SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 861, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly.
Madame la secrétaire d'Etat, la question des cotisations sociales des
pluriactifs est ancienne, mais le problème va s'accentuant depuis quelques
années. Il y a là un enjeu économique et social dont l'importance n'a, du
reste, échappé ni au Parlement ni au Gouvernement ; plusieurs rapports
n'ont-ils pas été produits sur le sujet, notamment ceux de MM. Gueremenk,
Gaymard, Le Pors, qui aboutissent d'ailleurs aux mêmes conclusions ?
Chacun s'accorde à reconnaître que l'exercice de la pluriactivité est, en bien
des cas, nécessaire, voire indispensable aux paysans d'aujourd'hui. L'exemple
est bien connu des agriculteurs moniteurs de ski en montagne ; il en est bien
d'autres, qui tiennent en particulier au développement des activités dites
agritouristiques, que connaît notamment ma région.
Si chacun s'accorde à reconnaître le bien-fondé de la pluriactivité, être
pluriactif aujourd'hui en milieu rural n'est pas, c'est le moins que l'on
puisse dire, chose aisée au regard de la protection sociale, et ce n'est pas un
aspect secondaire.
Force est de constater que les pluriactifs sont souvent ceux qui cotisent le
plus et qui, pourtant, reçoivent le moins. Ce problème ne relève pas cependant
entièrement des insuffisances de la législation elle-même ; la loi Montagne et,
plus récemment, la loi d'orientation agricole ont en effet donné lieu à un
certain nombre de mesures. Le problème relève plutôt des conditions
d'application de la loi et surtout des partenaires sociaux ; c'est la non-mise
en place de dispositifs nécessaires à la protection sociale des 500 000
pluriactifs français : le guichet unique et la caisse-pivot.
Aujourd'hui, en effet, il n'existe pas en tant que tel de guichet unique et de
caisse-pivot. Cette situation est la conséquence directe de la non-application
du décret 97-362 du 16 avril 1997, qui fait qu'aucune convention-cadre n'a été
signée plus de deux ans après la publication dudit décret. Ce guichet unique et
cette caisse-pivot seraient pourtant bien utiles !
Du fait du caractère changeant de la situation des pluriactifs, le travail
peut être différent d'une année à l'autre, en fonction des activités exercées,
ce qui entraîne des affiliations à des caisses différentes, donc des
difficultés liées à la multiplicité des interlocuteurs. La caisse-pivot
permettrait de prendre enfin en compte le pluriactif dans sa globalité et donc
de gérer plus facilement les changements de situation au regard de la
protection sociale.
La caisse-pivot serait, pour un pluriactif, un intelocuteur unique, quelles
que soient les situations professionnelles dans lesquelles il se trouve et
entraînerait une simplification administrative - ce n'est pas là un point
mineur - ainsi qu'un allégement des coûts, tant pour les caisses elles-mêmes
que pour les pluriactifs.
Ma question est la suivante, madame la secrétaire d'Etat : comment le
Gouvernement compte-t-il procéder pour que soit mis en oeuvre ce que le
législateur a prévu en matière de caisse-pivot et de guichet unique, premiers
jalons, à mes yeux, de la définition d'un réel statut des pluriactifs.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous me posez une question extrêmement technique et je vais m'efforcer d'y
répondre avec clarté à partir des notes qui m'ont été remises par Mme Aubry.
Afin de faciliter les démarches des personnes exerçant, au cours d'une même
année, plusieurs activités professionnelles non salariées, l'article 34 de la
loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, modifié par l'article 43 de la loi n° 95-95
du 1er février 1995, avait posé le principe d'une caisse-pivot, interlocuteur
unique de l'assuré social pluriactif soumis à différentes législations
sociales.
Soucieux de simplifier véritablement l'exercice de la pluriactivité, le
Gouvernenment a décidé d'être plus ambitieux en décidant que les personnes
exerçant plusieurs activités relevant de différents régimes de sécurité sociale
de non-salariés seraient désormais affiliées à un seul régime de sécurité
sociale, celui de leur activité principale.
L'article 53 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole
concrétise cette décision. Il introduit en effet dans le code de la sécurité
sociale un article L. 171-3 aux termes duquel les personnes exerçant une
activité non salariée agricole et une activité non salariée non agricole -
l'exemple que vous avez cité, de l'agriculteur moniteur de ski, est tout à fait
approprié - seront désormais affiliées au seul régime de l'activité principale,
régime auprès duquel ils cotiseront sur l'ensemble des revenus tirés des deux
activités.
Un décret rédigé par le ministère de l'agriculture, et qui a reçu
l'assentiment du ministère de l'emploi, précisera très prochainement les
conditions d'application de cette mesure, qui répond à la demande des
pluriactifs plus efficacement que le dispositif de la caisse-pivot. En effet,
le nouveau dispositif soumet les revenus tirés des deux activités à un seul
régime de prélèvement, de la même façon que s'il étaient imposés sous un régime
fiscal unique. Dans un dispositif de caisse-pivot, ces différents revenus
demeureraient au contraire appréhendés de façon distincte et donc assujettis à
des prélèvements différents, ce qui limiterait fortement la simplification.
J'ajoute que les cotisations réclamées aux pluriactifs ne sont pas supérieures
à celles qui sont demandées aux personnes exerçant une activité unique.
L'assujettissement des revenus tirés par les pluriactifs de chacune de leurs
activités leur donne parfois ce sentiment, mais celui-ci n'est pas fondé. Au
demeurant, assujettir seulement une partie de leurs revenus reviendrait en fait
à demander, à revenus identiques, un effort contributif plus élevé aux
mono-actifs, solution inapplicable dans la mesure où elle induirait une rupture
d'égalité devant les charges publiques.
M. le président.
Monsieur Mouly, vous voilà éclairé et nous, informés.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Si ma question a abouti à ce résultat, vous informer, monsieur le président,
vous m'en voyez ravi !
(Sourires.)
Au-delà de la complexité technique du sujet, son importance n'échappe à
personne, car la pluriactivité est, souvent, la condition de la survie d'une
exploitation agricole.
L'affiliation à un régime correspondant à l'activité principale constituerait
une réelle simplification. J'ai compris que les dispositions permettant
l'entrée en application de cette mesure étaient encore à venir. Je souhaite
qu'elles interviennent le plus rapidement possible et que, par ce biais, le
pluriactif trouve ce qu'il attend, à savoir la simplification administrative
nécessaire à la poursuite de ses différentes activités.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je confirme que le décret de mise en oeuvre de cette
simplification par l'affiliation au régime de l'activité principale est à la
veille d'être publié, puisqu'il a été rédigé par le ministère de l'agriculture
et qu'il a reçu l'approbation du ministère de l'emploi.
5