniquité.
Une deuxième difficulté, véritablement pathologique, a été évoquée par un
précédent orateur, M. Pierre Hérisson, et tient aux recours abusifs. Rapporteur
du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, j'ai pu constater que le Parlement - en tout cas, la Haute
Assemblée - comme le Gouvernement s'accordaient non seulement sur la réalité du
problème - facteur d'instabilité juridique, de ralentissement de l'activité
économique et d'engorgement des tribunaux - mais aussi sur la nécessité de
rechercher des solutions.
Le 13 octobre 1999, le ministre de la fonction publique, de la réforme de
l'Etat et de la décentralisation annonçait ici même que le Gouvernement
engagerait sans tarder une réflexion sur ce problème, ajoutant que Mme le garde
des sceaux entendait apporter une réponse à cette question des recours
abusifs.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, faire savoir
à la Haute Assemblée si cette réflexion a été engagée et, si tel n'est pas le
cas, quelles sont précisément vos intentions en ce domaine ?
Enfin, troisième problème, comme l'ont très justement relevé nos rapporteurs,
il est nécessaire de prendre en considération le cas de toutes les communes
véritablement asphyxiées par la superposition de contraintes issues de
différents dispositifs normatifs, tels que les plans de prévention des risques
naturels prévisibles et les lois montagne ou littoral.
Dans ces collectivités, la preuve est faite que la logique d'application
unilatérale du règlement exclut toute possibilité d'aménagement et de
développement communal minimum et vide de sens, en cette matière, le principe
d'autonomie des collectivités.
Or la loi montagne de 1985, dont vous avez été le promoteur, monsieur le
secrétaire d'Etat, affirmait, dans son titre comme en son article 1er, que le
développement était, à un même degré de priorité que la protection, l'un des
deux objectifs fondamentaux de cette loi. Or, pour nombre de nos collectivités,
cet objectif de développement est devenu, en pratique, purement formel. Il
appartient au législateur de le réanimer.
Mieux affirmer et développer le rôle des commissions départementales de
conciliation pourrait sans doute être l'une des voies de progrès pour atteindre
cet objectif.
Je voudrais, avant de conclure, m'arrêter sur l'obligation instaurée
de
facto
par ce projet de loi de subordonner les plans locaux d'urbanisme aux
schémas de cohérence territoriale.
Certes, cette obligation peut se concevoir d'un point de vue intellectuel et
eu égard aux objectifs généraux de l'aménagement du territoire. Mais, en raison
même des modalités juridiques et pratiques de sa mise en oeuvre, cette
obligation alourdira inévitablement les procédures, en surajoutant les niveaux
de décision et en les éloignant du citoyen.
Dans de telles conditions, cette réforme risque fort d'aboutir à des résultats
contraires aux objectifs de simplification administrative affirmés aujourd'hui
par le Gouvernement comme l'une de ses priorités et naturellement attendus par
tous nos concitoyens.
C'est pourquoi, en conclusion, je souhaite que ce projet de loi réponde aux
objectifs suivants : en premier lieu, adopter des mesures qui, loin de
compliquer encore le droit de la construction, en facilitent l'application
autant que faire se peut ; en deuxième lieu, prévenir les sources de litiges,
afin de résorber le contentieux de l'urbanisme ; en troisième lieu, clarifier
les responsabilités entre l'Etat et les communes, en particulier en cas de
modification de zonage ; en quatrième lieu, enfin, mettre en oeuvre un «
urbanisme de projet », plus décentralisé, plus concerté et plus respectueux de
la démocratie locale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Braye.
(Murmures sur les travées socialistes.)
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Ah ! Nous allons faire dans la
modération...
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, comme nombre d'orateurs qui m'ont précédé à cette tribune,
je me ferai le porte-parole de l'incompréhension et de l'indignation ressenties
par les élus, quelles que soient leurs opinions politiques
(Exclamations sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen)...
M. Claude Estier.
Vous n'êtes pas notre porte-parole !
M. Dominique Braye.
... des centaines de communes...
M. Jean-Pierre Plancade.
Il ne faut pas exagérer !
M. Dominique Braye.
... directement ou indirectement visées par l'article 25 du projet de loi
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Comme vous, mes chers collègues, j'ai pu prendre la mesure de cette
indignation et de cette incompréhension en rencontrant, dans mon département
des Yvelines,...
M. Jean-Pierre Plancade.
Nous ne rencontrons pas les mêmes personnes !
M. Dominique Braye.
... avec mes collègues MM. Gérard Larcher et Alain Gournac, ces élus choqués
par ce dispositif qui ajoute une sanction financière à l'obligation de
construire des logements locatifs sociaux dans les communes qui sont censées en
manquer.
Comment ne seraient-ils pas révoltés par ce mécanisme technocratique,
autoritaire et profondément attentatoire à l'autonomie des communes ?
J'essaierai donc de relayer ici leurs légitimes inquiétudes et critiques,
inquiétudes quant aux principes qui ont présidé à l'élaboration de ce
dispositif, mais aussi critiques eu égard à ses funestes conséquences. Sans
vouloir prétendre les recenser toutes, nos excellents rapporteurs MM. Louis
Althapé, Pierre Jarlier et Jacques Bimbenet l'ayant déjà fait d'une façon
remarquable, je souhaite toutefois revenir sur certaines d'entre elles.
Sur la forme d'abord, qui a été évoquée par nombre de nos collègues, il s'agit
d'un étonnement devant le manque de concertation avec les élus locaux pour
l'élaboration de ce texte, mais aussi devant son examen suivant la procédure
d'urgence, deux choix qui, cumulés volontairement, nuisent à l'instauration du
dialogue et de la réflexion indispensables à l'élaboration d'un bon texte. Vous
démontrez ainsi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le
profond mépris dans lequel vous tenez la représentation parlementaire et nos
concitoyens.
(Protestations sur les travées socialistes et sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier.
Et c'est vous qui dites cela, vous qui interrompez sans cesse les orateurs
!
M. Dominique Braye.
Je comprends que cela vous dérange,...
M. Serge Lagauche.
Absolument pas !
M. Dominique Braye.
... vous qui parlez tant de démocratie mais qui ne l'appliquez jamais !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Sur le fond ensuite, il s'agit d'une révolte devant la remise en cause du
principe même de la décentralisation par le Gouvernement
(Exclamations sur
plusieurs travées socialiste)...
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie.
M. Claude Estier.
Il faut bien que nous interrompions de temps en temps M. Braye, lui qui passe
son temps à interrompre les autres !
M. Dominique Braye.
... et de sa volonté d'imposer par la force sa vision du logement social, au
mépris du droit des communes à être les premières responsables de leur habitat
et de leur avenir.
Ce projet de loi constitue à cet égard une véritable machine à remonter le
temps, un retour à une planification dirigiste de l'habitat social, qui fait
craindre la répétition des erreurs de l'urbanisme des décennies cinquante à
soixante-dix, erreurs dont nous payons tous aujourd'hui le prix fort. Certes,
la politique dirigiste et autoritaire demande moins d'efforts d'imagination
qu'une politique incitative. Mais comment ignorer que les meilleurs résultats
sont toujours obtenus par une adhésion librement choisie, et non par la
coercition et la punition ?
Le retour au passé, c'est aussi votre volonté aveugle de privilégier le
logement locatif de type HLM comme modèle de logement social, contre l'attente
des Français, dont le désir majoritaire est l'accession à la propriété.
M. Guy Fischer.
C'est faux !
M. Serge Lagauche.
Ne parlez pas des HLM !
M. Dominique Braye.
Je vous donnerai des précisions tout à l'heure. Gardez votre énergie, je vais
encore vous dire des choses qui ne vous plairont pas !
(Sourires.)
M. Pierre Lefebvre.
Ce n'est pas surprenant !
M. Dominique Braye.
Ce désir, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous le niez
par une définition trop étroite du logement social, qui exclut le logement
social de fait, le logement intermédiaire et, surtout, l'accession sociale à la
propriété...
M. Serge Lagauche.
Avec quel argent ?
M. Dominique Braye.
... qui contribue non seulement à la mixité sociale mais aussi à la promotion
sociale, à laquelle aspirent ardemment tous nos concitoyens.
La définition du logement social est pour vous, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, fonction du statut du propriétaire. Pour nous, elle est
tout à fait différente, voire opposée à la vôtre. Pour nous, le logement social
est celui qui permet à nos concitoyens disposant de revenus modestes de se
loger décemment, que ce soit dans le parc locatif public ou privé, et même en
accession à la propriété s'ils peuvent, grâce à de gros sacrifices, réaliser le
rêve de leur vie.
Il est malhonnête de faire l'impasse sur les millions de Français qui ont
acquis leur logement grâce aux prêts aidés, comme en témoigne le succès du prêt
à taux zéro, l'un des plus récents exemples de cette accession sociale à la
propriété.
J'illustrerai cette réflexion par le cas d'une commune des Yvelines de 3 400
habitants, Issou, gérée par une municipalité communiste,
(Ah ! sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen)
...
M. Pierre Lefebvre.
Bon exemple !
M. Dominique Braye.
... dont le taux de logements locatifs sociaux est de 0 % d'après votre
système de comptabilité, et qui devrait donc construire 188 logements locatifs
sociaux.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Cela fait neuf par an !
M. Dominique Braye.
Cela peut surprendre, mais s'explique très bien du fait de la définition très
restrictive du logement social que vous proposez dans ce projet de loi.
En effet, cette commune est presque uniquement composée de petits pavillons
occupés par des ménages aux revenus modestes, voire très modestes, mais qui ont
bénéficié des dispositifs relevant de l'accession sociale à la propriété, mode
de logement non reconnu par votre article 25 comme du « vrai » logement social,
puisque ce ne sont pas des logements locatifs. Je ne ferai pas d'autres
commentaires sur ce point.
M. Pierre Lefebvre.
C'est inutile !
(Sourires.)
M. Dominique Braye.
J'en viens aux craintes et critiques liées à l'application de l'article 25. Le
reproche qui vous est le plus souvent adressé, c'est que vous ne tenez aucun
compte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de la diversité
des situations locales de notre pays. Vous voulez appliquer des mesures
identiques à des situations très différentes, voire opposées. Je prendrai
seulement quelques exemples.
J'évoquerai, d'abord, le cas de la divergence entre l'offre et la demande de
logements sociaux. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi vouloir construire
de nouveaux logements locatifs sociaux dans des communes où les logements de ce
type subissent déjà un taux de vacance structurelle important ?
J'évoquerai, ensuite, la diversité des caractéristiques foncières, point
rappelé par notre collègue M. Denis Badré tout à l'heure et par M. Etienne
Pinte à l'Assemblée nationale. Que faire, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, dans le cas fréquent de l'absence de réserves foncières,
lorsque la totalité du territoire communal est déjà construite de façon dense,
comme à Vélizy, à Viroflay ou à Neauphle-le-Château, cas que connaît bien, ou,
plutôt, que devrait bien connaître M. Jacques Bellanger ?
(Exclamations sur
les travées socialistes.)
M. André Vezinhet.
Si vous ne savez pas faire, on vous aidera !
M. Dominique Braye.
Que faire dans le cas non moins fréquent des communes où les seules zones
constructibles sont éloignées du centre-ville et mal desservies, voire non
desservies, par les transports en commun ?
Comment feront les communes qui se voient imposer contre leur gré la
construction de nouveaux logements alors qu'elles n'ont pas les moyens
financiers de supporter le coût de la création et de la gestion des équipements
collectifs et des services nécessaires aux habitants de ces nouveaux quartiers
et alors qu'elles devront en plus verser une « amende » importante ?
M. Serge Lagauche.
Ça c'est normal !
M. Dominique Braye.
J'ajouterai à ces exemples, pris parmi tant d'autres, une autre spécificité
locale très importante, qui me tient particulièrement à coeur et qui est
totalement oubliée par l'article 25, je veux parler de la dimension
intercommunale des problèmes de l'urbanisme, de l'habitat et du logement
social, dont nous a pourtant beaucoup parlé hier M. Gayssot.
M. Serge Lagauche.
Lisez le texte !
M. Dominique Braye.
Cet oubli...
M. Serge Lagauche.
Non !
M. André Vezinhet.
Il faut lire le texte !
M. Dominique Braye.
... est d'autant plus grave que le fait intercommunal est aujourd'hui une
réalité incontournable, qui a été considérablement renforcée par la loi
Chevènement, laquelle a institué l'agglomération comme l'échelon pertinent des
réflexions, des équilibres et des réalisations en matière d'habitat.
Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, cette différence
essentielle d'appréciation est-elle le résultat d'une cacophonie
gouvernementale entre le ministre de l'intérieur et vos ministères, ou bien les
élus ont-ils été trompés au moment des débats de la loi Chevènement ?
M. André Vezinhet.
C'est lourd !
M. Claude Estier.
C'est n'importe quoi !
M. Jean-Pierre Plancade.
Il s'agit plutôt de la cacophonie de la majorité sénatoriale !
M. le président.
Monsieur Braye, pardonnez-moi de vous interrompre, mais il serait souhaitable
que vous laissiez un peu de temps de parole à votre collègue M. Haenel.
M. Dominique Braye.
Je m'en remets à votre compréhension, monsieur le président.
Les communes qui ont joué le jeu de ce renforcement intercommunal veulent
savoir si elles ont été flouées ou s'il s'agit d'un simple oubli qu'il est
alors encore temps de réparer, comme le proposera le Sénat. Monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre approche essentiellement
communale remet, en effet, en cause le choix de l'agglomération comme échelon
intercommunal pertinent de la politique de l'équilibre social de l'habitat qui,
je vous le rappelle, fait partie des quatre compétences obligatoires des
communautés d'agglomération, ainsi que l'a voulu la loi Chevènement.
Je prendrai comme exemple le cas de la communauté d'agglomération de Mantes en
Yvelines, que j'ai l'honneur de présider et qui a été la première communauté
d'agglomération créée en Ile-de-France.
Sur l'ensemble des huit communes de cette structure intercommunale, le taux
moyen de logements locatifs sociaux, avec votre définition pourtant très
réductrice du logement social, est tout de même de près de 40 %. Or, avec
l'approche communale, deux communes sont sous le seuil des 20 % et devraient
construire environ 250 logements locatifs sociaux.
Pour qui connaît les problèmes de reconversion industrielle de cette région et
sa situation sociale, cette construction obligatoire de nouveaux logements
locatifs sociaux, qui augmentera le pourcentage déjà beaucoup trop élevé de
ceux-ci dans notre agglomération, est le type même de l'erreur technocratique
ubuesque décidée dans les bureaux parisiens.
Le fragile équilibre social, maintenu grâce à l'action de tous mais, surtout,
des élus locaux qui ont unanimement décidé, toutes sensibilités politiques
confondues, un arrêt de la construction de nouveaux logements sociaux, pourrait
être compromis par cette mesure irresponsable de l'article 25.
Alors que l'Europe, l'Etat, la région, le département, la communauté
d'agglomération et les communes injectent des centaines de millions de francs
pour la requalification et la redynamisation du Mantois par le biais de
multiples procédures, dont hier, la procédure du grand projet urbain et,
aujourd'hui, la procédure du grand projet de ville, le Gouvernement ne peut pas
raisonnablement défendre des dispositions qui entraîneraient la construction de
nouveaux logements sociaux sans tenir aucun compte de l'équilibre de l'habitat
social sur l'ensemble de cette agglomération.
Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, en tant que président de cette communauté d'agglomération, qui connaît
le taux de chômage le plus élevé de notre département et le taux d'activité le
plus faible, je respecterai la volonté unanime des élus locaux de ne pas
construire de nouveaux logements sociaux.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai presque fini, monsieur le président.
Nous n'avons déjà pas suffisamment d'emplois pour notre population et nous ne
construirons pas de nouveaux logements sociaux pour y entasser de nouveaux
chômeurs ou de nouveaux RMistes.
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Pierre Lefebvre.
Cachez ces pauvres !
M. Guy Fischer.
C'est la politique de la terre brûlée !
M. Dominique Braye.
Venez dans le Mantois ! J'ai eu la chance, contrairement à certains d'entre
vous, de faire mon parcours résidentiel ascendant au Val-Fourré. J'ai habité au
Val-Fourré. Je n'ai pas eu la chance, comme la plupart d'entre vous, d'habiter
dans des quartiers bourgeois !
(Nouvelles protestations sur les mêmes
travées.)
M. le président.
Je vous prie de conclure, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
Il conviendrait donc, en accord avec l'esprit et la lettre de la loi
Chevènement, d'apprécier le seuil des 20 % à l'échelle de la communauté
d'agglomération, et non à l'échelon des communes. En effet, comment ferons-nous
demain, et je voudrais que vous répondiez à cette question, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, si une commune membre d'une communauté
d'agglomération et soumise à l'obligation de construction de logements sociaux
décide d'obtempérer alors qu'elle n'en a pas la compétence tandis que la
communauté d'agglomération compétente en la matière décide de s'y opposer ?
Autre incohérence, de taille, mais que je ne développerai pas faute de
temps...
M. le président.
Concluez, monsieur Braye.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, laissez-le parler pour qu'il termine enfin !
M. Dominique Braye.
Je comprends que mes propos dérangent même M. le président, qui fait souvent
preuve, à l'égard de certains, d'une mansuétude plus grande !
(Exclamations
sur les travées socialistes.)
Je refuse, pour ma part, ce nivellement par le bas qu'entraînerait
inéluctablement l'article 25 de ce texte s'il était voté en l'état. Ce que nous
devrions tous vouloir pour notre pays et pour nos concitoyens, ce sont bien des
mesures améliorant la mixité sociale, mais aussi des mesures incitatives ayant
pour objectif la promotion sociale.
Pour transformer ce texte SRU - et ce sera ma dernière phrase, monsieur le
président -...
M. André Vezinhet.
Elle est longue votre phrase !
M. Dominique Braye.
... qui, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, devrait signifier «
socialisme et rabaissement urbains »
(Protestations sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen)...
M. Guy Fischer.
Le mépris !
M. Dominique Braye.
... et lui faire retrouver son véritable intitulé, qui doit être « solidarité
et renouvellement urbains », je soutiendrai les amendements présentés par nos
excellents rapporteurs.
M. Jean-Pierre Plancade.
M. Braye ne recule devant aucun sacrifice !
M. Guy Fischer.
Il faudrait tout raser !
M. Dominique Braye.
Je vous remercie, mes chers collègues, mais je ne remercie pas M. le président
puisqu'il ne m'a pas permis de dire tout ce que j'avais à dire.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Et on le regrette, monsieur le sénateur !
(Sourires.)
M. André Vezinhet.
Nous non plus, nous ne vous remercions pas !
M. Dominique Braye.
Monsieur le ministre, dites-le à M. le président ! Mais ce n'est pas parce que
l'on préside la séance que l'on est pour autant impartial !
M. le président.
La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je traiterai d'abord du troisième volet du projet de loi,
relatif aux déplacements et aux transports, en particulier de ce qu'il est
désormais communément admis de dénommer la « régionalisation des transports
ferroviaires de voyageurs ».
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Michel Teston.
J'évoquerai ensuite une deuxième avancée significative, qui est relative aux
possibilités de construction en zone de montagne.
La régionalisation des transports de voyageurs constitue une avancée
importante dans le processus de décentralisation. L'expérimentation engagée
depuis 1997 avec six, puis sept volontaires, permet d'ores et déjà de tirer un
bilan très positif.
La nouvelle organisation régionalisée est tout à fait pertinente puisqu'elle
permet d'apporter une réponse plus efficace aux attentes des usagers. Ainsi,
dans les régions concernées, le trafic a augmenté, en moyenne, de 5 % par
an.
Cette forte croissance se nourrit bien évidemment d'une amélioration
significative de la qualité de l'offre de service et d'une vigilance accrue
concernant les besoins de la clientèle. Les usagers du transport ferroviaire
sont donc bien les premiers bénéficiaires de l'expérimentation.
Dès lors, un large consensus s'est dégagé en faveur d'un transfert définitif
de compétence aux régions.
Avec l'adoption de ce projet de loi, la régionalisation des services
ferroviaires de voyageurs va passer du stade expérimental au stade du droit
commun. Un certain nombre de remarques me paraissent donc devoir être
formulées, remarques face auxquelles des engagements clairs doivent être pris
par les partenaires, notamment par le Gouvernement.
En premier lieu, il faut souligner que l'Etat demeure responsable de la
définition des obligations générales de service public applicables aux
transports ferroviaires de voyageurs : principes généraux de tarification,
exigences en matière de sécurité et d'environnement, conditions d'accès aux
personnes à mobilité réduite, intermodalité, par exemple. En conséquence, c'est
toujours à l'Etat qu'appartiendra le choix du mode de dévolution de
l'exploitation des services ferroviaires régionaux.
Cette définition des obligations de service public par l'Etat est
fondamentale, afin d'interdire une trop grande diversité des pratiques
régionales, diversité qui conduirait inévitablement à une inégalité des
citoyens français face aux services publics de transports. L'unicité du service
public ferroviaire n'est donc absolument pas remise en cause, ce qui est très
positif.
Il est souhaitable que ces points essentiels soient solidement inscrits dans
les conventions qui seront passées entre l'Etat et les régions.
Deuxièmement, si certains ont posé la question de la compatibilité des
conventions qui seront passées entre la SNCF et les régions avec le droit
européen de la concurrence, nous savons désormais que ce débat est clos. Le
Gouvernement a d'ailleurs su aborder cette question avec la Commission
européenne, afin de lever toute ambiguïté.
La troisième question qui est soulevée par ce texte et qui a déjà été abordée
par de nombreux intervenants a trait à la compensation, prévue à l'article 53
du projet de loi, qui sera apportée aux régions pour assumer cette nouvelle
compétence. Il est compréhensible que l'Etat n'entende indexer cette
compensation ni sur le produit intérieur brut ni sur l'indice des prix.
Néanmoins, des réponses claires doivent être apportées d'ici à la date du
transfert, c'est-à-dire au 1er janvier 2002. Pourquoi ne pas réserver une part
de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au secteur ferroviaire ? Il
est en tout cas important qu'un chiffrage précis soit réalisé, afin de définir
les sommes financières qui seront engagées, notamment en ce qui concerne le
renouvellement du matériel roulant et la rénovation des gares.
Enfin, il est d'actualité de poser la question de la responsabilité des élus
en matière de sécurité. Si un accident ferroviaire se produit, la
responsabilité pénale des présidents de région pourra-t-elle être engagée ?
Dans l'affirmative, le sera-t-elle solidairement avec celle de l'exploitant ou
indépendamment de l'éventuelle responsabilité propre de ce dernier ? A toutes
ces questions, je souhaite que des réponses précises soient apportées.
Je conclurai mon intervention en évoquant l'avancée très positive que
constitue, à mon sens, la rédaction des articles 10
bis
et 10
ter
du présent projet de loi.
La loi du 10 janvier 1985, dite « loi montagne », a été adoptée avec
l'objectif d'aménager et de protéger l'espace montagnard. En termes
d'urbanisme, cette loi s'est traduite, en zone de montagne, par l'obligation de
construire en continuité avec les bourgs et villages existants.
La loi du 4 février 1995, dans son article 5, avait déjà introduit une
possibilité de construire en continuité des hameaux existants. Néanmoins, cette
disposition est difficilement applicable, car les notions de continuité et de
distance ne sont pas suffisamment définies.
Force est de constater, aujourd'hui, que l'application rigoureuse de ces lois
sur des territoires d'habitat dispersé a accentué le processus de
désertification en limitant les nouvelles constructions. Les communes de
montagne se trouvent donc souvent dans l'impossibilité d'accueillir de nouveaux
habitants ou de nouvelles activités économiques, ce qui fragilise les commerces
et les services publics de proximité.
La modernisation générale des outils de l'urbanisme mise en oeuvre par ce
projet de loi s'adresse d'abord aux zones urbaines ; cependant, la spécificité
des territoires de montagne ou de massif n'a pas été omis dans ce texte, ce
dont il faut se réjouir.
En effet, le projet de loi introduit également, dans son article 10
bis
, un assouplissement de la règle d'urbanisation en continuité en zone
de montagne. Quant à l'article 10
ter
, il devrait ouvrir de nouvelles
possibilités de constructions dans les zones de massif, en rétablissant les
prescriptions particulières de massif qui avait été supprimées par la loi
Pasqua du 4 février 1995. Ces deux dispositions ont pu être introduites lors du
débat en première lecture à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du
Gouvernement. Elles constituent en tout cas une avancée fondamentale pour le
maintien et le développement des territoires ruraux.
En conclusion, les réformes profondes de notre législation introduites par ce
projet de loi auront, j'en suis persuadé, des conséquences très positives pour
l'avenir de notre société. L'esprit de ce texte le prouve : il est possible de
réformer...
M. Hubert Haenel.
C'est vrai !
M. Michel Teston.
... en conciliant développement durable et progrès technique, économie
performante et société plus solidaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le travail tant de la
commission des affaires économiques et de son rapporteur, Louis Althapé, que de
la commission des lois et de la commission des affaires sociales, et des deux
rapporteurs pour avis, Pierre Jarlier et Jacques Bimbenet.
Comme vous l'imaginez, mon intervention sera limitée au transport ferroviaire
régional.
En juin 1993, la commission d'enquête sénatoriale créée pour examiner le
fonctionnement de la SNCF dans ses missions de service public et en tant
qu'instrument puissant d'aménagement du territoire remettait son rapport,
adopté à l'unanimité des membres de la commission - j'insiste sur ce point - ce
dont notre collègue Jacques Bellanger pourrait témoigner.
Nos conclusions pouvaient se résumer en trois priorités, trois points, pour
remettre la SNCF sur les rails et pour stopper son déclin, qui apparaissait à
beaucoup - mais on a pu montrer qu'ils s'étaient trompés - inexorable.
Le premier point consistait à faire en sorte que l'Etat joue pleinement son
rôle à l'égard de l'entreprise et ne lui impose pas constamment - ou ne lui
impose plus - le grand écart, et à séparer l'infrastructure de l'exploitation.
Ce fut fait à l'occasion de la réforme sur le transport ferroviaire créant
Réseau ferré de France.
Ensuite, il fallait doter la SNCF d'un véritable projet d'entreprise auquel
l'ensemble du personnel pourrait adhérer. Ce fut l'oeuvre du président Louis
Gallois, sous la dénomination « Projet industriel ».
Enfin, il convenait de faire des régions, à titre expérimental, des autorités
organisatrices du transport ferroviaire régional de plein exercice. Cette
réforme, que, notamment, avec Jacques Chauvineau, nous avons soutenue parfois
contre vents et marées et, au départ, envers et contre tous, a porté ses fruits
dans six régions expérimentatrices.
La preuve tangible est là, aujourd'hui - tous les orateurs se sont accordés
pour le dire...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pas tous !
M. Hubert Haenel.
... même si, bien évidemment, des questions se posent encore - la preuve est
là, disais-je, que cela marche.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est vrai !
M. Hubert Haenel.
L'arrivée tardive d'une septième région, le Limousin, n'a pas permis, à ce
jour, de dresser pour elle un bilan pertinent.
Les douze propositions que j'avais formulées à la suite de ce rapport, à la
demande de Bernard Bosson, appliquées dans ces six régions à partir des
relations triangulaires SNCF-Etat-région que j'avais imaginées, ont permis de
démontrer que le transport ferroviaire régional avait de l'avenir, sous réserve
de changer l'esprit des uns et des autres et d'appliquer la méthode
expérimentale. Il fallait expérimenter - je l'ai souvent dit et je le répète
aujourd'hui - pour tester, ajuster, convaincre et étendre ; nous sommes dans la
dernière phase. Il fallait opérer une décentralisation expérimentée et
négociée. Enfin, trois révolutions devaient être menées : la révolution
institutionnelle, la révolution culturelle et la révolution technique. Tels
étaient mes maîtres mots.
Je crois qu'on peut affirmer, monsieur le ministre des transports, qu'avant
l'été, pour la loi, et dès l'automne, pour les décrets d'application, nous
aurons atteint l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir passer de la
notion d'expérimentation à celle de décentralisation.
Quelles leçons doit-on tirer de tout cela ? A cet égard, je me garderai bien
de prétendre être exhaustif.
On peut d'abord dire que le Parlement, notamment le Sénat, a toute sa place -
il ne l'occupe d'ailleurs pas assez à mes yeux - dans le contrôle de
l'administration et des entreprises, qu'il peut, dans la diversité de ses
compétences et le pluralisme politique, s'attaquer parfois avec succès aux
questions de société. Et tout le monde, ici, sera d'accord, je crois, pour
reconnaître que le déplacement des personnes et le transport des marchandises
relèvent bien de ces questions.
On peut ensuite dire que rien n'est jamais irréversible et que le pire n'est
jamais sûr. Souvenez-vous : le transport régional ferroviaire semblait
condamné. Aujourd'hui, il ne se contente pas de survivre : non seulement il
vit, mais il se développe, il démontre sa pertinence et devient, en région,
l'assembleur des autres transports publics dépendant d'autres autorités
organisatrices, telles que le département, les villes ou les structures
intercommunales.
Par ailleurs, l'expérimentation est, je crois, la méthode pour réformer notre
pays, où règne trop souvent la défiance entre l'Etat et les collectivités
locales, entre l'Etat et les syndicats, voire vis-à-vis des usagers des
services publics. Renouer avec la confiance implique donc de démontrer que le
contrat a un sens ou, si vous préférez, qu'il faut redonner tout son sens au
contrat.
Les réformes ne peuvent plus - et je crois que vous en conviendrez, messieurs
les ministres - être concoctées à Paris, à l'échelon central, puis appliquées
uniformément aux réalités territoriales, comme une sorte d'artifice plaqué sur
du vivant.
La régionalisation, ne l'oublions pas, n'est pas née du travail que le Sénat a
accompli en 1993 et que les ministres successifs ont accepté de poursuivre ;
elle était déjà en embryon dans les réformes engagées par M. Guichard puis dans
la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI.
Par conséquent, force est de constater que - et c'est cela la République - les
ministres et les gouvernements de couleurs politiques différentes se succèdant,
nous parvenons petit à petit à faire cheminer une idée et à aboutir. Voilà tout
de même un succès qui mérite d'être souligné, et dont nous pourrions peut-être
nous inspirer pour d'autres réformes. En outre, l'implication forte des régions
dans l'infrastructure ferroviaire, dans l'optique du XIIe Plan, est aussi à mon
sens l'une des conséquences, même si elle n'est peut-être pas directe, de la
régionalisation.
Par ailleurs, on entend souvent dire du mal de la SNCF. Or j'estime, mes chers
collègues, que nous devons nous rendre compte que la SNCF a beaucoup changé
depuis le début des années quatre-vingt-dix, tout spécialement sous l'impulsion
de son président actuel, M. Louis Gallois, les syndicats ayant bien sûr
également joué le jeu, tout comme les régions.
La SNCF a démontré qu'elle était capable de se réformer et de sortir de son
isolement ; elle a montré qu'elle pouvait établir des relations de partenariat,
sortir d'un certain hermétisme et renoncer à son monolithisme. La
régionalisation a été un puissant moteur, un point d'appui, un levier pour la
transformation en profondeur qui s'opère. La SNCF a fait, comme l'on dit en
psychologie, un important travail sur elle-même, un travail qui était peut-être
inimaginable voilà une dizaine d'années, qui est en tout cas sans précédent,
sans être bien sûr terminé.
Deux forces puissantes contribuent à ce changement : la régionalisation, dont
je viens de parler, et l'ouverture européenne de l'entreprise, la comparaison
et la confrontation avec d'autres entreprises ferroviaires d'autres pays de
l'Union européenne. La SNCF et les régions ont démontré, au travers de
l'expérimentation, la pertinence du transport ferroviaire.
Est-ce à dire, pour autant, que la partie est gagnée ? Non. D'ailleurs, des
orateurs, notamment le président de l'association des régions de France, notre
collègue Jean-Pierre Raffarin, et Josselin de Rohan, ont exprimé leurs
interrogations, qui étaient parfois fortes, et ont fait état d'inquiétudes ou
de réticences que seuls l'Etat, la SNCF et RFF peuvent dissiper.
La confiance se mérite et se conforte dans la conclusion et l'exécution du
contrat. Nous sommes en effet trop habitués, quels que soient les gouvernements
- il faut le dire - à voir l'Etat bouleverser à sa guise les règles du jeu en
cours de partie et ne pas tenir parole. Cela explique le ton adopté depuis hier
dans cet hémicycle : chat échaudé craint l'eau froide !
Je terminerai mon propos en disant qu'une des clés du succès non plus de
l'expérimentation, mais de la décentralisation, de la régionalisation étendue,
est syndicale.
En effet, le succès dépendra aussi de la qualité des relations
professionnelles au sein de l'entreprise SNCF, qui, ne l'oublions pas, est à
peine entrée en convalescence. Sa fragilité sociale est encore grande, et le
succès tiendra donc pour partie à l'attitude des syndicats. Je crois qu'usagers
et régions ne comprendront plus et n'admettront plus, à l'avenir, les grèves à
répétition, décidées souvent sans explication. L'entreprise devra donc sortir
de sa culture de préavis de grève. Les temps ont certes déjà changé, des
améliorations ont été constatées, mais le travail est loin d'avoir abouti.
Toutefois, pour observer cette entreprise d'assez près depuis quelques années,
je sais que les ressources humaines y sont de très grande qualité. Je suis donc
confiant, mais je mets en garde contre d'éventuelles rechutes.
En conclusion, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, je
voudrais former un voeu : jusqu'à présent, grâce à des hommes et des femmes de
bonne volonté, les débats sur la régionalisation ont été préservés de la
politique politicienne ; je vous invite donc à ne pas tenter de « passer en
force » sur ce volet du projet de loi relatif à la régionalisation, car vous
risqueriez alors de mettre à mal tout l'édifice que nous nous sommes efforcés
de construire ensemble.
Serait-ce donc trop vous demander, messieurs les ministres, monsieur le
secrétaire d'Etat, que d'essayer de faire en sorte que ce point au moins fasse
l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, même si nous ne parvenions
pas, comme je le pense, à un accord sur l'ensemble du texte ? Ce serait à mon
sens un signal très fort adressé aux régions, certes, mais aussi aux usagers et
au personnel de l'entreprise.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur
certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes cherscollègues, le projet de loi relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains qui nous est soumis constitue non une simple réforme
législative, mais un véritable projet à long terme.
En effet, il tend à définir une politique de la ville, aujourd'hui encore
embryonnaire, qui sera fondée sur trois valeurs : la solidarité et le partage,
le développement durable et la qualité de la vie, la démocratie et la
décentralisation.
Aussi l'examen de ce texte nous permet-il de nous interroger sur la
physionomie que nous entendons donner demain à nos communes.
Souhaitons-nous voir nos villes et nos communes se développer selon le modèle
américain, où le centre-ville est déserté au profit de banlieues souvent
lointaines et réservées aux individus les plus riches, ou bien souhaitons-nous
que le développement de nos villes soit fondé sur la recherche d'une mixité
sociale indispensable à l'évolution de notre société ?
Notre volonté est, bien entendu, de privilégier une politique de la ville
cohérente, tendant au rapprochement de l'ensemble des composantes de notre
société par une meilleure offre d'habitat, et non à la création de communes
destinées à accueillir telle ou telle catégorie du corps social. Le
développement durable d'une commune ne peut en effet s'appuyer que sur une
dynamique reposant elle-même sur le mélange social.
Le présent projet de loi a donc pour objet de donner aux élus locaux les
moyens d'atteindre cet objectif essentiel pour notre société, et ceux qui
taxent le Gouvernement d'immobilisme devraient donc soutenir une telle démarche
et non s'y opposer en faisant ainsi la preuve de leur conservatisme !
S'agissant plus particulièrement du renouveau urbain, l'intérêt majeur du
texte est qu'il prend en compte d'une manière globale les politiques
d'urbanisme, de logement et de déplacements. L'objectif du Gouvernement est, en
effet, d'aboutir à une plus grande cohérence tant entre ces trois domaines
qu'entre les outils propres à chaque politique.
A cet égard, force est de constater que les actuels outils d'aménagement se
sont superposés et juxtaposés sans que soit établi de lien entre urbanisme,
habitat et transport, ce qui a favorisé un zonage des agglomérations par type
de fonction et donc, indirectement, une perte de vigueur des centres.
Or l'histoire démontre que la vie sociale ne peut réellement s'organiser
qu'autour de lieux de vie associant logements, commerces et équipements
culturels.
Aussi le projet de loi vise-t-il, d'une part, à redéfinir les objectifs des
documents d'urbanisme et, d'autre part, à améliorer les procédures d'édiction
de ces derniers.
Il est ainsi prévu de substituer aux documents d'urbanisme, qui ne
réglementent actuellement que l'occupation des sols, des documents prenant en
compte les politiques de l'habitat, de loisirs, de services d'infrastructures
et de déplacements.
Mais ce texte a également pour objet de renforcer la décentralisation dans
l'élaboration des documents d'urbanisme.
En effet, en s'associant au sein d'un établissement public de coopération
intercommunale pour définir les schémas de cohérence territoriale ou en se
regroupant pour mettre en place un plan local d'urbanisme, les communes auront
désormais la possibilité d'élaborer elles-mêmes leurs documents d'urbanisme,
alors qu'il nous faut reconnaître que la majorité des communes sont aujourd'hui
dans l'obligation de recourir aux services de l'Etat et de s'en remettre à
leurs conclusions.
Or les directions départementales de l'équipement sont très souvent
incapables, en raison du manque d'effectifs, de fournir aux communes des études
complètes et de bonne qualité. On ne saurait donc affirmer que les élus locaux
ont aujourd'hui pleinement la maîtrise des sols de leur commune.
De plus, les dispositions législatives que nous examinons tendent à prendre en
considération la diversité des 36 000 communes françaises. En effet, chaque
commune pourra se doter d'un document d'urbanisme, dont le contenu sera
compatible avec sa taille et ses moyens, la majorité des dispositions relatives
aux plans locaux d'urbanisme étant facultatives.
Loin de remettre en question la maîtrise des sols par les élus locaux, comme
certains le soutiennent, ce projet de loi vise donc à conforter la
décentralisation. Ainsi, le Gouvernement témoigne de sa confiance dans la
gestion locale.
En conséquence, la responsabilité d'user avec sagesse de ces dispositions
incombera aux élus locaux que nous sommes.
En outre, les documents d'urbanisme tels qu'ils sont envisagés dans le projet
de loi constituant les bases essentielles de la gestion communale, il est
impératif d'associer largement à leur élaboration l'ensemble des acteurs de la
société.
On ne peut donc qu'approuver la volonté de démocratiser la procédure
d'élaboration des documents d'urbanisme par le biais de la consultation de
nombreux organismes et de la généralisation de l'enquête publique.
Je considère qu'il conviendrait, d'ailleurs, d'aller encore plus loin dans la
concertation, en associant notamment les professionnels de l'urbanisme, tels
que les architectes et les paysagistes, à l'élaboration de ces documents.
En effet, de par leur formation et leur expérience, ils sont à même d'indiquer
les grandes orientations de l'urbanisation de demain. Cela permettrait
également de donner un nouveau souffle aux écoles d'architecture et aux
conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.
Enfin, j'ai l'espoir que les futurs documents d'urbanisme pourront être de
véritables instruments d'une politique d'aménagement du territoire prenant en
compte la protection des espaces et des sites vierges de toute urbanisation.
Nous devons en effet nous attacher à sauvegarder nos paysages, qui
constitueront dans dix ou quinze ans des ballons d'oxygène pour nos
concitoyens, notamment pour les citadins.
Mais, au-delà des dispositions législatives, la réussite de la politique de la
ville incombera, en réalité, aux élus locaux, qui devront développer des
projets urbains à la fois équilibrés et prospectifs.
Votre projet de loi, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
définit une approche à la fois généreuse et cohérente de la politique de la
ville. Nous le voterons donc avec autant de détermination que d'enthousiasme.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons donc bientôt aborder
l'examen des articles et des 1 100 amendements qui, m'a-t-on dit, ont été
déposés.
Permettez-moi, à cet instant, de saluer le travail important et de qualité
réalisé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, M.
Althapé, et par les deux rapporteurs pour avis, MM. Bimbenet et Jarlier.
Il convient d'ailleurs, à ce propos, de se féliciter de ce que, contrairement
à l'opposition de l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale n'ait pas jugé
utile de déposer des motions de procédure. J'en déduis qu'il existe ici une
réelle volonté d'engager une discussion constructive.
La discussion générale a ainsi montré tout l'intérêt que vous portez,
mesdames, messieurs les sénateurs, à ce projet de loi qui, comme plusieurs
d'entre vous l'ont souligné, est un véritable projet de société.
Cela étant, des propos excessifs ont aussi été tenus, comme toujours, mais
c'est dans la nature des choses, et il faut l'accepter. Cependant, il ne suffit
pas, monsieur Lassourd, d'exciper de sa profession de vétérinaire pour prouver
que l'on connaît la ville et les citadins.
Vous avez fait référence, monsieur Lassourd, à une loi « de droite » votée en
1991. Il faut ici rappeler la chronologie : c'est en 1993 qu'est intervenu le
changement de majorité. La loi de 1991, qui est effectivement une loi de
référence, a donc été proposée par un gouvernement de gauche.
Pour bien situer les faits, je rappelle que la municipalité de Rennes a mis en
oeuvre une grande partie des dispositions que nous proposons bien avant le
dépôt du projet de loi dont nous discutons. Cette municipalité, comme
d'ailleurs celle de Lille, compte maintenant une proportion de logements
sociaux bien supérieure à 20 %.
Pour en revenir à une analyse plus générale, je relève encore que le Sénat n'a
pas déposé d'exception d'irrecevabilité au regard de la Constitution, ce qui
tend à prouver qu'il considère que ce projet de loi ne soulève pas de
difficulté sur ce plan.
Je serai bref parce que le débat qui nous attend sera long, compte tenu à la
fois de l'intérêt dont je viens de faire état et du dépôt d'un grand nombre
d'amendements que leurs auteurs auront sûrement à coeur de défendre. Avec MM.
Bartolone et Besson, nous ne manquerons pas, à cette occasion, de répondre de
manière plus précise à chacun. Je sais que la commission saisie au fond n'a
examiné qu'une partie de ces amendements et qu'au moins deux séances
supplémentaires lui seront encore nécessaires, la semaine prochaine, pour en
terminer.
Certains d'entre vous ont regretté la déclaration d'urgence, notamment le
rapporteur, M. Althapé, qui m'a même confié qu'il aurait volontiers consacré
six mois à ce débat.
Je veux rappeler que le dépôt de ce projet de loi a été précédé de plusieurs
débats l'an dernier, sinon dans toutes les villes, c'est vrai, du moins dans
six grandes villes de France : Lille, Orléans, Lyon, Dijon, Perpignan et Nîmes.
Il y a donc eu de vrais débats avec les élus, avec les citoyens, avec les
experts. Une rencontre très importante a eu lieu ensuite au cirque d'Hiver, à
Paris, avec le Premier ministre.
De même, une très large concertation a été menée avec les associations d'élus,
les professionnels, les associations, etc.
Par ailleurs, il a semblé important à Louis Besson, à Claude Bartolone et à
moi-même que les nouvelles règles du jeu posées par ce projet de loi puissent
être connues avant les échéances électorales, de telle sorte que chacune et
chacun puisse éventuellement les intégrer dans ses projets municipaux.
Enfin, et c'est peut-être le plus important, on ne peut à la fois dire qu'il y
a urgence sociale et refuser de remédier aux situations les plus défavorisées,
d'apporter rapidement des solutions aux problèmes de mixité sociale, de
logements insalubres, de copropriétés dégradées.
Mais cette urgence ne signifie pas, monsieur Fourcade, que nous avançons dans
la précipitation. De même, sachez que nous n'avons nullement le volonté de «
surdensifier », bien au contraire.
Avec le calendrier législatif chargé des assemblées parlementaires, telles
sont les raisons qui ont milité en faveur de la déclaration d'urgence.
Je sais bien que plus on passe de temps à débattre, à se concerter, mieux la
démocratie s'en porte ; mais il faut aussi, un jour, prendre des décisions. Au
passage, je rappelle que ce gouvernement n'a jamais utilisé l'article 49-3 pour
faire avancer ses projets, ce qui prouve bien le souci que nous avons de
respecter la démocratie.
M. Althapé s'est demandé si, plutôt que de faire trois lois en une, il
n'aurait pas été préférable de déposer trois projets distincts. Eh bien !
justement, pour bien comprendre le sens du projet gouvernemental, il faut
intégrer cette façon nouvelle de poser le problème. Nous n'avons pas voulu
recommencer en quelque sorte les mêmes erreurs, en coupant en tranches, en
empilant les textes, car nous voulons traiter les problèmes de société, qui,
partant du terrain, sont obligatoirement imbriqués, interactifs.
Parler de l'habitat, de l'urbanisme et des déplacements de la manière la plus
cohérente possible participe à la fois de la lisibilité, de la simplification,
mais aussi de l'efficacité.
A ce sujet, je veux saluer les propos de M. Pierre Mauroy, qui, comme
d'autres, a mal ressenti les attaques quelque peu injustes contre les logements
sociaux, même si l'on sait qu'il y a beaucoup à faire. Elles sont souvent
vécues comme une espèce d'agression, pour ne pas dire de mépris, vis-à-vis de
ceux qui y habitent. M. Pierre Mauroy a eu raison de rendre hommage aux
millions de Français qui vivent dans les logements sociaux, et qui, pour nombre
d'entre eux, d'ailleurs, y vivent bien.
M. Alain Vasselle.
Pas dans les quartiers difficiles !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On sait
d'ailleurs les efforts qu'a déployés depuis longtemps le maire de Lille en ce
domaine.
Monsieur Fischer, votre expérience d'élu de terrain à Vénissieux montre que,
dans les quartiers qui ont connu toutes les procédures mises en place depuis
les années quatre-vingt, l'énergie et la combativité des habitants et des élus
permettent de faire avancer les choses et de modifier peu à peu des conditions
de vie dans les quartiers.
Je veux également insister sur l'idée que ce projet de loi ne procède pas d'un
mouvement de recentralisation - M. Vidal vient de le dire avec raison - qui
remettrait en cause le principe de la libre administration des collectivités
territoriales posé par l'article 72 de la Constitution, qui, je le souligne,
doit être lu dans son entier.
Les pouvoirs des préfets ne seront guère différents de ce qu'il sont
actuellement vis-à-vis des documents d'urbanisme. Tout le sens de la réforme du
code de l'urbanisme vise à le simplifier et à introduire plus de concertation
et de démocratie dans l'élaboration et la mise en cohérence des projets
urbains.
Je veux rappeler que, même décentralisé, l'Etat ne perd évidemment pas son
rôle : il est le garant de la solidarité et de la démocratie. Pourquoi la
solidarité ne serait-elle pas un critère national d'exigence de l'Etat, au même
titre que l'éducation et la formation ? Il ne viendrait à l'idée de personne,
et surtout pas d'un parlementaire, de dire qu'au nom de la décentralisation,
décentralisation que nous souhaitons encore approfondir, l'on pourrait refuser
des écoles primaires ! La solidarité serait-elle en marge des valeurs
essentielles de la France ?
L'Etat, je le répète, est le garant de la solidarité et de la démocratie.
Cette analyse, nombreux sont ceux qui, par-delà les clivages, la partagent.
Dans la foulée de M. Carrez, qui a évoqué, à l'Assemblée nationale, le fameux
Gosplan, M. de Rohan a parlé du retour au centralisme démocratique. Je me suis
même demandé s'il n'allait pas rappeler l'image du « couteau entre les dents »
! On était bien parti pour cela !
Mme Odette Terrade.
C'est parce qu'il n'a pas suivi nos congrès !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En plus, cela
fait tout de même un moment !
(Marques d'approbation sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Xavier Emmanuelli, président du haut comité pour le logement des personnes
les plus défavorisées, et que tout le monde connaît ici, a écrit aux
parlementaires une lettre dans laquelle il faisait référence au Président de la
République.
M. Ladislas Poniatowski.
Nous l'avons reçue !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous avez reçu
cette lettre, mais, alors que vous avez cité bien d'autres personnes pour
montrer que cette loi était menaçante pour la démocratie, pour la
décentralisation, et que sais-je encore, vous n'avez jamais cité M. Xavier
Emmanuelli.
Je dois avouer que je n'avais pas l'habitude d'entendre des propos aussi
excessifs dans la bouche de M. de Rohan. Je ne le savais pas aussi joueur !
Quant à M. Braye, il n'y est pas allé avec le dos de la cuiller. SRU, a-t-il
dit, signifie « socialisme et rabaissement urbains ».
L'enjeu, qui est un enjeu de société, c'est la vie de tous les jours, c'est
l'avenir des villes, c'est la solution aux problèmes dont chaque élu a à
connaître au quotidien. Ramener le débat à ce type de formule ne me paraît
vraiment pas à la hauteur de cet enjeu.
Plus sérieusement, ce projet de loi n'est en aucune manière recentralisateur.
Il a pour vocation d'étendre les pouvoirs des élus, dans la continuité de la
loi de Jean-Pierre Chevènement sur l'intercommunalité, et de faire mieux
participer les citoyens aux décisions.
M. Delevoye a dit préférer le contrat à la contrainte. Moi aussi ! D'ailleurs,
j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, y compris lorsque certains réclamaient
des mesures autoritaires à propos du droit de grève.
Faire prévaloir le contrat sur la contrainte, c'est l'idée qui guide les
propositions du Gouvernement. Les collectivités territoriales doivent
assurément pouvoir développer leur créativité, mais il convient qu'elles le
fassent dans l'esprit qui émane de la volonté de l'ensemble de la nation et
avec la volonté de contribuer à l'intérêt général, qui ne saurait être
uniquement, bien sûr, l'addition des 36 000 volontés particulières.
Comme l'a souligné Mme Terrade, ce projet de loi a pour objet de donner du
sens à la ville, et la reconquête de la ville doit, avant tout, être une
question citoyenne d'appropriation.
Mme Terrade a également raison de dire que, alors que la croissance semble
repartie, il est indispensable de ne pas donner l'impression aux six millions
d'habitants des quartiers sensibles que cette reprise s'arrêterait à la porte
de leur logement ou à celle de leur quartier.
MM. Haenel, Raffarin, Teston et plusieurs autres orateurs ont montré l'intérêt
qu'ont les régions à s'inscrire dans la régionalisation des services
ferroviaires de voyageurs, encore que M. Raffarin ait employé une formule qui
m'a fait quelque peu sursauter. Je crois avoir compris que, selon lui, l'Etat
transférait la dette à RFF, les déficits des TER aux régions et, avec le TGV,
laissait les bénéficices à la SNCF.
S'agissant de la dette transférée à RFF, vous me pardonnerez de dire que c'est
votre majorité, messieurs, qui a voté la loi instaurant RFF pour cantonner la
dette ferroviaire.
M. Pierre Hérisson.
Oui, et c'est une bonne loi !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hérisson dit
que c'est une bonne loi !
D'ailleurs, on a fait ce que j'ai appelé la réforme de la réforme après, mais
on n'a pas abrogé la loi.
Je rappelle que la SNCF, avec 200 milliards de francs d'endettement, était
complètement « plombée », qu'elle ne pouvait pas s'en sortir. Il fallait donc
changer la donne, et nous l'avons fait.
Aujourd'hui, les comptes ont été publiés, ils ne sont pas toujours très
faciles à lire, mais, hors les prévisions concernant le SERNAM, il semblerait
qu'il y ait un résultat positif de plus de 1 milliard de francs. La situation a
tout de même changé par rapport à ce qui avait cours dans le passé !
Ces progrès traduisent non seulement une croissance du trafic voyageurs dans
les régions et sur les grandes lignes, mais également un progrès du transport
combiné par rapport à l'année dernière.
D'une manière ou d'une autre, messieurs Haenel, Raffarin et Teston, ainsi que
plusieurs autres orateurs, vous avez montré l'intérêt que les régions ont de
s'inscrire dans la régionalisation des services ferroviaires de voyageurs.
Très sincèrement, monsieur Haenel, comment ne pas souligner combien je partage
votre vision pour le développement des transports ferroviaires, tous types de
trafic confondus.
Avec ce projet de loi, nous tirons les conséquences de l'expérimentation en
cours puisque, à l'issue d'une concertation approfondie engagée depuis près
d'un an, nous décidons du transfert de compétence aux régions d'un service de
transports de proximité.
Evidemment, en cas de transfert de compétence sans transfert de moyens, le
risque est un transfert de charges. C'est la crainte de tous les élus.
Mais, je tiens à rassurer, MM. Raffarin, Joly et Percheron. La volonté du
Gouvernement est, bien entendu, d'effectuer ce transfert de compétence sans
transfert de charges, dans le strict respect des lois de 1982 et 1983 en
matière de décentralisation, qui prévoient également un transfert de
ressources.
C'est la raison pour laquelle est mise en place, dans les conditions du droit
commun, une dotation générale de décentralisation, et ce sans remettre en
cause, comme l'a dit M. Teston, l'unicité du système ferroviaire.
D'ailleurs, la généralisation de la régionalisation à toutes les régions en
même temps, que vous avez proposée et que M. Raffarin a proposée, conforte
l'unicité du système : on réalise la décentralisation tout en maintenant
l'unicité du système, et ce sans remettre en cause la notion de responsabilité,
ainsi que le craignait M. Teston.
Vous avez évoqué la question de l'indexation et, plus largement, vous
souhaitez modifier les conditions financières dans lesquelles s'effectue ce
transfert de compétence. Ce n'est pas la première fois que nous en parlons et
j'ai le sentiment que c'est une demande qui est largement partagée. Des
amendements ont été déposés en ce sens, nous aurons donc l'occasion d'y
revenir.
Je rappelle simplement, à ce stade du débat, que, dans le cadre de la
concertation rappelée il y a quelques instants, le Gouvernement a annoncé ses
engagements financiers qui, loin d'être négligeables, sont très importants :
une prise en charge, lors du transfert sur l'exercice 2002, du déficit des
comptes TER - constatez, monsieur Raffarin, que le déficit n'est pas celui dont
vous avez parlé - et une dotation pour le renouvellement du matériel
ferroviaire, qui s'ajoutent à la dotation permettant le financement du
fonctionnement du service. Cela représente tout de même un supplément de
ressources de l'ordre de 1,1 à 1,2 milliard de francs. Le Gouvernement a pris
ses responsabilités, il faut le reconnaître.
M. Hoeffel a posé une vraie question. J'avoue avoir mesuré sa dimension en
l'écoutant évoquer hier les problèmes des régions frontalières et des problèmes
transfrontaliers, notamment dans le domaine des transports. Je ne m'étendrai
pas sur ce sujet à ce stade du débat, mais je souhaite que nous y revenions
ultérieurement car cette question me paraît effectivement importante.
Enfin, comme l'a dit M. Plancade, ce projet de loi, qui s'inscrit dans la
cohérence de l'action gouvernementale, n'a pas vocation à régler tous les
problèmes, même si certains, non contents de nous reprocher d'avoir fait trois
lois en une, voudraient néanmoins que nous y ajoutions des dispositions
supplémentaires pour ne rien négliger. Non ! Nous agissons sans ignorer ce qui
se fait par ailleurs et qui participe de la démarche d'ensemble. Ce texte
contribuera à faire avancer les choses et à ramener de l'urbanité dans nos
villes.
MM. Besson et Bartolone vous apporteront des éléments supplémentaires. Pour ma
part, j'aurai l'occasion de vous répondre plus précisément lors de la
discussion des articles.
A l'Assemblée nationale, nous avons accepté plusieurs centaines d'amendements.
Cela témoigne de l'esprit d'ouverture constructive qui anime le Gouvernement
dès lors qu'il s'agira d'enrichir la loi dans l'esprit de solidarité et de
renouvellement urbain qui l'inspire.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Mesdames, messieurs les sénateurs,
permettez-moi de réagir à une grande partie de vos interventions.
Le premier enseignement que j'en tire est l'approbation unanime de la loi
d'orientation sur la ville, la LOV, de 1991, notamment de ses objectifs en
termes de mixité sociale. Quand je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, à
l'opposition qu'avait suscitée ce texte à l'époque, j'y vois une évolution qui
laisse espérer que le texte qui vous est présenté aujourd'hui, avec le temps,
recevra de votre part la même approbation !
Messieurs Althapé, Lassourd et de Rohan, vous avez tous trois défendu la LOV
avec vigueur, et je vous en remercie. Monsieur Larcher, vous avez même dit que
vous l'aviez faite ensemble avec M. Michel Delebarre.
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je ne suis pas sûr, tout de même, que l'intéressé ait
la même interprétation que vous des termes : « faire ensemble » !
M. Gérard Larcher.
Ce n'est pas certain !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le débat qui nous réunit ici est donc de savoir comment
réussir à passer des paroles aux actes. Comme l'a dit très justement Mme
Terrade, il s'agit aujourd'hui non plus d'approuver le principe de la mixité
sociale, mais de le traduire plus efficacement sur le terrain. Tel est
l'objectif du Gouvernement dans le titre II de ce projet de loi sur la
solidarité et le renouvellement urbains. Le principe des 20 % par commune n'est
pas nouveau, mais il nous faut tirer les enseignements de la loi précédente
pour améliorer sa mise en oeuvre à l'échelon local.
Dans cette optique, messieurs les rapporteurs, monsieur Fourcade, vous nous
proposez de prendre en compte le critère de 20 % de logements sociaux à
l'échelle de la structure intercommunale lorsqu'elle existe. Mais cette
proposition ne répond pas du tout à l'objectif du Gouvernement, ni d'ailleurs à
celui de la LOV de 1991. En effet, nous ne voulons pas qu'il y ait 20 % de
logements sociaux dans chacune des agglomérations françaises. Dans ce cas, bien
entendu, le chiffre serait trop faible. Non, le sens de la proposition du
Gouvernement à l'article 25, c'est de rééquilibrer les agglomérations et de
faire en sorte que les logements sociaux soient mieux répartis sur l'ensemble
des villes, donc prévoir un minimum de 20 % de logements sociaux dans chaque
commune.
Prenons l'exemple de la communauté urbaine de Lyon. M. Fischer, qui l'a
d'ailleurs évoquée, y sera sensible. Tout le monde reconnaît que le
rééquilibrage est-ouest de l'agglomération est un enjeu majeur pour la
politique de la ville dans le Rhône, car le fait qu'il y ait déjà plus de 20 %
de logements sociaux sur l'ensemble de la communauté urbaine ne garantit pas la
mixité. Or, avec les amendements que vous nous proposez, messieurs les
rapporteurs, la communauté urbaine de Lyon - comme celles de Lille et de
Strasbourg - sortirait du dispositif.
Vous le voyez, cela transformerait complètement l'objectif du texte. Pour moi,
c'est davantage la question de la répartition du logement social, et non pas
seulement celle du nombre des logements sociaux, qui doit être prise en compte
en priorité au niveau intercommunal.
Vous suggérez également de prendre en compte, dans la définition du logement
social, l'accession sociale à la propriété.
Là encore, je crois qu'il y a une méprise sur l'objectif du Gouvernement au
travers de ce texte. Il s'agit, en effet, non pas de réguler l'ensemble du
parcours résidentiel de tous les Français, mais plutôt de s'attacher au segment
du parcours résidentiel qui connaît le plus d'obstacles aujourd'hui, à savoir
le locatif social.
M. Poniatowski l'a dit, nous connaissons une sous-consommation des crédits
PLA. « Pourquoi ? », nous demande-t-il. Je crois que M. Plancade y a répondu.
D'un côté, dans les communes qui comptent aujourd'hui un nombre suffisant de
logements sociaux, les élus souhaitent faire respecter un minimum de mixité
sociale, donc n'en construisent plus, ce qui est légitime. Nombreux sont ceux
qui demandent même des démolitions. Mais, de l'autre côté, dans les communes
qui n'ont jamais construit de logement social, on continue à en refuser,
parfois par idéologie, parfois par démagogie, parfois par crainte des réactions
de l'électorat. Donc, évidemment, on construit moins.
Pour contribuer à répondre à ce problème que nous connaissons sur le logement
locatif social, le projet de loi est donc parfaitement adapté.
Quant à l'accession sociale à la propriété, elle se porte bien. C'est un souci
permanent du Gouvernement - Louis Besson le dit tous les jours - mais ce n'est
pas le sujet de l'article 25. Qui plus est, il faut rappeler que l'accession
sociale à la propriété s'adresse à 85 % des Français. En l'intégrant dans le
logement social, ce n'est plus un seuil de 20 % qu'il vous faudrait fixer comme
minimum dans chacune des communes, mais sans doute 40 % voire 50 %. Tel n'est
plus du tout le sens du texte initial du Gouvernement.
MM. Jarlier et Grignon ont instruit un procès en accusation de
recentralisation. Nous avons pourtant eu la chance hier, au cours de ce débat,
d'entendre le Premier ministre qui avait défendu les lois de décentralisation
de 1982, face, à l'époque, à une opposition « vent debout » contre le projet
qui était présenté. Pierre Mauroy nous a dit très clairement qu'il approuvait
ce texte. Pourquoi ? Parce que la décentralisation, ce n'est pas le
déménagement de la République. Car, quand les égoïsmes communaux vont à
l'encontre d'un grand principe de notre République que nous approuvons tous, si
je ne me trompe, il faut mettre en place une règle qui s'impose à tous.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur Bimbenet, vous m'avez étonné en mettant en
avant la complexité du dispositif. J'avoue que c'est la première fois qu'on me
fait cette remarque-là. Franchement, c'est difficile de faire plus simple comme
objectif de politique publique : 20 % de logements sociaux dans chacune des
communes urbaines et, pour atteindre cet objectif, une épargne en faveur du
logement social de 1 000 francs par logement manquant. Avouez que ce n'est pas
très complexe quand même comme règle de base !
M. Fourcade a rebondi d'ailleurs sur cette épargne de précaution. Il a
souhaité en effet un système de provision dans le budget communal.
Mais, monsieur Fourcade, vous défendez en quelque sorte le système proposé par
le Gouvernement. En effet, les 1 000 francs par logement manquant sont destinés
à être utilisés par la commune. Si une commune joue le jeu et réalise ses
logements sociaux manquants, le prélèvement sera nul. En revanche, si elle
n'utilise pas l'ensemble de la provision, celle-ci tombe dans le budget de la
structure intercommunale, ce qui me paraît légitime compte tenu des
orientations du Gouvernement en faveur de l'intercommunalité. L'épargne longue
en faveur du logement social, la provision à long terme dont vous parliez, doit
selon moi se situer à cette échelle. Une fois cette idée acceptée, votre
proposition rejoint celle du Gouvernement.
Messieurs Fourcade et Badré, vous avez aussi déploré les changements fréquents
de définition du logement social. Mais qui a changé cette définition en 1995 si
ce n'est la droite ? On ne peut pas en même temps critiquer les changements
fréquents de cette définition et, dès que l'on arrive au pouvoir, faire
exactement le contraire. Par ailleurs, je vous confirme bien que les logements
privés conventionnés ANAH sont bien intégrés dans la définition du logement
social dans le projet qui vous est soumis.
MM. Poniatowski et Lassourd ont indiqué que ce texte ne s'adressait pas aux
communes qui ont, sur leur territoire, des quartiers en difficulté.
D'abord, ce n'est pas tout à fait exact. Les mesures en faveur des
copropriétés dégradées ou du logement social s'adressent avant tout à toutes
ces communes. C'est vous, messieurs les sénateurs de l'opposition nationale,
qui ne voyez dans ce texte que l'article 25.
M. Gérard Larcher.
Non, ce n'est pas vrai !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
De plus, je ne vais pas rappeler longuement ce que j'ai
développé hier. La politique de la ville portée par Lionel Jospin repose sur
deux ambitions : d'une part, le rééquilibrage de nos agglomérations - c'est
l'objet de l'article 25 qui, par essence même, vise les communes qui n'ont pas
de logements sociaux - et, d'autre part, la revalorisation de nos quartiers les
plus en difficulté - c'est l'objet de tout le reste de mon action ou
presque.
Les décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier ont
été importantes. Le plan de rénovation urbaine et de solidarité inclut un
programme national de renouvellement urbain, mais aussi la création de 10 000
postes d'adultes relais, la mise en place de 150 équipes emploi-insertion, des
mesures en faveur de la revitalisation économique des quartiers sur lesquelles
j'aurai l'occasion de revenir lors de la discussion des articles, des actions
sur les services publics, la santé et l'éducation. Je me félicite d'ailleurs
que M. Delevoye ait largement appuyé cette nécessité d'une politique globale
que le Gouvernement met en oeuvre.
Ce plan de rénovation urbaine et de solidarité représente un engagement de
l'Etat de 20 milliards de francs pour le prochain plan, et cela vient
évidemment en plus de contrats de ville.
Je tiens à cet égard à saluer l'intervention de M. Lagauche, qui a décrit avec
précision la grande diversité des moyens à la disposition des communes.
Par ailleurs, monsieur Braye, je précise que les mesures les plus importantes
en faveur des communes les plus défavorisées ne sont pas toutes dans ce texte,
comme vous avez eu raison de le dire. En revanche, elles sont toutes dans le
budget !
(M. Braye s'exclame.)
Par ailleurs, monsieur Braye, quand on sait que vous êtes à la tête d'une
agglomération aussi sensible que le Mantois, on s'attend à un peu plus
d'équilibre dans vos propos, surtout au moment où l'on évoque dans cette
assemblée un sujet aussi important pour vos administrés que la solidarité entre
les communes.
M. Dominique Braye.
Ne comptez pas sur moi pour déséquilibrer le Mantois. Je ne serai pas votre
complice.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Vous
avez évoqué par exemple la commune d'Issou. Mais sachez que, dans ce cas
précis, le projet de loi ne prévoit que la construction annuelle de neuf
logements sociaux dans cette commune...
M. Dominique Braye.
Non, 188 !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... alors qu'on y construit annuellement trente-cinq
logements neufs en moyenne depuis dix ans. Je ne vois vraiment pas où est le
problème !
M. Dominique Braye.
Vous êtes dans la techno, restez-y !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
J'ai l'impression que, lorsque vous parlez de SRU, vous
annoncez presque la création d'une association du sectarisme et du
réactionnaire urbains.
(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Les élus de votre sensibilité s'en plaignent eux aussi.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Sur le Mantois, vous engagez, dans le cadre du grand
projet de ville, 700 démolitions de logements sociaux au Val-Fourré. Dans le
même temps, vous refusez de réaliser cinq logements sociaux par an dans votre
commune de Buchelay, où il en manque.
(M. Braye proteste.)
Quel exemple en tant que président de la structure
d'agglomération !
(M. Braye proteste à nouveau.)
C'est une véritable honte.
M. Dominique Braye.
Apportez des emplois et nous ferons plus de logements sociaux.
M. le président.
Ressaisissez-vous, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
Je suis tout à fait calme, monsieur le président.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
M. Braye donne libre cours à sa véritable
personnalité.
M. Dominique Braye.
Absolument ! Quand il s'agit des Français, je me bats jusqu'au bout.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Madame Terrade, vous avez attiré mon attention sur le
risque de voir les personnes dans les situations les moins précaires quitter le
quartier dès qu'elles retrouveraient un emploi. Vous avez raison ; il convient
d'être vigilant. Mais le Gouvernement entend précisément s'attaquer au problème
dans toutes ses dimensions.
D'un côté, il lance un plan de rénovation urbaine et de solidarité pour
redynamiser nos quartiers les plus défavorisés sur quinze ans - M. Pelletier
l'a approuvé - de l'autre, il prévoit le rééquilibrage de nos agglomérations
sur vingt ans. Telle est l'ambition urbaine du Gouvernement.
Monsieur Larcher, le propos de M. Bédier serait juste si l'on ne faisait pas
cet effort de renouvellement urbain en parallèle à ce projet de loi. Mais je ne
peux pas croire que M. Bédier ait pu donner une réelle importance à sa
déclaration.
M. Dominique Braye.
Vous vous trompez !
M. Claude Estier.
Monsieur Braye, arrêtez, cela suffit !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Cela voudrait dire qu'il ne croit pas en son grand
projet de ville, pour lequel il ne cesse de me demander toujours plus de
crédits.
En revanche, il est vrai qu'à Jouars-Ponchartrain, à Neauphle-le-Château, on
préfère construire des golfs de dix-huit trous plutôt que des logements
sociaux. De cela, je n'en doute pas.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas vrai !
M. Gérard Larcher.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Braye.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas vrai, vous parlez de choses
que vous ne connaissez pas. Et Saint-Nom-la-Bretêche !...
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Vous m'avez demandé des précisions sur notre
politique en faveur de l'emploi. Je puis vous dire que je suis particulièrement
attentif à la question de l'emploi dans nos quartiers.
En effet, dans le contexte de croissance que nous connaissons actuellement,
grâce à la politique de ce gouvernement, je sais que l'écart entre nos
quartiers et le reste des agglomérations peut s'accroître en termes de taux de
chômage, ce qui rendrait encore plus insupportable l'exclusion urbaine et
sociale dont sont victimes une partie de nos concitoyens.
M. Dominique Braye.
C'est ce qui se passe effectivement dans le Mantois !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Lors du dernier comité interministériel des villes et
du développement social urbain, j'ai donc souhaité que cent-cinquante équipes
emploi-insertion puissent se mettre en place dès 2000. Celles-ci seront animées
par des directeurs d'agence locale de l'ANPE et mises en place en collaboration
avec les collectivités locales. Ces équipes devront avoir des objectifs de
résultats quantifiés. Elles bénéficieront de crédits de droit commun des
politiques de l'emploi et de l'action sociale et des crédits spécifiques de la
politique de la ville.
Messieurs Pierre Jarlier et Ladislas Poniatowski, vous avez reproché au
Gouvernement de ne pas avoir tenu compte des réalités locales, en termes de
budget communal...
MM. Dominique Braye et Gérard Larcher.
A juste titre !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... et de disponibilité foncière.
Sur le premier point, je crois, messieurs Poniatowski et Badré, que vous
oubliez les charges que doivent supporter aujourd'hui les communes qui ont plus
de 20 % de logements sociaux.
(M. Braye proteste.)
Pour vous, le seul coût qui compte, c'est celui de la réalisation des
logements sociaux. On voit bien que vous ne voulez pas prendre en compte les
charges qui pèsent sur les communes et les élus qui ont à gérer des villes où
il y a un grand nombre de logements sociaux.
M. Dominique Braye.
Et vous voulez en rajouter dans le Mantois !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
En effet, une famille précarisée, c'est 100 000 francs
par an pour un budget communal.
C'est pour cette raison que j'estime qu'il est indispensable que les communes
apportent leur contribution de 1 000 francs par logement manquant, même
lorsqu'une structure intercommunale existe.
(M. Braye s'exclame.)
Outre le fait que la commune garde des compétences
nécessaires à la réalisation de ces logements sociaux, il me paraît légitime
qu'elle participe à la construction de ceux qui lui manquent.
Sur la question des disponibilités foncières, j'aimerais entendre davantage
les représentants des communes qui connaissent réellement des problèmes.
Souvent, en effet, je constate que les élus locaux qui crient le plus sont ceux
qui réalisent chaque année de nombreuses opérations de logements de haut
standing dans leur ville. Et, pour ces opérations-là, il n'y a pas de problème
de disponibilité foncière !
M. Denis Badré.
Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je vais y venir, monsieur Badré.
Je constate également que les arguments sont quelquefois fallacieux.
Monsieur Badré, vous me dites : « J'ai une forêt, je ne peux pas construire. »
Mais sachez que 20 % de logements sociaux, c'est un pourcentage, et, que je
sache, il n'y a pas non plus de résidence principale dans votre forêt. Le
problème n'est donc pas la forêt, mais le déséquilibre en termes de mixité dans
la partie urbanisée.
Ensuite, je tiens à vous rappeler qu'il existe aussi la possibilité de faire
des acquisitions-améliorations dans le parc ancien. C'est même très largement
souhaitable.
M. Denis Badré.
C'est ce qui me permet d'avoir 40 % de logements sociaux depuis dix ans !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Moi, je ne souhaite pas, comme M. Fourcade, que l'on
fasse du logement social là où il reste des terrains. Il faut aussi faire du
logement social dans le parc ancien, dans les secteurs sauvegardés. Ce sont
généralement les meilleures opportunités d'accueil pour nos populations les
plus modestes.
Mme Hélène Luc.
Absolument ! On peut même faire de beaux logements sociaux !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
A ce propos, M. Joly m'a interpellé sur la campagne de
dénigrement dont auraient été victimes certaines communes de droite de la
Seine-Saint-Denis.
M. Dominique Braye.
C'est n'importe quoi ! C'est de la provocation !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur Joly, je veux rappeler que ce sont les maires
de ces communes, qui, avant même la sortie du texte, ont commencé à lancer des
pétitions, à organiser des réunions pour abuser leur population sur la portée
du projet de loi, voire pour dire qu'ils n'appliqueraient pas la loi.
M. Dominique Braye.
Moi, j'en ai organisé plusieurs !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Que n'ai-je pas entendu ? « Le Gouvernement veut
construire des barres et des tours. Il faudra atteindre l'objectif de 20 % de
logements sociaux en trois ans ». Certains ont même poussé des cris d'orfraie :
« Le Gouvernement souhaite que l'on héberge et accueille les familles immigrées
de la commune d'à côté. »
Mme Hélène Luc.
C'est en 1960 qu'on a construit des barres !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Tout cela, je crois, est vite retombé, car, comme je le
disais hier, la mauvaise foi finit toujours par perdre dans un débat ouvert.
M. Dominique Braye.
C'est pour cela que vous perdrez.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Par ailleurs, monsieur Joly, que pensez-vous de la
campagne de dénigrement dont sont victimes au quotidien les habitants de
Clichy-sous-Bois et de Montfermeil par une partie de ces maires de droite de la
Seine-Saint-Denis ? M. Mauroy l'a dit hier, il est inacceptable d'insulter les
populations de nos quartiers populaires. Pourtant, c'est une réalité
quotidienne dans cette circonscription de la Seine-Saint-Denis.
M. Dominique Braye.
C'est vous qui les insultez en les obligeant à continuer à vivre là-dedans.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais terminer
sur une note d'optimisme : je suis persuadé, quels que soient les propos de M.
Braye, qui détonnent dans le climat serein que connaît traditionnellement le
Sénat,...
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... que ce texte portant sur la solidarité et le
renouvellement urbains, avec le temps, vous l'accepterez, comme vous acceptez
aujourd'hui le principe de la LOV...
M. Dominique Braye.
Vous avez dit qu'elle était inappliquée ! C'est vous qui l'avez dit !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... comme vous vous félicitez aujourd'hui de la grande
loi de décentralisation voulue en 1981.
Alors, oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis sûr qu'après ce débat
nous retrouverons, avec une grande partie des sénateurs qui ont une certaine
responsabilité, l'envie de construire pour le xxie siècle des villes du « tous
ensemble ».
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Amen !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)