Séance du 16 mai 2000
M. le président. Par amendement n° 980, Mme Terrade, M. Lefebvre, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le texte présenté par l'article 61 pour l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation, deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. ... - Les logements locatifs sociaux appartenant aux sociétés d'économie mixte construits, acquis ou améliorés avec une aide de l'Etat, faisant l'objet d'une convention définie à l'article L. 351-2, demeurent soumis après l'expiration de convention, même lorsqu'ils font l'objet d'un transfert de propriété, à des règles d'attribution sous condition de ressources et des minima et maxima de loyer fixés par l'autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Les dispositions de l'article 115 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions sont applicables aux locataires de ces logements. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas lorsque les logements ont été construits dans le cadre d'un bail à construction ou d'un bail emphytéotique après l'expiration de ce bail lorsque celui-ci prévoit que le propriétaire d'un terrain devient propriétaire des constructions.
« Art. L. ... - Les dispositions de l'article précédent s'appliquent aux logements appartenant aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations, construits, acquis ou améliorés avec une aide de l'Etat. Elles concernent également les logements situés dans des communes en zone urbaine sensible ou ayant fait l'objet d'un contrat de ville, d'un grand projet urbain ou d'un grand projet de ville. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements présentés par le Gouvernement.
Le sous-amendement n° 1093 vise à rédiger ainsi la première phrase du premier article proposé par l'amendement n° 980 pour être inséré après l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation : « Les logements locatifs sociaux appartenant aux sociétés d'économie mixte construits, acquis et améliorés avec une aide de l'Etat à compter du 5 janvier 1977 et faisant l'objet d'une convention définie à l'article L. 351-2 demeurent soumis après l'expiration de la convention, même lorsqu'ils font l'objet d'un transfert de propriété, à des règles d'attribution sous condition de ressources et des maxima de loyer fixés par l'autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Le sous-amendement n° 1094 tend à rédiger ainsi le second article proposé par l'amendement n° 980 pour être inséré après l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation :
« Art. L. ... - Les dispositions de l'article précédent s'appliquent aux logements appartenant aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations, construits ou acquis et améliorés avec une aide de l'Etat, faisant l'objet d'une convention définie à l'article L. 351-2 et assimilables au logement social, dont la liste est fixée par arrêté en tenant compte en particulier de l'occupation sociale des immeubles appréciée notamment par la proportion significative de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement qu'ils accueillent. »
La parole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° 980.
Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour objet de pérenniser le statut social des logements des différents acteurs de la politique du logement social, qui dépassent les seuls organismes d'HLM.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes sensible à cette question quelque peu délicate. En effet, elle soulève de nombreux problèmes de nature juridique et de définition.
Toutefois, le statu quo n'est pas satisfaisant, car nous assistons, d'ores et déjà, dans plusieurs communes, notamment du Val-de-Marne, au « déconventionnement » du patrimoine de filiales de la société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations ou des SEM. Cela se traduit, lors du renouvellement des baux, par une hausse des loyers, qui se rapprochent de ceux du marché libre, ce qui ne manque pas d'entraîner de graves difficultés pour les locataires : outre l'augmentation du loyer, la perte des droits à l'APL, par exemple.
S'agissant des SEM, notre amendement prévoit que les logements leur appartenant, acquis ou améliorés avec une aide de l'Etat et donc faisant l'objet d'une convention, sont soumis aux règles du logement social : attribution sous condition de ressources, loyers maîtrisés, application des dispositions de la loi relative à la lutte contre les exclusions, et ce même après l'expiration de la convention.
Cette mesure nous semble relever de la justice sociale et participer du nécessaire contrôle du versement des fonds publics et de leur efficacité sociale.
S'agissant de la société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, la SCIC, nous sommes confrontés à deux principaux cas de figure.
Le premier - j'aillais dire le plus simple - s'apparente à la situation des SEM. Il concerne des logements ayant fait l'objet d'un conventionnement lors de l'acquisition ou par le biais des PALULOS.
Il s'agit là d'éviter que, au terme de la convention, ces logements échappent au parc social.
En effet, ils ont disposé de fonds publics accordés sous condition de contreparties sociales et de l'apport du 1 %, qui est, je le rappelle, la participation des entreprises à la construction sociale pour les salariés. Certains ont également bénéficié de financements PALULOS, dans le cadre d'une réhabilitation.
Il semble donc juste de maintenir ces logements dans le « giron » public.
Le second cas de figure est plus complexe. En effet, la SCIC possède un certain nombre de logements correspondant aux caractéristiques du logement social, mais ne faisant l'objet d'aucune convention, car acquis sur les fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, banque d'Etat, et donc sur fonds publics.
Permettez-moi, à ce propos, de dire quelques mots concernant la Caisse des dépôts et consignations. En théorie, le logement social a une banque d'Etat à son service, et c'est précisément la Caisse des dépôts et consignations, qui dispose d'un circuit de financement privilégié alimenté par la collecte du livret A.
Mais force est de constater que la réalité est tout autre. Il n'y a aucun effet de vases communiquants entre la collecte du livret A et les prêts aux organismes d'HLM. Pour s'en convaincre, il faut examiner les comptes de la Caisse des dépôts et consignations. L'année 1997 a vu les dépôts sur le livret A augmenter de 22 milliards de francs pour atteindre un total de 697 milliards de francs. Pourtant, cette même année, les prêts au logement ont reculé de 1,5 milliard de francs, passant à 28 milliards de francs. Ce montant est d'ailleurs inférieur aux seuls remboursements versés par les organismes d'HLM, qui atteignaient cette année-là 31,5 milliards de francs. Par contre, les fonds placés par la Caisse des dépôts et consignations en valeurs mobilières se montaient, toujours en 1997, à 243 milliards de francs, en augmentation de 43 milliards de francs !
Tant que ce circuit de financement sera placé, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, sous la tutelle du ministère des finances, on ne voit pas comment il pourra jouer un rôle nouveau à la hauteur des besoins de financement dans le secteur du logement social. La réforme de ce circuit, dans le sens d'une maîtrise démocratique, fait sans doute partie des problèmes de politique du logement à traiter d'urgence.
La pérennisation du statut de logements sociaux en ce qui concerne les logements de la SCIC et de ses filiales nous paraît, par ailleurs, logique en ce que ces logements entrent dans la définition des logements sociaux retenue pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Ils sont également compris dans le calcul des 20 % de logements sociaux prévu par l'article 25 du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter les sous-amendements n°s 1093 et 1094.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est sensible à la question soulevée, dont il connaît le caractère effectivement « délicat », pour reprendre l'adjectif utilisé par les auteurs de l'amendement n° 980. Or le Gouvernement est soucieux de parvenir à une rédaction juridiquement plus correcte. Il propose donc, par le sous-amendement n° 1093, pour les logements des sociétés d'économie mixte, des précisions rédactionnelles de sorte que l'on en reste à la notion de « loyer maximum », qui est suffisante, la notion de « minimum de loyer », qui existe en droit HLM, n'étant pas applicable aux SEM.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite préciser le champ de l'amendement, qui est limité aux logements PLA.
Il s'agit donc et des SEM et des logements PLA.
Au sous-amendement n° 1094, nous visons le parc de la SCIC, dont nous sommes favorables à la pérennisation du patrimoine, assimilable au logement social. Cela implique que tout cela se fasse avec les garanties juridiques nécessaires. Le Gouvernement propose à cette fin de retenir les logements répondant à trois critères : des logements ayant obtenu une aide initiale de l'Etat, ayant une convention en cours et présentant une occupation sociale.
Puisqu'il s'agit de remplir trois critères, le Gouvernement propose que ce soit un arrêté qui fixe la liste des logements correspondants.
J'indique par avance que, sous réserve de l'adoption des deux sous-amendements, le Gouvernement sera favorable à l'amendement n° 980.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 980 ainsi que sur les sous-amendements n°s 1093 et 1094 ?
M. Louis Althapé, rapporteur. L'amendement n° 980 tend à soumettre à des règles d'attribution et d'encadrement des loyers pour des logements non-HLM appartenant notamment aux filiales de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations.
Cet amendement soulève plusieurs difficultés d'ordre constitutionnel. Il méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques en faisant peser des sujétions discriminatoires, non seulement sur la SCIC, mais aussi sur la totalité des actionnaires - minoritaires, le plus souvent, mais parfois aussi majoritaires - des filiales de la SCIC, lesquels actionnaires sont des personnes totalement privées qui verraient ainsi leur patrimoine amputé d'une part substantielle de sa valeur.
On peut même considérer que cette disposition est attentatoire à la liberté et au droit de propriété, car elle proroge les conventions en cours au-delà de leur date d'expiration, ce qui, d'une part, équivaut à une modification unilatérale de ces contrats sur un élément fondamental, attentant ainsi à la liberté contractuelle, et, d'autre part, méconnaît le droit de propriété. Il s'agit en quelque sort d'une « nationalisation » déguisée, sans indemnisation du propriétaire.
Mme Odette Terrade. Le mot est un peu fort !
M. Louis Althapé, rapporteur. Je l'ai mis entre guillemets !
Pour toutes ces raisons, l'avis de la commission est défavorable.
Quant aux sous-amendements n°s 1093 et 1094, ils ne font qu'apporter une précision rédactionnelle sans modifier le fond du sujet. J'ajoute que ces sous-amendements tendent à empêcher toute évolution ou ouverture du statut du logement social vers le logement intermédiaire, alors même que, dans certains quartiers, cela permet d'introduire une réelle mixité sociale.
Enfin, ils ne tiennent pas compte du travail de clarification en cours à la SCIC pour faire la distinction entre patrimoine intermédiaire et patrimoine social.
La solution de l'arrêté pour fixer une liste n'est pas non plus satisfaisante.
Pour toutes ces raisons, la commission est donc défavorable à ces deux sous-amendements.
M. le président. Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur l'amendement n° 980.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 1093.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Si j'ai bien compris, le sous-amendement n° 1093, en fait, réécrit totalement le premier article proposé par l'amendement n° 980. Il applique tout simplement aux SEM la règle du loyer minimal.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Aux seuls PLA des SEM, dont le patrimoine ne comporte pas que des PLA !
M. Ladislas Poniatowski. Nous sommes bien d'accord. J'avoue que cela ne me choque pas. Je serais d'ailleurs très tenté de couper la poire en deux : autant j'ai les mêmes réticences que M. le rapporteur à l'égard du second alinéa de l'amendement, qui concerne la SCIC et les différentes filiales et organismes qui en dépendent, autant le premier alinéa me semble assez logique. Que faire, dans ces conditions ? L'adoption du seul sous-amendement n° 1093 introduirait tout de même une certaine logique dans les situations respectives des SEM et des autres organismes de logement social.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 1093, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 1094, repoussé par la commission.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 980.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. A la suite des votes que nous venons d'émettre, je suis, bien sûr, contre cet amendement, parce que l'adopter serait accepter le premier article, qui est bon et qui correspond au sous-amendement n° 1093, mais aussi le second, qui est lui, très mauvais.
Je suis donc totalement contre cet amendement, à moins qu'il ne soit modifié et que son second alinéa soit supprimé mais, monsieur le rapporteur, vous pouvez seul formuler une demande de vote par division.
M. Louis Althapé, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur. Monsieur le président, je demande un vote par division de l'amendement n° 980, afin que le Sénat se prononce sur chacun des deux alinéas séparément.
M. le président. Il va donc être procédé ainsi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié le premier alinéa de l'amendement n° 980, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le second alinéa de l'amendement n° 980, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Ce texte n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux vois l'ensemble de l'amendement n° 980, ainsi modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article L. 411-3 du code de la construction et de l'habitation.
ARTICLE L. 411-4 DU CODE
DE LA CONSTRUCTION ET DE L'HABITATION