Séance du 22 juin 2000
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal.
En tant que femme et comme socialiste, je suis extrêmement inquiète devant la recrudescence des tentatives pour porter atteinte aux droits des femmes sur le plan international mais aussi dans notre pays.
A New York, lors de la conférence de l'ONU sur les femmes, le Vatican et les pays islamiques ont bloqué toute avancée sur l'avortement. A Vienne, lors d'une conférence contre la criminalité organisée, on a tenté de banaliser la prostitution.
En France, la dernière attaque en date est le recours devant le Conseil d'Etat d'une dizaine d'associations familiales, catholiques ou antiavortement pour empêcher la délivrance de la pilule du lendemain dans les collèges et lycées, ainsi d'ailleurs que sa vente libre dans les pharmacies.
La liberté de disposer de son corps et de maîtriser sa maternité est une des conquêtes majeures des femmes dans la seconde moitié du xxe siècle. Celle-ci est acquise en France depuis la loi Neuwirth de 1967.
Or, il y a actuellement en France, comme l'a rappelé tout à l'heure ma collègue Odette Terrade, 10 000 grossesses non désirées chez les mineures, dont 6 000 donnent lieu à un avortement. Mal informées des moyens de contraception ou, pis, lorsqu'elles ont subi des violences sexuelles, ces jeunes filles se retrouvent en situation de grande détresse.
Il est évidemment absolument nécessaire d'améliorer la formation et l'information des jeunes en matière de contraception. C'est ce qu'a commencé à faire la campagne lancée par Nicole Péry en début d'année, mais il est également indispensable de répondre aux situations d'urgence que je décrivais à l'instant.
C'est pourquoi le groupe socialiste tient à réaffirmer son soutien à votre courageuse initiative, madame la ministre.
Ma question est simple : dans l'hypothèse ou le Conseil d'Etat annulerait votre circulaire, le Gouvernement est-il prêt à engager le toilettage de notre législation sur la contraception ainsi que celui du code civil pour permettre la prescription par les infirmières scolaires de la pilule du lendemain, sans qu'il soit nécessaire de passer par un médecin, la suppression de l'autorisation parentale pour les mineures et la vente libre du Norlevo en pharmacie ? (Applaudissements sur les travées socialiste, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance. Monsieur le président, tout d'abord, je voudrais vous remercier du petit signe que vous m'avez adressé tout à l'heure à propos du Marais poitevin. En tant que présidente d'une structure intercommunale sur ce territoire depuis plus de dix ans, je pense en effet, en solidarité totale avec le ministre de l'intérieur, que la loi doit être appliquée, indépendamment des échéances électorales et des préoccupations de politique politicienne. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est vous qui faites de la politique politicienne ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues ! Je vous demande, à tous, de bien vouloir écouter silencieusement Mme le ministre.
Nous vous écoutons, madame.
M. Ségolène Royal, ministre délégué. Madame la sénatrice, étant moi-même parent de jeunes adolescents, la décision que j'ai prise ne l'a pas été à la légère. Pendant plus d'un an, je l'ai dit tout à l'heure, j'ai procédé à des consultations auprès tant des organisations professionnelles des infirmières et des médecins scolaires que des organisations représentatives des enseignants et des chefs d'établissement, qui ont à gérer les infirmiers scolaires.
Par ailleurs, l'académie nationale de médecine a émis, dans une assemblée plénière du 7 mars dernier, un avis positif et courageux sur la délivrance de la contraception d'urgence, en soulignant, en particulier, la qualité de la démarche globale d'éducation à la sexualité et à la vie que j'ai lancée au sein de l'éducation nationale.
Dans le courrier que j'ai adressé à tous les chefs d'établissement, je leur expliquais comment ce protocole national de soins dans le système scolaire, qui vise à répondre, dans le cas du Norlevo, à une situation d'urgence et de détresse, s'inscrit dans une éducation civique faisant appel à la responsabilité des adolescents, au respect d'eux-mêmes et des autres, au respect du corps, à la prise de conscience que la sexualité précoce n'est pas un progrès, au refus de toutes les formes de violence.
C'est dans ce contexte éducatif et citoyen, qui conduit les adolescents à entrer dans leur vie sexuelle avec beaucoup plus de sens des responsabilités, que s'inscrit ce dispositif de santé publique, qui vise d'abord et avant tout à répondre aux cas extrêmement précis de détresse individuelle des élèves, leur permettant de faire face soit aux problèmes de violences qu'elles ont subies, soit aux problèmes d'immaturité, soit aux problèmes de sous-information, en tout état de cause aux problèmes d'urgence médicale qu'elles rencontrent.
J'ai fait là mon devoir d'adulte, de parent d'élève, de responsable de
l'éducation nationale. Je ne regrette rien. J'assume complètement cette
décision et le Gouvernement avec moi.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
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