SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 36, M. Hyest, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 324-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une
opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou
indirect d'un crime ou d'un délit en connaissant l'origine illicite de ce
produit. »
La parole est à M. Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Par cet amendement, nous proposons de modifier le
code pénal en réintroduisant explicitement le caractère intentionnel du délit
de blanchiment.
Il est vrai que la précision est juridiquement inutile puisque l'article 121-3
du code pénal prévoit qu'il n'y a pas de crime ou de délit sans intention de le
commettre. Autrement dit, sauf à indiquer expressément qu'il y a exception au
principe, le caractère intentionnel est nécessaire pour que le délit soit
constitué.
Il reste que le code pénal comporte encore un grand nombre de délits pour
lesquels l'élément intentionnel est explicitement mentionné. Cela concerne en
particulier le recel, infraction assez proche du blanchiment.
Dans un souci de prudence et de parfaite clarté, nous proposons donc de
préciser que le délit de blanchiment, comme celui de recel, doit être commis en
connaissance de cause pour être constitué.
Hélàs ! il semble que la définition du délit de blanchiment donne lieu à
certaines interprétations contestables. Peut-être conviendrait-il que Mme le
garde des sceaux adresse une circulaire générale aux juridictions sur ce sujet,
puisque l'on aime beaucoup recourir aux circulaires générales pour préciser
l'interprétation de la loi.
Il ne faudrait pas qu'une interprétation intempestive de cet article du code
pénal, dans un certain nombre de cas, en vienne à perturber le fonctionnement
des organismes financiers sous prétexte que l'origine de tel ou tel dépôt
n'aurait pas été vérifiée dès le premier franc.
Faute de réaffirmer le caractère intentionnel, nous nous exposerons à des
problèmes semblables à ceux que nous avons connus avec l'imprudence ou la
négligence. Il suffira que l'on constate qu'une précaution n'a pas été prise
pour que des poursuites soient engagées et que, éventuellement, une
condamnation soit prononcée.
Dans l'esprit du texte, il est clair que le délit doit être intentionnel. Dès
lors, selon ce que nous dira le Gouvernement, la commission des lois
maintiendra ou retirera cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement a pour objet de rappeler, dans le corps
même de l'incrimination du délit général de blanchiment, qu'il s'agit d'un
délit intentionnel et que les personnes qui apportent un concours à une
opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou
indirect d'un crime ou d'un délit doivent connaître le caractère illicite de ce
produit.
En droit, une telle précision est inutile dès lors qu'il ressort clairement de
l'économie générale du code pénal comme de la jurisprudence rendue en la
matière que le délit de blanchiment est un délit intentionnel. Le code pénal,
en son article 121-3, consacre en effet le principe selon lequel, sauf
exception, « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre
».
Par ailleurs, pour être général, le délit général de blanchiment, tel qu'il a
été voté en 1996, n'en reste pas moins conforme à ce principe fondamental de
notre droit pénal. L'élément intentionnel du délit de blanchiment ne saurait
être déduit d'un simple doute sur l'origine des biens, d'un manque de
prévoyance ou d'une faute d'imprudence.
La jurisprudence ne présume pas l'intention frauduleuse ; elle la caractérise
par des éléments objectifs constatés lors de l'enquête, par exemple une
rémunération disproportionnée de la personne soupçonnée par rapport à sa
prestation, les conditions insolites ou dérogatoires de l'opération, son
absence d'intérêt économique ou l'opacité dont on l'a entourée. Il n'est donc
pas possible de soutenir que le délit de blanchiment est un délit matériel.
L'insertion proposée dans la définition du délit de blanchiment, loin
d'accroître la lisibilité de la loi pénale, serait source d'insécurité
juridique en créant une incertitude sur le caractère intentionnel des autres
délits du code pénal, qu'il n'est évidemment pas question de redéfinir dans ce
sens.
Je crois donc qu'il ne faut pas entretenir de doute sur le caractère
intentionnel de ce délit, comme le font certains commentateurs. Cela trouble
inutilement les esprits au moment même où le Gouverneent s'efforce de mobiliser
toutes les professions concernées par les problèmes de blanchiment, notamment
la profession bancaire, qui a un rôle particulier dans notre dispositif de
prévention.
Je souhaire que les débats parlementaires permettent d'éclairer en ce sens
l'interprétation qui sera donnée de ces dispositions.
C'est bien parce que cet amendement est superfétatoire, et non parce qu'il
serait contraire aux textes, que le Gouvernement ne le soutient pas. C'est
pourquoi je vous demande, monsieur Hyest, de bien vouloir le retirer. Il me
semble que vous avez entièrement satisfaction. Mais il était effectivement
important que tout cela fût dit.
M. le président.
Monsieur Hyest, maintenez-vous l'amendement n° 36 ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
La commission des lois me paraît avoir reçu les
assurances nécessaires quant à la confirmation du caractère intentionnel du
délit.
Souhaitons que certains lisent le compte rendu des débats du Sénat !
Souhaitons aussi que cela soit rappelé dans les circulaires de la Chancellerie
!
Compte tenu des assurances qui viennent d'être données par le Gouvernement, je
retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 36 est retiré.
Article 25 (priorité)