SEANCE DU 9 NOVEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Madame la garde des sceaux, il faudra bien que nous arrivions en France à ce
que les conditions matérielles de la garde à vue soient radicalement changées
et qu'on en finisse avec les banquettes dures et exiguës, la lumière
aveuglante, l'absence de nourriture, l'enlèvement des ceintures et des
lacets.
M. François Trucy.
Exactement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Aujourd'hui, ma question se limitera au port des menottes, que, depuis 1993,
la loi n'autorise que lorsqu'il y a soit danger pour autrui ou pour
l'intéressé, soit risque de fuite de la part de ce dernier. Or la pratique en
reste généralisée, y compris pour ceux qui bénéficient de la présomption
d'innocence, tel aujourd'hui le journaliste Arnaud Hamelin, les menottes lui
ayant été mises à chaque déplacement, très serrées, les mains dans le dos, tenu
en laisse.
Cette pratique médiévale est contraire aux droits de l'homme. Elle s'explique
à mon sens par deux circulaires, de 1993 et 1994, cette dernière non publiée
d'ailleurs, qui s'en remettent à l'escorte du soin d'apprécier s'il y a danger
ou risque de fuite, au lieu d'en laisser la responsabilité au procureur de la
République ou au juge d'instruction. Ne pensez-vous pas qu'il devrait en être
ainsi ? C'est ma première question.
La seconde question est liée à la première : quelles sanctions doivent être
prises à l'égard des auteurs, quels qu'ils soient, magistrats ou
fonctionnaires, d'abus aussi manifestes qu'habituels ?
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
Madame le garde des sceaux, avant de vous donner la parole, permettez-moi, au
nom du Sénat, de vous saluer dans vos nouvelles fonctions - ô combien éminentes
- et de vous adresser nos félicitations.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je vous remercie, monsieur le
président. Je suis heureuse, pour ma première venue au Sénat après ma
nomination à ces fonctions, d'avoir à répondre à une question d'actualité, en
particulier celle-ci, monsieur Dreyfus-Schmidt.
En citant la garde à vue subie par M. Hamelin, vous vous élevez avec
véhémence, mais avec justesse, contre l'utilisation abusive, à votre avis, que
les escortes feraient du port des menottes.
En tant que garde des sceaux, je ne peux pas, vous le savez, me prononcer sur
la régularité d'une garde à vue. C'est le juge d'instruction chargé de
l'enquête qui contrôle le déroulement de cette mesure, y compris dans ses
aspects matériels.
Je peux indiquer, en revanche, en réponse à votre argumentation générale, que
le code de procédure pénale fait du port des menottes une exception - vous
l'avez rappelé, et bien rappelé.
Cette règle étant posée, c'est aux fonctionnaires de l'escorte qu'il revient
d'apprécier la dangerosité de la personne et de décider si elle doit ou non
être menottée.
Ces fonctionnaires agissent dans le cadre de consignes précises. Mais ils
agissent sous le contrôle du juge d'instruction. La mission qui leur est
confiée est délicate, lourde de responsabilités dans beaucoup de cas - vous
partagez, je le sais, cette analyse. Il leur faut à tout instant évaluer un
risque, alors qu'ils disposent de peu d'informations sur la personne. Mais,
parfois, comme vous le dites, ils en disposent, évidemment.
Je suis consciente de cette difficulté et des enjeux qu'elle recouvre, en
termes en particulier de libertés individuelles, de dignité, de respect des
droits de l'homme. C'est pourquoi, dans le cadre des instructions générales que
je donnerai pour l'application de la loi sur la présomption d'innocence, je
rappellerai avec fermeté l'exigence posée par le code de procédure pénale,
répétant, monsieur le sénateur, avec l'accord de tous ici, que le port des
menottes doit être l'exception.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE. - M. Trucy applaudit également.)
MESURES CONTRE LE DÉVELOPPEMENT
DE L'ÉPIDÉMIE DE « VACHE FOLLE »