SEANCE DU 3 OCTOBRE 2000
M. le président.
« Art. 17. - Il est inséré, après l'article 20 de la loi n° 84-16 du 11
janvier 1984 précitée, un article 20
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 20
bis. - Les jurys dont les membres sont désignés par
l'administration sont composés de façon à concourir à une représentation
équilibrée entre les femmes et les hommes.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent
article et notamment la proportion des membres des jurys appartenant à chacun
des sexes. »
Par amendement n° 23, M. Garrec, au nom de la commission des lois, propose,
après le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 20
bis
de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, d'insérer un alinéa
additionnel ainsi rédigé :
« Les statuts particuliers peuvent, exceptionnellement, prévoir que la mixité
est assurée par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, après avis du
Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et des comités techniques
paritaires. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Garrec,
rapporteur pour avis.
L'article 17 vise à ce que les jurys des concours
de recrutement de la foncion publique de l'Etat soient composés de façon à
favoriser une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. A cette
fin, le pouvoir réglementaire fixe la composition des membres des jurys et des
comités de sélection appartenant à chacun des sexes.
La commission des lois estime que chacun, homme ou femme, a vocation à
participer aux jurys de concours au seul vu de ses mérites professionnels et
non en considération de son sexe. Cependant, elle vous propose d'accepter
qu'une action volontariste facilite l'accès des femmes aux fonctions
honorifiques de membre de jury dans le corps où elles sont
sous-représentées.
Elle suggère donc de rétablir une clause de sauvegarde qui serait mise en
oeuvre après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et des
comités techniques paritaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement est sensible à cette proposition, qui tend à revenir au texte
qu'il avait lui-même accepté.
Au demeurant, le Gouvernement a écouté le débat qui s'est déroulé à
l'Assemblée nationale. Il y a été sensible. Il préfère donc s'en tenir pour
l'instant au résultat de ce débat.
Il est donc défavorable à l'amendement.
M. René Garrec,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Garrec,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser
une question : repoussez-vous la clause de sauvegarde pour des raisons de fond
ou dans l'attente de l'expertise promise par le Gouvernement ?
En effet, si la clause de sauvegarde est repoussée sur le fond, j'y vois une
contradiction avec les propos qu'a tenus M. Zuccarelli sur les difficultés
d'application de la proposition de loi dans les corps très féminisés ou très
masculinisés.
Par ailleurs, si elle est repoussée dans l'attente de l'expertise, il me
semblerait opportun de maintenir le dispositif en navette pour pouvoir
éventuellement en améliorer la rédaction ultérieurement.
Enfin, le rétablissement de la clause de sauvegarde permet d'ouvrir le débat
sur les conditions d'application de la loi. Je voudrais à cet égard attirer
l'attention du Sénat sur l'ampleur de la délégation donnée au pouvoir
réglementaire.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Il est bien
évident que les dispositions retenues doivent permettre de s'adapter aux
situations différentes d'un corps à l'autre, d'un métier à l'autre. Dans
certains, la composition peut être plus ou moins masculine ou féminine : il
faut pouvoir en tirer les conséquences.
Pour arriver à cette fin, il existe deux méthodes : la vôtre, qui consiste à
mettre immédiatement dans la loi une règle précise, et une autre méthode, celle
qui est contenue dans le texte qui nous est proposé, et qui consiste à déléguer
au pouvoir réglementaire sous couvert du Conseil d'Etat, - la fixation des
conditions d'application de la loi. Cette dernière méthode me paraît plus
souple et de nature à permettre que les situations particulières soient prises
en compte.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'aimerais soulever quelques interrogations à propos de cet article, notamment
à propos de l'amendement.
D'abord, il faut savoir comment fonctionnent les concours - parfois, dans
l'organisation d'un concours, cinq ou six ministres interviennent - et quels
sont les modes de désignation et la composition des jurys.
Ainsi, comment fera-t-on lorsqu'un ministre n'aura désigné que des femmes, ou
que des hommes, et que, dès lors, un autre ministre concerné ne pourra plus
désigner que des personnes de l'autre sexe ?
Par ailleurs, certains concours obéissent à des règles très particulières.
Ainsi, pour certains concours de recrutement de l'enseignement supérieur, les
dispositions en discussion seront totalement inapplicables, dans la mesure où
les membres de certains jurys sont non pas nommés mais élus. Comment
obéira-t-on à l'obligation de mixité prévue dans l'article ?
Enfin, je ferai une remarque à l'intention de M. le rapporteur pour avis : mon
cher collègue, ce ne sont pas les statuts particuliers qui peuvent,
exceptionnellement, prévoir la mixité, à raison d'un membre de chaque sexe.
C'est dans le texte qui organise le concours, distinct du statut, que cela doit
figurer. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, il faudrait rédiger ainsi
le début de votre amendement : « Les statuts particuliers ou les textes
organisant les concours peuvent, exceptionnellement,... ». Je dépose un
sous-amendement en ce sens.
Revenons sur l'exemple du corps des enseignants. Il y a certes le statut des
enseignants, mais les règles de recrutement sont fixées par un décret, distinct
du statut. C'est donc, en réalité, non pas le statut qui est en cause, mais le
décret qui organise le concours.
Je me pose donc des questions, notamment en ce qui concerne les jurys composés
à la suite d'élections.
Prenons l'exemple du jury d'agrégation de droit : c'est le ministre qui nomme
le président du jury ; outre que des règles non écrites d'ancienneté jouent, le
jury doit comprendre deux membres du comité consultatif des universités. Pour
le reste, on ne peut pas porter atteinte à la liberté de choix du président du
jury. Bien sûr, pour les quatre autres membres du jury, il pourrait s'attacher
à établir une certaine mixité, mais il n'en demeure pas moins libre de composer
son jury comme il l'entend.
On se trouve par conséquent devant un certain nombre de difficultés
matérielles qu'il va falloir régler.
C'est la raison pour laquelle, par mon sous-amendement, je propose de rédiger
ainsi le début du texte présenté par la commission des lois : « Les décrets
organisant les concours peuvent exceptionnellement prévoir que la mixité...
».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 65 à l'amendement n° 23, déposé par
M. Gélard et tendant, au début du texte présenté par cet amendement pour
l'alinéa à insérer dans le texte proposé par l'article 17 pour l'article 20
bis
de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, à remplacer les mots : « Les
statuts particuliers » par les mots : « Les décrets organisant les concours
».
M. René Garrec.
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Garrec,
rapporteur pour avis.
Comme je l'ai dit au cours de la discussion
générale, notre amendement ne vise que les personnes nommées. Nous ne visons
pas les personnes élues.
M. Patrice Gélard.
Certes !
M. René Garrec,
rapporteur pour avis.
Chaque concours est organisé en vertu d'un arrêté
qui lui est propre, tout en s'inscrivant, bien sûr, dans un système global.
Autrement dit, la remarque de M. Gélard est très intéressante, mais elle ne
s'applique pas à l'esprit de notre amendement.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je veux
d'abord confirmer que, s'agissant aussi bien des dispositions initiales que de
l'amendement, sont seuls concernés les jurys dont les membres sont désignés par
l'administration, ce qui exclut les jurys constitués selon un processus
d'élection.
Par ailleurs, monsieur Gélard, l'Etat est un, même s'il y a plusieurs
ministres. D'ailleurs, en tant que ministre de la fonction publique, je suis le
garant, en l'espèce, de cette unicité et je dois, à ce titre, avoir une vision
au moins cohérente des choses. C'est, au demeurant, la raison pour laquelle il
existe une direction générale de l'administration et de la fonction publique,
que j'ai l'honneur, pour l'instant, de commander.
Pour le reste, M. Gélard va un peu dans mon sens : mieux vaut, en
l'occurrence, procéder par décret que par des dispositions législatives qui
risqueraient de se révéler par trop rigides.
M. le président.
Monsieur Gélard, votre sous-amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des lois sur le sous-amendement n° 65 ?
M. René Garrec,
rapporteur pour avis.
Défavorable.
M. le président.
J'ai cru comprendre que le Gouvernement y était également défavorable...
(M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 65, repoussé par la commission des lois
et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explicaion de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Le groupe socialiste ne votera pas cet amendement, même s'il est considéré par
certains comme conforme aux réalités et s'il est présenté comme garantissant -
on a parlé de « clause de sauvegarde » - une représentation minimale de femmes
dans les jurys de concours.
Nous craignons que, par un effet pervers, ce qui est considéré comme une
sauvegarde ne soit la règle dans un certain nombre de cas et que l'on n'estime
que la loi est respectée dès lors qu'il y a une femme dans presque tous les
jurys de concours.
Il convient de rappeler que ce point a été amplement discuté à l'Assemblée
nationale et que la phrase en question y a été supprimée après qu'un accord fut
intervenu entre la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
et la commission des lois. Les députés ont donc déjà longuement réfléchi sur
cette question.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par la commission et repoussé le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 17, ainsi modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 17 bis