SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° I-12, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 4
bis,
un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après l'article 885 O
bis
du code général des impôts, il est
inséré un article 885 O
bis
A ainsi rédigé :
«
Art. 885 O
bis
A
. - Sont également considérées comme des biens
professionnels au sens de l'article 885 O
bis
les parts ou actions
détenues par des associés réunissant collectivement au moins 25 % des droits
financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils
sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou, à défaut, sur au
moins 34 %, à condition que les associés soient liés par un engagement
collectif de conservation des titres pendant une période de cinq ans au moins
et qu'ils participent au contrôle de l'entreprise et à la définition de sa
stratégie.
« En cas de démembrement de propriété, l'engagement de conservation est signé
conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. En cas de réunion de
l'usufruit à la nue-propriété, le terme de l'engagement de conservation des
titres dont la pleine propriété est reconstituée demeure identique à celui
souscrit conjointement.
« L'engagement collectif de conservation est notifié à la société émettrice
des titres, en précisant le nombre de titres visés. Ce document est délivré à
tout associé qui en fait la demande. Il est communiqué à l'administration
fiscale.
« L'associé qui rompt l'engagement de conservation souscrit des déclarations
rectificatives de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des trois
années précédentes et acquitte, dans le mois suivant la rupture de
l'engagement, le supplément d'impôt en résultant augmenté de l'intérêt de
retard prévu à l'article 1727 et de la majoration visée à l'article 1731.
« Dans le cas où le seuil fixé au premier alinéa n'est plus respecté au 31
décembre de l'année d'imposition, les associés ayant souscrit l'engagement de
conservation perdent le bénéfice de la présente disposition jusqu'à ce que le
seuil soit de nouveau franchi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont
compensées par la création, à due concurrence, d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux article 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 155 rectifié, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet,
Chaumont, Gaillard, Joyandet, Trégouët, Martin, Vasselle, Murat, Rispat,
Neuwirth, Darcos, Fournier, Ginésy, de Broissia, Vial, Leclerc, Schosteck,
Lanier et Mme Olin proposent d'insérer, après l'article 4
bis,
un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 885 O
bis
du code général des impôts est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Par dérogation aux 1° et 2° du présent article, sont également
considérés comme des biens professionnels, dans la limite d'un million de
francs, les parts ou actions de sociétés acquises dans le cadre d'une opération
de souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés,
créées depuis moins de cinq ans à la date de la souscription. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I.
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-12.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, nous retrouvons un sujet qui a
déjà été évoqué un certain nombre de fois dans le débat, aujourd'hui et en
d'autres occasions. Il s'agit des conditions dans lesquelles une participation
dans une entreprise peut être considérée comme bien professionnel au titre de
l'impôt de solidarité sur la fortune.
Comme vous le savez, le code général des impôts a déjà institué, au regard des
droits de mutation, un abattement spécifique de 50 % sur la valeur des titres
ou des biens d'une entreprise transmis par décès dans le cadre d'un pacte
d'actionnaire, régime dont les conditions d'ouverture nous ont semblé
exagérément étroites, peu réalistes, comme j'ai eu l'occasion de l'exposer à
l'article dont nous avons délibéré voilà un instant.
Toutefois, l'existence de pactes d'actionnaires - existence qui vient ainsi
d'être reconnue en ce qui concerne les conditions fiscales de transmission à
titre gratuit -, n'est pas prise en compte pour définir le caractère ou non de
biens professionnels au regard de l'assujettissement à l'ISF.
Or il semblerait logique, s'agissant de taxations ayant nature de droits
d'enregistrement, de se référer aux mêmes critères. On aurait une fiscalité
plus claire.
Nous préconisons donc de reconnaître le caractère de bien professionnel aux
parts ou actions de sociétés détenues par des associés détenant collectivement
au moins 25 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres
émis par une société cotée ou à défaut au moins 34 % s'il s'agit d'une société
non cotée.
Bien sûr, nous souhaitons que des conditions précises soient liées à
l'existence de ce pacte, la première de ces conditions étant un engagement
collectif de conservation des titres pendant une période de cinq ans au moins -
on retrouve la durée qui était évoquée tout à l'heure s'agissant de la
transmission à titre gratuit - la seconde condition étant que les droits de
vote ainsi regroupés soient exercés de manière à conforter la stratégie du chef
d'entreprise.
Sont visées par ce dispositif, par exemple, les participations au sein d'un
groupe familial qui sont nécessaires au maintien du contrôle d'une entreprise,
participations qui peuvent être importantes et qui peuvent conduire les
propriétaires à se dessaisir progressivement de leurs actifs pour être en
mesure de payer chaque année leur impôt de solidarité sur la fortune. Nous
retrouvons l'un des sujets évoqués tout à l'heure, mais cette fois-ci sous
l'angle de l'entreprise.
Je vous rappellerai, mes chers collègues, que l'ISF peut être profondément
déstabilisateur pour la structure de l'actionnariat de certaines entreprises
et, dès lors, facteur de discontinuité, voire facteur de recomposition, avec
les conséquences qui peuvent en découler et qui risquent d'être dommageables
pour le personnel et pour l'encadrement de ces entreprises.
En conséquence, je pense que, si par la fiscalité, on incitait les
actionnaires qui ont vocation à former autour du chef d'entreprise un groupe
amical, à conforter celui-ci dans sa stratégie, à demeurer plus fidèles à
l'entreprise qu'ils ne sont conduits à l'être de par le mécanisme de l'ISF, on
travaillerait utilement en faveur de l'indépendance de nombreuses entreprises
françaises.
Je terminerai en rappelant que bien des entreprises patrimoniales détenues par
des groupes familiaux, des groupes privés ont été, ces dernières années,
conduites à évoluer, ce qui a abouti, dans bien des circonstances, à une prise
de contrôle par des intérêts extérieurs, souvent d'ailleurs par des intérêts
étrangers, et n'a pas été sans conséquences sur l'emploi, sur la localisation
des investissements, etc.
La commission des finances fonde de grands espoirs sur cet amendement, qui
reprend d'ailleurs un dispositif figurant dans une proposition de loi que
j'avais déposée à titre individuel dès 1997 et visant à lier à l'existence d'un
pacte d'actionnaire l'attribution du caractère de bien professionnel aux parts
et actions détenus par les associés au regard de l'impôt sur le patrimoine.
Telle est la proposition qui vous est faite, mes chers collègues, proposition
quelque peu technique, mais dont vous percevez, j'en suis sûr, la finalité
économique : favoriser l'investissement et l'emploi au sein de nombreuses
entreprises, moyennes en particulier, dont les titres, du fait de leur
réussite, ont acquis une valeur substantielle.
M. le président.
La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-155 rectifié.
M. Bernard Murat.
Nous savons que les petites et moyennnes entreprises sont les meilleurs agents
de l'aménagement économique du territoire en même temps que les principales
créatrices d'emplois pérennes et qualifiants. Malheureusement, en France, de
moins en moins d'entreprises sont créées chaque année, et cela en dépit de la
croissance économique.
Il convient donc d'adopter des dispositifs plus incitatifs pour développer les
investissements dans les PME.
Depuis dix ans, le nombre total de créations d'entreprises en France ne cesse
de décroître : 266 000 en 2000 contre 310 000 en 1989. La situation française
est tout à fait préoccupante, car les exemples étrangers, en particulier si
l'on considère les Etats-Unis, montrent combien la créativité et l'innovation
sont au coeur du processus de croissance.
Parmi les obstacles à la création d'entreprise, il faut noter les difficultés
d'accès au financement. En effet, plus le projet est modeste, plus l'accès au
crédit bancaire est difficile. J'en veux pour preuve le fait que les créateurs
apportant moins de 25 000 francs de capital représentent 35 % de l'ensemble des
créateurs alors que seulement 8 % d'entre eux obtiennent un financement
bancaire.
Il faut casser cette logique et demander aux banques de vraiment jouer leur
rôle de soutien aux jeunes créateurs d'entreprises ainsi d'ailleurs qu'à tous
ceux qui cherchent à s'en sortir par eux-mêmes.
C'est donc pour favoriser le développement des investissements dans les PME
que cet amendement vise à assimiler à des biens professionnels les titres de
sociétés créées depuis moins de cinq ans et acquis dans une limite de 1 million
de francs par un investisseur, soit lors de la création de la société, soit à
l'occasion d'une augmentation de capital.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-12 et I-155 rectifié
?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Ces deux amendements tendent à exonérer d'impôt de
solidarité sur la fortune les parts ou actions de sociétés qui sont détenues
par des personnes liées entre elles par un engagement collectif de conservation
des titres d'une durée de cinq ans, à condition que l'engagement collectif
concerne au moins 25 % des droits financiers des droits de vote si la société
est cotée ou 34 % dans le cas inverse.
Cette proposition ne recueille pas l'assentiment du Gouvernement parce qu'elle
serait en contradiction avec l'ensemble du dispositif, adopté depuis 1997,
tendant à renforcer l'effort de solidarité des détenteurs des patrimoines les
plus importants. En effet, ce qui est visé au fond par les deux amendements, ce
sont des pactes que l'on pourrait qualifier d'« ouverts », dès lors que
n'importe quel détenteur d'actions pourrait intégrer les accords dont il est
question et ainsi bénéficier de cette mesure.
Il s'agit donc de pactes de conservation et non de vrais pactes d'actionnaires
qui seraient organisés autour d'une stratégie commune de direction de société.
Si vous me permettez cette expression, il s'agirait plus de pacte «
attrape-tout » que de pactes structurants.
Par ailleurs, cette mesure, dont le champ d'application serait extrêmement
large car aucune limite n'est prévue dans le temps, aboutirait en fait à la
remise en cause des critères objectifs de qualification des biens
professionnels et serait donc étrangère à la philosophie du dispositif, qui
n'exonère que les biens ou titres représentatifs d'un outil de travail.
Enfin, la non-application du dispositif proposé en matière d'ISF aux
entreprises individuelles et l'absence d'exercice de fonction dirigeante au
sein de l'entreprise par les associés me paraissent aggraver sérieusement le
caractère inconstitutionnel de cette mesure.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, je vous demande de ne pas
insister pour obtenir l'adoption de cet amendement, auquel le Gouvernement est
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-155 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission comprend bien la nature des
préoccupations exprimées par notre collègue Bernard Murat. Toutefois, elle
considère que cette proposition mérite d'être étudiée plus longuement que le
temps dont nous avons disposé ne nous a permis de le faire.
En effet, à la lecture du texte, le champ d'application de la disposition
proposée semble assez large, car seraient concernés tous les propriétaires de
titres de la société, qu'ils soient simples investisseurs ou qu'ils travaillent
dans l'entreprise.
Tel qu'il est rédigé, l'amendement conduirait à brouiller quelque peu la
notion de bien professionnel. Il faut effectivement que les titres possédés
aient un rapport avec l'activité exercée.
Enfin, le seuil de un million de francs paraît élevé pour certaines activités
et peu élevé pour d'autres. Un tel seuil ne peut manquer d'avoir quelques
effets pervers : il est difficile d'utiliser un seuil quantitatif pour décider
de l'application ou non de la notion de bien professionnel. Il faut donc
approfondir la réflexion, en veillant en particulier à donner tout son sens à
la notion d'actionnariat salarial.
Sous le bénéfice de ces observations, et tout en redisant à Bernard Murat que
le sens de son raisonnement convient tout à fait à la commission, je
souhaiterais que l'amendement puisse être retiré.
S'agissant de l'amendement n° I-12, madame le secrétaire d'Etat, je ne peux
pas souscrire à ce que vous avez dit concernant la constitutionnalité de notre
proposition, car nous prenons soin de préciser que les titres doivent être
détenus pendant cinq ans, ce qui constitue une obligation tout à fait sérieuse.
Détenir des titres d'une société cotée pendant cinq ans, compte tenu de toutes
les fluctuations qui peuvent intervenir, c'est prendre un engagement très long
; il est extrêmement difficile de raisonner au-delà d'un tel horizon.
L'engagement de détention pendant cinq ans traduit donc une volonté forte
d'implication auprès de la société concernée.
Enfin, le fait que les actionnaires liés au sein du pacte doivent exercer
leurs droits de vote de manière à participer au contrôle de l'entreprise et à
la définition de sa stratégie constitue un critère précis et concret. Il a
directement trait à l'activité de l'entreprise et permet de fonder
l'application du régime fiscal des biens professionnels. La liaison ainsi faite
entre la détention des actions et la détermination de la stratégie de
l'entreprise s'inscrit bien dans la définition des biens professionnels.
Madame le secrétaire d'Etat, au regret de vous déplaire, j'insiste et demande
à nouveau au Sénat de bien vouloir adopter notre amendement n° I-12.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-12.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je suis d'accord avec la proposition de M. le rapporteur général. Je
souhaiterais néanmoins qu'il la modifie pour tenir compte de l'existence de
l'actionnariat salarié, auquel il a d'ailleurs fait allusion.
Je me permets de rappeler que, dans le texte relatif à l'épargne salariale,
notre assemblée a voté une disposition tendant à faire bénéficier de la qualité
de biens professionnels les actions détenues, au titre de l'actionnariat
salarié, dans le cadre d'un plan d'épargne d'entreprise, lui-même géré par un
fonds commun de placement d'entreprise. Il s'agit de favoriser la création d'un
pôle solide permettant de maintenir la conservation de la majorité de
l'entreprise, notamment vis-à-vis d'investisseurs internationaux.
Peut-être, monsieur le rapporteur général, pourriez-vous rectifier votre
amendement afin que le dispositif proposé joue aussi pour les actions relevant
d'un plan d'épargne de l'actionnariat salarié et détenues collectivement dans
le cadre d'un plan d'épargne d'entreprise, la proportion des titres devant
alors être ramenée à un pourcentage de 10 %, par exemple.
Nous avons voulu montrer - et vous en avez été d'accord, monsieur le
rapporteur général - le rôle que peuvent jouer la participation et
l'actionnariat salarié dans le maintien du contrôle des entreprises françaises,
et je pense que, pour conforter la position que nous avons prise lors de
l'examen du texte sur l'épargne salariale, un geste pourrait être fait dans le
sens que je viens d'indiquer.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais m'efforcer de répondre à la question très
claire de Jean Chérioux.
Je lui fais d'abord remarquer que, s'ils sont actionnaires en direct, les
actionnaires salariés peuvent, avec le dispositifs que je propose, être membres
du pacte dans la limite de 25 % pour une société cotée et de 34 % pour une
société non cotée.
Si les actionnaires salariés détiennent leurs titres par l'intermédiaire d'une
indivision du type fonds commun de placement, le problème ne se pose évidemment
pas puisque le fonds commun de placement n'est pas concerné par la question de
savoir s'il s'agit ou non de biens professionnels : un fonds commun de
placement n'a pas à acquitter l'ISF !
Le fonds commun de placement détient des valeurs variées, et non pas seulement
des titres de l'entreprise considérée.
M. Jean Chérioux.
Ceux qui sont spécialisés, si, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour ceux qui sont spécialisés, mon cher collègue, il
faut que nous puissions élucider cette question. Je n'ai pas en mémoire, dans
l'instant, le régime fiscal qui leur est appliqué. Il reste que, dans l'esprit
de notre proposition, quel que soit le statut du détenteur de titres, il peut
adhérer au pacte et, dès lors, bénéficier de toutes ses conséquences.
Je ne peux pas, à ce stade, sauf à demander une suspension de séance d'une
certaine longueur, s'agissant d'un sujet relativement technique, vous donner
une réponse plus précise, monsieur Chérioux. Mais votre préoccupation sera
prise en compte et, le cas échéant, lors de l'examen d'un texte financier
ultérieur, nous la traduirons dans de nouvelles propositions.
M. Bernard Murat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Ayant entendu les explications du rapporteur général, je vais retirer
l'amendement n° I-155 rectifié.
Je rappelle néanmoins que nous avons pris des engagements très précis auprès
de la CGPME quant à la résolution de ce problème. Nous avons retenu un délai de
cinq ans et un montant global de un million de francs. Les mortalités peuvent
être discutées mais il faut absolument régler cette affaire.
M. le président.
L'amendement n° I-155 rectifié est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 4
bis
.
Par amendement n° I-274, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 4
bis,
un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après l'article 790 B du code général des impôts, sont insérés deux
articles ainsi rédigés :
«
Art. 790 C. -
Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit
entre vifs, à concurrence de la moitié de leur valeur, les parts ou les actions
d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale,
agricole ou libérale si les conditions suivantes sont réunies :
«
a)
Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire
l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux
ans qui a été pris par le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre
gratuit, avec d'autres associés ;
«
b)
L'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 25
% des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la
société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à
défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises.
« Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de
l'engagement collectif de conservation.
« L'engagement collectif de conservation est opposable à l'administration à
compter de la date de l'enregistrement de l'acte qui le constate.
« Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte
des titres détenus par une société possédant directement une participation dans
la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de
conservation visé au
a
et auquel elle a souscrit.
« La valeur des titres de cette société qui sont transmis par donation
bénéficie de l'exonération partielle à proportion de la valeur réelle de son
actif brut qui correspond à la participation ayant fait l'objet de l'engagement
collectif de conservation ;
«
c)
Chacun des donataires prend l'engagement dans l'acte de donation,
pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les
actions transmises pendant une durée de trois ans à compter de la date
d'expiration du délai visé au
a
.
« En cas de démembrement de propriété, l'engagement de conservation est signé
conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. En cas de réunion de
l'usufruit à la nue-propriété, le terme de l'engagement de conservation des
titres dont la pleine propriété est reconstituée demeure identique à celui
souscrit conjointement.
«
d)
L'un des associés mentionnés au
a
ou l'un des donataires
mentionnés au
c
exerce effectivement dans la société dont les parts ou
actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant les
cinq années qui suivent la date de la donation, son activité professionnelle
principale si celle-ci est une société de personnes visées aux articles 8 et 8
ter,
ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O
bis
lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein
droit ou sur option ;
«
e)
L'acte de donation doit être appuyé d'une attestation de la
société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de
conservation certifiant que les conditions prévues aux
a
et
b
ont
été remplies jusqu'au jour de la signature de l'acte.
« A compter de la donation et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif
de conservation visé au
a,
la société doit en outre adresser, dans les
trois mois qui suivent le 31 décembre de chaque année, une attestation
certifiant que les conditions prévues aux
a
et
b
sont remplies au
31 décembre de chaque année.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent
article, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux
sociétés. »
«
Art. 790 D. -
Sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit
entre vifs, à concurrence de la moitié de leur valeur, l'ensemble des biens
meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une
entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale,
artisanale, agricole ou libérale si les conditions suivantes sont réunies :
«
a)
L'entreprise individuelle mentionnée ci-dessus a été détenue
depuis plus de deux ans par le donateur lorsqu'elle a été acquise à titre
onéreux ;
«
b)
Chacun des donataires prend l'engagement dans l'acte de donation,
pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver l'ensemble des biens
affectés à l'exploitation de l'entreprise pendant une durée de trois ans à
compter de la date de la donation.
« En cas de démembrement de propriété, l'engagement de conservation est signé
conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. En cas de réunion de
l'usufruit à la nue-propriété, le terme de l'engagement de conservation de
l'ensemble des biens dont la pleine propriété est reconstituée demeure
identique à celui souscrit conjointement ;
«
c)
L'un des donataires mentionnés au
b
poursuit effectivement
pendant les cinq années qui suivent la date de la transmission à titre gratuit
entre vifs l'exploitation de l'entreprise individuelle. »
« II. - L'article 1840 G
nonies
du code général des impôts est ainsi
modifié :
« A. - Les mots : ", et
b
de l'article 789 B" sont remplacés par les
mots : "au
b
de l'article 789 B, au
c
de l'article 790 C et au
b
de l'article 790 D".
« B. - Après les mots : "le complément de droits de mutation par décès", sont
insérés les mots : "ou entre vifs, selon le cas".
« C. - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas en cas de
liquidation judiciaire de l'entreprise. »
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées par la création, à due concurrence, d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit, comme nous l'avons fait tout à l'heure
pour les transmissions par décès, de diminuer de 50 % les droits de mutation de
titres ou de biens d'une entreprise pour les donations.
C'est une façon d'inciter les détenteurs de patrimoine à aménager leur
succession en temps utile, souci constant de notre commission des finances.
Nous avons d'ailleurs pris dans le passé des initiatives significatives en ce
sens, notamment sous l'impulsion d'Alain Lambert.
Bref, il nous semble qu'au minimum les dispositions prises pour les
transmissions par décès doivent bénéficier aux donations entre vifs de titres
ou de biens d'une entreprise.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit en effet d'étendre le dispositif que nous
avons examiné il y a quelques instants aux donations d'entreprise.
Le Gouvernement ne peut être favorable à cette proposition dès lors que les
donations de titres ou de biens d'entreprise bénéficient d'ores et déjà
d'avantages fiscaux qui sont liés à la transmission anticipée des patrimoines,
notamment de réductions de droits de donation, lesquelles ont été uniformisées
et relevées par la loi de finances de 1999.
Ainsi, la réduction des droits applicables lorsque le donateur est âgé de
moins de soixante-cinq ans est désormais fixée à 50 %.
S'ajoutant à cette réduction et aux autres avantages liés à la transmission
anticipée des patrimoines, le dispositif proposé dans l'amendement n° I-274
conduirait à un taux effectif de taxation pour des successions en ligne directe
qui serait inférieur à 10 %. Il nous paraît impossible d'envisager un tel cumul
d'avantages, car il serait excessif et contraire à la logique redistributive
des droits de mutation.
Par ailleurs, la rédaction de cet amendement permettrait, de fait, d'étendre
l'exonération proposée à l'ISF puisque, compte tenu du silence du législateur,
les dispositifs relatifs aux droits de mutation à titre gratuit sont transposés
à l'ISF.
Enfin, la durée des engagements de conservation proposée dans cet amendement,
comme dans celui qui portait sur les transmissions d'entreprise après décès,
nous paraît trop brève.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur le rapporteur
général, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
raporteur général.
Je préciserai simplement à Mme le secrétaire d'Etat
que nous n'envisageons aucun cumul d'avantages. Je ne pense d'ailleurs pas que
notre rédaction y conduise. Notre souci est de ne pas voir les mutations entre
vifs moins bien traitées que les mutations par décès.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Sans vouloir me lancer dans une exégèse pour laquelle
M. le rapporteur général serait bien plus compétent que moi, il me semble que
la rédaction actuelle de l'amendement n'exclut pas le bénéfice des dispositifs
à caractère général qui s'appliquent en matière de transmission anticipée des
patrimoines.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-274.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
A notre sens, il n'y a aucune raison de créer un régime fiscal aussi favorable
pour les donations concernant les entreprises ou les professions libérales : 50
%, cela fait vraiment beaucoup. Cette disposition est d'ailleurs
discriminatoire et pourrait donc être déclarée anticonstitutionnelle.
En outre, le problème en matière de transmission d'entreprise vient plus des
dirigeants qui ont du mal à quitter leur fonction, à « passer la main », comme
l'on dit, et à se trouver un successeur, que de ceux qui se dépêcheraient de se
séparer de l'entreprise dont ils viennent d'hériter.
Enfin, l'amendement met l'accent sur le critère de durée minimale de
conservation des parts ou des actions de l'entreprise. La durée de deux ans
minimum me semble beaucoup trop courte pour présenter un véritable intérêt
économique et inciter à conserver des intérêts dans les entreprises.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, pour lever une partie des
scrupules de Mme le secrétaire d'Etat, je souhaite rectifier l'amendement et,
afin d'en finaliser la rédaction, je demande une brève suspension de séance.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le rapporteur
général.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures
vingt.)