SEANCE DU 24 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 871, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Charles Descours.
Je souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés sur les conséquences importantes de la mise en application de la
couverture maladie universelle, la CMU, dans un grand nombre de
départements.
L'Isère, dont j'ai l'honneur d'être un élu, figure parmi la dizaine de
départements qui appliquait un barême d'aide médicale générale, l'AMG, plus
favorable que celui de la CMU. C'était également le cas à Paris, où le plafond
de ressources retenu pour l'attribution de la carte Paris-santé était supérieur
à celui de la CMU.
Lorsque nous avons débattu, dans notre assemblée, du projet de loi relatif à
la CMU, nous avons lutté contre l'effet couperet que pouvait engendrer le
dispositif. Malheureusement, nos collègues de l'Assemblée nationale ne nous ont
pas suivis et n'ont pas retenu le procédé de lissage que nous souhaitions.
Or, à la fin du mois d'octobre, c'est-à-dire dans quelques jours, les
affiliations automatiques des anciens bénéficiaires vont prendre fin et un
grand nombre de personnes déjà économiquement très fragiles ne seront plus
couvertes. Je rappelle qu'il s'agit de toutes celles dont le revenu est
supérieur à 3 500 francs, c'est-à-dire les personnes âgées qui perçoivent le
minimum vieillesse et les personnes handicapées, puisque l'allocation aux
adultes handicapés comme le minimum vieillesse s'élèvent à 3 540 francs. On ne
peut pas dire que ces personnes soient particulièrement à l'aise !
En outre, les conseils généraux ne pourront pas pallier ce manque. En effet,
en vertu de la loi, cette compétence relève maintenant de l'Etat.
Je rappelle que, sur les 9 milliards de francs nécessaires, 5 milliards, voire
5,5 milliards de francs, sont déjà fournis par les conseils généraux à la suite
de l'accord qui est intervenu entre l'Etat et ces derniers. Par conséquent, les
conseils généraux continueront de financer cette dépense par une ponction sur
la dotation générale de décentralisation.
Mais, surtout, les personnels de l'aide médicale générale vont être redéployés
dans d'autres services.
Je voudrais demander une nouvelle fois - de nombreux articles sont parus dans
la presse sur ce sujet - quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre de
manière urgente pour pallier cet effet pervers de la loi que nous avons dénoncé
en son temps et qui crée une nouvelle catégorie d'exclus.
Un grand journal du soir titrait hier :
L'exclusion, une réalité qui n'est
pas améliorée malgré la loi sur l'exclusion.
Qu'elle ne soit pas améliorée,
c'est une chose ; mais voter des lois qui l'accentuent, c'est vraiment
inadmissible !
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question dans cette assemblée.
M. Charles Descours.
Oui, mais la réponse que vous m'avez faite ne m'a pas donné satisfaction.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est la réponse du Gouvernement, et vous êtes dans
votre rôle d'opposant en continuant de considérer que cette immense loi de
progrès n'a apporté aucune amélioration à la situation d'un certain nombre de
nos concitoyens.
Le Gouvernement considère que les conséquences sociales et humaines de la mise
en oeuvre de la couverture maladie universelle sont très positives pour un
grand nombre de nos concitoyens.
Au demeurant - je suis d'accord avec vous sur ce point - des difficultés
demeurent ou apparaissent pour un certain nombre de personnes ; nous aurons à
en discuter.
Quoi qu'il en soit, du fait de la mise en place de la CMU, le nombre de nos
concitoyens qui aujourd'hui sont en situation difficile est beaucoup moins
important que précédemment. En effet, au 30 juin 2000, plus de 4,3 millions de
personnes étaient couvertes par la CMU et, aujourd'hui, le nombre de
bénéficiaires peut être estimé à 4,7 millions de personnes, soit un chiffre
très supérieur à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale
départementale que vous évoquiez, monsieur le sénateur, même si ce régime était
plus favorable dans certains départements.
La protection complémentaire en matière de santé instaurée par la loi portant
création d'une couverture maladie universelle constitue une prestation à
caractère social sous conditions de ressources. Le seuil a été fixé à 3 500
francs par mois, après un long débat. C'est le Gouvernement qui l'a retenu
parce qu'il représente un progrès par rapport à la moyenne des barèmes
départementaux d'admission à l'aide médicale, qui, pour la plupart,
atteignaient environ 2 500 francs par mois, même si je vous concède que, dans
une dizaine de départements, dont le vôtre et le mien, ce seuil était
supérieur.
Les bénéficiaires de l'aide médicale départementale ont été transférés
automatiquement à la CMU avec des droits jusqu'au 31 octobre. Ils ont été
invités par les caisses d'assurance maladie à présenter un dossier pour
renouveler ces droits dans le cadre du nouveau dispositif de la CMU.
Dans certains cas, ces droits ne seront pas renouvelés. Cela peut être parce
que les revenus du demandeur ont augmenté. En effet, la situation économique a
changé et un certain nombre des bénéficiaires de l'aide médicale départementale
voyant leurs revenus dépasser le seuil retenu par la CMU auraient aussi bien pu
perdre leurs droits à cette aide médicale départementale.
D'autres personnes se trouvent dans les quelques départements que vous avez
évoqués, monsieur le sénateur, où le seuil d'admission à l'aide médicale
départementale était plus élevé que celui qui a été retenu pour la CMU.
Enfin, d'autres ne présentent pas de dossier pour des raisons qui leur
appartiennent.
Il faut rappeler que les caisses d'assurance maladie disposent de fonds
d'action sociale. La mise en place de la CMU va libérer une partie de ces
fonds, qui pourront être utilisés pour résoudre les problèmes rencontrés par
les personnes dont les ressources sont légèrement supérieures au seuil retenu
pour la CMU. Ainsi, une réorientation de crédits à hauteur de 400 millions de
francs par an permettra d'aider les personnes dépassant le seuil de ressources
de la CMU complémentaire par une prise en charge soit de leur adhésion à une
couverture complémentaire soit de soins particulièrement coûteux.
De même, les départements, qui conservent une compétence générale en matière
d'aide sociale, peuvent encore intervenir et définir, dans le cadre de leur
politique, des dispositifs d'aide facultatifs qui leur permettront de maintenir
les personnes concernées dans la situation antérieure lorsqu'elle était plus
favorable que celle qui est issue de la mise en oeuvre de la CMU.
Enfin, les organismes complémentaires peuvent créer, dans la même perspective,
un fonds d'accompagnement.
Le débat n'est pas clos, monsieur le sénateur, et je pense que nous devons
tous nous atteler à la réflexion qui nous permettra de satisfaire ce petit
nombre de nos concitoyens qui ne sont pas pris en compte par la CMU.
M. Charles Descours.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Madame le secrétaire d'Etat, vous persistez : évidemment, vous n'allez pas
vous contredire ! Mais, malheureusement, l'entêtement du Gouvernement et de sa
majorité a fait que nous nous trouvons devant un problème qui aurait pu être
évité si l'on avait suivi la solution préconisée y compris par le rapporteur du
texte à l'Assemblée nationale, M. Recours, solution qui consitait en un lissage
du seuil. On aurait pu remonter progressivement jusqu'aux revenus légèrement
inférieurs au SMIC.
Mais le Gouvernement a arbitré et sa majorité l'a suivi.
Dans ces conditions, madame le secrétaire d'Etat, il va être très difficile
d'expliquer, dans les dix départements en cause - rien qu'à Paris, plusieurs
milliers de personnes se trouveront concernées - que la nouvelle situation ne
résulte pas d'un changement d'attitude du département.
Vous nous avez dit que les caisses primaires d'assurance maladie allaient
libérer une partie des fonds d'action sociale. Nous verrons bien ce qu'elles en
pensent ! Enfin, nous discuterons de tout cela dans quelques jours, lors de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'en ai, pour
ma part, déjà parlé ce matin, dans les studios de LCI, avec certains de nos
collègues députés.
PORTÉE DES RECOMMANDATIONS ÉMISES
PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL CONCERNANT
LA RÉFORME DU MODE DE SCRUTIN SÉNATORIAL