SEANCE DU 31 OCTOBRE 2000
M. le président.
« Art. 3
bis.
- Le III de l'article 3 de la même loi est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, dans le cadre d'une procédure judiciaire, des faits relatifs aux
dépenses électorales d'un candidat apparaissent, le parquet en informe le
Conseil constitutionnel. Si ce dernier a déjà rendu, depuis moins de trois ans,
sa décision sur le compte de campagne dudit candidat, sur le fondement des
alinéas précédents, et qu'il estime que ces faits sont de nature à modifier sa
décision, il procède au réexamen de ce compte. A l'issue de ce nouvel examen,
s'il constate un dépassement du plafond prévu au deuxième alinéa du II du
présent article, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 52-15 du
code électoral sont applicables. En outre, si le candidat a bénéficié du
remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans son compte de
campagne, il est tenu de le reverser au Trésor public. Cette somme est
recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 11 est déposé par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste et apparentés.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
M. Charasse a eu, me semble-t-il, un qualificatif pour
évoquer la disposition adoptée par l'Assemblée nationale : « horrible »...
M. Michel Charasse.
Je n'ai pas trouvé d'autre mot !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
En réalité, l'article 3
bis
tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale prévoit la possibilité d'un réexamen d'un compte de
campagne malgré son approbation par le Conseil constitutionnel.
Je l'ai dit, de nombreux arguments pourraient être avancés pour démontrer
qu'une telle disposition n'est pas raisonnable. Cependant, entre « raisonnable
» et « constitutionnelle », il y a une très grande différence. Le fait que
cette mesure soit contraire à l'article 62 de la Constitution apparaît
dirimant.
S'agirait-il, pour le parquet, de transmettre des faits dans le cas d'une
éventuelle remise en cause d'une décision qui, pourtant, s'impose à toutes les
juridictions ? S'agirait-il d'une autosaisine du Conseil constitutionnel, que
nous, législateur organique, n'avons absolument pas la possibilité d'instituer
?
La commission des lois a estimé qu'il était de beaucoup préférable d'améliorer
les conditions du contrôle du Conseil constitutionnel, ce à quoi la haute
instance s'est elle-même attachée dans ses recommandations du 22 juin
dernier.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 11.
M. Michel Charasse.
Je n'avancerai pas des arguments très différents de ceux qui ont été
développés par la commission des lois, que j'approuve d'ailleurs.
Moi, je crois que, sur l'article 3
bis
, le Conseil constitutionnel a
déjà donné une réponse puisque, dans sa décision du 12 juillet 2000, que M. le
ministre connaît bien car elle concerne les élections à Paris, le Conseil
constitutionnel a déclaré : « Considérant qu'aux termes du second alinéa de
l'article 62 de la Constitution les décisions du Conseil consititutionnel ne
sont susceptibles d'aucun recours et qu'aucune disposition de la Constitution
ne prévoit de recours en révision contre ses décisions... ». Cela veut dire que
la loi organique, qui est inférieure à la loi constitutionnelle, ne saurait
créer une procédure qui ne peut l'être que par la Constitution, et qui serait
d'ailleurs une procédure abominable sur le plan des principes. Je n'insiste
pas.
J'ajoute que l'auteur de cet amendement, tout emporté par sa passion et,
peut-être, par la haine qu'il voue à l'institution, bien qu'étant avocat - mais
on n'est pas forcément bon juriste quand on est avocat, les avocats qui siègent
au Sénat m'excuseront puisque ce n'est plutôt pas leur cas... mais passons... -
a oublié que, si une procédure judiciaire est en cours, celle-ci peut aboutir,
indépendamment de la décision du Conseil constitutionnel, à une condamnation
pénale, éventuellement assortie d'une inéligibilité.
Mais il ne faut pas mélanger les deux procédures : l'une est une procédure
administrative, qui juge le compte de campagne ; l'autre est la procédure
pénale. Si des éléments ont échappé au Conseil constitutionnel le jour où il a
approuvé les comptes, la justice, elle, n'est pas soumise aux mêmes contraintes
ni aux mêmes délais et, surtout, elle a des moyens de coercition dont le
Conseil constitutionnel ne dispose pas.
Par conséquent, l'article 3
bis
, s'il devait être maintenu, serait
annulé sans pitié par le Conseil constitutionnel, et sans même que les membres
du Conseil aient besoin d'avoir une pensée tendre ou « vacharde » pour son
auteur.
Cela étant dit, je retire l'amendement n° 11, car c'est le même que celui qui
a été présenté par la commission.
M. le président.
L'amendement n° 11 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cet amendement vise à supprimer l'article 3
bis,
qui résulte d'un amendement adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale.
Cet article permet au Conseil constitutionnel de procéder, s'il le souhaite,
au réexamen du compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle
lorsque des faits nouveaux apparus dans le cadre d'une procédure judiciaire lui
ont été communiqués par le parquet. En cas de réexamen, si le Conseil
constitutionnel constate un dépassement du plafond des dépenses électorales, il
doit exiger le reversement au Trésor public du montant en cause ainsi que la
restitution, par le candidat, du remboursement forfaitaire.
Ce dispositif ne manque pas de soulever plusieurs difficultés. Je ne citerai
que les deux plus sérieuses.
Du point de vue constitutionnel, l'article 62 de la Constitution et la
jurisprudence du Conseil constitutionnel semblent exclure toute possibilité de
révision des décisions rendues par celui-ci, à l'exception, bien sûr, de la
procédure de révision pour correction d'erreur matérielle.
Par ailleurs, le dispositif retenu ne prévoit la transmission des faits
nouveaux au Conseil constitutionnel que dans le cas d'une procédure judiciaire.
Le parquet étant seul juge de l'opportunité des poursuites, ce dispositif
risque d'entraîner une inégalité de traitement entre les candidats.
Pour ces raisons, le Gouvernement s'en remet, là encore, à la sagesse du
Parlement... n'ignorant pas le vote que vous allez maintenant émettre.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Et celui que l'Assemblée nationale a émis, puisque vous avez,
pour la troisième fois, parlé de la sagesse du « Parlement » !
M. Michel Charasse.
C'est un grand ministre !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
bis
est supprimé.
Article 4