SEANCE DU 24 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Franchis, auteur de la question n° 877, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Serge Franchis.
Des informations portant sur la transmission des maladies à prions ont alarmé
l'opinion au cours des dernières semaines. Elles soulèvent de nouvelles
questions sanitaires quant aux risques de contamination humaine. En effet, le
franchissement des barrières d'espèces par ces agents non conventionnels serait
plus facile qu'on ne le pensait. De plus, des porteurs sains pourraient
participer à la dissémination des agents. On peut ainsi craindre que les
animaux tels que les volailles ou le porc ne puissent être porteurs sains,
mettant l'homme en danger.
Je prends acte de la décision récente d'interdire l'utilisation des intestins
de bovins. Je prends également acte de la charte sur la sécurité alimentaire
que vient d'annoncer l'Association nationale des industries alimentaires.
Toutefois, pour revenir à l'alimentation des porcs, des volailles et même des
poissons, les travaux des scientifiques conduisent à envisager de prendre des
décisions radicales d'interdiction de toutes les farines de viande ou d'os dans
tous les élevages. Un arbitrage gouvernemental sera-t-il incessamment rendu à
ce sujet ?
La contamination chez l'homme pourrait, en outre, se produire non seulement
par voie de transfusion sanguine, mais aussi lors d'interventions dentaires ou
chirurgicales.
Selon le docteur Dominique Dormont, cette situation impose de reconsidérer la
sécurité des greffes, des médicaments d'origine humaine et de la transfusion,
ainsi que de réévaluer les règles de sécurité hospitalière.
Il est très vraisemblable que les procédures de stérilisation des matériels
chirurgicaux et l'usage de certains outils diagnostiques doivent être revu. Je
crois d'ailleurs savoir que vous avez pris récemment, madame la secrétaire
d'Etat, des mesures dans ce sens, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Cela m'amène à m'interroger sur les moyens financiers dont vont disposer les
établissements hospitaliers pour mettre en place ces dispositions et d'autres
encore. En effet, année après année, de nouvelles obligations, comme des
dépistages supplémentaires pour renforcer la sécurité transfusionnelle, des
avancées médicales - dont nos concitoyens souhaitent profiter le plus
rapidement possible à cet égard, j'ai lu récemment que des nouveaux traitements
médicamenteux du cancer étaient possibles et que de nouveaux appareils tout à
fait performants, tels que des scalpels robotisés, arrivaient sur le marché -
accroissent considérablement le coût des traitements.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d'Etat, pensez-vous pouvoir assumer
une politique de soins performants et consacrer des crédits suffisants aux
mesures que nous devons prendre pour lutter contre les risques de transmission
des maladies à prions ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous m'interrogez sur une question qui nous mobilise quasiment tous les
jours.
Il est vrai, en effet, qu'un certain nombre de dogmes tombent régulièrement,
notamment celui de l'étanchéité de la barrière des espèces, ce qui nous oblige
à prendre des mesures de prudence radicales.
Des publications récentes indiquent aussi que des animaux contaminés
expérimentalement par l'agent de l'encéphalopathie spongiforme bovine peuvent
ne présenter aucun symptôme et être cependant à l'origine de contaminations
expérimentales secondaires.
De plus, nous avons également appris, par une communication d'une équipe de
scientifiques anglais, qu'un mouton contaminé par voie orale pouvait
transmettre l'agent infectieux par transfusion sanguine à un autre mouton sain
à l'origine.
Ces données confirment les hypothèses qui ont été posées en France par les
pouvoirs publics dès 1992 et qui ont conduit le ministère de la santé à prendre
un certain nombre de précautions, notamment en matière de transfusion sanguine.
A cet égard, je vous rappelle l'éviction du don du sang d'un certain nombre de
personnes qui pourraient être considérées comme des donneurs à risques, ainsi
que les procédés de déleucocytation et la nanofiltration des produits du plasma
pour mettre en place les produits dérivés du sang.
Les nouvelles communications que j'évoquais nous ont conduits à interroger de
nouveau les experts afin de réévaluer le dispositif de sécurisation de la
transfusion sanguine et de la fabrication des produits dérivés du sang.
C'est ainsi que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
va organiser, dans les semaines qui viennent, une conférence publique
réunissant des experts de plusieurs disciplines et des représentants des
associations, en vue de réévaluer l'ensemble des mesures de risques liés à la
transmission des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles par les
produits sanguins.
En ce qui concerne le risque de transmission des ESST par les dispositifs
médicaux, notamment, vous l'avez rappelé, lors d'interventions dentaires ou
chirurgicales, la direction générale de la santé et la direction de
l'hospitalisation et de l'organisation des soins ont élaboré un projet de
circulaire actualisant les mesures de prévention de la transmission de ces
maladies infectieuses en milieu de soins. Cette circulaire sera diffusée aux
établissements et aux professionnels concernés dès que ces principes en auront
été validés par les experts scientifiques ; l'opération est en cours.
Par ailleurs, l'AFSSAPS engage actuellement un programme d'action concernant
les dispositifs médicaux visant à l'extension de l'usage unique, de manière à
limiter au minimum les risques de transmission. De même, nous allons renforcer
le contrôle des dispositifs médicaux réutilisables, le contrôles des
lave-endoscopes - les procédures et les techniques évoluent - et des produits
désinfectants. Nous procédons aussi à un bilan des procédés de stérilisation en
pratique ambulatoire, car c'est également une difficulté : la médecine libérale
doit, elle aussi, prendre conscience de la nécessité de la prévention des
risques de transmission.
Enfin, un système d'assurance de la qualité est mis en place dans les
établissements de santé pour la stérilisation des dispositifs médicaux.
Tout cela exige un effort d'accompagnement financier important qui sera soumis
au vote des deux assemblées dans le cadre du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001. Plus d'un milliard de francs doivent ainsi être
consacrés à ces mesures de renforcement de la stérilisation et de la
désinfection dans les hôpitaux.
Enfin, j'ajoute que pour assurer et renforcer toujours la sécurité des
aliments - et l'actualité de cette question a encore été démontrée ce week-end
- les ministres chargés respectivement de la santé, de l'agriculture et de la
consommation travaillent toujours en étroite interministérialité et saisissent
régulièrement l'AFSSA afin qu'elle procède à une réévaluation globale du
dispositif français de prévention de la transmission des ESST par voie
alimentaire. Cette réévaluation a conduit à revoir régulièrement la liste des
produits qui sont retirés de la chaîne alimentaire des animaux, mais aussi de
l'alimentation humaine.
Nous avons en outre lancé un programme de tests de dépistage de l'ESB qui nous
permet de repérer des bêtes malades mais ne présentant aucun signe clinique de
la maladie. Ces dispositions sont revues de manière régulière.
Des arrêtés sont en cours de rédaction par les ministères intéressés. Ils
concernent l'interdiction d'incorporation d'os de ruminants dans la fabrication
des graisses utilisées dans l'alimentation des ruminants ainsi que le retrait
de l'ensemble des intestins de bovins. Par ailleurs, les conditions de mise en
oeuvre du retrait et de la destruction des colonnes vertébrales et des
vertèbres sont étudiées actuellement. Enfin, l'AFSSA doit rendre un avis sur
l'opportunité de l'extension de l'interdiction des farines de viandes et d'os
et des matériaux à risque spécifique.
Ma réponse a été un peu longue et détaillée compte tenu de la précision de
votre question et de son intérêt. Il s'agit en effet d'un vrai sujet de santé
publique. C'est une de nos préoccupations quotidiennes. Nous y travaillons avec
la collaboration, d'une part, de l'Agence française de sécurité sanitaire des
aliments et, d'autre part, des ministères en charge de l'agriculture, de la
consommation et de la santé. Notre objectif est d'anticiper au maximum le
risque potentiel, de choisir toujours le diagnostic le plus pessimiste pour
mettre en place des procédés de précaution de nature à garantir la santé de nos
concitoyens.
M. Serge Franchis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Je remercie Mme le secrétaire d'Etat de cette réponse très détaillée. Si nous
avons été laxistes dans certaines circonstances, une prise de conscience s'est
fait jour aujourd'hui chez les uns et les autres qui permet d'appliquer le
principe de précaution, et je crois que nous avons raison.
Mais - c'est la seule question que je me pose - saurons-nous, Gouvernement et
Parlement, dans les domaines de l'hospitalisation, des soins, de la politique
de santé, prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre financièrement
aux besoins ?
AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE
DES PERSONNES ATTEINTES
DE LA MALADIE D'ALZHEIMER