SEANCE DU 5 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des
mois d'août et septembre, la flambée des cours du pétrole a provoqué une
importante crise sociale qui a été, il faut bien le dire, traitée par le
Gouvernement dans l'urgence et à l'aveuglette.
M. René-Pierre Signé.
Mais non !
M. Henri Weber.
C'est de l'exagération !
Mme Anne Heinis.
A aucun moment nous n'avons vu apparaître les problèmes de fond posés par
l'évolution des besoins et des contraintes en matière de politique
énergétique.
Il semble que la seule réponse de l'Etat soit dans la fiscalité, alors que
toutes les analyses sérieuses démontrent que cette fiscalité est à la fois
injuste et inefficace pour la maîtrise du prix du pétrole et qu'elle constitue
un frein à la recherche et à l'innovation, qui sont pourtant la clef des
solutions d'avenir.
La période de fourniture de pétrole à bas prix que nous avons connue a fait
oublier à nos gouvernements l'importance de l'enjeu que constitue notre
indépendance énergétique.
Les économies d'énergie, c'est bien, mais l'effet en est marginal, surtout en
période de croissance.
Soyons clairs, les énergies renouvelables ont un rôle incontestable à jouer
comme énergies d'appoint grâce au développement de réseaux locaux adaptés aux
besoins.
A cet égard, la directive du 10 mai 2000 fixe comme objectif de faire passer
la part de ces énergies renouvelables dans la consommation brute d'énergie de 6
% en 1997 à 12 % en 2010.
Cela implique, bien sûr, une part spécifique d'électricité produite par ces
énergies, part qui devrait passer, pour la France, de 15 % à l'heure actuelle à
22 %.
C'est un effort considérable, mais qui ne peut porter que sur la part non
hydraulique des énergies renouvelables, laquelle est, à l'heure actuelle, de 2
% seulement.
Quoi qu'il en soit, il reste 80 % de la production d'électricité à assurer
hors énergies renouvelables, production réalisée actuellement en quasi-totalité
par le nucléaire.
Monsieur le ministre, dans ces conditions, allez-vous avoir un discours clair
sur le renouvellement du parc nucléaire et sur l'utilisation du MOX ?
L'usine de Cadarache, dont la fermeture semble acquise, aura-t-elle une
nouvelle implantation ?
Sur un plan plus général, sans le nucléaire, la France est-elle en mesure
d'assurer, pour répondre aux besoins d'une société développée, un
approvisionnement sûr en énergie de qualité durable, au moindre coût pour
l'économie et respectueuse de l'environnement, en particulier en ce qui
concerne la lutte contre l'effet de serre ?
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Madame le
sénateur, votre question comporte de nombreux aspects.
L'énergie nucléaire, c'est vrai, représente un élément extrêmement important
de notre consommation - de l'ordre de 75 % - et il n'est pas question de s'en
priver. Des considérations de sécurité, de transparence, de diversification
doivent être prises en compte, mais l'énergie nucléaire est un fait. Et dans la
crise que nous avons subie et que nous subissons encore - j'y viendrai dans un
instant - il ne faut pas oublier cette diversification énergétique, sur
laquelle il faudra mettre l'accent probablement plus qu'on ne l'a fait jusqu'à
présent. Cela ne représente pas encore grand-chose, mais il faut penser au
futur.
Revenant sur le début de votre propos, je dirai que je ne suis pas d'accord
avec le qualificatif que vous avez employé : le Gouvernement n'a pas conduit
son action « à l'aveuglette ». D'ailleurs, vous l'avez constaté, la difficulté
est apparue dans tous les pays d'Europe.
Devant la hausse massive des prix du pétrole par les producteurs, nous nous
sommes efforcés d'être à l'écoute de ce que nous disait la population et, en
même temps, de tenir un discours de vérité.
Etre à l'écoute, cela a conduit à prendre les mesures visant à réduire la
fiscalité sur le fioul domestique, les mesures en faveur de l'agriculture, en
direction des professionnels, à modifier notre système de TIPP, que l'on
appelle maintenant stabilisatrice. Il fallait écouter.
Pour ce qui est du discours de vérité à tenir, je ne suis pas sûr d'avoir bien
compris ce que vous avez dit.
La vérité consiste à dire que, tant que les pays producteurs fixeront les
tarifs à un niveau très élevé, l'essence restera malheureusement chère en
France.
L'idée, avancée par certains, de brancher une espèce de cordon entre, d'un
côté, les décisions des pays producteurs et, de l'autre, la fiscalité
française, en faisant en sorte que, s'il y a des hausses demandées par les pays
producteurs, il y ait des baisses correspondantes de la fiscalité, est une idée
à proscrire.
D'abord, cela signifierait des centaines de milliards de francs de recettes en
moins, c'est-à-dire des augmentations d'impôts ou des coupes - on ne saurait
pas où les faire - dans les dépenses.
Ensuite, ce serait totalement illusoire, car, alors, le baril de pétrole
serait non plus à 30 dollars mais à 70 dollars.
Il ne faut donc pas faire de démagogie, ni dans ce domaine ni dans les
autres.
En revanche, procéder à une diversification énergétique, mener une politique à
long terme avec les pays producteurs, entre producteurs et consommateurs,
favoriser l'écoute, tenir un langage de vérité, utiliser toutes les sources
possibles dès lors qu'elles sont sûres et non polluantes, telle est, me
semble-t-il, la voie dans laquelle il faut s'engager, et telle est celle, je
crois, qu'a empruntée le Gouvernement.
La crise n'a pas été facile ; nous avons cherché à y faire face en écoutant et
en ne racontant pas des choses inexactes aux Français.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Hélène Luc applaudit
également.)
ÉVOLUTION DU POUVOIR D'ACHAT DES FRANÇAIS