SEANCE DU 11 OCTOBRE 2000
M. le président.
« Art. 4. - I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail
est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange
portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le
comité d'entreprise pour l'en informer. Au cours de cette réunion, le comité
décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Le chef de l'entreprise
auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans
les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au
troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information
des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de
bourse. Dans les quinze jours suivant la publication de cette note, le comité
d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à
l'audition de l'auteur de l'offre. Dans ce cas, la date de la réunion est
communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Le comité
d'entreprise peut faire part à l'auteur de l'offre de toutes les observations
qu'il estime utiles. Il peut se faire assister préalablement et lors de la
réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et
huitième alinéas de l'article 434-6.
« La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le
représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de
l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il
a été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ne peut exercer
les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre
qu'elle détient ou viendrait à détenir. Cette interdiction s'étend aux sociétés
qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article 357-1 de la loi n°
66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. La sanction est levée
le lendemain du jour où le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre
a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de
l'offre. La sanction est également levée si le chef d'entreprise n'est pas
convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours
qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 439-2 du code du travail est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas d'annonce d'offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange
portant sur l'entreprise dominante d'un groupe, le chef de cette entreprise en
informe immédiatement le comité de groupe. Il est alors fait application au
niveau du comité de groupe des dispositions prévues aux quatrième et cinquième
alinéas de l'article L. 432-1 pour le comité d'entreprise.
« Le respect des dispositions de l'alinéa précédent dispense des obligations
définies à l'article L. 432-1 pour les comités d'entreprise des sociétés
appartenant au groupe. »
« III. - Le troisième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 67-833 du 28
septembre 1967 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les
orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue
l'offre publique. »
Par amendement n° 436, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de cet article par les mots : « et
se prononce sur le caractère amical ou hostile de l'offre ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement est important à nos yeux.
Il s'agit de savoir dans quelles conditions se déroulent les offres publiques
d'achat, les OPA, et les offres publiques d'échange, les OPE, c'est-à-dire ce
qu'aujourd'hui l'on appelle, d'un autre terme, les opérations de concentration
d'entreprises.
De telles opérations ne sont pas nécessairement positives. Elles peuvent
prendre un caractère hostile et tendre, dans les faits, à porter atteinte à
l'intégrité d'une entreprise concurrente, viser à la contrôler, à l'acheter et
à asseoir sa propre position afin d'occuper, éventuellement, une position
dominante.
L'histoire économique et financière récente de notre pays a été profondément
marquée, on le sait - je pense à l'été dernier - par de grandes opérations dans
le monde bancaire ou dans le monde de l'énergie, et donc par d'importants
mouvements sur les détentions de titres ou de parts sociales dont la presse
économique s'est largement fait l'écho - il serait fastidieux d'en rappeler la
liste complète. Toujours est-il que certaines opérations sont menées à partir
d'une procédure d'échange de titres qui peut dans certains cas, dès lors que
l'OPA ou l'OPE n'est pas perçue positivement par la société convoitée,
consister à échanger, en quelque sorte, des fruits qui ne sont pas dans le
meilleur état pour des fruits plus beaux, au détriment de l'entreprise
visée.
Une telle orientation ne peut être laissée, de notre point de vue, à la seule
appréciation des autorités de contrôle et de régulation de la place et des
organes dirigeants de l'entreprise. Il importe à nos yeux que le personnel des
entreprises faisant l'objet d'une telle offre puisse également, par le biais de
ses instances représentatives, juger de la pertinence de tel ou tel
rapprochement et, au-delà de la consultation prévue à l'article 4, donner sa
position de fond et son avis sur l'opération menée à l'encontre de leur
entreprise.
En clair, nous demandons que le comité d'entreprise puisse donner son avis sur
le caractère amical ou hostile de l'offre publique d'achat ou de l'offre
publique d'échange - je parle bien entendu du comité de l'entreprise visée par
l'OPA et non de celui de l'entreprise qui cherche à acheter - afin que tout le
monde connaisse clairement les conditions dans lesquelles se déroulera
l'opération. J'ajoute - cela ne figure pas dans l'amendement - qu'il ne me
paraîtrait pas choquant, si le comité d'entreprise est hostile à l'offre, de
saisir une autorité de l'Etat, voire le ministre - pourquoi pas ? - pour que le
feu vert soit donné à l'opération envisagée.
Mais, je le sais, il s'agit là d'un débat de fond avec M. le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Loridant.
Défavorable !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Comme le craint M. Loridant, la commission est défavorable à
cet amendement, et je vais m'en expliquer brièvement.
L'article 4 permettra de délivrer une information au comité d'entreprise, qui
pourra faire part de ses observations. Cette procédure est bien prévue par cet
article et continue de figurer dans le dispositif qui ressort des amendements
proposés par la commission.
Je me demande quel est l'apport de la rédaction suggérée par M. Loridant et
par son groupe. Selon l'amendement n° 436, le comité d'entreprise devra se
prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Mais, en droit, rien
ne définit l'offre amicale, rien ne définit l'offre hostile : ce ne sont pas
des notions juridiques. Le fait qu'une opération soit perçue comme amicale ou
comme hostile par le comité d'entreprise ne peut donc entraîner aucune
conséquence juridique.
Au demeurant, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une offre amicale ? Qu'est-ce
qu'une offre hostile ? Tout dépend de celui qui exprime l'avis. Toute offre est
amicale pour les actionnaires puisqu'elle va leur permettre de mieux valoriser
leurs titres. Toute offre visant à transformer la stratégie d'une entreprise
est plutôt inamicale, voire hostile, pour la direction en place.
Quant aux salariés, il existe nombre de cas de figure dans lesquels ils sont
courtisés à la fois par les uns et par les autres - cela arrive - et où ils
sont plutôt neutres dès lors qu'on ne touche pas aux effectifs et à
l'organisation de l'entreprise.
Par conséquent, imposer au comité d'entreprise de déclarer que, de son point
de vue, une opération est amicale ou hostile, est-ce vraiment servir les
intérêts des salariés ? Je pose sérieusement cette question en essayant de me
placer du point de vue de nos collègues. En effet, après tout, ce qui importe
au comité d'entreprise, c'est non pas de qualifier l'opération, mais que cette
dernière entraîne le moins de conséquences dommageables, le moins de dégâts
possible sur la structure sociale, les effectifs et l'organisation de
l'entreprise.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances émet un avis tout à
fait défavorable sur l'amendement n° 436.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émettra un avis assez proche de celui
de la commission.
Cet amendement vise à obliger le comité d'entreprise à trancher entre le
caractère hostile ou amical d'une offre, ce qui ne semble pas opportun. Le
comité d'entreprise peut d'ailleurs très bien avoir un avis nuancé. J'ajoute
que certains souhaiteront même ne pas siéger, craignant, pour le cas où l'offre
déclarée aboutirait quand même, connaître ensuite quelques soucis
professionnels.
Une telle disposition ne rendrait pas service aux salariés et n'emporterait
aucune conséquence juridique. Par conséquent, il est délicat de l'imposer au
comité d'entreprise.
Mais, pour avoir connu comme vous, monsieur Loridant, beaucoup de situations
de ce type, je peux vous dire que les représentants du personnel et le syndicat
du personnel s'expriment toujours, parfois même publiquement. Par conséquent,
leur parole existe, mais leur imposer cette dernière me paraît dangereux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 436.
M. Paul Loridant.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 436 est retiré.
Par amendement n° 159, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, au début de la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article
4, de remplacer les mots : « Le chef de l'entreprise auteur de l'offre » par
les mots : « Ce dernier ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je voudrais,
avec l'amendement n° 159, donner une vue générale des neuf amendements que la
commission a déposés à cet article et qui constituent un tout.
L'article 4 est relatif à la convocation devant le comité d'entreprise de
l'auteur d'une offre publique. C'est une possibilité, pour le comité
d'entreprise, de l'entendre, mais une obligation, pour l'auteur de l'offre, dès
lors que le comité le souhaite, de se rendre à cette audition. La sanction, en
cas de refus de l'auteur de l'offre, est la suspension de ses droits de
vote.
La commission des finances comprend bien l'objectif poursuivi, mais elle
souligne les risques qu'il présente de son point de vue. Il faut rappeler que,
d'ores et déjà, les comités d'entreprise disposent, dans la loi existante,
d'une possibilité de convoquer le chef d'entreprise. Les dispositions que vise
à ajouter l'article 4 peuvent créer de réelles difficultés ; et ce sont ces
difficultés et ces risques que les amendements de la commission visent à
réduire ou à éliminer.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit tout d'abord - c'est la réparation d'un oubli -
d'étendre les obligations prévues aux initiateurs d'offres publiques qui
seraient des personnes physiques.
Pour être exceptionnelles, ces hypothèses peuvent néanmoins se produire, et
mieux vaut donc ne pas les laisser dans l'ombre.
Par ailleurs, nous souhaiterions offrir, en quelque sorte, une « session de
rattrapage » au comité d'entreprise, qui, n'ayant pas jugé bon, dans un premier
temps, de convoquer l'auteur de l'offre, se raviserait au vu de la note
d'information et estimerait nécessaire de compléter cette information par
l'audition du chef d'entreprise attaquante.
En troisième lieu, il convient de prévoir explicitement que la suspension des
droits de vote prévue par cet article est la seule sanction applicable à
l'auteur de l'offre. En effet, nous craignons que l'introduction de cette
disposition nouvelle dans le code du travail ne puisse engendrer un conflit de
deux droits : le droit boursier, puisque l'on est en offre publique, et le
droit du travail, puisqu'il s'agit des compétences des comités d'entreprise et
que cet article est inséré dans le code du travail. Ce sont deux disciplines
juridiques bien différentes, et il ne faut pas oublier que les compétences au
contentieux ne sont pas les mêmes, que les manquements ou délits de droit
boursier sont portés devant les tribunaux judiciaires répressifs et que les
contentieux en matière de droit du travail et notamment d'entrave au
fonctionnement régulier des comités d'entreprise sont portés devant le juge du
contrat de travail, c'est-à-dire le conseil de prud'hommes, en première
instance, et la cour d'appel, chambre sociale, en seconde instance. Ce sont des
concepts différents, des disciplines juridiques différentes et des juridictions
différentes.
Que peut-il donc se passer, madame le secrétaire d'Etat, si l'on ne prend pas
la précaution que préconise la commission des finances ? Le chef de
l'entreprise initiatrice, venant présenter la note d'information devant le
comité d'entreprise, pourrait, pressé de questions, en dire beaucoup plus que
ce qui figure dans ladite note. Or, selon un principe de droit boursier, tous
les participants au marché doivent disposer de la même information :
l'information doit être égale pour tous ; elle doit circuler librement pour
assurer la transparence du marché.
Le risque pour le chef d'entreprise est donc d'aller au-delà de l'information
visée par le régulateur boursier et de commettre une indiscrétion sur
l'opération, ce qui le placerait dans un cas de figure où l'ombre du délit
d'initié pourrait éventuellement planer.
A l'inverse, le responsable d'entreprise, s'exprimant au nom de l'entreprise
initiatrice, peut ne pas répondre à toutes les questions qui lui sont posées
par le comité d'entreprise ; si celui-ci peut alors considérer, au terme de
l'audition, qu'il ne lui a pas été donné satisfaction, il manifestera, en toute
logique, son mécontentement
(M. Loridant s'exclame.)
: il considérera
qu'il a été fait entrave à ses pouvoirs et que le délit d'entrave doit être
invoqué, de manière réelle ou, d'ailleurs, de manière plus dilatoire, auprès du
conseil de prud'hommes et, éventuellement, en appel.
Nous estimons qu'il faut absolument éviter tout risque de cette nature, car
les conséquences quant à la stabilité et à la sécurité des situations
pourraient être très graves. C'est pourquoi nous voudrions qu'il soit précisé
qu'il ne peut pas y avoir d'autres sanctions applicables à l'auteur de l'offre
que la suspension des droits de vote prévus par le texte, ce qui exclut toute
sanction en termes de droit du travail.
Enfin, il convient, nous semble-t-il, d'indiquer de façon explicite qu'aucun
recours ne pourra être interruptif du cours de l'offre. C'est, je crois,
conforme à l'esprit de l'article 4 tel qu'il a été proposé par le Gouvernement
et voté par l'Assemblée nationale, mais il faut l'écrire clairement ; nous
aurons à faire face à des phases de conflits telles que les différentes parties
voudront naturellement exploiter tous leurs droits et n'hésiteront pas à
entamer des procédures, peut-être sans effet final, mais qui prendront du
temps. Par conséquent, pendant de temps-là, la vie de l'entreprise, à défaut de
s'arrêter, s'engluerait. En effet, vous le savez, pendant une offre publique,
on ne peut plus qu'expédier les affaires courantes. Si cela devait durer des
mois et des mois, cela se retournerait un jour, dans un monde où les évolutions
sont rapides, où la compétition est acérée, contre les intérêts de
l'entreprise, et donc des salariés.
Par conséquent, nous souhaitons qu'aucun recours ne soit interruptif du cours
de l'offre.
Tel est l'objet des neuf amendements successifs proposés par la commission et
qui doivent être lus comme un tout.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 159 est intéressant, et le travail de
la commission des finances a été très positif. Le Gouvernement s'en remet donc
à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 160, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, après la troisième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 4,
d'insérer deux phrases ainsi rédigées :
« Le comité peut, lors d'une réunion ultérieure dans le délai de quinze jours
suivant la publication de la note et s'il ne l'a pas décidé lors de la première
réunion mentionnée à cet article, décider qu'il souhaite entendre l'auteur de
l'offre. Cette audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les
conditions, les délais et sous les sanctions prévus aux alinéas suivants. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La proposition de M. le rapporteur est intéressante.
Cependant, sa rédaction la rend complexe en introduisant un nouveau délai de
quinze jours dont l'articulation avec celui qui figure déjà dans le texte n'est
pas claire. On ne voit pas comment, sauf à allonger de nouveau la durée de
l'offre, le comité d'entreprise pourrait disposer d'un délai de quinze jours
pour décider d'entendre ou non l'auteur de l'offre alors qu'il dispose
précisément de ce même délai pour l'entendre et que ce dernier doit être
prévenu trois jours à l'avance.
La rédaction actuelle est plus simple, plus cohérente, tout en respectant les
droits du comité d'entreprise. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 160, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 161, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer les quatre dernières phrases du deuxième alinéa du I de
l'article 4.
Par amendement n° 359, MM. Cornu, Courtois,Cazalet, Francis Giraud et Murat
proposent de supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté
par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L.
432-1 du code du travail.
L'amendement n° 161 a déjà été défendu.
La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 359.
M. Gérard Cornu.
Cet amendement vise à supprimer un dispositif qui ne se justifie pas à ce
stade de la procédure.
L'article 4 prévoit que le comité d'entreprise pourra être assisté par un
expert lors de l'audition par ses soins du chef d'entreprise ayant lancé
l'offre publique d'achat ou l'offre publique d'échange. Or les frais liés à
cette expertise devront inévitablement être pris en charge par l'entreprise
visée par l'offre.
Il me semble que cette procédure ne se justifie pas à ce stade de
l'audition.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Notre collègue Gérard Cornu pose une question intéressante :
on peut effectivement comprendre que l'on cherche à minimiser les dépenses,
mais il convient de rappeler qu'il existe une disposition de portée très
générale, inscrite dans l'article L. 434-6 du code du travail, aux termes de
laquelle le comité d'entreprise peut faire appel à tout expert rémunéré par ses
soins pour préparer ses travaux. Cet article paraît être applicable en l'espèce
!
Par conséquent, même s'il était fait droit à la demande de nos collègues, le
comité d'entreprise pourrait néanmoins, sur le fondement de l'article L. 434-6
du code du travail, faire appel à un expert qu'il rémunérerait. C'est pourquoi,
par souci de réalisme et dans le cadre du droit existant, il a semblé
préférable à la commission de maintenir la rédaction de l'article 4 sur ce
point. Nous aurons ainsi accès, dans un même article, à l'ensemble du
dispositif sans être obligés d'aller « repêcher » dans tout le code du travail
des dispositions qui ne figureraient ici que par référence.
Sous le bénéfice de ces observations, je souhaiterais que notre collègue M.
Cornu retire cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 359 et 161 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Sur l'amendement n° 359, le Gouvernement partage
l'avis défavorable de la commission. Le droit du comité d'entreprise à
l'expertise, qu'il utilise ou non, est simplement réaffirmé.
Quant à l'amendement n° 161, le Gouvernement y est également défavorable,
ainsi qu'aux amendements n°s 162 et 163, car le texte de l'article 4 tel qu'il
a été adopté par l'Assemblée nationale me semble clair, et je ne vois pas
l'utilité des modifications proposées.
M. le président.
Monsieur Cornu, l'amendement n° 359 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 359 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 161.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Loridant.
M. Paul Loridant.
Avec cet amendement, nous sommes vraiment au coeur du débat que j'ai introduit
hier en défendant une motion tendant à opposer la question préalable.
Ce projet de loi apporte-t-il une réponse aux vraies questions qui se posent
aux salariés lorsqu'ils voient leur entreprise menacée de restructuration,
lorsqu'ils font l'objet de procédures de licenciement ou, dans le cas qui nous
intéresse, lorsqu'ils sont exposées à une OPA ou à une OPE ?
M. le rapporteur considère que le projet de loi issu des travaux de
l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisant parce que l'on risquerait, s'il
était adopté, de se heurter soit au délit d'entrave, soit au délit d'initié.
Nous avons d'ailleurs eu ce débat au sein de la commission des finances.
En vérité, le problème est de savoir si les nouveaux pouvoirs qui sont donnés
au comité d'entreprise constituent un moyen de permettre aux salariés de se
défendre. Il s'agit là d'un sujet difficile : faut-il donner à l'autorité
politique la capacité de s'impliquer dans telle ou telle OPA ? Certes, cette
possibilité pourrait se heurter à la logique européenne ou à celle du droit des
sociétés ou du droit du commerce. Toutefois, faute de donner ce pouvoir
d'intervention au pouvoir politique, nous nous trouvons pris dans des
contradictions.
Dans ces conditions, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre
l'amendement n° 161, parce qu'il vient une fois de plus, sous couvert de
positions dites équilibrées, rogner les pouvoirs des salariés.
Pour autant, le texte tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale
ne nous satisfait pas.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je veux simplement rappeler que les amendements de la
commission ont pour principal objet de permettre à l'auteur de l'offre de se
faire assister dans sa présentation devant le comité d'entreprise par une
personne de son choix : si, par exemple, il s'agit d'un étranger non
francophone, il est bon qu'il puisse être accompagné par quelqu'un qui traduira
ses propos, ou par un expert ou un collaborateur susceptible de faciliter un
meilleur contact avec le comité d'entreprise.
Si nous avons introduit cette disposition, c'est pour faciliter le dialogue
susceptible de se nouer, afin que la réunion soit fructueuse. Voilà pourquoi je
suis un peu surpris de l'avis qui a été émis par le Gouvernement !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 162, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, avant le dernier alinéa du I de l'article 4, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le
comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à
l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé
d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce
dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de
l'offre, qui peut se faire assister des personnes de son choix, prend
connaissance des observations éventuellement formulées par le comité
d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la
réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et
huitième alinéas de l'article L. 434-6. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 162, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont présentés par MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis
Giraud et Murat.
L'amendement n° 358 vise à supprimer le second alinéa du texte proposé par le
I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du
code du travail.
L'amendement n° 357 tend à rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par
le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du
code du travail :
« Si le chef d'entreprise de la société ayant déposé l'offre ou son
représentant ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a
été invité dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, cette carence peut
être rendue publique à l'initiative du comité d'entreprise. De même celui-ci
peut faire connaître les questions qu'il a souhaité poser aux dirigeants de la
société ayant déposé l'offre et auxquelles il n'a pas été répondu précisément.
»
Par amendement n° 163, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 4, de
remplacer les mots : « à l'alinéa précédent » par les mots : « aux deux
précédents alinéas ».
Par amendement n° 480, le Gouvernement propose, dans la deuxième phrase du
dernier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « article 357-1 de
la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales » par les
mots : « article L. 233-16 du code de commerce ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Marini, au nom de la
commission des finances.
L'amendement n° 164 vise, après la deuxième phrase du dernier alinéa du I de
l'article 4, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Une sanction identique
s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la
rénion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions
prévues aux deux alinéas précédents. »
L'amendement n° 165 tend à supprimer les deux dernières phrases du dernier
alinéa du I de l'article 4.
La parole est à M. Cornu, pour présenter les amendements n°s 358 et 357.
M. Gérard Cornu.
L'amendement n° 358 tend à supprimer la sanction adoptée par l'Assemblée
nationale en cas de refus du dirigeant de la société émettrice de l'offre de
comparaître devant le comité d'entreprise. Cette sanction consistant en la
privation des droits de vote attachés aux titres acquis à l'occasion de l'offre
publique, elle porte à l'évidence atteinte au droit de propriété.
L'amendement n° 357 vise à proposer un autre type de sanction : si l'auteur de
l'offre a refusé de se rendre à l'invitation du comité d'entreprise ou a refusé
de répondre aux questions qui lui étaient posées lors de cette réunion, cette
attitude peut être rendue publique par le comité d'entreprise.
Par ailleurs, cet amendement précise que, à défaut de la présence du chef de
l'entreprise auteur de l'offre, celui-ci peut se faire représenter par le
représentant de son choix, sans que ce dernier soit obligatoirement un des
mandataires sociaux ou un salarié de l'entreprise.
M. le président.
L'amendement n° 163 a déjà été présenté.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n°
480.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
Il s'agit d'un amendement de codification.
M. le président.
Les amendements n°s 164 et 165 ont déjà été présentés.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 358, 357 et 480 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
S'agissant des amendements n°s 358 et 357, je rappellerai
brièvement l'esprit dans lequel la commission des finances a abordé cette
question.
L'organisation d'une audition par le comité d'entreprise en nous choque pas.
ll est vrai que les salariés sont concernés et que le dialogue doit se nouer,
même si, du fait des contraintes du droit boursier ce dialogue ne pourra pas
aller au-delà du commentaire de la note d'information, pour les raisons que je
rappelais voilà quelques instants. Mais il est logique et normal que les
salariés d'une entreprise soient considérés comme partie prenante à une
opération qui les concerne incontestablement.
Le comité d'entreprise est bien l'instance de représentation légitime
permettant de nouer ce minimum de contact. La commission dénonce cependant la
confusion des genres instaurée par le texte adopté par l'Assemblée nationale
entre le droit du travail et le droit boursier. C'est pourquoi, si nous ne
sommes pas choqués par une sanction relevant du droit des sociétés, à savoir la
suspension des droits de vote, qui est une sanction classique, nous ne voulons
pas que puisse éventuellement s'y ajouter une autre sanction qui serait
éventuellement décidée par le juge du contrat de travail. Dans ces conditions,
nous préconisons une sanction et une seule, à savoir la suspension du droit de
vote.
En second lieu, nous craignons beaucoup, dans l'intérêt des entreprises et du
marché, la possibilité de procédures dilatoires telles que la situation de
l'entreprise serait suspendue aux décisions imprévisibles des prétoires pendant
des mois et des mois.
Sous le bénéfice de ces explications et compte tenu des priorités de la
commission, qui souhaite simplifier ce dispositif afin d'éviter qu'il ne se
retourne contre l'intérêt des entreprises, je souhaiterais qu'il vous soit
possible, monsieur Cornu, de retirer les amendements n°s 358 et 357.
Quant à l'amendement n° 480, qui est un amendement de codification, la
commission y est favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 358, 357, 163, 164 et
165 ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Les travaux de l'Assemblée nationale ont conforté le
Gouvernement dans sa position : il a choisi de ne pas appliquer une sanction
liée au droit du travail, dans la mesure où une telle sanction s'appliquerait à
une offre faite par un repreneur potentiel français, mais pas par un repreneur
potentiel étranger. Il y aurait donc une différence importante de traitement
entre les offres.
A notre avis, la seule sanction opératoire est la supression du droit de vote.
voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux différents amendements
proposés.
M. le président.
Monsieur Cornu, maintenez-vous vos amendements n°s 358 et 357 ?
M. Gérard Cornu.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 358 et 357 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 480, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 165, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 166, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de compléter
in fine
le I. de l'article 4 par un alinéa ainsi
rédigé :
« La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été
entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La
sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une
nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la
réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je reviens sur l'avis du
Gouvernement sur l'amendement n° 164, qui concernait non pas l'application du
droit du travail mais visait à étendre la sanction de privation des droits de
vote aux personnes physiques. C'est effectivement une solution envisageable, et
je souhaitais donc m'en remettre à la sagesse du Sénat.
S'agissant maintenant de l'amendement n° 166, c'est un texte de coordination,
précisément avec l'amendement n° 164 : je m'en remets également à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 166, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 167, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de compléter
in fine
le I de l'article 4 par un alinéa ainsi
rédigé :
« Aucune autre sanction que la suspension des droits de vote prévue par le
présent article n'est applicable à l'auteur de l'offre. Aucun recours ne peut
être interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement a également été déjà défendu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
L'amendement n° 167 vise à exclure toute autre sanction
que la suspension des droits de vote. Je m'en suis expliqué tout à l'heure :
j'y suis défavorable.
M. Jean-Jacques Hyest.
J'avais eu l'impression que vous aviez dit le contraire tout à l'heure en
faisant la différence entre les étrangers et les Français !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est une nuance !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.).
M. le président.
Par amendement n° 435, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter le I de l'article 4 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour qu'elle puisse être réalisée, l'offre publique d'achat ou l'offre
publique d'échange doit être acceptée par une ou des organisations syndicales
représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages
exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des
délégués du personnel. Lorsque le quorum a été atteint au premier tour des
élections, le nombre de voix à prendre en compte est le total de celles
recueillies par les candidats titulaires lors de ce tour. Si cette condition
n'est pas satisfaite, une consultation du personnel peut être organisée à la
demande d'une ou de plusieurs organisations syndicales signataires. L'offre
publique d'achat ou l'offre publique d'échange peut être réalisée si elle est
approuvée par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ».
« Participent à la consultation prévue à l'alinéa ci-dessus les salariés
satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du
présent code. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font
l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales.
Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les
modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées
dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du
présent code. La consultation a lieu pendant le temps de travail. »
B. - En conséquence, à la fin du premier alinéa du même I, de remplacer les
mots : « deux alinéas ainsi rédigés » par les mots : « quatre alinéas ainsi
rédigés ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Cet amendement concerne la question de la connaissance sur les offres
publiques d'achat et les offres publiques d'échange. Ainsi que nous le
précisons dans l'exposé des motifs, il se pose la question assez essentielle
selon nous des rapports pour le moins ambigus qui lient entre elles les règles
propres au droit social, d'une part, et, d'autre part, celles du droit des
sociétés - fût-il, comme c'est le cas avec ce texte, codifié dans le code de
commerce - et celle, plus fondamentale de la relation entre décision économique
et société.
Le premier aspect que nous voulons traiter avec cet amendement est celui de
l'irruption du social dans la décision économique.
Avec notre amendement, en effet, le personnel des entreprises faisant l'objet
d'une offre publique d'achat ou d'échange serait directement consulté par la
voie d'un référendum d'entreprise à la demande d'une ou plusieurs organisations
syndicales de l'entreprise concernée afin de traduire concrètement l'avis de
ceux qui, à défaut d'être actionnaires, sont, en pratique, concernés par la
décision économique.
On ne peut, en effet, oublier qu'il n'est guère d'opérations de concentration
ou de rapprochement entre entreprises qui n'aient fini par générer des
suppressions d'emplois, sous prétexte qu'il est nécessaire de dégager une
certaine forme de retour sur investissement pour les nouveaux actionnaires ou
de rationaliser le processus de production.
On notera d'ailleurs que la langue économique d'aujourd'hui est riche de
concepts servant à dissimuler ce que le langage commun appelle d'autres noms :
qu'il s'agisse de plan social pour « charrette de licenciements » ou
d'accroissement de la productivité pour « hausse des cadences de production »,
le vocabulaire « managerial » s'est profondément renouvelé et il habille
aujourd'hui des couleurs de la modernité des procédés aussi vieux que la
société marchande.
Notre souci est donc de faire de la consultation du personnel, soit par le
biais de l'accord des organisations syndicales représentatives majoritaires
dans l'entreprise, soit dans le cadre d'une consultation directe des
personnels, un passage obligé dans la mise en oeuvre d'une procédure d'OPA ou
d'OPE.
Pour nous, l'entreprise ne peut être réduite à une proie financière. Elle est
aussi une manifestation de l'intérêt collectif.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'amendement de notre collègue subordonne la réalisation
d'une offre publique d'achat ou d'échange à son acceptation par une ou
plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou, à
défaut, par les délégués du personnel, ou encore a»rès consultation du
personnel.
Là, manifestement, on est face à une démarche politique, certainement
honorable, mais qui ne peut être en cohérence avec la vision de la majorité de
la commission des finances...
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela n'existe nulle part !
M. Philippe Marini,
rapporteur.
... et qui n'est d'ailleurs pas plus en cohérence, me
semble-t-il, avec le texte du Gouvernement, sans préjuger ce qu'il va nous
dire.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous êtes trop bon avec le
Gouvernement, monsieur le rapporteur !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Il est certain que je suis trop bon !
Je voudrais profiter tout de même de cette intervention pour redire que la
réponse, madame le secrétaire d'Etat, qui a été faite tout à l'heure à la
question, préoccupante en droit, du cumul possible des procédures et surtout
des sanctions du droit du travail et du droit boursier, cette réponse, très
franchement, nous ne l'avons pas entendue.
Nous ne l'avons pas entendue, et, pour les travaux préparatoires, il est
vraiment important qu'elle figure clairement, si je puis me permettre de
solliciter une prise de position à cet égard, dans nos débats parce que, s'il
apparaît que cette réponse n'a pas été complètement argumentée, que va-t-il se
passer ? Ainsi, le premier avocat venu d'un comité d'entreprise qui se trouvera
placé dans cette situation ira devant le conseil des prud'hommes pour invoquer
le délit d'entrave. Il va le faire. Ce n'est pas théorique !
Il faudrait donc que vous nous disiez si, oui ou non, avec votre texte,
puisque vous estimez qu'il ne doit pas être amendé, il existe un risque de
redondance ou de conflit entre le droit du travail et le droit boursier. Les
entreprises ont besoin de cette réponse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat
Le Gouvernement ne peut pas être favorable à
l'amendement n° 435 car l'article 4 a pour objet de renforcer les pouvoirs
d'intervention du comité d'entreprise en cas d'offre publique. Or l'amendement
vise à soumettre les OPA, les OPE et, plus généralement, les cessions
d'entreprises à l'accord préalable des organisations syndicales, des comités
d'entreprises, etc.
Je comprends la motivation de ce texte mais vous savez aussi, d'une part,
qu'il n'y a pas forcément d'unanimité, y compris au sein d'une même
organisation syndicale- nous avons vécu récemment un conflit qui en a fait la
démonstration - d'autre part, que, personne n'étant certain de la cohérence
interne des positions de l'ensemble des salariés ou de l'ensemble des
organisations syndicales, on peut également avoir des refus qui conduisent à
des conflits durs et qui aboutissent
in fine
à des situations
dramatiques pour l'entreprise et les salariés. Autant nous voulons renforcer
les pouvoirs et les moyens du comité d'entreprise - ce qui est novateur dans ce
texte - autant aller au-delà ne rendrait service à personne. C'est pourquoi je
souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez votre amendement. A défaut,
j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, en ce qui concerne l'amendement n° 167, et lui seul,
il contient, vous l'avez rappelé, deux dispositions de nature différente.
Tout d'abord, il vise à exclure toute autre sanction que la suspension des
droits de vote en cas de refus de l'auteur de l'offre de se rendre devant le
comité d'entreprise. Le Gouvernement ne peut accepter une telle disposition. En
effet, s'agissant de prérogatives du comité d'entreprise, il n'y a aucune
raison de ne pas appliquer les sanctions de droit commun prévues par le code du
travail, à savoir le délit d'entrave.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Ah !
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
La seconde phrase de l'amendement précise qu'il ne
peut y avoir aucun recours interruptif des formalités requises par le
calendrier de l'offre. Cette précision ne me semble pas nécessaire, car
l'intervention du comité d'entreprise est strictement délimitée dans le
temps.
De plus, en ce qui concerne le contenu de la note d'information, les éventuels
contentieux y afférents sont de la compétence de la cour d'appel de Paris, qui
a l'habitude de traiter ces questions très rapidement.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'était pas favorable à l'adoption de cet
amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Vous êtes donc favorable au double contentieux ! Très bien
!
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 435, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 437, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, Mme Terrade et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter
in fine
le dernier alinéa du II de l'article 4 par une phrase ainsi
rédigée :
« Néanmoins, des dispositions équivalentes à celles prévues au sixième alinéa
de l'article L. 432-1 sont mises en application à l'échelon de l'ensemble du
groupe. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Il s'agissait d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 435.
M. le président.
L'amendement n° 437 n'a plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'article 4.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
La question que pose en fin de compte cet article 4 amendé par la Haute
Assemblée est double. D'une part, jusqu'où doit-on aller dans la transparence
en matière d'information des salariés d'une entreprise concernée par une offre
publique d'achat ou d'échange ? D'autre part, est-il inconvenant ou
inconcevable de considérer qu'une possibilité de sanction puisse être liée à un
défaut d'information et de transparence ?
Selon toutes les apparences et les explications de M. le rapporteur, la
commission des finances et la Haute Assemblée optent clairement pour un
objectif de limitation tant de la transparence que des possibilités de
sanction.
Il y a manifestement quelque chose qui fait un peu peur à la majorité
sénatoriale, c'est la possibilité que certaines règles applicables au droit du
travail viennent toucher également le droit boursier. On pourrait dire, sans
trahir exagérément la pensée de M. le rapporteur, et en tout cas la teneur même
de son rapport, que sa crainte est que cette possibilité d'intervention des
salariés ne vienne « contaminer » le processus d'offre publique d'achat ou
d'échange.
C'est ainsi que, à la page 55 de ce rapport, est posée cette question
essentielle : « le risque d'un blocage des offres : la reconnaissance d'un
droit d'opposition aux salariés ? »
Sur ce point, notre position est claire, monsieur le rapporteur : nous disons
« et pourquoi pas ? »
Qu'est-ce qui doit primer dans une procédure d'appel d'offres ?
Nous n'avons voté aucun des amendements de la commission des finances et nous
ne voterons pas l'article 4, car il nous paraît remettre en cause les droits
des salariés, qui se trouvent réduits par rapport à ce qu'ils étaient dans le
texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. En outre, sur le fond,
l'article 4 ne répond pas à la question originelle, à savoir que ce projet de
loi doit modifier les rapports sociaux et donner des droits nouveaux aux
salariés pour s'opposer à des opérations de restructuration qui viennent mettre
en cause l'emploi alors même que les entreprises sont prospères.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
M. Marc Massion.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5