Séance du 5 juin 2000







M. le président. « Art. 20. - L'article 27 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Non modifié ;
« 2° Le 3° est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La contribution des éditeurs de services au développement de la production, notamment de la production indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, ainsi que la part de cette contribution ou le montant affectés à l'acquisition des droits de diffusion de ces oeuvres sur les services qu'ils éditent, en fixant, le cas échéant, des règles différentes pour les oeuvres cinématographiques et pour les oeuvres audiovisuelles et en fonction de la nature des oeuvres diffusées et des conditions d'exclusivité de leur diffusion. Cette contribution peut, en matière cinématographique, comporter une part destinée à la distribution ;
« L'acquisition des droits de diffusion, selon les différents modes d'exploitation, et la limitation de la durée de ces droits lorsqu'ils sont exclusifs. Pour les oeuvres cinématographiques diffusées en première exclusivité, la durée des droits exclusifs peut varier en fonction de la nature et du montant de la contribution au développement de la production ;
« Le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques de longue durée, et en particulier la fixation d'un nombre maximal annuel de diffusions et de rediffusions et la grille horaire de programmation de ces oeuvres ;
« 6° Supprimé ;
« 3° Non modifié. »
Par amendement n° 168, MM. de Broissia et Joyandet proposent, dans le quatrième alinéa (3°) de cet article, de remplacer les mots : « , notamment de la production indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, » par les mots : « émanant d'entreprises de productions indépendantes d'une société ou d'un service de télévision ».
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Mon collègue Alain Joyandet et moi-même - mais je sais, madame le ministre, que vous êtes également attentive, à cette question - tenons à souligner une disposition française, je dirais même franco-française, qui risque d'avoir des conséquences étonnantes au regard de notre entrée dans l'Europe des médias de la télévision. En effet, nous avons une conception de la production « indépendante » qui est bien franco-française, car elle n'a rien à voir, il faut le dire, avec la conception européenne.
Cet amendement n° 168 a pour objet de bien préciser que nous souhaitons, en France, une véritable pépinière « d'entreprises de productions indépendantes d'une société ou d'un service de télévision », car, si l'on en juge par la pratique actuelle, les aides, en particulier à la production, sont plutôt accordées à des groupes dépendant étroitement de très grands groupes de télévision, eux-mêmes parfois dépendants de très grands groupes d'autres secteurs. Il me paraît donc important que cet amendement, après avoir été examiné, soit retenu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Je vais donner un avis circonstancié, monsieur le président.
Le régime juridique du financement de la production indépendante par les diffuseurs présente incontestablement des aspects nouveaux avec la concentration croissante des entreprises de production.
Il semble que les financements imposés par la loi profitent de plus en plus à de grands groupes de communication qui n'ont sans doute pas autant besoin de l'appui de la loi que les petites structures en fonction desquelles le système que nous connaissons et que nous améliorons sans cesse a été conçu.
Il semblerait en effet que le dispositif législatif et réglementaire en vigueur permette à ces grands groupes de communication d'acquérir, sur des oeuvres qu'ils ont financées dans des proportions souvent modestes, des droits patrimoniaux avec lesquels ils entrent en concurrence, sur d'autres marchés et sur d'autres supports, avec les chaînes hertziennes traditionnelles, qui ont souvent assumé l'essentiel du coût de la production et qui ont souvent joué un rôle important dans la génèse de l'oeuvre.
L'idée de recentrer le dispositif législatif et réglementaire sur les entreprises, le plus souvent de petites dimensions, sinon artisanales, effectivement indépendantes de groupes de communication puissants, n'est donc pas en soi illégitime.
Elle implique cependant d'établir, au sein de l'industrie de la production, une distinction inédite entre plusieurs catégories d'entreprises, les unes continuant de bénéficier des obligations instituées par la loi à la charge des diffuseurs, les autres considérées comme bénéficiant du soutien suffisant de puissants groupes, et invitées à voler de leurs propres ailes.
Cette situation me rappelle les conditions dans lesquelles a été entrepris de façon prudente et progressive, au fil de nombreux rapports très partiellement pris en compte, un certain recentrage des aides publiques à la presse écrite sur la presse d'information politique et générale. Il a fallu consentir bien des efforts avant de faire admettre, de façon à peu près consensuelle, que tous les types de presse n'avaient pas la même signification au regard des finances publiques.
Le rappel de cette expérience, dont notre collègue rapporteur de notre commission pour les crédits de la presse écrite connaît mieux que moi les péripéties, me fait penser que cet amendement a surtout pour objet de lancer un débat.
La mise en oeuvre des inflexions demandées nécessite d'avoir une connaissance précise de la configuration du secteur, dont nous manquons, et de préparer les éventuelles évolutions réglementaires avant toute modification de la loi. Je note à cet égard que les petites entreprises seraient certainement incapables d'absorber les sommes considérables orientées, dans le cadre de la législation actuelle, vers les entreprises indistinctement considérées comme indépendantes.
Une modification de la loi ne peut enfin avoir lieu qu'en concertation avec l'ensemble des organisations représentatives de la production et des diffuseurs.
C'est pourquoi, tout en remerçiant notre collègue M. de Broissia d'une initiative qui aura nécessairement des suites, je souhaite qu'il retire aujourd'hui son amendement.
M. le président. Monsieur de Broissia, répondez-vous à l'appel de la commission ?
M. Louis de Broissia. Je maintiens cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Vous le savez, l'existence d'un secteur de production vraiment indépendant est l'une des priorités de la politique du Gouvernement. Pourtant, j'ai le sentiment que nous agissons à fronts renversés et que la proposition de M. de Broissia relève d'une vision très radicale, voire intégriste, de l'indépendance qui ne me paraît, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ni rencontrer les réflexions largement concertées sur ce sujet avec la profession, ni susceptible de faciliter les évolutions économiques aujourd'hui indispensables dans le secteur de la production. Or, on le sait, il existe, entre les très grandes entreprises et les toutes petites entreprises atomisées, une zone de fragilité très grande.
A mon sens, obliger les diffuseurs à consacrer une partie de leur contribution à la production d'oeuvres émanant d'entreprises de production totalement indépendantes à l'égard de tous les diffuseurs reviendrait vraisemblablement à fragiliser la marche d'une partie du secteur indépendant.
La réglementation actuelle est axée autour de la notion d'oeuvres, sans pour autant méconnaître la notion d'entreprise. Le décret du 17 janvier 1990 comme le projet de loi exigent que l'entreprise productrice ne soit pas contrôlée directement ou indirectement par le diffuseur concerné. D'ailleurs, monsieur de Broissia, ce dispositif respecte la directive Télévision sans frontières, qui ne précise pas du tout si l'indépendance vis-à-vis des diffuseurs doit être comprise de manière relative ou absolue. Quant aux règles d'attribution du COSIP prenant en compte le critère d'indépendance, elles ne visent, en fait, qu'un certain nombre d'aides spécifiques, et non tout le système.
Dans ce domaine, poser une règle aussi exclusive jouerait plutôt contre le développement du secteur de la production indépendante. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 168.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je ne regrette pas d'avoir maintenu cet amendement.
J'attendais, d'une part, de M. le rapporteur, d'autre part, de Mme le ministre, au moins un infléchissement à l'égard de la production - disons-le en bon français - réellement indépendante. Certes, la démarche qui consiste à agir à fronts renversés est toujours dangereuse, j'en conviens. Cependant, la pratique actuelle vis-à-vis des producteurs indépendants, dépendant en fait de grands groupes, est très ancienne et encouragée en France. Elle est contraire, non pas à la lettre - « la lettre tue, l'esprit vivifie », nous le savons tous - mais à l'esprit des directives qui encouragent la production indépendante.
M. le rapporteur me dit avec euphémisme - ou under-statement - que ce n'est pas illégitime. En fait, je rétablis simplement l'esprit de la directive qui est appliquée, avec l'espoir de l'émergence d'une production indépendante française.
Quand à Mme le ministre, je préfère retenir dans son propos, s'agissant de ma vision, l'épithète « radicale » à celle « d'intégriste ». C'est plus mon genre, et c'est un genre bien porté au sein de la Haute Assemblée ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je souhaite apporter mon soutien à M. de Broissia. Si l'on avait pu le taxer d'intégriste, j'aurais été inquiet ; mais j'ai confiance dans son aspect libéral et radical.
Par ailleurs, je ne comprends pas très bien la référence à l'indépendance relative faite par Mme la ministre. On est indépendant ou on ne l'est pas. Je suis plutôt favorable à des solutions claires et nettes, comme celle que propose M. de Broissia. C'est pourquoi je soutiendrai son amendement.
M. Louis de Broissia. Très bonne explication de vote !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 58 rectifié, M. Hugot, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du quatrième alinéa (3°) de l'article 20 : « Une part de la contribution au développement de la production d'oeuvres cinématographiques peut être consacrée à la distribution des oeuvres ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement parce que, de fait, il est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi.
M. le président. Personne de demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article additionnel après l'article 20