SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 3. - A. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - L'article 39 est complété par un 11 ainsi rédigé :
« 11. 1° Pour ouvrir droit à l'exonération prévue au 31° de l'article 81, les charges engagées par une entreprise à l'occasion de l'attribution ou de la mise à disposition gratuite à ses salariés de matériels informatiques neufs, de logiciels et de la fourniture gratuite de prestations de services liées directement à l'utilisation de ces biens, sont rapportées au résultat imposable des exercices au cours desquels intervient l'attribution en cause ou l'achèvement des prestations. Ces dispositions s'appliquent également lorsque les salariés bénéficient de l'attribution ou de la mise à disposition de ces mêmes biens ou de la fourniture de ces prestations de services pour un prix inférieur à leur coût de revient ;
« 2° Le dispositif prévu au 1° s'applique aux opérations effectuées dans le cadre d'un accord conclu, selon les modalités prévues aux articles L. 442-10 et L. 442-11 du code du travail, du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, sur option exercée dans le document formalisant l'accord. L'attribution, la mise à disposition ou la fourniture effective aux bénéficiaires des biens ou prestations de services doit s'effectuer dans les douze mois de la conclusion de l'accord précité. »
« II. - L'article 81 est complété par un 31° ainsi rédigé :
« 31° Les avantages résultant des opérations définies au 1° du 11 de l'article 39, dans la limite globale de 10 000 francs par salarié, appréciée sur l'ensemble de la période couverte par l'accord mentionné au 2° du même article. »
« B. - Les avantages mentionnés au 31° de l'article 81 du code général des impôts sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° I-61 rectifié est présenté par M. Pelchat et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° I-208 est déposé par MM. Adnot, Darniche, Donnay, Durand-Chastel, Foy, Seillier et Turk.
L'amendement n° I-252 rectifié est présenté par MM. Laffitte, Joly et Othily.
Tous trois tendent, dans la première phrase du premier alinéa (1°) du texte proposé par le A de l'article 3 pour le 11 de l'article 39 du code général des impôts, après les mots : « de matériels informatiques neufs », à insérer les mots : « ou de télécommunication mobile ».
Par amendement n° I-154 rectifié, MM. Joyandet, Trégouët, Blanc, de Broissia et Lanier, Mme Olin, MM. Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Ostermann, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Neuwirth, Darcos, Fournier, Vial, Leclerc et Schosteck proposent, dans la première phrase du premier alinéa (1°) du texte présenté par le I du A de l'article 3 pour le 11 de l'article 39 du code général des impôts, après les mots : « de logiciels », d'insérer les mots : « , de tout appareil donnant l'accès aux services de l'Internet ».
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-61 rectifié.
M. Jean Clouet. La disposition prévue par l'article 3 est destinée à favoriser l'équipement des salariés en matériel informatique, afin de développer les connexions Internet et l'utilisation des nouvelles technologies. Dans un plafond de 10 000 francs, l'attribution de tels matériels et logiciels serait exonérée de charges et d'impôt sur le revenu, mais elle serait réintégrée dans le résultat de l'entreprise et, donc, taxée, pour les sociétés, au taux de l'impôt sur les sociétés.
Les nouveaux matériels les plus à la pointe sont à la fois des outils de communication et des outils informatiques. Ainsi, un ordinateur portable peut servir de télécopieur. Désormais, les téléphones mobiles donnent accès à Internet, et les plus élaborés d'entre eux comportent, notamment, des fonctions logicielles de traitement de texte, de tableur.
C'est pourquoi il ne faut pas exclure une catégorie de produits, d'autant que la frontière entre ces matériels devient de moins en moins nette.
L'amendement proposé tend à prendre en compte ce phénomène de convergence sur certains matériels. Il ne représente aucun surcoût, puisqu'il ne s'agit pas de modifier la somme maximale allouée, qui reste de 10 000 francs.
M. le président. L'amendement n° I-208 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Othily, pour présenter l'amendement n° I-252 rectifié.
M. Georges Othily. Vous connaissez l'attachement de notre collègue M. Laffitte aux problèmes de l'informatique, et c'est bien volontiers que je défends l'amendement qu'il a proposé.
Comme vient de le dire M. Clouet, il s'agit de prendre en compte le phénomène de convergence sur certains matériels. Cet amendement ne représente pas un très grand surcoût puisqu'il ne tend pas à modifier la somme maximale allouée, qui ne dépasse pas 10 000 francs.
M. le président. La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-154 rectifié.
M. Bernard Murat. Cet amendement, qui s'inscrit dans la même logique que les amendements précédents, vise à prendre en compte tous les matériels donnant accès aux services de l'Internet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-61 rectifié, I-252 rectifié et I-154 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le sujet que nous abordons est important. Il a en effet beaucoup été question de la fracture numérique, que nombre d'entre nous ont évoquée ces derniers temps, et tel est bien l'objet du présent débat.
L'initiative qui figure à l'article 3, madame le secrétaire d'Etat, est assurément opportune, mais il convient de savoir quel est son champ d'action. L'amendement n° I-61 rectifié déposé sur l'initiative de M. Michel Pelchat et présenté par M. Jean Clouet, l'amendement n° I-208 de M. Philippe Adnot, l'amendement n° I-252 rectifié déposé sur l'initative de M. Pierre Laffitte et défendu par M. Georges Othily, et l'amendement n° I-154 rectifié déposé sur l'initiative de M. Alain Joyandet et présenté par M. Bernard Murat sont donc l'occasion de vous demander, madame le secrétaire d'Etat, ce que recouvre, dans l'esprit du Gouvernement, la notion d'équipements informatiques.
Il ne faudrait pas avoir, dans ce domaine, une vision trop restrictive, voire quelque peu rétrograde, compte tenu de l'évolution des techniques. Nous devons au contraire nous efforcer, les uns et les autres, de « demeurer dans la course ». Pour réduire la fracture numérique, il serait en effet absurde d'exclure du dispositif les systèmes de téléphonie « WAP », les ordinateurs de type « PAD » et les autres modes d'accès à Internet, d'autant que, les choses allant très vite, dans les deux années à venir ces systèmes vont considérablement être diffusés et leur prix de revient, comme leur prix d'achat, diminera. Ces moyens très concrets mis à la disposition d'un grand nombre de personnes permettront l'accès à l'ensemble des informations sur Internet.
Nos concitoyens n'ont pas besoin d'une incitation fiscale quelconque pour s'équiper en téléphones mobiles cellulaires maintenant classiques. Ils l'ont déjà fait et cette technique représente des parts de marché croissantes. A l'inverse, lorsqu'il s'agit de l'accès à Internet - et c'est bien le cas - nous avons à traiter d'équipements différents aujourd'hui plus onéreux. Il s'agit aussi d'inciter à aller dans le sens du progrès technique et de l'ouverture, sans cesse plus grande, de la société de l'information.
Mes chers collègues, de ce point de vue et pour livrer un avis de synthèse, je souhaite que les auteurs des différents amendements veuillent bien souscrire à la rédaction la plus complète, qui paraît à la commission être celle de l'amendement n° I-154 rectifié. Il n'y a pas, je crois, de différence dans les intentions des uns et des autres mais, si l'on veut bien équilibrer la mesure fiscale, c'est cette rédaction-là qui est la meilleure.
Je souhaite par conséquent que nos collègues auteurs des amendements n°s I-61 rectifié et I-252 rectifié veuillent bien se rallier à la rédaction de l'amendement n° I-154 rectifié, qui bénéficie d'un avis très favorable de la commission des finances, et donc retirer leur propre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comme le rapporteur général a bien voulu le souligner, l'incitation que sous-tend l'article 3 est à la fois opportune et équilibrée ; je ne suis pas sûre, pour autant, qu'il soit nécessaire d'en élargir le champ.
Le parc des téléphones mobiles - il l'a très bien rappelé - est suffisamment dynamique pour qu'on s'abstienne d'encourager son développement par un mécanisme d'incitation fiscale.
Il est certainement utile que j'apporte quelques précisions sur le champ informatique à proprement parler qui a été envisagé par le Gouvernement.
Il s'agit des matériels, c'est-à-dire les ordinateurs, leurs périphériques et tout ce qui est nécessaire au fonctionnement d'un ordinateur, à savoir les logiciels et les prestations de service qui y sont attachées, telles que la formation, la maintenance et, bien entendu, l'accès à internet. L'article 3 couvre, d'ores et déjà, cet accès, et le champ d'application prévu étant déjà large, il me semble que nous pourrions, à ce stade, nous en tenir à cette définition.
Cette proposition ne constitue - j'y insiste - que l'un des volets d'un plan d'ensemble décidé par le Gouvernement en juillet 2000 pour combler le fossé numérique. Chacun partage, je crois, le constat selon lequel le taux d'équipement en ordinateur dans notre pays est à la traîne par rapport à d'autres pays comparables. L'objectif du Gouvernement est donc de préparer l'avenir et de toucher tous les Français.
Il consacrera à la réduction du fossé numérique 3 milliards de francs, qui sont en partie destinés à permettre l'achèvement de l'équipement des écoles primaires en 2002 et la connexion à Internet de tous les collèges et de tous les lycées. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour développer la formation aux technologies de l'information, notamment en direction des demandeurs d'emploi, et, dans les espaces publics, les points d'accès à Internet, qui seront au nombre de 7 000 d'ici à 2003.
Pour toutes ces raisons, il me semble que l'article 3 pourrait être maintenu en l'état.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'avoue ne pas bien comprendre, madame la secrétaire d'Etat, et je crois que ces sujets sont trop techniques, trop complexes et trop sérieux pour en rester, en quelque sorte à un amour-propre d'auteur.
La question qui est posée par nos collègues concerne la notion d'ordinateur. S'agit-il d'un objet fixe, que l'on pose sur un bureau ou sur une table, ou d'un objet évolutif dont les frontières et les limites deviendront de plus en plus difficiles à tracer, que l'on emmène avec soi dans sa poche et qui se prête à des usages tout à fait polyvalents ?
En précisant qu'est concerné, en plus des logiciels, « tout appareil donnant l'accès aux services de l'Internet », nos collègues nous évitent - et vous évitent - d'avoir à modifier la loi bientôt. Car nous n'allons pas faire une loi en fonction d'une réalité technique figée, celle d'aujourd'hui ! Nous avons donc peine à comprendre pourquoi vous ne souscrivez pas à cet amendement n° I-154 rectifié, qui est tout à fait conforme à l'esprit du Gouvernement, tout en allant un peu plus loin dans le raisonnement puisqu'il s'agit de ne pas favoriser certaines catégories de matériels par rapport à d'autres, compte tenu du fait que nous ne savons pas ce qui sera proposé dans les mois ou les années à venir.
La distinction entre ordinateur, téléphonie et autres services est de moins en moins nette car tout devient polyvalent. En outre, de nouveaux services émergent, les outils du multimédia se multiplient. Mieux vaut, par conséquent, madame le secrétaire d'Etat, inscrire dans la loi une rédaction plus large, plus souple, pour en tenir compte tout en respectant, bien sûr, l'intention initiale, qui est de permettre au plus grand nombre de consommateurs de services d'Internet de bénéficier de toutes les modalités d'accès à ces services.
Madame le secrétaire d'Etat, je me permets, de façon tout à fait respectueuse, de vous demander de bien vouloir y réfléchir, et, peut-être, de réexaminer, après réflexion, la réponse que vous venez de nous faire s'agissant de l'amendement n° I-154 rectifié.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Par l'amendement n° I-154 rectifié, il s'agit d'intégrer au dispositif tout moyen de télécommunication donnant accès à Internet. Or, parmi ces moyens, il en exite de très variés : les téléphones portables, les agendas personnels - pas tous, mais certains !
Nous savons bien que la technologie évolue vite et il serait inopportun de vouloir anticiper sur des développements que l'on ne connaît pas encore.
Le Gouvernement a donc préféré mettre en place un dispositif expérimental en faisant porter la mesure sur les ordinateurs, fixes ou portables. Nous ferons le bilan de cette expérimentation à la fin de l'année 2002 puisque l'avantage fiscal qui est proposé concerne la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002. Il sera toujours temps, une fois ce dispositif mis en oeuvre et évalué, d'envisager les adaptations qui paraîtront nécessaires.
M. le président. Monsieur Clouet, l'amendement n° I-61 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Clouet. Je me rallie à l'amendement n° I-154 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-61 rectifié est retiré.
Monsieur Othily, l'amendement n° I-252 rectifié est-il maintenu ?
M. Georges Othily. Je le retire aussi, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-252 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-154 rectifié.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Ce n'est vraiment que du bout des doigts que je voterai l'amendement n° I-154 rectifié et l'article 3.
Je comprends très bien que l'on veuille simplifier le régime fiscal des avantages en nature, et c'est pourquoi, en définitive, je voterai cet amendement. Mais, au risque de paraître retardataire - encore que j'aime beaucoup l'informatique -, je crois qu'il est très dangereux de polluer le mécanisme de l'impôt sur le revenu, fût-ce à travers des avantages en nature, par des dispositifs incitatifs.
On favorise l'informatique parce qu'il y a quantité de bonnes raisons pour le faire ; on favorisera les déménagements parce qu'il y a d'excellentes raisons pour le faire... Au fond, on introduit à toute occasion par le biais de l'impôt sur le revenu un contrôle sur la liberté d'utilisation de ce même revenu.
Personnellement, je pense que, si nous devons mettre en place des mécanismes incitatifs, il vaudrait mieux le faire par le biais de la TVA, en prévoyant peut-être un taux réduit pour les activités à forte intensité de main-d'oeuvre ; en tout cas ne cherchons pas systématiquement à introduire dans notre système fiscal des mécanismes très incitatifs biaisant la libre utilisation du revenu.
M. Marcel Debarge. Nous sommes d'accord !
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je m'abstiendrai, parce que je partage l'analyse de notre collègue Yves Fréville, qui n'est toutefois pas allé jusqu'au bout de son raisonnement, puisqu'il votera quand même cet amendement.
Je comprends bien qu'un problème se pose et qu'il faille réduire la fracture numérique. Mais, par exemple, les téléviseurs permettront de plus en plus d'accéder à Internet ; va-t-on par conséquent encourager également l'achat des téléviseurs ? C'est sans fin ! Certes, il s'agit d'un mécanisme expérimental et on verra ce que cela donnera, mais je crois que l'on ne peut pas subventionner tout ce qu'achètent les Français. Pourquoi ne pas subventionner les cadeaux de Noël, tant qu'on y est ? (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a un plafond !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-154 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4