Séance du 28 juin 2000
CONSEIL D'ADMINISTRATION D'AIR FRANCE
Rejet d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
369, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration d'Air
France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification
du code de l'aviation civile (n° 369, 1999-2000). [Rapport n° 424
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons en deuxième
lecture un projet de loi qui, vous le savez, revêt une certaine importance pour
la compagnie nationale Air France, puisqu'il s'agit de modifier la composition
de son conseil d'administration et d'élargir son autonomie de gestion.
M. Gayssot, qui ne pouvait être présent aujourd'hui au Sénat, m'a demandé de
vous présenter ce projet de loi.
Le texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale revient en
discussion devant la Haute Assemblée dans des termes identiques à ceux que vous
aviez eu à examiner en première lecture.
Comme vous le savez, l'Assemblée nationale n'a pas jugé utile de retenir les
deux amendements que vous avez adoptés visant à accroître le nombre des membres
du conseil d'administration. Le Gouvernement partage ce point de vue.
Les dispositions concernant l'élargissement de l'autonomie de gestion de
l'entreprise ayant fait l'objet d'un large consensus entre les deux assemblées,
il ne reste aujourd'hui en discussion que le fait de savoir s'il faut vingt et
un ou vingt-trois administrateurs.
Avant d'entrer dans le fond de ce débat, le Gouvernement souhaite appeler
l'attention du Sénat sur la nécessité d'adopter rapidement ce projet de loi
pour qu'il entre en vigueur au plus tôt. Le texte est, en effet, attendu par
les personnels comme par les dirigeants de l'entreprise, au sein de laquelle il
fait l'objet d'un large consensus.
Vous le savez, Air France, qui a connu bien des vicissitudes au cours de la
décennie précédente, est, depuis trois à quatre ans, en plein redressement. Je
crois donc qu'il est important de mesurer le chemin parcouru et de bien voir ce
qui a évolué dans la dernière période.
Les résultats de la compagnie pour l'exercice clos le 31 mars dernier viennent
d'être rendus publics. Ils confirment l'optimisme dont M. Gayssot vous avait
fait part lors de l'examen en première lecture, voilà trois mois.
L'offre de la compagnie a crû rapidement - 11,2 % sur l'année - mais moins
vite que son trafic, qui a enregistré, lui, une augmentation de 12,1 %. Il en
résulte une coefficient de remplissage moyen d'un niveau très élevé - 76,1 % -
en hausse de 0,6 point, ce qui montre bien le fort attrait de l'offre
commerciale d'Air France.
Ces résultats commerciaux n'ont pas été obtenus au détriment des résultats
financiers. L'augmentation des coûts a été contrôlée, et le résultat
d'exploitation a enregistré une forte hausse - 34 % - avec 2,35 milliards de
francs. La croissance du résultat net, de 2,32 milliards de francs, est encore
plus forte puisqu'elle atteint 42 %
On peut dire aujourd'hui qu'Air France va bien, que l'entreprise gagne en
activité et crée des emplois. Contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou
là, elle n'est pas en retard sur ses concurrentes pour nouer une grande
alliance. Le 22 juin dernier, Air France a lancé son alliance aérienne globale
appelée Skyteam, avec Delta Air Lines, Aeromexico et Korean Air.
Les compagnies regroupées au sein de cette alliance transportent environ 174
millions de passagers par an. Cette alliance permettra d'offrir plus de 6 400
vols quotidiens et de desservir plus de destinations sans escale entre les
Etats-Unis et l'Europe que n'importe quelle autre alliance.
L'objectif est plus que jamais de faire d'Air France la première compagnie en
Europe. En outre, comme vous le voyez, son maintien dans le giron de l'Etat est
bien loin d'être un handicap.
Je crois qu'il était utile de souligner ces bons résultats et les excellentes
perspectives qui s'offrent à notre compagnie nationale, car ce contexte montre
qu'il est important de régler rapidement les questions de composition du
conseil d'administration qui nous occupent aujourd'hui.
Lors de la première lecture, le Sénat a amendé l'article 3, qui porte sur
l'élargissement du conseil d'administration. Les deux amendements proposés
visaient à étendre le nombre d'administrateurs de dix-huit à vingt-trois, au
lieu des vingt et un prévus dans le texte initial.
Comme vous le savez, en deuxième lecture, le Gouvernement et l'Assemblée
nationale ont souhaité en revenir au texte initial, et ces deux amendements ont
été rejetés.
En effet, avec vingt et un administrateurs, Air France se situerait déjà parmi
les entreprises cotées en Bourse ayant les conseils d'administration les plus
nombreux. L'extension de dix-huit à vingt et un membres est toutefois le
minimum permettant à l'Etat, qui restera majoritaire au sein du capital, de
détenir la majorité absolue tout en maintenant le nombre actuel
d'administrateurs salariés élus. Ce schéma est une des conditions de la
préservation d'un bon climat social au sein de la compagnie et permet la
présence de deux représentants des actionnaires privés non salariés dans le
conseil d'administration.
Un nombre d'administrateurs trop élevé serait préjudiciable à l'appréciation
portée par le marché sur la compagnie, serait donc contraire aux intérêts de
l'Etat actionnaire et à ceux de la compagnie. Il ne favoriserait pas
l'efficacité des travaux du conseil d'administration.
A cet égard, il est à noter que, afin de limiter l'augmentation du nombre de
personnes assistant au conseil d'administration, le Gouvernement souhaite, sur
le plan réglementaire, ramener le nombre de censeurs qui y participent de trois
à un seul.
Les amendements proposés ne permettront pas d'augmenter la représentation des
actionnaires autres que l'Etat et les salariés, le passage à vingt-trois
membres ne permettant en tout état de cause de créer qu'un unique poste
supplémentaire pour ces actionnaires. Cela ne modifierait pas de façon
significative leur représentation, l'Etat devant en effet, dans cette
hypothèse, bénéficier d'un siège supplémentaire pour asseoir sa majorité.
En résumé, en singularisant Air France par rapport aux autres sociétés cotées
en Bourse, cette disposition est contraire à l'esprit du texte, qui vise à
atténuer certaines de ses spécificités par rapport à l'ensemble des sociétés
anonymes.
Un amendement avait également été adopté afin que la composition du conseil
respecte la répartition du capital.
Six administrateurs salariés élus siègent actuellement au conseil
d'administration, et le Gouvernement ne souhaite pas changer ce nombre. Cette
présence d'administrateurs non actionnaires induit que le conseil ne peut pas,
mathématiquement, être le fidèle reflet de la répartition de l'actionnariat.
L'Etat, qui détient la majorité du capital, doit, pour réunir la majorité des
voix en conseil d'administration, nommer, en tant que représentants de l'Etat
ou personnalités qualifiées, la majorité des membres du conseil, soit au
minimum onze ou douze selon qu'il compte vingt et un ou vingt-trois
administrateurs.
Cela implique que les autres actionnaires, détenant près de 43 % du capital,
ne peuvent être représentés que par quatre ou cinq sièges selon le nombre
d'administrateurs, soit par 19 % ou 22 % du conseil. Le but visé par
l'amendement adopté par le Sénat en première lecture ne peut donc être atteint
techniquement.
Par ailleurs, la présence, au sein du conseil, de personnalités qualifiées au
côté des administrateurs représentant l'Etat est fortement souhaitée par le
Gouvernement. C'est bien, à notre sens et aux yeux des investisseurs privés, la
garantie de la participation au conseil de personnes ayant une expérience
reconnue de la gestion des grandes entreprises, ce qui correspond à l'objectif
que le Sénat a voulu atteindre par son amendement.
Enfin, tout comme l'extension du nombre d'administrateurs à vingt-trois, cette
disposition est contraire à l'esprit du texte, en inscrivant dans la loi une
obligation pour Air France qui va bien au-delà des exigences de la loi de 1966
sur les sociétés commerciales.
Pour toutes ces raisons, les modifications apportées au texte en première
lecture n'atteignent pas leurs objectifs et ne lui apportent rien sur le
fond.
Le Gouvernement souhaite donc l'adoption de ce texte très attendu, dans les
termes votés par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de
loi soumis en deuxième lecture à notre examen élargit le conseil
d'administration de la société Air France.
Le texte adopté en première lecture par les deux assemblées comportait trois
articles, dont un seul, l'article 3, reste en discussion.
Les deux premiers articles, adoptés sans modification par le Sénat et
l'Assemblée nationale, suppriment certaines procédures relatives aux relations
entre la compagnie et l'Etat.
La commission des affaires économiques avait estimé que ces dispositions, de
portée limitée, s'inscrivaient dans une logique d'ouverture du capital et
d'allégement de la tutelle de l'Etat, qui conforte l'autonomie de gestion d'Air
France.
L'article 3, qui reste en discussion, modifie l'article L. 342-3 du code de
l'aviation civile. Il substitue aux dispositions offrant à la compagnie la
possibilité d'émettre des emprunts dans le public avec la garantie de l'Etat de
nouvelles dispositions relatives à l'élargissement du conseil d'administration
de la société Air France.
Comme je l'avais souligné en première lecture, les dispositions des articles
1er et 2, pour utiles qu'elles soient, avaient essentiellement pour vocation
d'accompagner cet article 3.
La rédaction initiale du projet de loi, adopté telle quelle par l'Assemblée
nationale, prévoit une augmentation du nombre des membres du conseil
d'administration, de dix-huit à vingt et un.
L'augmentation du nombre d'administrateurs est destinée, selon l'exposé des
motifs, à permettre l'arrivée, au sein du conseil d'administration, de
représentants des actionnaires privés autres que ceux de l'Etat et des salariés
et d'accroître la représentation des salariés actionnaires, c'est-à-dire
essentiellement des pilotes.
Cette modification tend à prendre en compte la nouvelle structure du capital
d'Air France, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Alors que l'Etat détenait
encore, en 1998, 94,5 % du capital d'Air France, il n'en détient, au 1er
janvier 2000, que 57 % environ, les salariés en détenant 11 % et les autres
investisseurs privés 32 %.
Le projet de loi ne répartit pas précisément les vingt et un postes
d'administrateur. Il se contente de définir les différentes catégories
d'administrateurs.
Le Gouvernement laisse au décret, comme il se doit, le soin de définir la
composition exacte du conseil d'administration.
M. Gayssot a précisé à l'Assemblée nationale et au Sénat la composition
envisagée par le projet de décret. Celui-ci prévoit six représentants de
l'Etat, cinq personnalités qualifiées, deux représentants des investisseurs
privés, deux représentants des salariés actionnaires et six représentants des
salariés élus.
Lors de la première lecture, le Sénat avait approuvé les principales
orientations de cette réforme. Il avait néanmoins adopté deux amendements
tendant, d'une part, à porter de vingt et un à vingt-trois le nombre
d'administrateurs d'Air France et, d'autre part, à préciser que la composition
du conseil d'administration doit respecter la répartition du capital.
Ces deux amendements, présentés par notre collègue Ladislas Poniatowski,
avaient reçu l'avis favorable de la commission. Leur objectif commun était
d'assurer une représentation plus équilibrée des investisseurs privés.
Dans le projet de loi initial, les investisseurs privés, qui détiennent 32 %
du capital, avaient avec deux administrateurs, moins de 10 % des sièges au
conseil d'administration. Les amendements adoptés par le Sénat donnent la
possibilité au Gouvernement de nommer un troisième représentant des
investisseurs privés, afin qu'ils représentent plus de 14 % des
administrateurs.
Cette modification, sans bouleverser la logique du projet de loi, permet
d'assurer aux petits porteurs et aux investisseurs institutionnels une
participation plus représentative de leur engagement dans le capital d'Air
France.
L'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat dans cette voie. Sur l'initiative
du rapporteur de la commission de la production et des échanges, elle a rétabli
le texte qu'elle avait adopté en première lecture.
Je ne ferai pas de longs commentaires - d'autres y reviendront peut-être. Le
rapporteur du texte a notamment jugé que « les sénateurs ont profondément
modifié la philosophie de la réforme du conseil d'administration d'Air France
». Il a souligné que le dispositif proposé « créerait une exception puisqu'un
conseil d'administration de vingt et un membres se situe déjà à la limite
supérieure de la fourchette habituelle du nombre d'administrateurs des grandes
entreprises françaises ».
Fixer le nombre des administrateurs à vingt-trois accroît, en effet,
l'effectif des administrateurs de deux personnes. On voit cependant très mal
comment cette modification serait de nature à bouleverser l'esprit du projet de
loi et le fonctionnement du conseil d'administration.
Je constate qu'un conseil d'administration de vingt-trois membres est conforme
au droit privé puisque la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés prévoit que
les conseils d'administrations sont composés de dix-huit à vingt-quatre
membres.
A la lecture des débats de l'Assemblée nationale, on voit bien que les
arguments invoqués pour rétablir le projet de loi dans son texte initial sont
avant tout inspirés par des préoccupations... qui m'échappent, sauf à penser
que l'Assemblée nationale ne souhaiterait pas voir les petits porteurs
représentés.
Je propose donc de rétablir le texte que le Sénat avait adopté en première
lecture et qui prévoit un dispositif assurant à l'Etat, aux salariés et aux
investisseurs privés, une représentation équilibrée au sein du conseil
d'administration.
Je n'ai relevé, dans l'argumentaire de l'Assemblée nationale, aucun argument
suffisamment pertinent pour amener le Sénat à revenir sur cette position et,
avec tout le respect que je vous dois, madame la secrétaire d'Etat, je dois
dire que je n'en ai pas trouvé non plus dans le propos explicatif que vous
venez de tenir à la tribune en lieu et place de votre collègue.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette
nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil
d'administration de la société Air France et aux relations de cette société
avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile, se résume,
dans les faits, à l'examen de l'article 3, qui fixe le nombre des membres du
conseil d'administration.
C'est là, en effet, le point de désaccord demeurant entre notre Haute
Assemblée et l'Assemblée nationale, la première lecture ayant conclu à un texte
identique sur les autres dispositions.
Pour autant, il serait sans doute trompeur de limiter le désaccord avec la
majorité sénatoriale à une divergence sur le nombre de fauteuils au conseil
d'administration - vingt et un ou vingt-trois. Ce désaccord est plus important,
il touche au fond, et, en première lecture, notre rapporteur ne s'en était pas
caché, qui criait à la privatisation d'Air France dans les plus brefs
délais.
Ce désaccord porte en effet sur la nature même de l'entreprise, les membres de
la majorité sénatoriale souhaitant qu'elle soit privatisée, banalisée, au motif
que rien ne justifierait, aujourd'hui, qu'une société de transport aérien fût
publique.
Pour notre part, nous estimons, bien au contraire, que le fait que le capital
d'Air France soit majoritairement public n'est pas, loin s'en faut, un obstacle
à son développement et à l'atteinte de performances économiques positives.
J'en veux pour preuve British Airways, privatisée il y a déjà plusieurs
années, et qui n'est plus, aujourd'hui, dans une situation économique si
florissante qu'elle démontrerait que la privatisation est la solution à tous
les problèmes.
Dans le même temps, la situation financière d'Air France s'est très nettement
améliorée, depuis plusieurs années, même s'il convient de ne pas oublier que
cette amélioration s'est réalisée au travers d'importants efforts, notamment
financiers, des agents de la compagnie, quelle que soit leur qualification.
Par ailleurs, Air France vient de passer un certain nombre d'alliances
stratégiques qui devraient lui permettre, sur le moyen terme au moins, de
prendre toute sa place dans le concert du transport aérien international.
Nous ne pouvons manquer de souligner, à ce propos, ce que nous apprend
l'actualité récente, et notamment les risques d'une dérégulation supplémentaire
du transport aérien au travers de la dérégulation du contrôle, qui ne peut nous
agréer et présente, à l'avenir, de réels risques pour la qualité du service aux
usagers du transport aérien et pour la sécurité même du trafic.
Cette option n'a pas fait - c'est le moins que l'on puisse dire - la
démonstration de sa pertinence, et nous ne pouvons que la mettre en
question.
Je crois savoir qu'elle était incluse dans le cadre de la négociation
européenne au sommet de Lisbonne, mais, en cette matière, il me semble que la
France doit user de toute son influence au sein de l'Union pour que de tels
projets ne connaissent pas un début de mise en oeuvre.
Pour en revenir au texte qui nous occupe aujourd'hui, demeure donc ce
désaccord sur l'article 3.
L'Assemblée nationale a adopté un texte fixant à vingt et un le nombre des
membres du conseil d'administration, alors que notre commission nous invite à
porter ce nombre à vingt-trois, c'est-à-dire à revenir à son texte adopté en
première lecture, et ce afin de réserver une place plus importante au capital
privé.
Nous ne faisons pas nôtre cette orientation. Nous souhaitons, nous, que la loi
puisse trouver plus rapidement une application, dans le cadre des objectifs que
j'ai rappelés : prise en compte des aspirations du personnel, mise en oeuvre
des principes de service public, développement de l'activité dans un cadre
financier amélioré.
Nous ne voterons donc pas le texte proposé par la commission, qui repousse
cette perspective et ne peut donc nous agréer.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite, sans trop prolonger ce débat et sans trop me répéter par rapport à ce
que j'avais pu dire en première lecture, apporter malgré tout quelques
précisions.
Mais on me permetta, d'abord, en introduction, de saisir en quelque sorte la
balle au bond après ce que vient de dire M. Lefebvre sur ce qui se passe dans
le ciel européen.
On ne comprend plus rien, notamment aux positions des uns et des autres. Et
quand j'entends dire que les aiguilleurs français font grève pour des raisons
de sécurité, je me demande si l'on n'est pas tombé sur la tête !
Le ciel européen est terriblement confus et, de tous les territoires, le nôtre
celui qui est le plus survolé, pour des raisons évidentes tenant à sa taille et
à sa situation quelque peu incontournable, même pour les circulations internes
à l'Europe. Ainsi, pour aller de Londres à Rome, on est obligé de prendre au
moins trois ou quatre couloirs différents, mais en empruntant, bien sûr, le
couloir français.
Il est donc très bon, au contraire, que l'administration bruxelloise se
préoccupe de ce problème et veuille réguler le ciel européen. C'est pour des
raisons de sécurité que Bruxelles le fait, et nous aurions tort de ne pas
prendre cela au sérieux.
Je tenais à le dire parce que j'ai l'impression d'assister à une véritable
désinformation de la part de ceux qui se sont mis en grève ces dernières
heures.
J'en reviens au texte, dont je ne me suis éloigné que parce qu'on l'avait fait
au préalable.
Après avoir remercié M. le rapporteur de la manière dont il a présenté ce qui
s'est passé en première lecture et ce qui se passe au cours de cette deuxième
lecture, je veux moi-même faire deux rappels.
Le premier, c'est que ce texte, qui n'est pas anodin, a été élaboré à la suite
de deux événements importants : d'abord, la grève des pilotes d'Air France de
juin 1998, avec le blocage au sol de tous nos avions ; ensuite, l'ouverture du
capital, en novembre 1998, à la fois aux salariés et aux investisseurs privés,
que ce soient de petits actionnaires ou de gros investisseurs
institutionnels.
Je le rappelle parce que la proposition que nous avions faite ici, au Sénat,
avait un but bien précis, souligné à juste titre par le rapporteur, M.
Jean-François Le Grand : adresser un message, d'une part, aux petits
actionnaires, qui étaient près de 2 400 000 à avoir souscrit des actions au
moment de l'ouverture du capital d'Air France et, d'autre part, aux
investisseurs institutionnels, qui étaient d'ailleurs plutôt des financiers, et
à qui il convenait de dire que, si leur argent était le bienvenu dans le
capital d'Air France, nous estimions également normal qu'ils aient leur place
dans le conseil d'administration d'Air France. C'était d'une grande logique et
d'une grande simplicité.
Que s'est-il passé depuis ? M. le rapporteur l'a bien dit, nous n'avons pas
été suivis sur ce dernier point par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Je le regrette et je suis tenté de dire que l'actualité nous donne raison. En
effet, le geste que nous avons voulu faire en direction des investisseurs
institutionnels, compte tenu de ce qui se passe dans le monde aéronautique et
dans celui des compagnies aériennes, « tombait » au bon moment.
Ça bouge énormément, en ce moment, et ce serait une erreur pour la France,
pour l'Etat français, toujours actionnaire majoritaire, pour notre compagnie
nationale de faire comme s'il ne se passait rien. Nous assistons à des
rapprochements non pas commerciaux - mise en commun de lignes, achat en commun
de fioul ou d'avions - mais capitalistiques, le dernier épisode datant d'à
peine quelques jours.
Voilà à peine un an, Alitalia discutait très sérieusement avec Air France et
Swissair pour un rapprochement d'entreprise. Tout a été évoqué, y compris des
échanges d'actions. Il y a environ une dizaine de mois, c'est vrai, Alitalia a
cessé de discuter avec nous pour envisager un rapprochement très sérieux avec
KLM. Le mariage a failli se faire. L'opération a échoué, il y a trois semaines
! Et voilà qu'aujourd'hui Alitalia se tourne de nouveau vers nous !
Je ne sais pas ce qui va se passer, si Alitalia va entrer dans le capital
d'Air France, ou l'inverse, mais ce serait à coup sûr une erreur de fermer la
porte à ce type de négociation.
Aujourd'hui, il y a encore une bonne vingtaine de grandes compagnies
aériennes, mais il n'est pas impossible que ce chiffre soit divisé par deux
d'ici à une dizaine d'années, et ce serait donc une erreur de la part d'Air
France d'être absente de toutes les négociations en cours ou à venir.
Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, je me réjouis que vous ayez proposé à
la commission des affaires économiques, qui vous a suivi, d'en revenir au texte
adopté par le Sénat en première lecture. J'espère que le Sénat confirmera son
vote et, en tout cas, que notre message sera entendu non seulement par la
compagnie, non seulement par les actionnaires, mais également par nos collègues
de l'Assemblée nationale en dernière lecture et, bien sûr, par vous, madame le
secrétaire d'Etat, qui représentez le Gouvernement aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 3