Séance du 11 mai 2000







M. le président. La parole est à M. Foy.
M. Alfred Foy. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Les récents démêlés ayant opposé, voilà quelque temps, une grande compagnie d'assurance à des familles de personnes handicapées, au-delà de la vive émotion qu'ils ont suscitée, ont permis de mettre en lumière, parmi d'autres problèmes, l'urgence d'une réforme des règles de la récupération de l'aide sociale.
Comme vous le savez, le caractère subsidiaire des prestations d'aide sociale confère à la collectivité territoriale qui les verse, en l'occurrence le département, un droit à récupération sur le patrimoine du bénéficiaire.
Ainsi, à la différence d'autres prestations, notamment les aides au logement ou le RMI, les prestations d'aide sociale versées aux handicapés - l'allocation compensatrice ou la prise en charge des frais d'hébergement - peuvent être réclamées dans leur intégralité, en vertu de l'article 146 du code de la famille et de l'action sociale, si la personne bénéficiaire, indépendamment de son état de santé, « revient à meilleure fortune », selon la formule consacrée.
Par conséquent, il est impossible à une personne handicapée d'hériter de ses parents sans que l'héritage, même modeste, ne risque d'être repris, ou de bénéficier d'une donation, ou de transmettre librement son patrimoine de son vivant à son conjoint, à ses enfants, voire à la personne qui l'aide à surmonter son handicap.
Qui plus est, comme ces prestations sont versées dès que le bénéficiaire atteint l'âge de vingt ans, et plus tôt encore s'il se marie ou exerce une profession rémunérée, c'est sur une très longue période que peut s'exercer la récupération.
Pour mettre fin à cette injustice à l'égard des personnes handicapées, il convient donc d'entreprendre la modernisation et l'humanisation des règles de récupération d'aide sociale.
Depuis plusieurs années, force est de reconnaître que des avancées significatives ont été réalisées en faveur des personnes handicapées.
Récemment encore, un dispositif d'un montant de 1,52 milliard de francs échelonné sur trois ans a été mis en place pour faciliter leur insertion dans la vie de tous les jours. Mais, j'insiste, il faut à présent « dépoussiérer » notre réglementation de ses « scories », qui sont des facteurs d'exclusion à l'égard des personnes handicapées.
C'est une exigence forte, d'actualité, à laquelle les pouvoirs publics doivent répondre. Aussi ma question est-elle la suivante : est-ce que le Gouvernement a l'intention de présenter devant le Parlement, en particulier lors de la discussion de la loi de modernisation, un texte qui irait dans ce sens, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, développer plus de solidarité à l'égard des personnes handicapées et de leurs familles est effectivement une priorité du Gouvernement, priorité qui a été affirmée clairement par le Premier ministre, le 25 janvier dernier, lors de la réunion du Conseil national consultatif des personnes handicapées. A cette occasion, le Premier ministre a annoncé que le plan triennal serait renforcé et que 2,5 milliards de francs de crédits supplémentaires seraient accordés pour répondre aux besoins et aux aspirations légitimes des personnes handicapées, leur garantissant respect et considération de leurs potentialités.
Dans cet esprit, la récupération sur succession, qui est liée au caractère subsidiaire de l'aide sociale versée par les collectivités locales, comme vous l'avez précisé, est un problème auquel je suis particulièrement attentive. Aussi ai-je demandé à mes services de mener une expertise technique sur ce sujet, qui sera examiné très prochainement.
Comme vous le savez, en ce qui concerne le bénéficiaire de l'aide sociale « revenu à meilleure fortune », il appartient actuellement aux commissions et aux juridictions d'aide sociale d'apprécier si la perception d'un héritage doit être considérée ou non comme un retour à meilleure fortune. Il est bien entendu tenu compte de la situation et des obligations familiales de l'intéressé.
En règle générale, la commission centrale d'aide sociale retient comme critère l'accroissement significatif du patrimoine du bénéficiaire par l'apport fortuit de biens importants et nouveaux. Le seul retour à une faculté d'épargne ne saurait en lui-même être considéré comme un retour à une meilleure fortune. Néanmoins, lorsque l'accroissement du patrimoine du bénéficiaire de l'aide sociale est important, les dispositions de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale permettent d'affecter une juste partie de ces gains à un allégement partiel de la dépense que la collectivité publique assume, en l'occurrence, au nom de la solidarité.
Dépoussiérer les textes en vigueur, s'interroger sur leur adaptation au monde actuel ? Sûrement, monsieur le sénateur ! Cependant, ne perdons pas de vue la justice sociale. La collectivité doit avant tout aider ceux qui ont besoin de surmonter leurs difficultés, mais elle doit pouvoir prendre en compte la situation des revenus ou du patrimoine de ceux qui font appel à elle. Le projet de révision de la loi de 1975 qui sera déposé au Parlement dès cette année, comme le Premier ministre l'a annoncé, le 25 janvier dernier, sera l'occasion d'aborder, en autres, ce point.
Nous serons au rendez-vous. J'y travaille activement. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Foy et Durand-Chastel applaudissent également.)

CRISE DU CINÉMA FRANÇAIS