SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 11. - I. - Le 1° de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
« 1° Une fraction égale à 96,8 % du produit du droit de consommation visé à
l'article 575 du code général des impôts ; ».
« II. - A la troisième phrase du III de l'article 41 de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), les mots :
"fraction du produit du droit de consommation visé à l'article 575 du code
général des impôts, dans les conditions fixées par l'article 55 de la loi de
finances pour 2000" sont remplacés par les mots : "fraction égale à 0,39 % du
produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des
impôts".
« III. - Le septième alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité
sociale est ainsi rédigé :
« 1° Une fraction égale à 2,81 % du droit de consommation prévu à l'article
575 du code général des impôts ; ».
« IV. - Le 4° de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale est ainsi
rédigé :
« 4° Le produit des droits visés aux articles 402
bis,
438 et 520 A du
code général des impôts ainsi qu'une fraction égale à 55 % du produit du droit
de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts, à l'exception
du produit de ce droit perçu dans les départements de la Corse et du
prélèvement effectué au profit du budget annexe des prestations sociales
agricoles selon les dispositions de l'article 1615
bis
du même code ;
».
« IV
bis.
- Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 135-3 du code de
la sécurité sociale est supprimé.
« V. - Le 5° de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale est ainsi
rédigé :
« 5° La taxe sur les véhicules des sociétés visée à l'article 1010 du code
général des impôts ; ».
« VI. - A. -
Supprimé.
« B. - Après le 5° de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale, il
est inséré un 5°
bis
ainsi rédigé :
« 5°
bis
Une fraction de la taxe spéciale sur les conventions
d'assurances visée à l'article 991 du code général des impôts, dans les
conditions fixées par la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de
finances ; ».
« C. - Pour l'année 2001, la fraction visée au 5°
bis
de l'article L.
131-10 du code de la sécurité sociale est égale à 14,1 %.
« VII. - Les dispositions du I sont applicables pour la fraction affectée à la
Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés transférée au
fonds mentionné à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, en
application du même I, aux sommes à recevoir à compter du 1er janvier 2001.
« VIII. - Les dispositions du IV s'appliquent aux sommes reçues à compter du
1er janvier 2000.
« Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du
budget fixe la date et le montant du reversement par le Fonds de solidarité
vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale des
sommes perçues au cours de l'exercice 2000 au titre de l'article L. 131-10 du
même code. »
Sur l'article, la parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Avec cet article, on nous explique que, plus nous boirons, plus nous fumerons,
plus nous polluerons, plus cela coûtera cher à la sécurité sociale... mieux les
35 heures seront financées. Ben, voyons !
Lorsque l'on connaît l'impérieuse nécessité qu'il y aurait à mener une
politique de prévention intensive contre ces fléaux, dont la diminution ne
serait pas sans influence significative sur les dépenses de santé publique,
nous ne pouvons qu'insister sur l'erreur que constitue l'utilisation de ces
recettes pour des mesures qui n'ont aucun lien, même lointain, avec l'origine
du prélèvement.
Lorsque l'on sait que 50 000 Français meurent chaque année des ravages de
l'alcool et que six fois plus souffrent de pathologies liées à une consommation
excessive d'alcool, lorsque l'on constate que plus de 60 000 Français décèdent
à cause des méfaits du tabac et que ce chiffre est en hausse constante,
notamment au sein de la population féminine, on ne peut que déplorer les choix
du Gouvernement.
Lorsque l'on constate enfin que, par un jeu de taquet, une grande partie des
excédents de la branche famille permet de financer le FOREC, la coupe est
pleine.
Notre groupe ne pourra donc que s'opposer à ces manipulations comptables que
le Gouvernement devrait s'efforcer de combattre, parce qu'elles sont en
contradiction avec des principes qui, j'en suis sûr, font l'unanimité.
Mes chers collègues, la comptabilité n'exclut pas un minimum d'éthique. Ne la
réservons pas aux seuls comités
ad hoc.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je me suis déjà exprimé sur le FOREC, je me bornerai donc à poser deux
questions à Mme le secrétaire d'Etat.
Ma première question est la suivante : puisque le FOREC est un établissement
public, quel est actuellement l'ordonnateur de ses dépenses ? J'ai lu que
c'était l'ACOSS. Pourtant, en principe, qui dit établissement public dit
budget. Je voudrais donc savoir qui a la faculté d'exécuter ce budget.
Ma seconde question concerne l'évolution des recettes. Vous avez dit, madame
le secrétaire d'Etat, que des projections sur plusieurs années avaient été
établies s'agissant de la CADES. Je serais heureux de savoir si les projections
que vous n'avez pas manqué de faire sur l'évolution des recettes transférées
par l'Etat au FOREC nous assurent qu'il n'y aura plus jamais de subvention
d'équilibre versée par le budget. S'il y a subvention d'équilibre en provenance
du budget - et c'est prévu dans le texte qui crée le FOREC - votre appréciation
sur la garantie qu'apporte ce transfert de recettes au FOREC pour la couverture
du coût du passage aux trente-cinq heures perdrait toute pertinence.
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
MM. les rapporteurs et nombre de nos collègues ont insisté avec talent sur les
effets pervers de la méthode de parcellisation du financement de la protection
sociale et sur les phénomènes de débudgétisation.
Ils ont dénoncé en particulier les conditions de financement du FOREC,
c'est-à-dire les modalités du financement des incidences de la loi sur les
trente-cinq heures.
Parmi les moyens de financement du FOREC figurent les produits des droits de
circulation sur les vins, précédemment affectés au Fonds de solidarité
vieillesse. Les professionnels de la filière viti-vinicole rappellent à cette
occasion que les droits de circulation sur les vins avaient à l'origine
vocation à assurer le financement du contrôle de la qualité des produits,
notamment, en partie, celui de l'Institut national des appellations d'origine.
Ces droits ont ensuite été affectés au financement du Fonds de solidarité
vieillesse. Et les voilà maintenant transférés au financement de la réduction
du temps de travail.
La filière viti-vinicole s'insurge contre l'affectation de taxes prélevées sur
les vins, qui représentent environ 800 millions de francs, au financement de
mesures n'ayant aucun rapport avec ses produits.
Le Gouvernement semble ignorer l'extrême sensibilité des régions viticoles sur
un tel sujet à un moment où se révèle la nécessité de défendre la viticulture
française, et ce d'autant plus que ce transfert se met en place sans
concertation avec la population.
Les vignerons du nord de la Bourgogne, d'Irancy, de Saint-Bris-le-Vieux, de
Vézelay et de Chablis ne sauraient admettre ce qu'ils considèrent comme un
détournement d'affectation d'un financement nécessaire à la surveillance
économique de la filière, à la traçabilité et à la qualité des produits.
Les professionnels de la filière ont conscience qu'ils contribuent à la
réputation de la France à travers le monde et à l'excédent de notre balance
agroalimentaire. Ils souhaitent être écoutés par les pouvoirs publics.
Le rapport d'évaluation de M. Berger sur la loi Evin reconnaissait à la
filière son approche socialement responsable. Les acteurs de cette filière ont
en effet pour objectifs d'assurer une politique qualitative à travers une
fiscalité adaptée et de participer à une consommation responsable en
contribuant à l'éducation des consommateurs.
L'amendement présenté par M. César traduisait ces objectifs. Puisqu'il n'aura
plus d'objet si l'amendement de suppression de la commission des affaires
sociales est adopté, j'indique au Sénat que la filière viti-vinicole souhaite
l'ouverture d'un véritable débat sur les instruments d'une politique efficace
de santé publique.
Il serait intéressant de savoir comment le Gouvernement a l'intention de
répondre à l'attente de la viticulture.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
L'année dernière, l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale créait un nouveau fonds chargé du financement des dispositifs
d'allégement de cotisations sociales en organisant la diversifications des
ressources.
A l'époque, le rapporteur de notre commission des affaires sociales évoquait «
une synthèse monstrueuse de deux promesses électorales », la réforme des
cotisations et la réduction du temps de travail.
Bien entendu, monsieur le rapporteur, je ne vous suivrai pas sur ce terrain,
ni bien sûr dans vos exagérations de langage. Les sénateurs socialistes
revendiquent pleinement la corrélation entre l'un et l'autre.
L'exonération des charges patronales sur les bas et moyens salaires pour la
main-d'oeuvre peu qualifiée est une démarche que nous avons tous préconisée, à
droite comme à gauche. M. Alain Juppé lui-même y avait souscrit en plafonnant
ces exonérations à 1,3 SMIC. Chacun était bien conscient qu'il y avait là un
outil de lutte en faveur de l'emploi.
En l'occurrence, l'importante extension de la ristourne dégressive concerne
près de 70 % des salariés et permet la prise en charge de près de 86 % des
cotisations pour un salaire égal au SMIC.
Ces exonérations sur lesquelles vous êtes si vindicatifs, messieurs de la
majorité sénatoriale, ne constituent pas, selon nous, un chèque en blanc. Nous
avons en effet souhaité lier son application à la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail afin d'en optimiser l'impact sur la création
d'emplois, qui est la priorité du Gouvernement, et afin d'améliorer les
conditions de travail des salariés.
Il n'y a là rien de scandaleux, pas plus qu'il n'est scandaleux d'aider les
entreprises de main-d'oeuvre à appliquer les trente-cinq heures.
La diversification des ressources qui permettent de financer les exonérations
de cotisations se poursuit cette année. Elle donne lieu à des analyses parfois
caricaturales sur lesquelles je veux revenir brièvement. Nous en avons entendu
une kyrielle cet après-midi. Nous avons même atteint des sommets.
Certains dénoncent l'affectation d'une partie des droits sur l'alcool au
profit du FOREC ; d'autres, notamment M. Franchis, estiment qu'il est même
inadmissible que ces taxes financent les trente-cinq heures.
Je me dois, à cet égard, de rappeler avant tout que cette fraction des droits
sur l'alcool n'est pas un nouveau prélèvement, puisqu'elle était jusqu'ici
affectée au FSV pour le financement d'avantages vieillesse non contributifs,
notamment pour les périodes de chômage ou de service national.
J'ajoute que, de par sa nature, cette affectation demeure dans le champ du
financement de la protection sociale. En 1993, il s'agissait de remboursements
aux différents régimes de retraite. Aujourd'hui, il s'agit de la prise en
charge des exonérations de cotisations sociales, en particulier de celles qui
sont liées à l'ensemble des dispositifs de réduction du temps de travail, mais
aussi de celles qui s'appliquent aux zones de revitalisation rurale.
Ce fonds a le mérite de regrouper dans une seule entité juridique l'essentiel
des mécanismes d'exonération de cotisations, et nous nous prononçons sur son
financement dans ce cadre juridique adapté. Il s'agit de compensations pour des
exonérations. Si nous ne procédions pas à ces compensations, cela
déstabiliserait les comptes de la sécurité sociale, que les mesures initiées
par le Gouvernement de Lionel Jospin ainsi que la croissance ont contribué à
redresser.
M. le président.
Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 49 est déposé par M. Oudin, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à supprimer l'article 11.
Les deux amendements suivants sont présentés par MM. Fischer, Muzeau, Mme
Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 82 tend à rédiger comme suit le texte proposé par le I de
l'article 11 pour le 1° de l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale
:
« 1° Une contribution assise sur le montant net versé par les sociétés, les
entreprises et autres personnes morales, assujetties en France, à la
déclaration de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'article 206 du code
général des impôts, des revenus des capitaux mobiliers, des plus-values, gains
en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les
opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme
d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés
d'options négociables.
« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 223 A du code général
des impôts, la contribution est due par la société mère.
« Le taux de cette contribution sociale sur les revenus financiers des
entreprises est fixé à 10 %. La contribution sociale est contrôlée et recouvrée
selon les mêmes règles que les cotisations sociales. »
L'amendement n° 83 vise à supprimer le IV de l'article 11.
Par amendement n° 53 rectifié
bis
, MM. César, Huchon, Doublet,
Eckenspieller, Franchis, de Montesquiou, Gaillard, Darcos, Rispat, Fournier,
Hugot, Valade, Vinçon, Lepeltier, de Richemont, Vial, Dufaut, Haenel, Bernard,
Courtois, Ostermann et de Broissia proposent :
I. - Dans le texte présenté par le IV de l'article 11 pour le 4° de l'article
L. 131-10 du code de la sécurité sociale, de supprimer la référence : « , 438
»
II. - Afin de compenser les pertes de recettes du I ci-dessus, d'insérer,
après le IV, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la suppression de l'affectation au
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale des droits de circulation sur les vins sont compensées à due
concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. » Par amendement n° 84, MM.
Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste, républicain
et citoyen proposent de supprimer le IV
bis
de l'article 11.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce fonds est une « synthèse monstrueuse de deux promesses
électorales », ai-je failli répéter, madame Dieulegard. Il s'agit du moins d'un
rapprochement, peut-être monstrueux, de deux promesses électorales.
Quoi qu'il en soit, quand nous disons « usine à gaz » et « tuyauteries
compliquées », vous parlez plus élégamment de « diversification des ressources
». Au fond, nous sommes donc d'accord.
Je vous rappelle qu'il y a six taxes affectées au FOREC cette année, sans
compter les ponctions sur le Fonds de solidarité vieillesse et les 18 milliards
de francs de la sécurité sociale. C'est cela la « diversification des
ressources », selon vous. Pour nous, c'est de la « tuyauterie bien compliquée
», et nous débranchons quelques tuyaux pour éviter les courts-circuits entre la
loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances.
Avec l'article 11, il s'agit de réaffecter des recettes au profit du FOREC et
au détriment du Fonds de solidarité vieillesse et de la Caisse nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés. En effet, le FSV perd
l'intégralité des droits sur les alcools - M. Franchis vient de le rappeler -
et la CNAMTS une grande partie des droits sur le tabac, comme Mme le secrétaire
d'Etat l'a indiqué très opportunément tout à l'heure.
La commission des affaires sociales ne souhaite pas diminuer les recettes du
FSV de 5,7 milliards de francs à cinq ans du choc démographique sur les
retraites, M. Vasselle l'a clairement rappelé hier.
La commission des affaires sociales a toujours souhaité l'affectation des
droits sur le tabac à la CNAMTS. Je rappelle que, même lorsque des
gouvernements que nous soutenions étaient au pouvoir, nous avions déploré que
le centime supplémentaire par cigarette qui avait été instauré par la loi Evin,
me semble-t-il, n'ait jamais été versé à la CNAMTS. Nous avons toujours dénoncé
cette pratique, sous tous les gouvernements.
Comme, chaque année, 60 000 personnes meurent à cause du tabac, il est logique
que les droits sur le tabac soient affectés en quasi-totalité à la CNAMTS, et
non pas à la réduction du temps de travail. Voilà un objectif de santé publique
qui nous semble logique, compréhensible par l'opinion publique. En revanche, il
nous paraît très difficile d'expliquer à nos concitoyens que les droits sur les
tabacs doivent servir à financer les 35 heures.
Cette pratique remonte, certes, au gouvernement Juppé, mais vous êtes au
pouvoir depuis bientôt quatre ans...
Nous avons décidé de remonter jusqu'à 1997...
M. Guy Fischer.
Une bonne année pour nous !
M. Jean Delaneau,
président de la commission de affaires sociales.
Lisez le rapport Renaud
!
M. Charles Descours,
rapporteur.
... et non jusqu'au gouvernement de Bérégovoy. Restons-en là
!
Puisque vous êtes au pouvoir depuis quatre ans, ou vous n'exercez aucune
responsabilité ou vous n'avez rien fait ! Si vous avez agi, parlez de ce que
vous avez fait ! Mais cessez de vous référer sans arrêt au passé, d'autant que,
je le signale au passage, depuis 1981, la majorité plurielle a été plus souvent
au pouvoir que nous !
Nous proposons de supprimer l'article 11, parce que nous ne pouvons pas
approuver le transfert du produit de ces taxes au FOREC, à un établissement
public mal identifié. En tant que président du conseil de surveillance de
l'ACOSS, monsieur Fréville, je peux d'ailleurs vous dire que ce fonds figure
sur ligne spéciale, qu'il n'est pas géré en tant que tel.
Donc, la suppression de ces tuyauteries est nécessaire pour que le financement
de la sécurité sociale reste assis sur des bases saines. Je le répète, le
Gouvernement doit financer le FOREC par d'autres moyens que ces tuyauteries.
Et, madame Dieulangard, que l'on parle de « tuyauterie » ou de «
diversification des ressources, » sur le fond cela ne change rien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
49.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Le souci de la commission des finances, c'est à la
fois de bien comprendre le présent et de cerner au mieux l'avenir.
Tout à l'heure, nous avons eu un débat intéressant et un peu passionné sur la
CADES ; je vous ai dit alors que nous n'avions pas d'information sur les
prévisions de cette caisse. Nous voulons non pas seulement des assurances, mais
des chiffres. Je formulerai à cet égard la même demande que notre collègue
Fréville.
Non seulement la complexité des systèmes de financement du FOREC soulève notre
désapprobation, mais en outre nous n'avons aucune vision de l'avenir. Nous
voudrions savoir comment va évoluer le FOREC. Or les questions que nous avons
posées à ce sujet n'ont reçu aucune réponse. D'ailleurs, madame le secrétaire
d'Etat, vous n'avez pas répondu à 60 % des questions que vous ont posées la
commission des finances et la commission des affaires sociales. C'est le record
absolu de ces dernières années ! S'agissant de montants de cette importance -
18 milliards de francs - nous référant à l'article XV de la Déclaration des
droits de l'homme - aux termes duquel la société a le droit de demander compte
de l'utilisation des fonds publics - nous réclamons le droit de savoir de
quelle manière ils vont évoluer.
A défaut de ces informations, avec la commission des affaires sociales, nous
demandons la suppression de l'article.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre les amendements n°s 82, 83 et 84.
M. Guy Fischer.
L'affectation au FOREC de la totalité des droits perçus sur la consommation de
tabac est, à y regarder de plus près, une question parfaitement secondaire dans
le débat qui nous occupe.
La certaine habitude que j'ai des débats parlementaires me laisse à penser, de
prime abord, que nos collègues de la majorité sénatoriale sont quelque peu
dépités de voir disparaître du strict champ de la loi fiscale des droits dont
ils avaient pris l'habitude de se servir pour gager nombre de leurs
propositions.
Au-delà de cette première constatation s'impose à nous une question : à quoi
sert le FOREC, comme l'ensemble des autres fonds - je pense ici au fonds de
solidarité vieillesse - qui, de près ou de loin, ont à voir avec le financement
de la protection sociale.
Le grand défaut du FOREC est, selon la commission des affaires sociales, de
permettre un financement important et même exorbitant de la réduction négociée
du temps de travail.
Il serait sans doute quelque peu lassant de revenir en totalité sur le débat
qui a animé notre assemblée lors de l'examen des deux lois relatives à la
réduction négociée du temps de travail, débat auquel nous avons tous beaucoup
participé ; on peut néanmoins revenir sur quelques points essentiels.
Tout d'abord, la progression de la productivité apparente du travail nous
amène à penser que, d'une certaine manière, la réduction du temps de travail a
déjà largement été amortie dans les faits.
On soulignera notamment que la part des salaires dans la valeur ajoutée, un
temps accrue dans les années 1997 et 1998, connaît de nouveau une inflexion à
la baisse, ce qui la ramène à son niveau de la fin des années soixante ou du
début des années soixante-dix, alors même que les prélèvements sociaux imputés
aux salariés ont sensiblement augmenté.
C'est l'un des points que nous soulevons dans le débat que nous avons au sein
du Gouvernement. Le problème d'une politique salariale se pose car, du fait de
l'expérience positive des 35 heures, la modération et le gel des salaires, en
période de croissance, ne sont plus de mise.
Or, nombre d'entreprises ont assorti la mise en oeuvre des 35 heures de
clauses de modération, voire de stagnation des rémunérations qui leur ont
largement permis, avec le bonus de l'aide publique, de tirer leur épingle du
jeu quant au coût supposé de la réduction du temps de travail.
Nous sommes, bien loin de penser que les gains de productivité des entreprises
se sont effondrés avec la mise en oeuvre de cette réduction négociée, bien au
contraire, comme en témoigne l'exceptionnel rendement de l'impôt sur les
sociétés ces dernières années ! D'ailleurs, un certain nombre d'entreprises,
certes parmi les plus grandes, ont mis en oeuvre les 35 heures sans rien
demander à l'Etat, sans bénéficier de son aide.
S'agissant du FOREC, nous sommes donc confrontés à une proposition très simple
de la commission des affaires sociales : poursuivre l'illusoire inapplication
de la réduction négociée en refusant le principe des ressources affectées et
continuer, en revanche, dans la voie des allégements généraux de cotisations
sociales et l'application de la loi Robien.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Oui, et la loi de Robien coûte cher !
M. Guy Fischer.
La loi Juppé - la ristourne dégressive - coûte cher également.
Nous estimons, pour notre part, que cette orientation pose clairement une
question : quel est l'outil de financement le plus adapté pour le FOREC ?
Par nos amendements, nous proposons de substituer à l'affectation des droits
sur le tabac une mise à contribution des revenus financiers des entreprises,
plus légitime en ce sens qu'elle organise entre les entreprises elles-mêmes la
mutualisation du coût éventuel de la réduction négociée du temps de travail,
faisant contribuer les entreprises les plus capitalistiques, qui manient le
plus la spéculation financière au profit de celles qui créent des emplois et
réalisent des efforts dans le cadre de la mise en oeuvre de la réduction du
temps de travail.
M. le président.
La parole est à M. Franchis, pour présenter l'amendement n° 53 rectifié
bis
.
M. Serge Franchis.
Cet amendement avait pour objet de supprimer l'affectation au FOREC des droits
de circulation sur les vins. Mais il deviendra sans objet dans la mesure où les
amendements n°s 11 et 49 seront adoptés. Je le retire donc dès maintenant.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 53 rectifié
bis
est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 82, 83 et 84 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur ces trois
amendements, qui, je l'espère, vont devenir sans objet.
Mon cher collègue Fischer, si vous voulez des chiffres, vous les trouverez à
la page 75 de mon rapport. On joue donc cartes sur table. Je ne vous reproche
d'ailleurs pas de ne pas avoir lu la page 75 de mon rapport...
M. Guy Fischer.
Je l'ai lue !
M. Charles Descours,
rapporteur.
On y voit une ristourne dégressive pour 41 milliards de
francs, que l'on peut mettre au compte de l'ancienne majorité. Mais le problème
n'est pas ce qu'elle coûte, c'est le fait qu'on fasse peser la dépense sur le
FOREC et sur la sécurité sociale. Puis, on voit que le passage de 1,3 à 1,8
SMIC entraîne un coût de 10 milliards de francs. Les aides au titre des lois
Aubry I et Aubry II coûtent, quant à elles, 30 milliards de francs,
l'allégement de Robien, 3,5 milliards de francs.
Au total, on peut dire que nous sommes dos à dos puisque, sur les 85 milliards
de francs de dépenses, 44 milliards de francs sont dus à l'initiative des uns
et 41 milliards de francs à l'initiative des autres.
En fait, le problème réside dans la façon dont le coût de ces allégements est
financé, et nous ne sommes pas d'accord sur la diversification proposée.
Un allégement de cotisations sociales coûte toujours de l'argent. Décider d'un
allégement est donc une décision politique qui s'inscrit dans le budget de
l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 11, 49, 82, 83 et 84
?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je vais d'abord donner l'avis du Gouvernement sur les
amendements du groupe communiste républicain et citoyen.
Monsieur Fischer, une fois de plus, je vous répète que nous partageons votre
souci de favoriser le développement d'activités productives créant des emplois,
et nous comprenons votre inquiétude davant le poids pris par des opérations
financières.
Cependant, il paraît difficile de mettre en place un prélèvement assis sur les
seuls revenus financiers des entreprises. Nous avons déjà eu l'occasion de nous
expliquer. Il faudrait pouvoir, de fait, parmi les revenus financiers,
distinguer ceux qui proviennent d'opérations dont l'intention est spéculative.
Je ne vois pas comment y parvenir, cela ne paraît guère possible.
Par ailleurs, nous devons nous efforcer de rechercher les assiettes les plus
stables possibles pour financer la sécurité sociale. Les catégories de revenus
que vous évoquez sont particulièrement instables et ne pourraient donc pas, à
elles seules, constituer une assiette satisfaisante garantissant l'équilibre et
la pérennité des recettes.
Je vous rappelle que le Gouvernement a déjà augmenté les prélèvements sur les
revenus des capitaux au profit de la sécurité sociale, dès 1998. Il s'agit
d'une réforme importante allant dans le sens que vous souhaitez.
Par ailleurs, les mesures votées dans la dernière loi de financement de la
sécurité sociale ont permis, comme le disait Mme Dieulangard, de diversifier
les ressources, en créant deux prélèvements à la charge des entreprises : la
contribution sociale sur les bénéfices des entreprises, ainsi que la taxe
générale sur les activités polluantes, dont l'assiette sera élargie aux
consommations intermédiaires d'énergie dans le cadre du prochain collectif qui
vous sera bientôt soumis.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable à
vos amendements.
Vous avez posé une question sur le détail des dépenses du FOREC. M. Descours
ayant fait part des données qui relèvent de ses propres calculs, je vais vous
citer, pour ma part, les chiffres bruts.
La ristourne dégressive jusqu'à 1,3 SMIC, qui est la ristourne Juppé, pèsera
pour 27 milliards de francs dans les dépenses du FOREC en 2001, après avoir
pesé pour 31,3 milliards de francs en 2000.
L'aide incitative Aubry I coûtera 16,3 milliards de francs en 2001,
l'allégement Aubry II 37,1 milliards de francs. Les majorations d'allégement
coûteront 0,9 milliard de francs et l'aide de Robien, les exonérations de
cotisations d'allocations familiales 3,7 milliards de francs. Tout cela fait un
total de 85 milliards de francs de dépenses.
Tel est, en toute transparence, le chiffrage des dépenses du FOREC.
Je vais maintenant donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 11 et
49.
M. Descours a encore dit, à propos de son amendement, qu'il voulait «
débrancher les tuyaux » du FOREC.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous préférez la formule de Mme Dieulangard ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
J'ai bien compris : en débranchant les financements,
vous tuez la RTT ! Vous êtes logique avec vous-même !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est un cas
d'euthanasie !
(Sourires.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Vous comprendrez que nous ne vous suivions pas dans
cette logique.
M. Fréville a demandé qui perçoit les recettes et ordonne les dépenses
aujourd'hui, puisque le FOREC n'est pas encore créé - je vous l'ai dit, le
décret est actuellement devant le Conseil d'Etat. En attendant sa constitution,
c'est l'ACOSS qui encaisse sur compte de tiers les recettes qui lui sont
attribuées. Bien évidemment, dès qu'il sera institué, elle lui rendra ses
comptes.
M. le rapporteur pour avis m'a par ailleurs interrogée sur l'évolution des
dépenses et des recettes du FOREC. Personne, pas plus pour le FORECF que pour
la CNAM ou la CNAF, ne peut prétendre connaître parfaitement l'évolution des
recettes et des dépenses à moyen terme. C'est bien pourquoi il existe une
garantie, par l'Etat, d'équilibre du FOREC.
On affecte aujourd'hui des recettes fiscales pérennes pour financer les 35
heures ; cette affectation ne touche en rien la filière vitivinicole et ne
remet nullement en question l'éthique du financement de la protection sociale,
contrairement à ce que j'ai pu entendre.
Le Gouvernement ne peut évidemment que s'opposer à la suppression de l'article
11, qui prévoit de nouvelles recettes pour le FOREC.
Je vous rappelle que c'est le Parlement qui a décidé, l'année dernière, la
création d'un établissement public pour assurer le financement des allégements
de charges sur les bas et moyens salaires mis en place dans le cadre de la
réduction du temps de travail.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il n'existe pas encore
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le décret de création est au Conseil d'Etat, et c'est
l'ACOSS qui, pour le moment, agit au nom du FOREC !
Ce choix, en permettant d'isoler le coût du dispositif, répond à un objectif
de clarté et de transparence. Il en assure également les modalités de
financement puisque le fonds est contraint à une obligation d'équilibre entre
ses recettes et ses dépenses. C'est cette logique qui a conduit à la création
d'un établissement public administratif.
Une telle décision paraît plutôt saine, et je ne comprends pas votre volonté
de la remettre en cause aujourd'hui en proposant la suppression de l'article
11. Sauf à conclure que vous souhaitez seulement couper les « tuyaux »,
asphyxier le dispositif et tuer la RTT !
Vous contestez l'affectation de resssources fiscales nouvelles au FOREC, mais
c'est quand même le gouvernement Balladur qui, en 1993, avait affecté au FSV la
CSG et les droits sur les alcools. En quoi cette logique était-elle plus
évidente à l'époque qu'elle ne l'est aujourd'hui ? Et ce sont bien ces
versements qui permettent de prolonger la diversification des ressources
affectées à la sécurité sociale, au profit de recettes qui pèsent moins sur la
masse salariale.
Ajoutons que le financement d'exonérations de charges me semble mieux assuré
et pérennisé s'il est couvert par des recettes fiscales transférées plutôt que
par des concours budgétaires révisés chaque année.
Ces transferts financiers semblent aujourd'hui un peu complexes, je l'admets,
mais nous sommes dans un phase de transition. Ils sont, de fait, étroitement
liés à la montée en charge des 35 heures, qui n'est pas encore achevée. Mais la
volonté du Gouvernement est, par la précision des recettes du FOREC, d'assurer
la transparence.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le secrétaire d'Etat, vous venez de nous dire que le
FOREC, qui n'est pas encore constitué, avait une obligation d'équilibre.
Monsieur Fréville, je vais vous dire, moi, en quoi consiste l'obligation
d'équilibre du FOREC, qui est géré actuellement par l'ACOSS, dont je préside le
conseil de surveillance. Et si ce que je vais dire - cela figure, au demeurant,
à la page 37 du tome I de mon rapport - n'est pas vrai, que le Gouvernement
apporte un démenti !
A la fin du mois d'août, 32 milliards de francs de recettes avaient été
encaissés par le FOREC - du moins par la ligne « FOREC » puisque
l'établissement FOREC n'existe pas encore -, contre 42 milliards de francs
d'exonérations de charges correspondant aux « dépenses » du FOREC et « aux
pertes de recettes » des régimes sociaux. Le déséquilibre est ainsi d'une
dizaine de milliards de francs. Le FOREC n'étant pas constitué, l'ACOSS
supporte cette charge de trésorerie supplémentaire.
Puisque certains de nos collègues siégeant à gauche de cet hémicycle sont
toujours très attentifs à ne pas faire supporter aux organismes de sécurité
sociale des charges indues, je leur signale que l'ACOSS doit supporter, de
manière totalement indue, 10 milliards de francs de charges !
Cela prouve bien que le retard qui a été pris dans la création du FOREC, ce
temps qui a été perdu, a pesé sur la sécurité sociale.
Par ailleurs, je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, d'avoir précisé
que la ristourne Juppé coûtait moins cher que je ne l'avais dit. J'avais fait
confiance aux documents qui nous sont communiqués par le Gouvernement ! A
l'annexe F, je vois, pour l'année 2001 : « Equilibre financier du FOREC,
ristourne dégressive jusqu'à 1,3 SMIC : 41 milliards de francs ». Vous nous
avez dit que cela allait coûter beaucoup moins cher. Je ne sais pas si c'est
vous qui avez raison ou l'annexe F, mais finalement, monsieur Fischer, Juppé
coûte moins cher qu'Aubry !
(Sourires.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je vais employer un mot qui va vous fâcher, monsieur
le rapporteur, et je vous prie de m'en excuser, mais il s'agit là de «
finasseries » qui n'ont pas lieu d'être aujourd'hui.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Et 41 milliards de francs, vous appelez ça des
finasseries !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi de m'expliquer, monsieur Oudin !
Les chiffres que j'ai donnés étaient détaillés : ristourne dégressive jusqu'à
1,3 fois le SMIC ; aide incitative au titre de la loi Aubry I ; allégements au
titre de la loi Aubry II.
Or, dans le document qui vous a été communiqué, la ristourne dégressive
jusqu'à 1,3 fois le SMIC, la « ristourne Juppé », est évaluée pour les
entreprises encore à 39 heures - 27 milliards - et pour celles passées à 35
heures. C'est ce qui explique ce chiffre de 41 milliards de francs.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est le « plan Jubry » !
(Sourires.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, avant de faire de l'ironie,
essayez au moins d'écouter les arguments jusqu'au bout. Mon souci, en vous
donnant ces chiffres, était celui de la plus parfaite transparence.
J'en viens à votre remarque sur la ligne concernant le FOREC. Au mois d'août
dernier, il s'agissait d'une activité de six mois : 32 milliards de francs
encaissés, 42 milliards de francs décaissés au titre des allégements de
charges. La participation de l'Etat n'avait pas encore été versée puisque nous
ne sommes pas dans le même calendrier d'exécution.
Attendez la fin de l'année : la réunion du conseil de surveillance vous
permettra d'avoir l'expression complète des comptes, et vous verrez que
l'équilibre est atteint.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 11 et 49.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
J'ignore, madame le secrétaire d'Etat, si notre séance de ce soir est
retransmise par la chaîne parlementaire. Si c'est le cas, ceux des Françaises
et des Français qui suivent nos débats doivent avoir beaucoup de mal à
comprendre le dispositif financier imaginé pour le FOREC.
Vous avez dit, madame le secrétaire d'Etat, qu'en définitive le «
débranchement des tuyaux » que propose M. Descours n'aurait pour conséquence
que de tuer la réduction du temps de travail. Je m'inscris en faux ! En effet,
ce que nous contestons, ce n'est pas le financement de l'exonération des
charges sociales, ce sont les modalités de financement que vous avez retenues
et qui ne sont pas sans conséquences.
Vous faites totalement fi des dispositions législatives que le Parlement avait
adoptées avant que vous n'arriviez aux affaires et qui visaient à établir
l'étanchéité entre la branche famille, la branche vieillesse et la branche
maladie. Depuis que vous êtes au pouvoir, en effet, cette étanchéité n'existe
plus !
Vous avez décidé, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité
sociale, de supprimer une dépense qui était à la charge du fonds de solidarité
vieillesse, lequel avait été créé en 1993 - j'ai été le rapporteur de la loi
qui l'a créé - pour financer toutes les dépenses non contributives liées à la
branche vieillesse : minimum vieillesse, dépenses de solidarité, exonérations,
etc. Etaient également à la charge du fonds de solidarité vieillesse les
majorations pour enfant.
Or vous avez transféré cette dépense, qui avait sa place dans le FSV, à la
charge de la CNAF, c'est-à-dire la branche famille. Maintenant, vous supprimez
des recettes du FSV - une partie de la CSG et des droits sur les alcools - pour
financer le FOREC. Mais vous ne compensez pas au franc le franc ce que vous
transférez sur le FOREC puisque le FSV accusera, au titre de l'exercice 2001,
compte tenu des recettes nouvelles et des dépenses nouvelles, un déficit de
plus de 1,5 milliard de francs.
De surcroît, vous pompez l'excédent du FSV dans la mesure où vous ne compensez
pas 11 milliards de francs de recettes qui venaient l'alimenter. Vous plombez
donc l'avenir du fonds de réserve de la branche vieillesse puisque les
excédents du FSV devaient alimenter le fonds de réserve et que le fonds de
réserve doit permettre, à terme, de faire face au déficit qu'accusera
l'ensemble de la branche vieillesse.
Evidemment, avec le dispositif que vous avez mis en place, il n'y a pas de
répercussion majeure immédiate sur le fonds de solidarité vieillesse et il n'y
aura pas de répercussion sur la compensation de l'allégement des charges. Mais,
par ricochet, ce dispositif va entraîner des difficultés à la fois pour
l'alimentation du fonds de réserve et, à terme, pour l'équilibre de la branche
vieillesse.
Je tenais à verser ces éléments au débat, en sus des remarques qui ont été
faites par notre collègue Charles Descours, car il importe de saisir les
conséquences que ne manquerait pas d'avoir le texte s'il était définitivement
adopté tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale.
C'est à vous, madame le secrétaire d'Etat, qu'il appartient de trouver, dans
le budget de l'Etat, d'autres financements que ceux que vous avez imaginés, qui
consistent simplement à prendre des recettes qui alimentaient le FSV et dont
l'excédent devait alimenter le fonds de réserve.
C'est la raison pour laquelle je voterai les amendements qui nous sont
présentés par les deux commissions.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Ce débat est important.
Je voterai l'amendement tout simplement pour que soient respectés les droits
du Parlement. En effet, en tant que parlementaires, nous devons contrôler
l'utilisation des impôts.
Dans deux secteurs très différents, les collectivités locales et la sécurité
sociale, le budget de l'Etat est amené à financer des compensations de pertes
de recettes.
S'agissant des collectivités locales, je regrette la perte des recettes au
titre de la taxe professionnelle ou de la vignette, mais là n'est pas la
question. Ce que je constate, c'est que, lorsqu'il s'agit des collectivités
locales, nous pouvons au moins contrôler les compensations qui sont versées
parce qu'elles sont intégralement inscrites dans le budget de l'Etat, soit sous
forme de prélèvements, soit sous forme de dépenses. Autrement dit,
indépendamment de la question de savoir si ces compensations sont opportunes,
le Parlement exerce son contrôle.
C'est pourquoi je ne comprends pas que, quand il s'agit de la sécurité
sociale, alors qu'on nous demande de voter des taux d'impôts - car, en
définitive, c'est bien de cela qu'il est question -, ces impôts sortent du
budget de l'Etat pour passer sous le contrôle d'organismes quelconques, voire
d'organismes fantômes, comme le FOREC.
Il y a là, selon moi, concernant les droits du Parlement, un cas de
capitis
diminutio
.
C'est la raison pour laquelle je voterai de tout coeur les amendements des
deux commissions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11 et 49, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence l'article 11 est supprimé et les amendements n°s 82, 83 et 84
n'ont plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux.
Nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)