SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme
Beaudeau pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous voici donc parvenus, après de longues mais toujours
fructueuses heures de débat, au terme de la discussion de ce projet de loi
relatif aux nouvelles régulations économiques.
Le moins que l'on puisse dire est qu'il a subi maintes transformations et que
celles-ci sont de diverses natures.
Pour une part, il s'est agi - c'était l'objet d'environ 160 des amendements
débattus - d'intégrer dans la loi les effets de la publication de l'ordonnance
relative à la partie législative du code de commerce, dont le texte devient
pour partie la validation implicite.
Mais pour l'essentiel, les modifications apportées au texte au cours du débat
mené dans notre Haute Assemblée sont d'une autre nature et soulèvent des
questions plus essentielles que celle d'une simple codification.
Nous n'avons pas jugé très positivement au regard des intentions qui
sous-tendaient le projet de loi initial le contenu des dispositions égrenées au
fil des nombreux articles du texte issu des travaux de l'Assemblée
nationale.
Nous ne risquons pas, à l'examen de ce que vient de valider le Sénat, de
modifier notre appréciation initiale !
L'une des questions essentielles soulevées par le projet de loi est de savoir
ce qu'il convient d'appeler « régulations économiques ».
Premier postulat : cette notion de régulation appelle-t-elle naturellement à
tenir compte, avant même tout débat contradictoire, de la réalité économique
telle que nous la vivons, c'est-à-dire celle d'une société marchande de type
libéral ? Tout est-il donc de manière imprescriptible marchandise ?
Second postulat : si nous tenons pour acquis le fait que la société et
l'économie empruntent le fil du libéralisme, au motif que ce mode de production
serait le seul ayant fait la démonstration de son efficience, à quoi peut-il
servir de réguler ?
A réintroduire dans le vie économique du pays la place particulière du
politique, en ce qu'il est l'illustration de la volonté générale, et non
seulement l'expression des intérêts particuliers de ceux qui tirent profit -
c'est le cas de le dire - de la mise en ordre libérale de la société dans son
ensemble ?
A appeler à l'intelligence des acteurs pour éviter les dérives éventuelles du
système, dérives inscrites, je le rappelle, dans ses contradictions mêmes ?
Le projet de loi a, sans cesse, oscillé entre ces aspirations, et le texte
issu des travaux de l'Assemblée nationale était le témoignage de ces
interrogations essentielles que nous formulons ici.
Pour autant, la commission des finances a procédé à une assez large revue de
détail des dispositions du projet de loi qui amène celui-ci à se fonder sur une
orientation relativement simple et claire.
C'est en effet une connotation éminemment libérale qui a été donnée à
l'ensemble des mesures issues de nos travaux. Nous nous devons d'en rappeler
quelques éléments.
S'agissant des autorités de régulation, les efforts de la commission des
finances ont visé, pour l'essentiel, à en faire des instruments de contrôle, de
règlement des litiges et de sanction déconnectés le plus possible de la
responsabilité politique, ce que nous ne pouvons évidemment admettre.
Nous estimons qu'il n'est pas fondé de remiser ainsi le politique au magasin
des accessoires au profit de la seule autorégulation d'un système par les
acteurs mêmes de ce système, l'illusion de l'équilibre des relations étant de
toute manière contrecarrée par la réalité du rapport des forces.
S'agissant de la prise en compte de l'avis des salariés des entreprises dans
les procédures d'appel d'offres ou de concentration, à l'encontre de ce que
l'on pouvait appeler une pénétration du droit boursier ou du droit commercial
par le droit du travail, nous avons rencontré l'opposition de la commission des
finances et de son rapporteur.
Il n'y a rien d'étonnant à cela quand on y réfléchit, et cela montre au
demeurant que le libéralisme est la valeur du monde sans doute la mieux
partagée, mais apparemment surtout entre initiés et surtout pas avec ceux qui
en subissent quotidiennement les conséquences et les manifestations les plus
diverses !
Décidément, rien ne vient, à l'issue des travaux du Sénat, infirmer l'analyse
que nous faisions initialement du texte de ce projet de loi, bien au contraire.
Nous ne pourrons donc pas le voter.
M. le président.
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous sommes parvenus au terme de la discussion, en première
lecture, du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
Après de longs moments passés à discuter pied à pied les nombreux amendements
qui nous ont été présentés, je n'abuserai pas de votre attention, sans doute
quelque peu émoussée à cette heure avancée.
Toutefois, avant de vous faire connaître notre position, nous tenons tout de
même à nous féliciter du caractère souvent constructif des discussions que nous
avons menées sur un texte qui, selon ce que certains ont affirmé au départ,
devait révéler des clivages forts entre les partisans de la libre entreprise et
ceux qui étaient soupçonnés de vouloir aller vers une économie administrée.
Tout le monde a pu constater que ce parti pris de départ n'était pas fondé. En
effet, on a pu observer que le texte soumis à notre examen et la discussion
avec le Gouvernement ne valaient ni cet excès d'honneur ni cette indignité. Le
projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques est en effet un
texte raisonnable, réaliste et moderne, tourné vers l'avenir, animé par un
profond souci d'équilibre, et visant à allier justice et efficacité.
Il n'en reste pas moins que la majorité sénatoriale a quelque peu mis à mal
aussi bien le texte du projet de loi déjà voté et transmis par l'Assemblée
nationale que les amendements présentés par le Gouvernement pour enrichir ledit
texte.
Pourtant, la régulation financière, qui a pour objet de renforcer la
transparence dans le déroulement des opérations financières et dans le
fonctionnement des autorités de régulation financière, les dispositifs de lutte
contre le blanchiment de l'argent, la moralisation des pratiques de concurrence
commerciale, le contrôle des concentrations, l'équilibre des pouvoirs entre les
organes dirigeants des entreprises, le renforcement des pouvoirs des
actionnaires minoritaires et la précision du rôle de l'Etat dans les
entreprises publiques sont des nécessités toujours à l'ordre du jour.
Déterminés à faire avancer un aménagement intelligent des conditions pratiques
de notre vie économique, nous réitérons notre soutien au projet de loi relatif
aux nouvelles régulations économiques, mais nous voterons contre le texte tel
qu'il a été transformé par la majorité sénatoriale.
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous voilà parvenus au terme des débats sur les nouvelles
régulations économiques. Ces débats m'inspirent plusieurs observations.
Tout d'abord, en dépit de la richesse et de la qualité des opinions ici
exprimées, la procédure d'urgence, imposée une fois de plus par le
Gouvernement, a précipité l'étude d'un texte qui s'apparente davantage à un
fourre-tout économique et financier qu'à une véritable réflexion sur les
nouveaux instruments de régulation économique. Vous comprendrez aisément, mes
chers collègues, que cette situation déplorable porte atteinte aussi bien à la
qualité juridique de mesures techniques qu'à la cohérence d'ensemble du
texte.
Ensuite, on nous avait annoncé un texte haut en couleurs, qui poserait les
jalons d'une nouvelle forme de rapports entre partenaires économiques. On se
retrouve, en fait, avec un vaste inventaire caractérisé surtout par l'absence
de projet global, de vision d'ensemble et, finalement, par un esprit de
réglementation contraire à l'esprit d'initiative et de responsabilité. Après
que le Gouvernement et l'Assemblée nationale en eurent fait un projet de
circonstance à l'égard des entreprises, éloigné des préoccupations majeures
contemporaines, comme la mondialisation, le Sénat a jugé utile d'en adoucir les
dispositions les plus contraignantes.
Ainsi, dans la première partie, consacrée à la régulation financière, nous
nous sommes efforcés de rendre plus rigoureuses nombre de dispositions
juridiques. Plus encore, nous avons fait preuve d'innovation en adoptant
certaines dispositions concrètes qui tiennent compte des réalités économiques
et sociales de notre pays. C'est dans cet esprit que, avec nos collègues MM.
Gérard Larcher et Gérard Delfau, nous avons proposé la création d'un service
bancaire de base qui, cofinancé par tous les établissements bancaires français,
permettra aux personnes les plus démunies de disposer gratuitement des services
bancaires indispensables tels que l'ouverture et la gestion d'un compte, la
délivrance d'un relevé d'identité bancaire, la fourniture d'un relevé mensuel
des opérations, la possibilité d'effectuer des opérations de caisse, etc. Loin
de vouloir créer « la banque du pauvre », le Sénat a pris en compte les
obstacles financiers que rencontrent des millions de nos concitoyens et qui
freinent l'ascenseur social, élément constitutif de notre République.
Sensible aux difficultés soulevées par le régime des stock-options, le Sénat
s'est appliqué à en modifier la fiscalité, de même qu'il s'est efforcé de mieux
encadrer la lutte contre le blanchiment des capitaux.
Toutefois, la participation active de notre assemblée à l'élaboration du
projet de loi ne doit pas nous faire perdre de vue qu'une réglementation
excessive et tatillonne ne permettra sûrement pas un partage des fruits de la
croissance plus juste et plus équitable. Par un encadrement toujours plus
contraignant, ne risque-t-on pas de voir se produire des effets inverses à ceux
que l'on recherche ? L'exil des cerveaux vers l'étranger, surtout les pays
anglo-saxons, est révélateur d'un comportement étatique français qui consiste à
réduire, par la voie législative ou réglementaire, l'initiative personnelle et
le sens de la responsabilité. Au fond, le texte proposé par le Gouvernement
reflète parfaitement bien la signification actuelle des rapports entre l'Etat,
les entreprises et les citoyens : des rapports en grande partie fondés sur la
méfiance, qui élargissent, n'en doutons pas, le fossé qui existe entre l'Etat
et le citoyen, d'une part, l'élu et l'électeur, d'autre part.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, il y avait là l'occasion de
proposer un cadre novateur, c'est-à-dire un ensemble de règles tenant compte
des réalités et soucieux de s'y adapter. Il y avait là l'occasion d'insérer la
compétitivité de nos entreprises dans un environnement évoluant en permanence.
Or le texte qui nous a été proposé est désordonné, confus, coercif et inadapté
aux exigences de la nouvelle économie. La majorité sénatoriale en a pris
conscience. Son vote final sera, je l'espère, l'expression de tous ces
désaccords. Telle est mon opinion, majoritairement partagée par les membres du
groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Pour conclure, je ne manquerai pas de remercier les commissions et MM. les
rapporteurs du travail accompli.
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, qu'il s'agisse de la régulation financière, de la régulation
de la concurrence ou de la régulation d'entreprises, le Sénat s'est efforcé
d'améliorer la portée du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture.
Je me plais à souligner la courtoisie des ministres, ainsi que la remarquable
qualité des travaux, interventions et amendements des rapporteurs de nos
commissions MM. Marini, Hyest et Hérisson. Il reste à souhaiter, en
particulier, que ce texte puisse concourir à moraliser les pratiques
commerciales, certaines d'entre elles faisant courir à des secteurs de la
production le risque de succomber sous les effets de conditions inadmissibles
trop souvent imposées par la grande distribution.
A cette heure matinale, j'ajouterai simplement que le groupe de l'Union
centriste votera le projet de loi tel qu'il a été amendé.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est sans doute trop tôt pour faire
un bilan du travail réalisé. Toutefois, nous pouvons tous affirmer, en
conscience, que nous avons fait fonctionner le bicamérisme de notre mieux.
Nous sommes intervenus très précisément sur toutes les parties du texte, et
nous nous sommes efforcés de les améliorer, d'y apporter des innovations et de
susciter le débat partout où cela nous semblait nécessaire.
Ce débat a été animé d'abord, mes chers collègues, par vos commissions. Je
voudrais de nouveau rendre hommage au travail en commun mené avec la commission
des affaires économiques et son rapporteur, M. Pierre Hérisson, ainsi qu'avec
la commission des lois et son rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest. J'associe bien
sûr à ces remerciements l'ensemble des collègues, nombreux, qui se sont succédé
sur les travées depuis une semaine.
Nous avons eu beaucoup de débats dans le débat. Ce texte très divers a généré
de nombreuses prises de parole.
Je remercie les collègues de la majorité de leur soutien vigilant et fidèle.
Je remercie les collègues de l'opposition de tout ce qu'ils ont apporté, eux
aussi, qu'il s'agisse de la vivacité ou de la contradiction qui sont
nécessaires pour faire vivre notre assemblée.
A ce stade, je tiens bien sûr à remercier également les membres du
Gouvernement qui, eux aussi, se sont succédé devant notre assemblée. En effet,
cinq membres du Gouvernement sont venus ici même pour soutenir les dispositions
qui ressortissaient de leurs compétences ministérielles.
Permettez-moi, à la fin de la discussion des articles, de remercier tout
spécialement Mme Marylise Lebranchu qui a été présente dans cet hémicycle
pendant la majorité des débats. En effet, nous avons parcouru ensemble, jour et
nuit, un très grand nombre d'articles. Nous nous sommes efforcés, de part et
d'autre, dans le respect de nos fonctions respectives et sans confusion des
genres, d'aboutir aux meilleures rédactions possibles.
Ainsi, malgré les oppositions politiques et les principes qui, très
légitimement, nous divisent et nous conduisent à des contradictions, nous avons
pu, sur un certain nombre de points, parvenir à des avancées et retenir des
rédactions communes. Il en a été de même avec le garde des sceaux, Mme
Elisabeth Guigou.
Je remercie, bien entendu, la présidence et nos collaborateurs, qui ont été
extrêmement efficaces tout au long de la phase de préparation et de la
discussion.
Mes chers collègues, le projet de loi que nous allons voter n'est certainement
pas l'idéal. L'un d'entre vous disait qu'il ne mérite ni excès d'honneur ni
excès d'indignité. Nous avons tout simplement fait de notre mieux dans le monde
dans lequel nous sommes placés et au sein du système de coordonnées et de
contraintes que nous connaissons.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat.
Je remercie d'abord les commissions et tous les
groupes politiques de leur excellent travail. Voilà en effet une semaine que
mes collègues du Gouvernement et moi-même sommes présents dans cet hémicycle
pour défendre ce projet de loi. J'ai apprécié la qualité des débats et la
finesse des recherches qui ont été faites sur ce texte. Je remercie l'ensemble
des sénateurs qui ont bien voulu y participer, et plus particulièrement M. le
rapporteur général et MM. les rapporteurs pour avis. Nous avons eu des débats
intéressants, ponctués par des désaccords, comme l'a rappelé M. Marini, mais
enrichissants, je crois, pour tout le monde. Je tenais à m'associer aux
remerciements.
M. le président.
Et moi-même je vous remercie de votre brièveté.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Paul Loridant.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Le projet de loi est adopté.)
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