SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre, auteur de la question n° 850, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Pierre Lefebvre.
Madame la secrétaire d'Etat, dans le bassin minier du Nord - Pas-de-Calais,
des milliers de mineurs atteints de la silicose ne sont pas reconnus.
L'aggravation de leur mal est trop souvent contestée, tout comme la
reconnaissance du décès par silicose ou pneumoconiose.
Les procédures de recours en cas de rejet sont lourdes, souvent rebutantes et
injustes.
En cas de décès de la victime, reste le plus souvent l'utilisation du recours,
par l'union régionale des sociétés de sécurité sociale minière, à l'autopsie,
avec son côté dramatique pour la famille et souvent choquant.
Enfin, dans la gestion du risque lié à la maladie professionnelle par l'union
régionale de sécurité sociale minière, l'un des principes de la loi n'est pas
appliqué semble-t-il. Dans la réalité du fonctionnement de la sécurité sociale
minière, à aucun moment les victimes n'ont le libre choix médical. Ainsi, la
société de sécurité sociale minière est juge et partie. Voilà qui n'est pas
juste.
Pour remédier au plus vite à cette situation, l'union régionale des syndicats
de retraités et veuves CGT de mineurs et similaires a formulé des propositions
pour que soient respectées les règles légales sur les maladies
professionnelles.
Je veux brièvement vous les soumettre, madame la secrétaire d'Etat.
Le principe d'indépendance absolue de l'avis médical pour les victimes doit
être posé.
Les médecins traitants doivent pouvoir assumer leur rôle et responsabilité
jusqu'au terme du dossier, y compris dans les décisions du médecin-conseil.
Le suivi médical des victimes, amélioré, doit être placé en situation
d'indépendance médicale absolue.
Enfin, Le recours aux autopsies pour déterminer les causes du décès par
maladie professionnelle doit être supprimé.
Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse est attendue avec intérêt et
impatience dans le bassin minier, où cette question fait l'objet d'une
mobilisation importante.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Je vous prie, monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir excuser mon
retard ; j'ai été retenue plus longtemps que prévu à l'Assemblée nationale.
Vous avez raison de rappeler, monsieur Lefebvre, les souffrances qu'endurent
ceux qui, aujourd'hui, sont atteints de silicose et la détresse de leurs
proches. Comme souvent, l'injustice s'est acharnée sur les plus fragiles : ce
sont les travailleurs astreints à des emplois d'une extrême pénibilité qui sont
aujourd'hui fauchés par la maladie.
Devant ces drames humains et sociaux, il est indispensable de simplifier
l'accès à la reconnaissance et à la réparation des maladies professionnelles.
Depuis que ce gouvernement est en place, vous l'avez souligné, d'importantes
mesures ont été prises en ce sens pour l'ensemble des salariés. Les unions
régionales de secours minier sont concernées puisqu'elles appliquent les règles
du Livre IV du code de la sécurité sociale, relatif aux accidents du travail et
aux maladies professionnelles.
Ainsi, la procédure de contestation préalable, qui permettait aux organismes
de sécurité sociale de différer indéfinimenent leur décision, a été supprimée
par le décret du 27 avril 1999. Désormais, les caisses doivent examiner les
dossiers dans des délais strictement encadrés. A défaut de réponse dans ces
délais, le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident est réputé
acquis.
De même, les modalités de reconnaissance des pneumoconioses ont été
simplifiées par le décret du 31 août 1999. Les procédures dérogatoires,
notamment le passage devant le collège des trois médecins, compliquaient
l'accès à la réparation.
Il est clair que ces mesures, après une période d'adaptation, auront un effet
positif sur les délais.
Les unions régionales de secours minier doivent respecter ces règles, en
améliorant leurs procédures et en s'attachant à développer le dialogue avec les
victimes et leurs familles. Des informations qui ont été communiquées à Mme
Aubry, il ressort que la réglementation est respectée : le délai moyen est
actuellement de sept semaines pour un dossier ne comportant pas la saisine du
comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de quinze
semaines lorsque ce comité doit se prononcer.
Vous soulevez également la question du libre choix du médecin. Je rappelle que
les mineurs, comme les salariés du secteur privé, disposent du libre choix de
leur praticien en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Il
est vrai que celui-ci n'est pas habilité à déterminer le taux d'incapacité de
la victime, qui relève de la seule compétence du médecin conseil du régime
auquel appartient l'intéressé. La règle de droit n'est donc pas différente pour
les mineurs. J'ajoute cependant que le médecin traitant a toute latitude pour
adresser au médecin conseil l'information dont il dispose et qu'il juge utile
pour son patient.
La caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines a récemment
diffusé une instruction demandant expressément au médecin conseil régional du
Nord - Pas-de-Calais qu'aucun médecin conseil amené à se prononcer sur les
révisions de rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'assure
désormais des tâches de suivi médical. Dans ce même courrier, il était
également demandé qu'un médecin issu du service médical soit mis à disposition
du centre d'études de pneumoconioses.
Enfin, je rappelle qu'en matière d'accidents du travail et de maladies
professionnelles, l'autopsie est prévue en cas d'accident ou de maladie
mortelle. Si c'est un moyen de recherche de la cause du décès, il ne doit être
mis en oeuvre qu'en dernier recours ; l'union régionale du Nord a eu recours à
des autopsies pour l'instruction de vingt-trois dossiers sur deux cent
soixante-quatorze. En application du code de la sécurité sociale, si les ayants
droit de la victime refusent l'autopsie, ils perdent le bénéfice de la
présomption d'imputabilité au risque professionnel et doivent prouver le
caractère professionnel de l'accident ou de la maladie mortelle.
Les associations de défense des victimes ont appelé l'attention de Mme Aubry
sur ce sujet et souhaitent que les familles soient clairement prévenues des
conséquences de leur refus. Des instructions ont été données en ce sens aux
organismes par la caisse nationale d'assurance maladie. Les unions régionales
se doivent d'appliquer la même consigne afin que l'information des ayants droit
soit réelle et que les intéressés puissent prendre leur décision en toute
connaissance de cause.
Nous sommes, vous le voyez, attentifs à ce que les organismes de sécurité
sociale s'attachent à rendre effectifs les droits des assurés et nous
veillerons à ce que les mesures que nous avons prises soient appliquées, au
bénéfice de celles et de ceux à qui elles sont destinées.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de ces précisions. Je vous sais
gré, en particulier, d'avoir rappelé les modifications des règles applicables
en la matière, modifications qui sont intervenues sous votre responsabilité.
Il faut évidemment laisser... du temps au temps ; il faut que les nouvelles
instructions parviennent à l'union régionale des sociétés de secours minier
afin que l'ancienne pratique, que l'on connaît trop bien dans le bassin minier,
puisse céder le pas devant la nouvelle, à partir des recommandations que vous
aurez bien voulu donner.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Vous nous y aiderez,
monsieur le sénateur !
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