SEANCE DU 9 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Article 9. - I. -
Supprimé.
»
« II. - Il est inséré, après l'article L. 443-3 du code du travail, un article
L. 443-3-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 443-3-1
. - Sont considérées comme entreprises solidaires, au
sens de la loi n° du sur l'épargne salariale, les entreprises dont les
titres de capital, s'ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un
marché réglementé et qui :
«
a)
Ou bien emploient des salariés dont un tiers au moins a été
recruté dans le cadre des contrats de travail visés à l'article L. 322-4-20 ou
parmi des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 322-4-2 ou
pouvant invoquer une décision les classant, en application de l'article L.
323-11, dans la catégorie correspondant aux handicaps graves ou les déclarant
relever soit d'un atelier protégé, soit d'un centre d'aide par le travail ;
dans le cas d'une entreprise individuelle, les conditions précitées
s'appliquent à la personne de l'entrepreneur individuel ;
«
b)
Ou bien sont constituées sous forme d'associations, de
coopératives, de mutuelles, d'institutions de prévoyance ou de sociétés dont
les dirigeants sont élus directement ou indirectement par les salariés, les
adhérents ou les sociétaires.
« Les entreprises solidaires répondant aux conditions fixées ci-dessus sont
agréées par décision conjointe du ministre chargé de l'économie et du ministre
chargé de l'économie solidaire.
« Sont assimilés à ces entreprises les organismes dont l'actif est composé
pour au moins 80 % de titres émis par des entreprises solidaires ou les
établissements de crédit dont 80 % de l'ensemble des prêts et des
investissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires. »
« III. - Après le dernier alinéa de l'article 20 de la loi n° 88-1201 du 23
décembre 1988 précitée, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux fonds
solidaires qui peuvent être souscrits dans le cadre du plan partenarial
d'épargne volontaire mentionné à l'article L. 443-1-2 du même code. L'actif de
ces fonds solidaires est composé :
«
a)
Pour une part comprise entre 5 et 10 %, de titres émis par des
entreprises solidaires agréées en application de l'article L. 443-3-1 du code
du travail ou par des organismes dont l'actif est composé en totalité de titres
émis par ces entreprises,
«
b)
Pour le surplus, de valeurs mobilières admises aux négociations
sur un marché réglementé et, à titre accessoire, de liquidités.
« Ces fonds ne peuvent, par ailleurs, détenir plus de 10 % de titres de
l'entreprise qui a mis en place le plan ou de sociétés qui lui sont liées au
sens de l'article L. 444-3 du code du travail. »
« IV. - 1. Il est ajouté, au 1 du II de l'article 237
bis
A du code
général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises qui versent, au titre du plan partenarial d'épargne
salariale volontaire créé à l'article L. 443-1-2 du code du travail et dans le
cadre des dispositions de l'article L. 443-7 du même code, des sommes
complémentaires au montant versé par leurs salariés pour l'acquisition de parts
de fonds régis par les treizième à dernier alinéas de l'article 20 de la loi n°
88-1201 du 23 décembre 1988 précitée peuvent constituer, en franchise d'impôt,
une provision pour investissement égale à 35 % des versements complémentaires.
Les titres d'entreprises solidaires ou d'organismes acquis doivent être
conservés pendant deux ans au moins par le fonds. »
« 2. La perte de recettes résultant du 1 est compensée, à due concurrence, par
l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
« V. - Le dernier alinéa de l'article 25 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre
1988 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : "Ce seuil est porté à
25 % lorsque l'émetteur est une entreprise solidaire visée à l'article L.
443-3-1 du code du travail, et dont les fonds propres sont inférieurs à un
million de francs." »
Par amendement n° 80, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le II de cet article pour
l'article L. 443-3-1 à insérer dans le code du travail de supprimer les mots ",
au sens de la loi n° du sur l'épargne salariale,".
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
L'article 9 tend à consacrer législativement l'économie
solidaire. Dans le même temps, il circonscrit cette définition au présent
projet de loi. Il faut, à mon avis, supprimer cette étrangeté législative.
D'une part, on ne doit pas, au gré des lois, s'agissant d'une même notion,
l'économie solidaire, donner ici une définition, là une autre. D'autre part, si
le Gouvernement est sûr de cette définition de l'épargne solidaire, pourquoi la
limite-t-il ?
Même si, avec ce texte, nous sommes loin de Portalis, il faut bien avouer
qu'il y a là de quoi voiler les statues qui nous regardent !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Hascoët, le secrétaire d'Etat, que je salue cordialement,
pour donner l'avis du Gouvernement.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Je souhaite préciser la
philosophie de cet article.
Il s'agit essentiellement d'ouvrir un canal en direction de l'épargne
solidaire, car nous savons que, dans beaucoup de bassins d'emploi, il existe un
potentiel d'initiatives, de créations d'entreprises, mais que celles-ci ne
parviennent pas à trouver le chemin du financement. Or ce sont autant
d'opportunités de développement local d'activités et de services qui pourraient
utilement compléter la dynamique de création d'emplois et de services aux
territoires et aux habitants.
Nous avons donc recherché le moyen de permettre l'accès à un financement pour
ces acteurs qui ne voient pas s'ouvrir les portes des organismes bancaires
traditionnels, tout en fixant des règles de mise à disposition des fonds.
Dès lors, se posait le problème d'une définition des entreprises pouvant avoir
accès à ce financement, ces entreprises qui, au demeurant, ne recouvrent
évidemment pas l'ensemble des acteurs de l'économie solidaire.
Cependant, nous devions tenir compte de l'existence de grands acteurs
historiques du secteur de l'économie sociale et solidaire, qui considèrent
légitimement qu'ils sont de plain-pied dans le secteur solidaire : par
définition, les mutuelles ou les grandes coopératives sont fondées sur l'idée
de solidarité entre les sociétaires.
Mais il fallait limiter le champ. Cela a fait l'objet d'un débat à l'Assemblée
nationale. Il est clair que certains organismes, bien que relevant du champ de
l'économie sociale et solidaire, n'ont pas besoin d'accéder à ces financements.
Dès lors, la définition qui en est posée dans ce texte doit être comprise comme
limitée à l'objet que nous nous sommes fixé. Si se trouvait supprimé le
caractère limité de la définition, cela signifierait que sont inclus dans le
champ d'application du dispositif l'ensemble des acteurs de l'économie
solidaire, alors même que, objectivement, on le sait, certains d'entre eux
disposent d'une ossature et de moyens qui doivent les écarter du bénéfice d'un
accès privilégié au type de financement que nous voulons mettre en place.
Il y avait donc deux soucis à concilier. C'est pourquoi je souhaite le
maintien de cette disposition.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien compris votre souci
et vous avez bien compris le nôtre, apparemment : nous ne sommes absolument pas
opposés à l'économie solidaire. Simplement, si l'on vous suit, on risque
d'avoir autant de définitions de l'économie solidaire que de textes de loi !
Si le Gouvernement y avait attaché l'importance qu'il dit, cette économie
solidaire aurait mérité un texte spécifique qui en précisât les contours, et
non pas de figurer, un jour, dans le projet de loi relatif à l'épargne
salariale, le lendemain, dans le code de commerce et - pourquoi pas ? - le
surlendemain, ailleurs. Telle est la critique que nous formulons aujourd'hui à
l'encontre de ce dispositif.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 81, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose de compléter le troisième alinéa
(b)
du texte présenté par le II
de l'article 9 pour l'article L. 443-3-1 du code du travail par les mots : « à
condition que l'ensemble des sommes perçues de l'entreprise par l'un de
ceux-ci, à l'exception des remboursements de frais dûment justifiés, n'excède
pas, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, quarante-huit fois la
rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base du
salaire minimum de croissance ; pour les sociétés, les dirigeants s'entendent
au sens des personnes mentionnées au premier alinéa du 1° de l'article 885 O
bis
du code général des impôts ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Avec la définition issue de l'Assemblée nationale, les
grandes mutuelles et sociétés coopératives bénéficieront des avantages fiscaux
attribués à l'économie solidaire. S'agit-il de subventionner les petites
entreprises d'insertion, qui manquent de capitaux, ou bien les grandes
entreprises, les grands groupes du secteur mutualiste concurrentiel - bancaire,
assurantiel et de prévoyance - qui semblent avoir un accès plus aisé aux
ressources du marché ?
Le Gouvernement avait posé une limite à la rémunération des dirigeants. Il
paraît sain de revenir à cette solution. Certes, ce n'est pas la plus
satisfaisante, mais c'est certainement la plus sage.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Nous avons eu le souci de définir trois critères
possibles pour classer les acteurs économiques par rapport à la notion
d'entreprise solidaire : la nature du fonctionnement, donc la désignation des
dirigeants par un mode électif, le souci de l'insertion professionnelle des
personnes les plus en difficulté et l'encadrement de la grille salariale au
sein de l'entreprise.
C'est un débat que nous avons eu en première lecture, que nous avons ici et
que, j'espère, nous allons poursuivre.
Nous recherchons la cohérence et nous irons jusqu'au bout de cette
recherche.
D'une part, nous ne souhaitons pas que certains types d'acteurs aient accès à
ce genre de financement ; d'autre part, nous ne pouvons pas refuser de
reconnaître à ces mêmes acteurs qu'ils ont déjà accès de plain-pied à ce champ
de l'économie solidaire. Nous devons donc jouer sur les deux niveaux, d'où ma
position par rapport à l'amendement précédent.
S'agissant de l'amendement n° 81, nous sommes favorables au rétablissement du
texte initial du Gouvernement, d'autant que le débat, j'en suis convaincu, est
appelé à se poursuivre.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 82, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose, à la fin du deuxième alinéa (a) du texte présenté par le III de
l'article 9 pour compléter l'article 20 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre
1988, de supprimer les mots : « ou par des organismes dont l'actif est composé
en totalité des titres émis par ces entreprises, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Cet amendement vise à réparer une erreur de rédaction, la
définition des fonds solidaires revenant dans le texte à deux reprises. Cette
répétition est peut-être volontaire : ainsi, on est sûr que chacun comprendra !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement de
coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 83, M. Ostermann, au nom de la commission des finances,
propose, dans le texte présenté par le V de l'article 9 pour compléter le
dernier alinéa de l'article 25 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, de
remplacer le pourcentage : « 25 % » par le pourcentage : « 10 % ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Il s'agit de garantir que la responsabilité des détenteurs de
parts de FCPE ne pourra pas être mise en jeu en cas de défaillance de
l'entreprise. Détenir 25 % d'une société risque en effet de faire qualifier le
fonds de gestionnaire de fait.
Cet amendement vise à sécuriser les placements des salariés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement :
nous ne souhaitons pas revenir dans le droit commun.
Avec la notion de « gestion de fait », vous vous inscrivez dans la perspective
du risque - nous y reviendrons ultérieurement - qui n'est pas la nôtre.
Nous verrons à l'usage ; mais, sauf à envisager un engouement soudain et
massif pour l'économie solidaire, je ne crois pas que le flux financier qui
naîtra de cette disposition portera sur des sommes extraordinaires. Il restera
non pas marginal - dans le paysage économique, même un pourcentage minime, ce
n'est pas marginal - mais, en tout état de cause, trop limité pour
déséquilibrer le système de garantie.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne s'agit pas d'une
question polémique ou politique : on risque de mettre en cause la
responsabilité des salariés. Peut-être pourrions-nous trouver une solution de
moyen terme qui permette d'atteindre l'objectif que nous recherchons et de
garantir la sécurité du salarié.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 133, MM. Deneux, Franchis et Grignon proposent de compléter
in fine
l'article 9 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... - L'article 199
terdecies
O A du code général des impôts est
complété
in fine
par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - A compter de l'imposition des revenus 2000, la réduction d'impôt
prévue au premier alinéa du I pour les contribuables fiscalement domiciliés en
France s'applique en cas de souscription de parts ou actions de sociétés
d'investissement solidaires agréées par le ministre en charge de l'innovation
sociale et de l'économie sociale et solidaire lorsque sont remplies les
conditions définies aux
a
et
b
du 1, aux 2 et 3 du VI. »
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du
paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10