Séance du 5 juin 2000
M. le président. Par amendement n° 157, MM. Ralite, Renar, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa (2°) de l'article 27 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les oeuvres audiovisuelles européennes comprenant les oeuvres musicales européennes diffusées dans les émissions réalisées en plateau ;". »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Le 14 novembre 1995, notre assemblée votait à l'unanimité de ses membres la reconnaissance des émissions de plateau au rang des quotas de diffusion.
Aujourd'hui, près de cinq ans après l'adoption de cette disposition, lesdites émissions sont absentes de l'audiovisuel public. Cette absence, nous le savons, n'est pas sans incidence sur la diffusion des oeuvres musicales dans notre pays. La chanson française et les jeunes auteurs, les émissions consacrées à la musique classique, la création et les musiques actuelles ne figurent plus dans les programmes des chaînes publiques.
L'amendement que nous vous soumettons vise à réintroduire les émissions de plateau dans les quotas de diffusion des chaînes afin que la radio ne reste pas l'unique média de diffusion de la musique dans notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission veut maintenir le système de promotion de la production française d'oeuvres audiovisuelles. Elle est donc défavorable à l'amendement n° 157.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je partage la préoccupation de M. Ralite en ce qui concerne le soutien à la création musicale. Néanmoins, nous devons rester fermes sur notre soutien prioritaire à la production d'oeuvres.
Il est vrai que la directive européenne permet d'inclure les émissions de plateau dans la définition de l'oeuvre mais notre priorité est la production des oeuvres. Je ne pense pas que l'on puisse mettre sur le même plan la diffusion musicale, quelle que soit sa qualité, dans une émission de plateau et la diffusion d'une fiction ou d'un documentaire.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 157.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Tout d'abord, je rappellerai, comme M. Ralite l'a fait lui-même, que, voilà presque cinq ans, la disposition qu'il propose avait été adoptée à l'unanimité dans notre assemblée ainsi qu'à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen d'une directive européenne. Le ministre de l'époque s'égait engagé à l'introduire dès que possible dans un texte de loi. Or, pas plus le dernier texte que celui qui nous est présenté aujourd'hui n'ont repris cette disposition. C'est pourquoi je pense que notre collègue M. Ralite a bien fait de la rappeler.
Par ailleurs, madame la ministre, ce texte ne vise pas l'ensemble des émissions de plateau. Il s'agit seulement des parties musicales ou artistiques, par exemple une chanson à l'intérieur d'une émission de variétés. Ce ne serait pas toute l'émission de variétés qui serait retenue dans les quotas de diffusion, ce serait simplement trois minutes, les trois minutes et demie que dure la chanson, qui est vraiment une oeuvre de stock.
On ne peut pas en effet l'appeler une oeuvre de flux : cette chanson est appelée à être rediffusée, à être réentendue des dizaines et des dizaines de fois, à être enregistrée sur des disques ou des supports et vendue. Une interprétation musicale insérée dans une émission de variétés est vraiment une oeuvre de stock.
Or, demander que cette oeuvre de stock soit retenue dans le cadre des quotas de diffusion ne me paraît pas porter gravement atteinte à notre production de fiction. Comparées aux 2000 heures de fictions produites en Allemagne, ce ne sont pas les quelques heures de chansons passées au cours d'émissions de plateau ou de variété retenues par an dans les quotas de diffusion qui risquent de constituer un handicap important à la production de fictions nationales. C'est bien plus le manque de moyens qui lui porte gravement atteinte.
Cette mesure pourrait surtout contribuer à relancer un certain nombre d'artistes, dont la présence dans des émissions de télévision serait de nature à accroître considérablement les productions dans ce domaine.
C'est la raison pour laquelle, avec les collègues de mon groupe, je voterai l'amendement n° 157.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. En fait, MM. Ralite et Pelchat ouvrent un débat que nous sommes prêts à mener, notamment avec les chaînes du service public, sur leurs lignes éditoriales. Mais il ne me semble pas opportun d'inclure la présence éventuelle d'oeuvres musicales dans les émissions de plateau dans la mécanique du décompte des obligations.
La France souffre effectivement, monsieur Pelchat, d'un déficit en heures de production, mais je ne pense pas que ce soit en ajoutant un élément que nous inverserons la tendance.
Je ne souhaite donc pas intégrer cet ajout dans le décompte, afin de concentrer les obligations des chaînes sur la production d'oeuvres.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. J'ai bien écouté les propos de M. Pelchat, qui a soutenu l'amendement de M. Ralite - le débat de cet après-midi est décidément plein de surprises. - ...! -
M. Louis de Broissia. C'est cela le débat parlementaire !
Mme Danièle Pourtaud. ... mais je voudrais appeler votre attention, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, sur la contradiction qu'il peut y avoir, d'un côté, à soutenir la production indépendante - comme cela vient d'être fait voilà cinq minutes - objectif, il est vrai, unanimement partagé, et, d'un autre côté, à inclure les oeuvres de plateau dans les quotas de production. En effet, comme vient de le dire Mme la ministre, il est clair que, si l'on inclut les émissions de plateau, il sera forcément moins fait appel à la production indépendante.
Il nous faut poursuivre un objectif clair de soutien à l'offre française de programmes puisque nous avons tous constaté que c'était absolument indispensable, même si nous sommes effectivement tous marris, monsieur Pelchat, que le nombre d'heures de production française soit inférieur à celui de l'Allemagne. Notre objectif doit être de mieux financer la production française plutôt que d'essayer de gonfler les chiffres en incluant les heures de plateau dans la production.
M. Michel Pelchat. Cela n'a rien à voir avec le gonflement des chiffres !
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je ne vois pas tellement de contradiction entre la production et la diffusion. Tant que la production n'est pas au niveau, autant qu'il y ait des domaines réservés. C'est cela qui m'a conduit à déposer cet amendement qui, même si j'entends bien ce que dit Mme la ministre, me semble utile.
Je ne suis pas un « quotatiste », pas plus dans ce domaine que dans les autres d'ailleurs, mais tant que l'on n'aura pas atteint des niveaux suffisamment importants pour garantir le pluralisme et la présence des oeuvres françaises, je crois que ce serait faire preuve de prudence que de prendre la mesure que je propose. Plus vite la production augmentera, plus vite on pourra revenir sur les quotas de diffusion. C'est un peu dans ce sens que j'ai déposé l'amendement. Au demeurant, je m'en remets à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 20 bis A