Séance du 3 mai 2000
M. le président. Par amendement n° 39 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, au début du deuxième alinéa ( a ) du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, après les mots : « à interdire », d'insérer les mots : « sous réserve d'une motivation permettant d'identifier les objectifs des dispositions concernées par le plan local d'urbanisme ».
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. L'article L. 123-2 du code de l'urbanisme traite des servitudes qui peuvent être instituées par les POS dans les zones urbaines.
La première de ces servitudes consiste à interdire, dans un périmètre qu'ils délimitent et pour une durée au plus de cinq ans, dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, des constructions ou installations d'une superficie d'une certaine taille.
Cela signifie tout simplement que le POS peut prévoir de geler des biens immobiliers pendant cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, c'est-à-dire sans obligation de motivation. Cela s'apparente à une atteinte au droit de propriété.
Il est normal que des communes puissent constituer des réserves, mais il faut savoir que cette disposition est contraire à l'évolution engagée par le droit européen, ainsi qu'on a pu le constater récemment dans des décisions du Conseil d'Etat.
Je ne cherche pas à supprimer cette disposition mais, pour l'atténuer, je demande que les communes motivent les objectifs des dispositions concernées par le plan d'ocupation des sols.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je souhaite cependant indiquer aux auteurs de l'amendement que la disposition visée dans l'article a l'avantage d'éviter aux communes le recours à la procédure des ZAD, qui, vous le savez, peut s'étaler sur quinze ans et qui, de ce fait, est beaucoup plus contraignante pour la propriété privée. Permettre que, dans un zonage spécifique, une collectivité puisse geler la situation pendant cinq ans fait, bien souvent, gagner dix ans au propriétaire concerné.
Par ailleurs, si habituellement, les règlements ne comportent pas de motivation, certes, à l'occasion de l'adoption de cette servitude, une explication sera forcément donnée et elle vaudra motivation.
M. Ladislas Poniatowski. Je ne remets pas en cause la disposition. J'estime simplement qu'il n'est pas mauvais de motiver la décision.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 40 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de supprimer le troisième alinéa (b) du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme,
La parole est à M. Poniatovski.
M. Ladislas Poniatowski. La seconde servitude n'est pas innocente.
Il est précisé que le POS peut instituer, parmi les servitudes, le gel d'emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit. On voit là poindre l'esprit de l'article 25, qui sera examiné ultérieurement.
Je suis bien sûr totalement hostile à cette rédaction. C'est la raison pour laquelle je propose de supprimer les deux lignes concernées.
Nous voici dans le cadre de la démarche autoritaire du Gouvernement, qui cherche à réserver des terrains pour mettre en oeuvre son fameux plan de 20 % de logements sociaux obligatoires.
De toute façon, cet alinéa est inutile. Si elle a un véritable projet, une commune peut très bien exercer un droit de préemption.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai demandé la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. La possibilité, pour la commune, d'instituer des servitudes en réservant des emplacements destinés à accueillir des logements ne nous paraît pas, en soi, répréhensible : la commune agit, en la matière, comme elle l'entend.
Sur cet amendement, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Comment M. Poniatowski peut-il voir dans une faculté donnée aux communes une manifestation de l'autoritarisme du Gouvernement ? Car il s'agit bien d'une faculté.
Les emplacements réservés sont prévus pour la réalisation de programmes d'intérêt général. Or, je le rappelle, figurent dans la loi, et depuis très longtemps, au titre des opérations qui peuvent faire l'objet de programmes d'intérêt général, les installations servant à la sécurité des populations, la réalisation de nouvelles infrastructures et celle de programmes de logements sociaux.
Le texte ajoute une faculté qui paraît utile au Gouvernement. Celui-ci ne peut donc qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis maire et je constitue des réserves pour tous mes programmes, y compris mes programmes de logements.
Cet alinéa n'est pas innocent. S'il s'agissait simplement de « réserver des emplacements en vue de la réalisation de programmes de logement », je n'y trouverais rien à redire. Au demeurant, il ne serait guère utile puisque les communes, en vertu des textes actuels, peuvent constituer des réserves pour construire des logements.
Mais il y a ces huit mots : « dans le respect des objectifs de mixité sociale », qui font directement allusion à ces futurs logements sociaux dont la présence sera obligatoire dans les communes. C'est pourquoi je dis que cette phrase n'est pas innocente.
Cela étant, j'aurais pu proposer de supprimer non pas le b, mais les mots « dans le respect des objectifs de mixité sociale ». Ainsi, tout aurait été parfaitement clair.
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur Poniatowski, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, comme je le fais d'ailleurs depuis plusieurs jours, mais je ne vois pas ce qui peut vous gêner dans cette rédaction. C'est une possibilité supplémentaire qui est donnée aux communes. Je crains fort que ce ne soit vous qui fassiez de la politique, plutôt que M. le secrétaire d'Etat.
Les membres du groupe socialiste voteront, bien entendu, contre l'amendement n° 40 rectifié.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je veux dire à M. Poniatowski toute ma surprise à l'écoute de ses propos.
Dieu sait si, à l'Assemblée nationale, le débat a pu être difficile à certains moments, mais tous les intervenants hostiles à certaines dispositions du projet de loi ont toujours pris la précaution d'indiquer qu'ils faisaient leur l'objectif de mixité sociale ; ce qu'ils contestaient, c'étaient les modalités de mise en oeuvre du principe.
Or vous, monsieur Poniatowski, c'est la formulation même de cet objectif que vous souhaitez supprimer. Autrement dit, d'une certaine façon, vous êtes en retrait sur ce qui, me semble-t-il, fait consensus depuis longtemps, y compris dans vos rangs, où l'ont a fait état, lors de la discussion générale, d'une approbation - a posteriori, certes mais une approbation très forte - de la loi d'orientation sur la ville sur ce point.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Poniatowski, vous avez déjà expliqué votre vote.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, j'estime avoir été mis en cause dans mon comportement, notamment en tant qu'élu.
M. le président. Si vous considérez que vous avez été mis en cause, j'accepte de vous donner la parole. (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski. Merci, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, venez dans ma commune : vous constaterez que je veille à ce qu'il y ait chez moi des logements de tout type. Je suis même un maire qui construit bien plus que ne le prévoit la règle que vous voulez imposer. Ce n'est pas votre règle qui détermine la politique de ma commune : ce sont ses élus qui, se souciant de son devenir, s'attachent à construire des logements en nombre suffisant. Et cela nous permet d'être bien au-delà du pourcentage que vous voulez rendre obligatoire.
La législation actuelle comporte des mécanismes qui permettent de constituer des réserves ; le droit de préemption, par exemple. Cette petite phrase n'était donc pas nécessaire ! Préciser dans ce texte que les communes peuvent « réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements », c'est tout de même très orienté, que vous le vouliez ou non.
De la même manière que je suis un élu très favorable à la construction de logements sociaux, je suis très défavorable à certains aspects autoritaires que nous retrouverons à plusieurs reprises dans votre texte.
M. Jean-Pierre Plancade. C'est une confusion !
M. Charles Revet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Cosignataire de l'amendement, je ne voudrais pas qu'il y ait erreur d'interprétation à son sujet.
Nous sommes pour la mixité et, en tant que maire, en tant que président de l'Office public d'aménagement et de construction de la Seine-Maritime - vous êtes d'ailleurs venu chez nous, monsieur le secrétaire d'Etat - je puis vous assurer que nous la mettons en oeuvre. Mais nous ne sommes pas favorables à la forme que vous préconisez. En effet, c'est un autre type de mixité que nous souhaitons faire entrer dans les faits, une mixité qui ne soit pas autoritaire, qui permette de répondre véritablement aux aspirations de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle je ne peux laisser entendre que nous serions défavorables à la mixité, car nous sommes convaincus qu'elle est indispensable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 41 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme par un alinéa ainsi rédigé :
« La servitude résultant de l'inscription au plan local d'urbanisme d'emplacements réservés au bénéfice d'une commune ou d'un établissement public intercommunal, en application du 7° de l'article L. 123-1, a une durée maximale de dix ans. Au terme de ce délai, le propriétaire ou ses ayants droit retrouve le plein usage de ladite parcelle si la réalisation du projet ayant motivé l'inscription de l'emplacement réservé au plan local d'urbanisme n'a pas été engagée. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. L'affectation d'un terrain bâti ou non bâti dans le POS à la réserve publique est une exception faite à l'exercice du droit de propriété, et cette exception peut tout à fait se justifier.
Cependant, aujourd'hui, l'affectation à la réserve est faite sans limitation de durée et il se peut que le ou les projets envisagés sur le bien réservé ne soient pas réalisés. Pourtant, la réserve demeure.
Nous proposons donc tout simplement d'instituer un délai de validité d'une réserve foncière de dix ans.
Il arrive que tel projet qui a donné lieu à une réserve soit abandonné pour des raisons au demeurant parfaitement légitimes. Souvent, c'est simplement parce que l'équipe municipale a changé et que la nouvelle équipe ne reprend pas les projets de l'ancienne à son compte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, monsieur Poniatowski, dans la mesure où, par cette disposition, c'est à la commune que vous donnez un délai impératif pour réaliser les projets qui ont pu être envisagés. D'une certaine manière vous limitez à dix ans sa marge de prospective puisque, au-delà, elle ne disposerait plus de l'emplacement réservé.
Or le droit de faire lever la réserve d'un emplacement est donné au propriétaire concerné à tout moment, et la commune a deux ans pour s'acquitter du coût de la propriété en cause.
Les propriétaires ne sont donc pas, eux, enfermés dans un délai de dix ans. Et s'ils demandent l'acquisition, la commune n'a que deux ans pour s'exécuter. En outre, dans ce cas, les services domaniaux majorent de 25 % - par le biais d'une indemnité de réemploi - la valeur du terrain en cause pour compenser le fait que le propriétaire a vu sa libre disposition du bien quelque peu contrariée,
La rédaction de votre amendement donne à entendre que tout est gelé pendant dix ans. Or ce n'est pas vrai ! La situation peut être figée pendant dix ans si la commune n'a pas réalisé son projet durant ce délai mais les choses peuvent aller beaucoup plus vite si le propriétaire veut faire acquérir le terrain concerné.
Il me semble donc préférable de s'en tenir aux dispositions existantes, qui ont le mérite de protéger la propriété privée tout en préservant la liberté de programmation des collectivités locales.
M. le président. Monsieur Poniatowski, maintenez-vous l'amendement n° 41 rectifié ?
M. Ladislas Poniatowski. En vérité, mon objectif était d'instituer une certaine souplesse.
On sait bien que la réalisation de certains projets exige du temps, qu'il s'agisse du montage technique ou du montage financier. Dès lors, il est normal qu'une réserve soit constituée et qu'elle puisse perdurer.
Ce qui me préoccupe, c'est le cas dans lequel une commune abandonne un projet, par exemple parce que l'équipe municipale a changé : cela arrive assez souvent.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, j'avoue que vos arguments emportent ma conviction. Vous remerciant donc de vos explications, je retire mon amendement.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 123-3 DU CODE DE L'URBANISME