Séance du 16 mai 2000
M. le président. La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 783, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, ma question est très simple. Depuis plus d'un an, le département d'Eure-et-Loir, dont je suis l'élu, voit se multiplier de grands rassemblements de « raveurs », et je voudrais attirer votre attention sur leurs conséquences.
Des milliers de jeunes se réunissent, investissent des lieux privés sans autorisation pour écouter de la musique techno. Loin de moi l'idée de leur interdire d'écouter ce type de musique, bien sûr, mais, ce qui est plus grave, c'est qu'ils perpètrent, au cours de ces manifestations, des actes de dégradation irréparables.
Le département d'Eure-et-Loir a connu, depuis le début de l'année, quatre manifestations de ce type.
Je veux aujourd'hui attirer plus précisément votre attention sur les faits qui se sont déroulés dans la nuit du 25 au 26 mars dernier : deux mille raveurs ont investi les bâtiments du Séminaire des Barbelés du Coudray, près de Chartres, et ont dévasté le musée dédié à la mémoire de l'abbé Frantz Stock, que l'un des bâtiments abrite. Ce musée avait d'ailleurs été inauguré par le chancelier Kohl en personne, il y a maintenant deux ans. Des documents historiques inestimables ont été volés ou saccagés. Les forces de l'ordre ne sont pas intervenues et n'ont pu que constater les dégâts le lendemain matin.
Au-delà de ce fait divers local, se pose la question du maintien de l'ordre en général. Aussi ma question est très simple, monsieur le ministre : ne serait-il pas temps de prendre des mesures pour prévenir ce type d'infraction et empêcher que ces rassemblements clandestins, dont on constate la recrudescence, ne portent atteinte à la sécurité des personnes et des biens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, au cours de ces dernières années, les « rave-parties » sont devenues un véritable phénomène de société. Ces rassemblements réunissent des jeunes en plus ou moins grand nombre qui, souvent, en quête de sensations fortes, font, pour certains, usage de drogues excitantes, notamment l'ecstasy.
De par leur nature, rassemblements « spontanés » avec un niveau sonore, il faut le dire, très élevé, ces manifestations sont susceptibles de générer des troubles pour les populations voisines. Il arrive même parfois, comme vous l'avez relevé, qu'elles soient l'occasion de commettre diverses infractions au nombre desquelles des atteintes au droit de propriété. Ces excès sont plus particulièrement observés à l'occasion de soirées clandestines qui se déroulent sans aucun encadrement.
C'est pour remédier à cette situation qu'une circulaire a été adressée aux préfets le 29 décembre 1998, sous la signature des ministres de la culture et de la communication, de la défense et de l'intérieur. Elle avait pour objet d'intégrer les manifestations de ce nouveau courant musical dans le droit commun. Les organisateurs de ces événements y sont invités à formuler des demandes identiques à celles qui sont requises pour l'expression d'autres courants musicaux.
Il importe, en effet, de concilier le développement de cette nouvelle forme d'expression avec les impératifs de tranquillité et de sécurité publique.
Cette instruction a reçu un accueil positif parmi la plupart des organisateurs. Le plus grand nombre de ces rassemblements - je ne dis pas tous, malheureusement - se déroule désormais en conformité avec les dispositions légales et les règles de sécurité.
Nous constatons en effet des débordements. Certaines franges du milieu de la musique « techno » se reconnaissent plus volontiers dans la transgression ; elles persistent à organiser des soirées « sauvages », inopinées et, de fait, clandestines, comme celle que vous venez de citer. D'où des débordements, des saccages qui posent aux autorités administratives et aux services de police et de gendarmerie chargés de la sécurité des personnes et des biens des problèmes difficiles à résoudre.
En effet, dans de tels cas, les services entrent, dans un premier temps, en contact avec les responsables pour faire cesser, s'ils le peuvent, les éventuels troubles à l'ordre public et pour améliorer les conditions de sécurité des participants. Si le trouble persiste pour la population avoisinante et si la sécurité des jeunes se trouve gravement en danger, les services doivent faire cesser les infractions - quand il y en a, évidemment ; mais il y en a toujours quand le rassemblement est clandestin - et en interpeller les auteurs.
Bien entendu, des services spécialisés interviennent aussi. Je pense au dispositif d'information, qui permet d'agir à l'échelon de la prévention ; je pense également au dispositif de synthèse mis en place par les services spécialisés de police et de gendarmerie, auquel sont associées d'autres administrations, qui travaillent dans le domaine de la santé et de la jeunesse.
Et puis, il y a l'action répressive. Je noterai que, en 1999, les saisies d'ecstasy ont augmenté de 63 %, avec 2 millions de cachets saisis.
Par ailleurs, un rôle central est accordé, je l'ai déjà dit, à tout ce qui peut permettre de limiter les dérives.
S'agissant de la soirée que vous avez évoquée, monsieur le sénateur, elle a, dans la nuit du 25 au 26 mars dernier, réuni environ 2 000 jeunes dans un hangar militaire désaffecté, transformé par une association locale en musée à la mémoire des résistants déportés au Séminaire des Barbelés du Coudray. Comme vous l'avez rappelé, des déprédations y ont été commises, notamment sur des uniformes et des manuscrits, ainsi que leurs supports. C'est particulièrement grave, étant donné qu'il s'agit d'un lieu de mémoire.
Les services de gendarmerie locaux se sont transportés sur les lieux et, après l'échec des négociations menées par le commandant de la compagnie d'arrondissement, les locaux ont été évacués le 26 mars en fin de matinée ; quatre organisateurs ont été interpellés et la procédure diligentée à leur endroit a été transmise à l'autorité judiciaire, saisie par plainte de l'association.
Il incombe désormais à la justice de sanctionner ces infractions comme elles le méritent. Je pense que cette sanction aura une vertu exemplaire par rapport à ces débordements que je considère encore comme marginaux, mais qui n'en existent pas moins dans plusieurs départements et qu'il faut réprimer comme il convient.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, c'est avec un grand plaisir que j'ai entendu votre réponse, qui traduit votre fermeté face à ces opérations clandestines qu'il convient de réprimer le plus sévèrement possible, de façon à montrer l'exemple pour y mettre un terme au plus vite.
M. le président. A la satisfaction de M. Cornu, j'ajoute le fait que le Sénat est très sensible à ce que le ministre de l'intérieur, chaque fois qu'il le peut, vient en personne répondre devant la Haute Assemblée aux questions qui lui sont posées.
INSÉCURITÉ DES BIENS ET DES PERSONNES
À PÉRIGUEUX